JCGE'08 LYON, 16 et 17 décembre 2008 Les Décharges Partielles (DP) dans le diagnostic du Système d’Isolation de l’Avionique Flavien KOLIATENE LAPLACE Bât. 3R3 – Université Paul Sabatier 118 route de Narbonne, 31062 Toulouse Cedex Résumé : Les DP sont utilisées comme technique de diagnostic pour déceler d’éventuels défauts dans un appareil notamment au niveau du système d’isolation électrique [1]. L’évolution « de l’Avion Plus Electrique vers le tout électrique » et des systèmes électriques embarqués se traduira par l’augmentation du niveau de tension (de 115V AC 400Hz vers 230V AC à fréquence variable 400-800Hz et vers +/-270V ou 0-540 V DC). Compte tenu des contraintes imposées en environnement aéronautique (grandeurs liées à l’altitude), il est important d’évaluer l’impact des paramètres environnementaux sur la tension d’initiation des DP, afin de garantir la fiabilité et la disponibilité des systèmes. En effet, au-delà d’une certaine tension d’alimentation, aucun dispositif électrique ne peut se prévaloir d’être exempt de décharges électriques partielles (DP) ou d’effet de type « corona ». Nous avons donc mis en place un dispositif expérimental permettant d’évaluer l’impact de la variation : de température (de -65 à 175°C), de la pression (de 1 à 0.1at) et du taux d’humidité relative (de 10 à 98%) sur la tension d’initiation des décharges. ou en surface…). Les décharges électriques doivent être limitées voire évitées car elles dégradent le matériau isolant entraînant à terme un court-circuit. Dès lors, tout le problème consiste donc, d’une part à identifier les contraintes spécifiques aux systèmes de l’avionique et d’autre part à quantifier expérimentalement l’impact de ces contraintes sur l’occurrence des décharges afin d’apporter, dans le futur, soit des outils d’aide aux dimensionnements soit des critères de choix d’équipements via la préconisation des tests spécifiques, pour garantir la fiabilité de la fonction d’isolation. L’initiation d’une décharge électrique dans un gaz en champ uniforme est régie par la loi de Paschen, dans les conditions normales de pression et de température. L’environnement aéronautique, caractérisé par la variation des paramètres atmosphériques induit des écarts par rapport à cette loi. On se propose dans cet article de présenter le dispositif expérimental mis en place et les résultats de caractérisation de l’impact de l’environnement aéronautique (contraintes combinées) sur la tension d’initiation des décharges. II. ELEMENTS DE THEORIE I. INTRODUCTION Les inquiétudes, entretenues d’une part, par l’augmentation exponentielle de la consommation des énergies fossiles et d’autre part le souci de préserver l’environnement ont motivé les acteurs impliqués dans le domaine du transport à mettre en place des solutions alternatives. Une des solutions possibles consiste au développement des véhicules plus électriques voir hybrides. Cependant, la mise en place des systèmes plus électriques constitue un challenge. De nombreux défis doivent être relevés pour garantir la fiabilité des systèmes. Improprement appelées corona dans la littérature, les Décharges Partielles (DP) correspondent à des ruptures d’isolation localisées soit à la surface, soit dans le volume du Système d’isolation Electrique (SIE). L’évolution vers l’avion tout électrique est obtenue grâce aux progrès réalisés en électronique de puissance qui permettent la conversion de l’énergie électrique de manière très fiable et très performante [2]. La fiabilité des systèmes électriques dépend, entre autres, de la qualité des Systèmes d’Isolation Electrique (SIE). Les matériaux isolants qu’ils soient solides, liquides ou gazeux sont souvent les maillons faibles de la chaîne de puissance et aussi les sièges du phénomène de décharges électriques (dans des vacuoles interne, à l’interface isolant-conducteur Pour déterminer la tension d’initiation d’une décharge, une description simple des phénomènes physiques mis en jeu conduit à la loi de Paschen utilisée comme approximation théorique [3]. Cette loi décrit le mécanisme de rupture de Townsend [4], [5] dans les gaz en considérant la multiplication d’électrons produits par collisions dans le gap pour lequel le paramètre prépondérant est le produit pression-distance (pd), associée à la création d’électrons secondaires par bombardement ionique à la cathode et représentée par un coefficient γ. La tension de claquage se calcule alors au moyen de l’équation : ⎛ ⎞ ⎜ ⎟ A B * pd ⎜ ⎟ avec C = ln⎜ Vc = ⎟ C + ln( pd ) ⎜ ln⎛⎜1 + 1 ⎞⎟ ⎟ ⎜ ⎜ γ ⎟⎟ ⎠⎠ ⎝ ⎝ −1 −1 (1) Pour l’air, B = 365 .V .Torr .cm , A = 15 et C = 1.18 en prenant comme coefficient d’émission secondaire γ = 10-2. Avec p = pression (Torr), d = gap inter-électrodes (cm). Cette expression conduit à une tension de claquage minimale (FIG.1) dans l’air d’environ 320V à pression atmosphérique (760Torr) pour une distance de 8µm. Cette courbe dépend de la nature du gaz mais surtout des électrodes utilisées caractérisées par le paramètre γ La nature des électrodes détermine la valeur minimale de la tension de claquage [5] mais aussi les impuretés et l’état de surface qui affectent le coefficient γ. Nous observons que la valeur de ce minimum est sensible à la variation de γ. Ainsi, l’augmentation du coefficient d’émission secondaire induit une diminution du minimum. Environ 180 V pour γ = 10-1, soit 50% de moins que pour γ = 10-2. électrodes d. Avec ce banc d’essai, nous pouvons balayer des plages de température de -65 à 175°C, et l’humidité relative de 10 à 98% en fonction de la température. A l’aide de deux pompes (5 et 5‘) connectées en parallèle, des niveaux de pression jusqu'à 10-2mb (~7.10-2Torr) peuvent être obtenus à température ambiante. Afin de minimiser toute erreur due aux différentielles de température, le gap est fixé une fois que l’environnement est thermiquement stable. 10-2 5.10-2 10-1 Fig. 2. Circuit de mesures et dispositif expérimental Fig. 1. Courbes de Paschen calculées pour différentes valeurs de γ. Les courbes obtenues sont tracées dans les conditions normales de pression et de températures : T0= 20°C, P0= 760mmHg à 0°C (760Torr), Humidité absolue 11g/m3. Les contraintes de l’environnement aéronautique imposent une variation de ces paramètres liée à l’élévation de l’altitude et l’ambiance de fonctionnement notamment la température élevé à proximité des réacteurs. Dans la littérature, des expressions correctives sont établies pour prendre en compte des éventuels écarts à la condition de Paschen [5-7]. Ces corrections sont basées sur la variation de la densité δ de l’air déduite de la loi des gaz parfaits : δ= P 273 + T0 * P0 273 + T (2) avec P et T respectivement pression et température du milieu. La variation de δ résulte d’un changement soit dans la température soit dans la pression de l’air. Deux approches sont proposées [5], [7], mais dont la validité au voisinage du minimum de Paschen ne conduisent pas aux mêmes résultats. Nous nous sommes intéressés à la vérification expérimentale de ces hypothèses. Fig. 3. Schéma du dispositif expérimental et du circuit de mesures. IV. RESULTATS Nous présentons sur la figure 3, l’effet de la variation du produit pd dans les conditions normales afin de valider notre dispositif. III. PRESENTATION DU DISPOSITIF EXPERIMENTAL Le dispositif expérimental et le circuit de mesures sont présentés sur la figure 2. Il est constitué d’une chambre climatique (1) à l’intérieur de laquelle nous avons placé une enceinte basse pression (2) contenant des électrodes sphériques (3), dont l’une est fixée sur un axe solidaire à une vis micrométrique (4) permettant de régler la distance inter Fig. 4. Comparaison des points expérimentaux avec la courbe calculée de Paschen. Les figures 5 a) et b) montrent les résultats des effets de la variation de la température et du taux d’humidité sur la tension d’initiation des décharges. Pour d fixée à 1 mm, on observe que la tension d’initiation des décharges décroît avec l’augmentation de température (a) pour les deux valeurs de pression. De même, l’augmentation du taux d’humidité relative augmente la tension d’initiation des décharges (b). Calculs * CNTP (T=25°C) T=-50°C T=150°C 5000 4500 Breakdown voltage (Veff) 4000 3500 3000 P= 1at (760Torr) 2500 2000 1500 P=0,17at (129Torr) 1000 Fig. 6. Comparaison des résultats expérimentaux avec les prévisions de la littérature. 500 0 -50 0 50 100 150 Deux approches sont prises en compte pour la présentation de ces résultats. D’abord, en considérant la formulation [5] V( P ,T ) = δVc , où V(P,T) représente la tension de Paschen à Température (°C) a) T= 40°C 4000 Breakdown voltage (Veff) P = 760Torr (1at) 3500 3000 2500 2000 1500 P= 129 Torr (0,17at) 1000 0 20 40 60 80 100 Humidité relative (%) b) Fig. 5. Effets de variation de la température et du taux d’humidité relative sur la tension de rupture du gaz. Les figures 5 a) et b) montrent les résultats des effets de la variation de la température et du taux d’humidité sur la tension d’initiation des décharges. Pour un gap fixé à 1 mm, on observe que la tension d’initiation des décharges décroît avec l’augmentation de température (a) pour les deux valeurs de pression. L’effet de température s’explique par la cinétique des décharges [6]. De l’énergie est nécessaire pour amorcer une décharge. Cette énergie est la somme de l’énergie des ions en mouvement (∑1/2mv2) essentielle pour produire l’avalanche électronique ; principal paramètre du claquage du gaz. L’énergie d’agitation thermique (E=~kT) accroît avec l’augmentation de la température ce qui entraîne une amplification des processus collisionnels. L’impact de baisse de pression est quasiment similaire pour une différentielle de température ΔT~215 °C. De même, l’augmentation du taux d’humidité relative augmente la tension d’initiation des décharges (b). Par contre cette augmentation entraîne une densification des molécules dans le milieu, d’où la nécessité de fournir plus d’énergie pour exciter, dissocier ou ioniser les molécules. A faible pression, du fait de la raréfaction de la matière, les tensions d’initiation de la décharge varient très peu. La figure 6 montre la superposition des résultats expérimentaux avec le calcul des prévisions correctives de la littérature. P,T différentes des conditions normales. La courbe de Paschen est corrigée par un produit scalaire avec la densité de l’air. Ainsi les résultats montrent une translation parallèle vers le bas quand on augmente la température et inversement quand on la diminue. Dans cette hypothèse, les courbes en traits pleins présentent les résultats de calculs pour trois valeurs de températures -50°C, 25°C et 150°C, superposés avec les résultats expérimentaux pour les mêmes températures. Ceci est vérifié, pour des températures inférieures à la température ambiante. Par contre, pour des températures supérieures à la température ambiante, ce modèle n’affine pas au voisinage du minimum et la valeur minimale de la tension d’initiation de décharges est quasi identique pour différentes valeurs du produit pd. De ce fait, nous avons fitté les résultats, pour T=150°C avec l’hypothèse de Dunbar [8], ou l’expression de pression déduite de la loi des gaz parfait et donnée par : P = P0 ( T T0 ) est introduite dans la formule (1) de Vc, avec T en °K. Ce terme est déduit pour une densité de l’air égale à l’unité. Par conséquent, l’augmentation de la température entraîne une augmentation de pression, donc du produit pd. Les résultats du calcul concordent avec les points expérimentaux. Ces résultats déterminent le domaine de validité des prévisions correctives mentionnées dans la littérature au voisinage du minimum de Paschen. L’impact des paramètres atmosphériques pourrait être relié au libre parcours moyen [2]. Ce paramètre, caractéristique de la décharge évolue en fonction du nombre de molécules contenu dans le gaz. Il augmente avec l’augmentation de la température ou la baisse de la pression. Mesures des tensions d’initiation des Décharges Partielles sous contraintes environnementales La détection des Décharges Partielles consiste à déceler d’éventuels défauts du système d’isolation électrique afin d’évaluer sa durée de vie. Il est admis [9] que ce phénomène crée localement à la fois une érosion et une oxydation (du moins une combinaison des composés chimiques résultants du produit de décomposition des constituants du matériau). Une DP est caractérisée par le claquage du gaz environnant ou occlus dans le matériau isolant [10]. La prise en compte de l’environnement de fonctionnement du système, permet d’optimiser l’existence de ce phénomène. V(volt rm s ) 2500 2000 1500 1000 500 0 1 2 3 4 5 6 7 Fig. 7. Exemples de résultats de mesure de la tension seuil de DP dans un câble. La figure 7 montre les résultats de l’impact de variation des paramètres environnementaux sur la tension seuil d’apparition des DP. 1.cntp ; 2.T=25°C, P=100mb ; 3.T=175°C, P=100mb ; 4.T=175°C, P=1013mb ; 5.T=-65°C, P=100mb ; 6.T=-65°C, P=1013mb ; 7.cntp. L’évolution des mesures est similaire à ce que nous avons observé dans la première partie de cet article. L’interêt de cette étude permet de qualifier les équipements des systèmes électriques de l’avionique. V. CONCLUSION Dans ce papier, nous avons présenté les résultats des effets de la variation des paramètres caractéristiques de l’environnement sur la tension de claquage de l’air. En résumé, l’augmentation de la température ΔT~ 215°C entraîne une diminution de la tension de claquage d’environ 52%. L’effet de la baisse de la pression diminue avec l’augmentation de la température. A T = 40°C, l’augmentation du taux d’humidité relative, de 10 à 98%, augmente la tension de claquage d’environ 28%. Par contre à faible pression, du fait de raréfaction de la matière dans le milieu, l’effet de la variation du taux d’humidité devient négligeable. Les mesures effectées au cours de cette étude ont montré que, d’une manière générale, tous les équipements testés présentent des DP mais pour des niveaux de tensions seuils d'apparition qui sont très différents. Il semble que certains équipements ne seront jamais soumis aux DP dans le cadre de leur fonctionnement. Par contre dans le cadre du doublement de tension, combiné aux contraintes de l’environnement, d’autres équipements seront inévitablement exposés aux DP si des précautions ne sont pas prises. REFERENCES [1] [2] Partial Discharge Measurements, IEC 270 (1981). O. Langlois, E. Foch, X. Roboam, H. Piquet “De l’avion plus électrique à l’avion tout électrique : état de l’art et prospective sur le réseau de bord” Airbus France, Engineering Electrical Systems Department. Journées 2004 de la section électrotechnique du club EEA. [3] R. Papoular, “Phénomènes Electriques dans les gaz”. Dunod, Paris 1963. [4] Meek, J.M. and Craggs, J.D., ed. “Electrical Breakdown of Gases”. Chichester: John Wiley & Sons, Inc., 1978. [5] F.W Peek, “Phénomènes Diélectriques dans la technique des Hautes Tensions”. Traduction par R. Ackerman, Delagrave Editions, Paris, (1924) [6] B. Gordiets, C.M Ferreira, M. Capitelli, “Plasma Kinetics in atmospheric gases”, Springer (2000) [7] M. Aguet, M. Ianoz “ Haute Tension, Editions Dunod pp. 314-343 (1987) [8] W. Dunbar, “High Voltage Design Guide for Airborn Equipment”, Boeing Aerospace Company, Seattle AD A029268, (1976). [9] Th. Lebey “Les décharges partielles dans le diagnostique des systèmes électriques”. J3eA, Journal sur l’enseignement des sciences et technologie de l’information des systèmes”. Vol.4, Hors-serie 4,3 (2005) [10] Prefessor Dr. Ir F.H. Kreuger “Partial Discharge Detection in HighVoltage Equipemnt”, Butterworth, London, (1989).