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Synthèse)du)livre1)
L’INDICE(DE(PROGRÈS(VÉRITABLE(DU(QUÉBEC(
Quand(l’économie(dépasse(l’écologie
Harvey L. Mead
Introduction
Depuis la naissance, dans les années 1930, du système de comptabilité économique nationale,
l’indicateur phare des économistes est le produit intérieur brut (PIB). Conçu pour mesurer
l’ensemble de l’activité économique, le PIB n’offre cependant pas une image fidèle du bien-être des
populations. Malgré tout, 80 ans plus tard, les économistes continuent de s’activer dans les instituts
et les chaires afin de raffiner les mesures de la croissance du PIB, les chroniqueurs économiques
signalent quotidiennement toute hausse du PIB comme une bonne nouvelle et les gouvernants de
tout acabit suivent aveuglément ses tendances.
En 2009 pourtant, deux rapports de niveau international ont montré les limites du PIB
et l’importance de lui trouver une alternative2 : dans un monde en crise, nous ne pouvons plus
continuer à laisser de côté les impacts environnementaux et sociaux des activités économiques,
comme le PIB le fait. L’OCDE, la Commission européenne et d’autres acteurs clés à l’échelle
internationale ont même tenu trois réunions stratégiques entre 2004 et 2008 dans une initiative
voulant inciter les gouvernements d’aller « au-delà du PIB » dans leurs prises de décision3. Il
semblait alors y avoir consensus quant à l’importance de ne plus utiliser le PIB pour évaluer notre
progrès, mais il n’en fut rien. L’absence d’un indicateur alternatif associé à une méthodologie
jugée robuste et le manque de données sur une multitude d’aspects de ce bien-être qui constitue
l’objectif du développement des sociétés font que rien ne change, même chez les économistes et
les décideurs les plus préoccupés et motivés. Le travail présenté ici se fonde sur l’idée qu’il vaut
mieux d’avoir des chiffres imparfaits mais bien orientés que des chiffres précis qui ne le sont pas.
Un travail de Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice en 2005 avait déjà fait le tour des indi-
cateurs disponibles pour conclure que l’Indice de progrès véritable (IPV) constitue un indicateur
synthétique bien rodé et susceptible d’être mis en relation avec le PIB pour permettre d’aller
« au-delà » de ce dernier4. En effet, le calcul de l’IPV utilise pour sa propre composante de base
les « dépenses personnelles » (ou la « consommation ») du PIB. Cette composante représente,
dans la pensée économique actuelle, le bénéfice, pour les individus d’une société, de l’ensemble
1. L’ i nd ic e d e p r og r ès v é r it ab le d u Q u éb e c. Q u an d l ’ éc on om ie d é p as s e l ’ é co lo g ie , Harvey L. Mead avec la collaboration de Thomas
Marin, Éditions MultiMondes, 2011, 20 x 20,5 cm, 414 pages, reliure souple, ISBN imprimé : 978-2-89544-182-3 ; ISBN PDF :
978-2-89544-433-6.
2. Les travaux de la Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social fournissent un contexte
global pour nos propres travaux, cherchant à souligner l’importance d’un recours à d’autres indicateurs que le PIB pour évaluer
le développement. La Commission était présidée par Joseph Stiglitz, prix Nobel en économie, avec Amartya Sen, autre prix
Nobel en économie, comme conseiller, et Jean-Paul Fitoussi, professeur en économie à l’Institut d’Études Politiques de Paris
et président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, comme coordonnateur. Le rapport de la Commission
(www.stiglitz-sen-fitoussi.fr) a été soumis en septembre 2009 au Président de la France, qui l’avait commandé. Voir aussi, dans
une moindre mesure, le rapport soumis par Stiglitz aux Nations Unies (http://www.un.org/ga/president/63/ commission/
financial_commission.shtml).
L’Institut national de la statistique et d’études économiques (INSEE) travaille sur la mise en œuvre des recommandations de
la Commission. Voir http:// www.insee.fr/fr/publications-et-services/default. asp?page=dossiers_web/stiglitz/performance_eco.
htm#un, et en particulier, le dossier « Les préconisations du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi : quelques illustrations » de Marie
Clerc, Mathilde Gaini, Didier Blanchet, à http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/ ecofra10d.PDF.
3. Commission européenne, OCDE, Parlement européen, Club de Rome et WWF ont collaboré dans l’initiative Beyond GDP
(http://www.beyond-gdp.eu/.
4. Jean Gadrey, Les nouveaux indicateurs de richesse, avec Florence Jany-Catrice, La Découverte, 2005, réédition actualisée 2007.
Les fondements de cet indicateur, résultat des travaux des économistes écologiques, remontent au travail de Georgescu-Roegen
sur les limites imposées à l’activité humaine par les lois de la thermodynamique, dans les années 1970. Herman Daly et John
Cobb ont produit en 1989 un premier calcul d’un IPV, couvrant la période 1950-1988 pour les États-Unis : Daly, Herman E.
et John B. Cobb Jr., For the Common Good: Redirecting the Economy Toward Community, the Environment and a Sustainable
Future, Boston (Beacon Press), 1989. De nombreux autres calculs ont été faits depuis, mais aucune instance gouvernementale
n’a encore emboîté le pas pour instaurer un régime formel et officiel de comptabilité et de vérification permettant de « corriger »
le PIB pour la prise de décision.