Éditorial
Cellules souches et régénération
myocardique : mythe ou réalité ?
Jean-Sébastien Silvestre
INSERM U689 Hôpital Lariboisière 41 boulevard de la chapelle 75475 Paris cedex 10
Le concept selon lequel le cœur est
un organe différencié post-
mitotique a été récemment remis en
question par la découverte de cellules
souches cardiaques ou provenant de
la moelle osseuse présentant des po-
tentialités de différenciation en cardi-
omyocytes et en cellules vasculaires.
Il a pourtant longtemps été admis
que le cœur ne pouvait pas renouveler
ses cellules parenchymateuses et que
le nombre de myocytes présents à la
naissance déterminait le devenir de
cet organe. En accord avec ce para-
digme, le renouvellement des
myocytes est inexistant et les cellules
initialement formées pendant le
développement cardiaque au stade
embryonnaire ou fœtal sont respons-
ables de la préservation de la perfor-
mance myocardique dans le cœur je-
une, adulte et sénescent. Les cellules
endothéliales et les cellules muscu-
laires lisses des vaisseaux coronaires
sont principalement quiescentes et ne
sont remplacées que par une division
épisodique des cellules endothéliales
ou musculaires lisses résidentes dans
la paroi vasculaire. De même, les cel-
lules progénitrices circulantes ou
provenant de la moelle osseuse ne
sont pas capables de se transdifféren-
cier et donc d’acquérir un phénotype
cardiomyocytaire ou endothélial [1,
2]. Par nécessité, l’apoptose myo-
cytaire doit être occasionnelle car une
diminution minime du nombre de
cardiomyocytes engendrerait imman-
quablement une altération des perfor-
mances ventriculaires. Les cardio-
myocytes subissent alors une
hypertrophie cellulaire et ne peuvent
être remplacés par l’entrée dans le
cycle cellulaire de cellules souches
cardiaques ou par l’activation de
cellules progénitrices d’origine
médullaire. Ce modèle reflète une vi-
sion statique de l’homéostasie
cardiaque et de la pathologie. De
plus, ce paradigme impose de sévères
limitations au développement des
stratégies thérapeutiques basées sur
l’administration de cellules souches
pour le traitement des patients
coronariens. Pourtant, il n’existe au-
cune preuve définitive soulignant
l’incapacité du tissu cardiaque à rem-
placer ses myocytes. De plus, il paraît
surprenant que les cardiomyocytes
puissent se contracter 70 fois par
minute pendant 80 ans, c’est-à-dire
plusieurs billions de fois, et continuer
à être fonctionnels.
Le cœur pourrait donc être un or-
gane dynamique susceptible, grâce à
l’activation locale ou systémique de
cellules progénitrices, de générer des
cardiomyocytes. Ainsi, dans les dix
dernières années, des cardiomyocytes
en mitose ont été identifiés dans les
cardiomyopathies ischémiques chro-
niques ou aiguës [3, 4], les cardi-
omyopathies idiopathiques dilatées
[3] ou encore dans le cœur sénescent
[5]. Pourtant, ces travaux ont été forte-
ment remis en question, pour des as-
pects techniques comme l’utilisation
de la microscopie confocale associée
à la fluorescence ou artéfactuels
comme l’assimilation de ces myocytes
mitotiques à des fibroblastes intersti-
tiels. La controverse s’est encore ag-
gravée avec les études cherchant à
montrer que la régénération myo-
cardique provenait de l’activation de
cellules progénitrices dérivées de la
moelle osseuse. Les travaux établis-
sant la capacité des cellules progéni-
trices médullaires à migrer vers le tissu
cardiaque et à se différencier en cardi-
omyocytes ou cellules vasculaires
[6-9] ont été immédiatement remis en
question par les résultats négatifs de
certaines études ébranlant le concept
de la plasticité des cellules souches
adultes et de la formation de novo de
cardiomyocytes [10-13]. Là encore,
des arguments techniques sont
avancés pour souligner l’inter-
prétation erronée des images
d’histomorphologie et expliquer la
discordance entre toutes ces études.
Plus récemment, plusieurs labora-
toires ont mis en exergue la présence
de cellules progénitrices directement
dans le tissu cardiaque. Ces cellules
souches cardiaques sont multipo-
tentes in vitro et se différencient in
vivo en cardiomyocytes et cellules
vasculaires coronaires [14-18]. Même
si ces travaux ont été bien évidem-
ment rapidement remis en question
[19], la présence de cellules souches
résidant dans le tissu cardiaque
représente une avancée majeure dans
le domaine de la cardiologie d’un point
de vue biologique mais également
mt cardio 2007 ; 3 (2) : 83-4
doi: 10.1684/mtc.2007.0084
mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 83
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