Si la discographie de Vanessa se limite à quatre références, elle n

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APPROCHE DISCOGRAPHIQUE DE VANESSA ET DE L’ŒUVRE DE SAMUEL BARBER
Si la discographie de Vanessa se limite à quatre références, elle n’en est pas moins d’une
réelle qualité. Les deux premières gravures concernent l’œuvre originale en quatre actes, telle
qu’elle a été créée en 1958. Les deux dernières suivent la révision de 1964, en trois actes.
Dans la foulée de la Première et de son succès new-yorkais en janvier 1958, la firme RCA
Victor, un des deux principaux labels américains, a immédiatement entrepris d’en graver une
intégrale, fait rarissime dans les annales de l’art lyrique. Le directeur artistique en fut Richard Mohr
qui formait alors, avec Walter Legge pour la Columbia anglaise (future EMI) et John Culshaw pour
Decca, l’élite des producteurs d’enregistrements d’opéras. Ainsi, cette réalisation, étalée entre
février et avril 1958, bénéficia de soins extrêmes en matière de prise de son, avec un rendu
stéréophonique exceptionnel pour l’époque. Toute l’équipe de la récente création au MET était au
rendez-vous sous la baguette du grand Dimitri Mitropoulos. Le tandem féminin, constitué par
Eleanor Steber dans Vanessa et Rosalind Elias dans Erika, y est remarquable par ses qualités
vocales et son investissement. Le jeune Nicolaï Gedda ne démérite pas dans le rôle d’Anatol et
l’excellent Giorgio Tozzi est égal à lui-même dans le rôle du médecin. Cette réalisation a été
reportée en CD, au début des années 90, par le label d’origine. Le groupe RCA ayant été racheté par
Sony, cet enregistrement est désormais disponible sous cette étiquette et édité dans une série
économique, pour moins d’une quinzaine d’euros. À tous égards, un premier choix à recommander
sans réserve.
Comme nous l’avons dit, l’œuvre fut reprise au festival de Salzbourg, l’été suivant. Le label
autrichien Orfeo, attaché à la publication scrupuleuse de diffusions radiophoniques d’opéras et de
concerts donnés à Vienne et à Salzburg, a édité la retransmission de Vanessa par la radio
autrichienne du 16 août 1958. La distribution est strictement identique à l’édition précédente, à
l’exception du rôle secondaire de la vieille Baronne tenu ici par Ira Malaniuk en remplacement de
Regina Resnik. Stimulés par la présence du public, dans l’ancien Festspielhaus salzbourgeois, les
chanteurs semblent encore plus investis que dans l’édition précédente. Mitropulos est toujours à la
baguette mais, cette fois-ci, à la tête d’un Orchestre Philharmonique de Vienne excellent comme
toujours mais, face auquel, la formation du MET des années 50 ne démérite pas. Le son n’est que
monophonique, comme c’était encore l’usage dans les grandes radios européennes à l’époque. Il est
néanmoins d’une belle qualité et cette réédition est à marquer d’une pierre blanche, même si son
coût est deux fois plus élevé que l’édition RCA-Sony. Enfin, un détail à ne pas négliger : la dernière
plage du second CD reproduit une interview donnée, à cette occasion, par Samuel Barber, moitié en
anglais, moitié en allemand.
Au début des années 2000, sont apparues deux nouvelles éditions reproduisant la version
révisée en trois actes, par le compositeur. Le label Naxos, spécialisé dans les séries très
économiques, a sorti, en 2006, une intégrale de Vanessa enregistrée en Ukraine avec l’Orchestre
National Symphonique local. Cette réalisation est placée sous la direction du Gil Rose, jeune chef
américain qui a eu en charge l’opéra de Boston et qui dirige ici une troupe de jeunes chanteurs
anglophones très satisfaisants. Mais, à prix et à qualité technique comparables, l’édition RCA-Sony,
dirigée par Mitropoulos, reste préférable car plus authentique avec les artistes de la création.
Mentionnons pour terminer la réalisation du label britannique Chandos, effectuée à la suite
de concerts donnés par l’orchestre de la BBC en 2003. Le chef d’orchestre américain Léonard
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Slatkin, grand serviteur et défenseur de l’œuvre de Samuel Barber, en est le maître d’œuvre. Sous sa
direction, les incarnation des deux héroïnes, Christine Brewer, Vanessa, et surtout, Susan Graham,
Erika, sont excellentes. Sans égaler Gedda, William Burden est satisfaisant dans le rôle d’Anatol.
Enfin, il faut souligner l’extrême qualité de la prise de son, dans la grande tradition anglaise, avec
une double gravure sur le même support : à la piste CD traditionnelle, s’ajoute celle au format
SACD qui reproduit le son en haute définition, soit en stéréophonie, soit en multicanal, à condition
toutefois de disposer de l’appareil adéquat. Pour Pierre Brévignon, nous avons ici la version de
référence de l’œuvre. De notre point de vue, le premier enregistrement de Mitropoulos reste le
choix prioritaire.
Enfin, la découverte de Vanessa est peut-être l’occasion de mieux connaître l’ensemble de
l’œuvre de Samuel Barber. Les ressources de la discographie disponible nous y incitent. On peut,
ainsi, recommander un disque anthologique édité par le label américain Telarc, The Best of Barber,
comprenant un panel d’œuvres courtes, instrumentales et vocales caractéristiques du style du
compositeur. On y trouve notamment le fameux Adagio pour cordes. La plupart des extraits sont
interprétés par l’Orchestre d’Atlanta sous la direction de Yoël Levi1. L’éditeur Naxos a regroupé
dans un coffret de six CD l’ensemble de l’œuvre orchestrale fort bien interprétée par l’Orchestre
Royal d’Écosse sous la direction de Marin Alsop. Les trois grands Concertos pour violon,
violoncelle et piano sont regroupés dans une belle édition Sony avec des artistes aussi prestigieux
que les solistes Isaac Stern, Yo Yo Ma, John Browning, et les chefs Léonard Bernstein et Georges
Szell. Enfin, on peut retrouver la grande Leontyne Price, amie personnelle du compositeur, dans une
compilation d’œuvres vocales éditée par RCA et distribuée par Sony. Elle contient plusieurs
mélodies accompagnées par le musicien, lui-même au piano, ainsi que des œuvres pour voix et
orchestre, dirigées par Thomas Schippers : Knoxville, Summer of 1915 et deux airs extraits de
l’opéra maudit Antoine et Cléopâtre. Peut-être la plus belle introduction à Samuel Barber !
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Cet orchestre et leur chef ont donné un concert mémorable à l'Arsenal de Metz en octobre 1991.
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