Groupe Mondialisation : Synthèse de la conférence

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Groupe Mondialisation : Synthèse de la conférence animée par
Michel Pébereau, Président d’Honneur de BNP Paribas.
A l’occasion de sa conférence de rentrée, le Groupe Mondialisation eut l’honneur de recevoir Michel
Pébereau qui nous entretint pendant près d’1h30 sur sa vision de la mondialisation, dont il juge la
poursuite non seulement inévitable mais surtout indispensable à la croissance économique et au
progrès social.
Michel Pébereau développa trois thèmes clef lors de son intervention :
1.
La mondialisation, nouvelle répartition internationale du travail pour accélérer la
croissance, implique un nouveau niveau de régulation des activités économiques
La mondialisation est nécessaire parce qu’elle est utile et elle change fondamentalement le nombre de
participants à l’échange.
Les principes micro-économiques, établis de façon aussi scientifique que les lois de la physique,
posent que la production et l’échange sont le fondement de l’économie. Dès le 18ème siècle, Adam
Smith posa ainsi que « la maxime de tout chef de famille avisé est de ne pas essayer de faire chez soi
la chose qui lui coûtera moins à acheter qu’à faire. Ce qui est la sagesse dans la gestion familiale ne
peut être qu’exceptionnellement déraisonnable dans celle d’un grand royaume. » et David Ricardo
compléta l’analyse en établissant que « dès lors que l’on envisage l’échange avec plusieurs
partenaires, la théorie des avantages comparatifs permet de maximiser l’intérêt de chacun des
participants à l’échange et d’optimiser la production globale. » La pertinence de ces principes est
mise en évidence par l’expérience récente de la Russie et de la Chine, dont le développement s’est
accéléré suite à leur abandon d’un fonctionnement centralisé de l’économie. De même, si l’on se
réfère aux statistiques des Nations Unies, l’ouverture des frontières est le moyen le plus efficace de
sortir les pays de la pauvreté ou de l’extrême pauvreté, et s’avère même plus efficace que le
financement fourni par le biais des programmes d’aide au développement des pays développés.
Le développement de la production et de l’échange aujourd’hui à l’échelle de la planète implique de
s’adapter à une nouvelle répartition internationale du travail, en particulier de la production
industrielle, car elle implique désormais les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), euxmêmes suivis des nouveaux BRICS et des pays africains. Pour les pays avancés (Europe, Etats-Unis,
Canada, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande), la question importante à se poser concerne non pas la
concurrence avec les BRICS, mais la concurrence avec les autres pays avancés disposant d’avantages
comparatifs similaires. Ces avantages sont notamment : l’état de droit permettant de faire respecter le
droit de propriété et le droit des contrats, la démocratie et les libertés pour les entreprises et les
individus, un patrimoine social, culturel, immobilier et infrastructurel, l’esprit d’entreprise et les
savoir-faire, ainsi que des marchés intérieurs développés. L’enjeu de cette concurrence entre pays
avancés est la captation des nouveaux marchés liés à la création des classes moyennes dans les pays
émergents. Ainsi, en Asie Pacifique, les classes moyennes devraient croître de 500 millions de
personnes aujourd’hui à 1,7 milliard en 2020 et 3 milliards en 2030.
La mondialisation appelle également plusieurs niveaux de régulation, tout d’abord pour assurer les
échanges au niveau mondial : le FMI, l’OMC et la Banque Mondiale doivent être renforcés pour
s’adapter à un monde globalisé. Ensuite, pour répondre aux nouveaux besoins de coordination en
matière de politiques économiques et de lutte contre le grand banditisme, le terrorisme et l’exode fiscal
(le G7 et le G20 ont été créés grâce à l’impulsion française et en réponse, dans le cas du G7 au choc
pétrolier de 1976 et dans le cas du G20 à la crise financière de 2008) ainsi qu’en matière
d’environnement, d’énergie et de matières premières.
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En synthèse, la mondialisation est la conséquence de mouvements à l’œuvre qui sont irrésistibles progrès technique, nouvelles technologies de l’information, baisse du coût des transports,
démographie - et la vraie question n’est pas de résister mais bien de s’adapter aux mouvements de ces
forces tectoniques.
2.
La construction européenne est indispensable pour la défense de nos intérêts et de notre
civilisation et implique de nouvelles zones de souveraineté partagée
Dans un monde comptant 7 milliards d’habitants, un pays de 60 millions d’habitants dispose de peu de
poids pour exercer de l’influence et faire subsister une identité. L’Europe est le moyen par lequel les
Européens ont les moyens de défendre leurs intérêts sur le plan des institutions internationales et sur le
plan politique, face à la constitution de blocs qui ne sont pas neutres sur le plan de la religion ou de la
conception des droits de l’homme. L’Europe est également le moyen d’assurer la sécurité des
Européens dans un contexte où la pression démographique (passage de 7 à 10 milliards d’habitants à
horizon 2050) risque d’entraîner l’invasion culturelle, voire l’invasion pure et simple d’une zone jugée
riche et sous-peuplée par rapport à sa capacité de production agricole.
Cependant, l’Europe ne peut avancer qu’à la condition que nous parvenions à consolider la zone euro,
qui a été construite comme une zone monétaire non optimale. Une zone monétaire non optimale est
caractérisée par l’absence du complément de solidarité budgétaire à l’intérieur de la zone qui permette
d’assurer que les déséquilibres créés par l’existence d’une monnaie commune puissent être traités par
des transferts entre les pays membres. Ceci implique donc que les pays membres limitent leur recours
à la dette souveraine et s’engagent à maintenir des finances publiques saines en limitant le niveau de
déficit du budget de l’Etat (critères du Traité de Maastricht). Or la France et l’Allemagne, pays à
l’origine de ces critères, s’y sont eux-mêmes soustraits au début des années 90. S’en est suivi un
relâchement général par les différents pays de la zone euro des contraintes de déficit, qui a mené à la
crise des dettes souveraines au début de l’année 2010. Cette crise n’est pas achevée et rend la
consolidation de la zone euro problématique, même si elle est atteignable.
La survie de la zone euro passe aujourd’hui par la mise en œuvre d’une nouvelle phase de la
construction, qui permette de rassurer les investisseurs qui sont largement étrangers sur le fait que les
Etats emprunteurs honoreront leur dette. A titre d’illustration, 60% des 2 000 milliards € de dette
souveraine française sont détenus par des investisseurs étrangers. Cette construction passe par deux
étapes : dans un premier temps, le renforcement des règles budgétaires a permis d’éviter que la crise
ne devienne systémique. Citons l’adoption de la règle d’or, la mise en place d’une union économique
renforcée, de mécanismes de stabilité financière, la base d’une union bancaire ainsi que la
modification des mécanismes d’intervention de la BCE. Dans un second temps, la sortie de crise
suppose le passage à une Europe politique, ce qui implique de créer des capacités d’intervention pour
assurer la solidarité financière au sein de la zone euro. En contrepartie, les Etats qui interviendront en
soutien demanderont des zones de souveraineté partagée au sein de la zone euro ainsi qu’une instance
européenne jugée suffisamment démocratique afin d’être en mesure de donner des instructions aux
citoyens des Etats européens au même titre que les Etats nationaux. Ceci implique également de gérer,
à côté de l’Europe à 17, une Europe à 28 qui inclura les pays qui ne souhaitent pas s’associer aux
progrès politiques de la zone et gèrera la question des frontières de l’Union Européenne (Turquie et
Ukraine notamment).
3.
Les entreprises sont le fer de lance de l’adaptation des Européens à la mondialisation
Dans cet environnement, à la fois de développement de la mondialisation et de renforcement du socle
européen, les entreprises sont le fer de lance de l’adaptation à la mondialisation. Et ce, à deux titres :
tout d’abord, parce qu’elles font bénéficier de la mondialisation le pays où leur siège est implanté, ce
qui dépend de l’attractivité du territoire en question. Ensuite, parce que les entreprises sont des
laboratoires de la mondialisation sur le plan culturel et organisationnel.
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Les entreprises sont les seules créatrices de richesse : en associant capital et production, elles
valorisent les produits et les marchés, créent de l’innovation et exploitent les avantages comparatifs
des pays où elles exercent. Elles sont à la source du processus de nouvelle répartition du travail évoqué
précédemment. Dans ce processus, la compétitivité du territoire joue un rôle très important.
Malheureusement, aujourd’hui, le territoire français n’est pas compétitif face à ses principaux
concurrents industrialisés, à commencer par ses voisins européens. A titre d’illustration, le taux de
marge des entreprises, calculé par les comptables nationaux à partir de tout ce qui se produit sur le sol
français, ressort pour la France à 30% de 2001 à 2011, en baisse à 27,9% en 2012, ce qui est le taux le
plus bas depuis 1985. Sur la même période, le taux de marge des entreprises de la zone euro se situait
à 39% et est en hausse entre 2011 et 2012. Cet écart considérable ne peut qu’amener les entreprises
internationales à arbitrer la localisation de leurs investissements et de leurs emplois en faveur de leur
marché « domestique », c’est-à-dire l’Europe en priorité.
Il est donc nécessaire d’agir pour améliorer la compétitivité du territoire français en :
1- abaissant les dépenses publiques, qui s’élèvent à 56% du PIB contre 46% en Allemagne ;
2- réduisant les prélèvements obligatoires, qui représentent 45% du PIB en France contre 40% en
Allemagne ;
3- réduisant la réglementation, par exemple en matière de protection du consommateur.
Par ailleurs, les entreprises sont des laboratoires de la mondialisation sur le plan culturel et
organisationnel. Elles sont en première ligne de la concurrence internationale et sont amenées du fait
de la mondialisation à revoir leurs processus de production en les segmentant au plan international.
Elles sont également en première ligne du développement de communautés internationales : à la fois
communautés d’investisseurs, car le capital des entreprises du CAC 40 est aujourd’hui largement aux
mains d’investisseurs étrangers avec lesquels il est essentiel de nourrir un dialogue ; et communautés
de salariés, européennes puis internationales, qui font vivre ensemble des nationalités qui jusque-là
n’avaient pas à le faire et peuvent se sentir en situation de concurrence sur le plan de l’emploi. Les
entreprises gèrent l’avènement de ces communautés en créant des règles déontologiques mondiales,
des valeurs et des principes de management mondiaux. Pour conclure, soulignons que, dans le
domaine des grandes entreprises, la France a plutôt bien réussi et est supérieure à l’Allemagne par le
nombre d’entreprises classées parmi les 500 premières entreprises mondiales.
Cette intervention qui s’est tenue le 30 septembre 2013 fut suivie d’une séance très interactive de
questions réponses. Nous remercions chaleureusement le président Pébereau pour un débat de très
haute tenue et les participants pour leur contribution nourrie et active à la discussion.
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Nous vous donnons rendez-vous dès le samedi 25 janvier 2014 (15h) pour notre prochaine
conférence.
Sophie Gautié et Jacques Monnet
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