Les marches de la mort nazies, 1944-1945

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Les marches de la mort nazies, 1944-1945
Cet article a été publié avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah
Article traduit de l'anglais par Odile Demange
Introduction
Les chercheurs qui veulent comprendre les origines et l’évolution du génocide nazi se heurtent à de
nombreuses difficultés, surtout quand ils s’intéressent à ses dernières phases. Une grande
incertitude entoure en effet la période concentrée de violence meurtrière qui caractérisa la fin de la
guerre, pendant laquelle des centaines de milliers de prisonniers furent évacués de milliers de
camps de concentration et d’autres lieux de détention et de travail situés le long des voies de
retraite d’un Reich en pleine déliquescence. Selon les documents nazis, 714 000 détenus
dépérissaient dans les camps de concentration en janvier 1945. Cependant, ces chiffres ne tiennent
pas compte du nombre inconnu de détenus et de travailleurs forcés retenus dans d’autres
composantes du système de répression nazi, notamment dans des entreprises privées, ni du nombre
de prisonniers de guerre et d’autres individus détenus dans des camps extérieurs au système
concentrationnaire proprement dit. Les occupants de ce sinistre réseau étaient répartis entre
plusieurs centaines de camps, de toutes dimensions, couvrant le territoire de l’empire nazi du Rhin
aux berges de la Vistule, et des rives de la Baltique au Danube. Si l’on trouvait parmi eux des
représentants de presque toutes les nationalités européennes, ils partageaient cependant une
histoire commune, étant arrivés dans leurs camps respectifs dans un contexte de persécutions
raciales, politiques, religieuses ou sociales. Quatre mois plus tard, une fois le tumulte de la guerre
apaisé en Europe, et le Troisième Reich définitivement banni de la scène internationale, au moins
250 000 de ces prisonniers n’étaient plus de ce monde, et bien d’autres se trouvaient en si piteux
état qu’ils ne survivraient pas longtemps à leur libération. Cette dernière phase de la guerre fut donc
d’une brutalité particulièrement meurtrière, même selon les critères impitoyables du génocide nazi.
Dans les derniers mois du conflit, plus personne n’ignorait la réalité du génocide nazi. Néanmoins, sa
phase finale – entre l’été 1944 et la capitulation allemande en mai 1945 – ne rencontra pas
beaucoup d’échos dans la presse du monde libre. La presse hébraïque de Palestine ne lui accorda
pas grande attention, tandis que les journaux britanniques et américains ne se passionnaient guère,
eux non plus, pour les camps de concentration, et moins encore pour l’évacuation et l’assassinat de
prisonniers durant cette période. Les allusions des médias à l’évacuation de prisonniers détenus par
les Allemands dans des camps de l’Est concernaient presque exclusivement les prisonniers de
guerre alliés, dont le sort inspirait beaucoup plus de compassion que celui des détenus de l’univers
concentrationnaire1. Il fallut attendre le mois d’avril 1945 pour que se multiplient les récits sur ce
qui s’était passé dans les camps de concentration avant leur libération, grâce surtout à l’arrivée des
troupes américaines dans les camps et à la découverte des atrocités qui avaient précédé leur
évacuation. Les images d’amas de cadavres criblés de balles, incinérés et difformes, et celles des
squelettes vivants qui avaient survécu, s’imposèrent alors dans la presse américaine et aux regards
du public2. Ce flot d’informations, cependant, ne s’accompagna pas forcément d’une meilleure
connaissance de la période des marches de la mort. De fait, cette expression est totalement absente
des journaux. La révélation des horreurs, et notamment les récits de première main de prisonniers
libérés, permirent à l’opinion publique occidentale de se convaincre du caractère effroyable du
nazisme plus qu’elle ne contribua à une juste compréhension des paroxysmes ultimes du génocide
nazi au moment où la guerre approcha de son terme.
Les allusions aux derniers mois du conflit et aux évacuations lors des procès de Nuremberg ne firent
pas grand-chose non plus pour améliorer la prise de conscience générale de ce qui s’était passé à
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l’époque des marches de la mort ni de l’ampleur colossale des meurtres qui accompagnèrent
celles-ci. La question de l’évacuation des camps de concentration se posa essentiellement lors du
procès d’Ernst Kaltenbrunner, successeur d’Heydrich à la tête de l’Office central de la Sécurité du
Reich (Reichssicherheitshauptamt – RSHA). L’ensemble du débat porta cependant sur des points
relatifs à l’administration et au commandement, le tribunal cherchant à établir qui était responsable
des ordres et des décisions appliquées durant la période d’évacuation des camps, et qui avait
planifié l’assassinat des prisonniers de plusieurs camps à l’aide d’explosifs, de poison ou d’attaques
aériennes avant l’arrivée des forces de libération. En 1946, alors que les forces d’occupation alliées
engageaient une série de procédures judiciaires contre des criminels de guerre employés dans le
réseau des camps de concentration, on a eu tendance à traiter les marches de la mort comme une
période isolée du génocide nazi. Quand il a été question des évacuations, l’accusation s’est
essentiellement interrogée sur la responsabilité de l’apparition d’une situation de désordre total, qui
avait entraîné la mort de milliers de détenus des camps. Les accusés en rejetaient évidemment la
faute sur les échelons supérieurs de la hiérarchie, surtout quand un commandant de camp se
trouvait parmi eux.
La masse dérisoire d’études consacrées à la période des marches de la mort dans l’historiographie
du génocide nazi laisse perplexe au vu de l’abondance de témoignages de survivants et d’autres
documents d’archives à la disposition des chercheurs. Raul Hilberg ne consacre que quelques pages
aux évacuations, se concentrant sur celle d’Auschwitz qui commença à l’automne de 1944 et
s’acheva par le départ des Allemands du camp en janvier 1945 et la répartition des prisonniers
survivants entre plusieurs autres camps situés en territoire allemand. Le sous-chapitre qui retrace
cette histoire, intitulé « La liquidation des centres de mise à mort et la fin du processus de la
destruction3 » , est caractéristique de l’approche des assassinats commis pendant les derniers mois
de la guerre qui a dominé pendant des années. Quand les grands centres d’extermination de l’Est
furent évacués et détruits, l’appareil de meurtre qui avait caractérisé la Solution finale se trouva
éradiqué du même coup, mettant fin à cette méthode particulière de génocide. C’est pourquoi la
période meurtrière qui précéda immédiatement la libération obéissait à une logique différente de
celle des principes de base généraux du génocide nazi au point culminant de son activité. Leni Yahil
traite plus longuement de la période des marches de la mort, notant la remarquable augmentation
du nombre de détenus des camps pendant la dernière année de guerre en raison des nécessités de
l’économie de guerre, un phénomène qui entraîna une concentration massive d’individus
uniformément considérés comme des ennemis du Reich. Elle résume son exposé sur les marches de
la mort en imputant la brutalité singulière de cette période à l’effort ultime d’un régime déliquescent
pour régler ses comptes avec ses victimes et se venger de sa défaite imminente4. L’ouvrage que
Saul Friedländer a consacré aux années d’extermination ne contient que quelques pages sur les
derniers mois du génocide, relevant le chaos qui domina cette période et imputant le nombre
considérable de morts qui accompagna les évacuations au fait qu’à cette époque, personne n’était
plus véritablement responsable de ce qui se passait5. Gerald Reitlinger parvient à la même
conclusion dans son ouvrage révolutionnaire sur la destruction des juifs d’Europe6.
On pourrait avancer une explication de la tendance à subsumer la période des marches de la mort
dans le récit plus global de l’effondrement apocalyptique du Troisième Reich. Un grand nombre de
monographies sur l’histoire du génocide nazi font en effet du chaos ambiant le principal facteur
explicatif des événements des derniers mois. Les installations d’extermination avaient été mises
hors service, les administrations chargées du meurtre s’étaient délitées et les principaux
responsables de la police de sécurité, le SD, et des camps d’extermination n’étaient plus à leurs
postes. Pendant des années, on a donc continué à considérer les marches de la mort comme
emblématiques de l’ère crépusculaire du Troisième Reich qui s’enfonçait vers l’abîme ultime dans la
violence, les flammes et le sang.
D’autres explications avancées essentiellement par des chercheurs israéliens se sont efforcées
d’établir un lien entre cette ère de sauvagerie et les phases de la Solution finale antérieures à
19447. Au milieu des années 1990, cependant, Daniel Jonah Goldhagen a présenté l’analyse la plus
controversée des marches de la mort dans le contexte de la politique de la Solution finale. L’ouvrage
très discuté de Goldhagen consacre deux chapitres aux marches de la mort, qu’il considère comme
un élément dans l’éventail de techniques d’assassinat employées par les nazis pour appliquer la
Solution finale8. Selon Goldhagen, les marches de la mort avaient fait partie des techniques
habituelles des nazis pour exterminer les juifs dès les toutes premières phases de l’occupation de la
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Pologne, et avaient été pratiquées au cours de trois périodes bien précises.
Il se trouve que les chapitres de l’ouvrage de Goldhagen relatifs aux marches de la mort font partie
de ceux qui ont suscité les plus vifs débats. Son exposé sur plusieurs marches de la mort, et sur
l’une, notamment, qui mettait en scène des détenues juives du camp de Helmbrechts, met
fortement l’accent sur la férocité constante et sinistre de ceux qui escortaient les convois9. Il
résume ainsi ses conclusions sur la période de marches de la mort :
Ces gardiens allemands […] ces Allemands ordinaires, savaient tous qu’ils continuaient le
travail commencé (et déjà largement accompli) dans le système des camps et dans les
autres institutions vouées au meurtre : exterminer les juifs jusqu’au dernier10.
Les conclusions du tribunal allemand sur cette marche de la mort mettent en évidence la principale
faiblesse des affirmations de Goldhagen, à savoir que les dernières victimes du génocide nazi
n’étaient pas forcément identifiées comme juives par leurs assassins :
L’objectif de l’évacuation était ignoré [des prisonniers] ainsi que des membres du groupe
chargé de les garder, exception faite de l’accusé. Ce dernier ne considérait pas seulement les
prisonniers comme des ennemis de l’État, des saboteurs, des destructeurs du peuple
[allemand], des asociaux et des criminels, mais voyait en eux des créatures dont l’humanité
pouvait à peine être envisagée. En vertu de quoi, qu’une affaire concernât des juives ou des
non juives, des Polonais, des Tchèques, des Russes, des Hongrois, des Français, des
Hollandais ou des membres d’autres nations, c’était tout un pour lui11.
À cette époque, la population de détenus des camps était d’une grande diversité et d’une extrême
hétérogénéité, conséquence des circonstances particulières qui avaient prévalu pendant les
dernières années de guerre, durant lesquelles les juifs ne représentaient qu’un groupe important
parmi d’autres. Aussi est-il hasardeux de ne voir dans la période des marches de la mort que le
prolongement de l’infrastructure idéologique ayant conduit à la Solution finale. Mais il est tout aussi
périlleux de ne voir en elles que la prolongation du système des camps de concentration. Bien que
les victimes des évacuations et des marches de la mort aient été des détenus, la brutalité des
marches elles-mêmes dépassait les limites habituelles de la terreur pratiquée dans les camps où,
jusqu’à cette date, ces prisonniers avaient vécu. De fait, le sort des prisonniers évacués pendant les
marches de la mort – comment ils ont fait face à cette situation nouvelle et comment ils ont lutté
pour survivre – doit donner lieu à des récits distincts de ceux qui concernent leur internement dans
les camps.
Bien que les acteurs des marches de la mort aient été des prisonniers et des gardiens de camps de
concentration, le théâtre de la violence et du meurtre s’était déplacé, tout comme avaient changé la
nature et les objectifs de la tactique de terreur employée. Les marches de la mort doivent être
essentiellement conçues comme la phase terminale du génocide nazi et, partant, comme un
ensemble d’opérations menées contre différents groupes de victimes définies par les tueurs en
fonction de certaines caractéristiques, victimes qui ont été exterminées en différents lieux et à
différents moments. Cette perspective exige à son tour que l’on comprenne bien le processus de
prise de décision entourant les assassinats, ainsi que les motivations des coupables et les identités
collectives des victimes.
Les décisionnaires
Les premières études universitaires sur les camps de concentration remontent au milieu des années
1960. Elles s’intéressaient principalement à la question de la responsabilité d’Himmler et de ses
subordonnés dans l’élaboration du processus d’évacuation des camps et dans les meurtres qui l’ont
accompagné. Pour Martin Broszat, l’ordre d’Himmler de ne laisser aucun prisonnier tomber vivant
entre les mains de l’ennemi a été la cause majeure de l’évacuation désordonnée et meurtrière qui a
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scellé le sort de plusieurs centaines de milliers de détenus12.
Himmler a donné un premier ordre le 17 juin 1944 depuis le bureau de Richard Glücks, inspecteur
général des camps de concentration au WVHA (SS-Wirtschafts- und Verwaltungshauptamt, Office
Central SS pour l’économie et l’administration). Cet ordre prévoyait qu’en cas d’urgence, le HSSPF
(Höherer SS-und Polizeiführer, commandant supérieur de la SS et de la police de district) disposait
des pleins pouvoirs pour décider du sort des camps relevant de sa compétence, assumant ainsi la
responsabilité de la sécurité militaire du district13. Cet ordre fut donné au beau milieu des
débarquements en France et de l’offensive d’été massive de l’Armée rouge en direction des États
baltes et de la Pologne. Ces événements incitèrent Himmler à ordonner l’évacuation de plusieurs
camps situés dans les régions de Kovno et Riga. Les préparatifs d’évacuation de l’immense camp de
concentration de Majdanek à proximité de Lublin avaient commencé dès le mois de mars 194414.
Une fois qu’Himmler eut décidé quels fonctionnaires seraient chargés de son application, l’ordre prit
effet dans un cadre défini par les responsables présents sur le terrain, parmi lesquels le HSSPF, le
Gauleiter et son personnel, et le commandement des camps. Le pouvoir de décision fut ainsi délégué
à des acteurs locaux, chargés de choisir le moment opportun pour procéder aux évacuations et
d’affecter les ressources nécessaires aux camps relevant de leur autorité15.
Lors de son procès, Oswald Pohl, responsable des camps en tant que directeur du WVHA, affirma que
les consignes données au début de l’été 1944 concernant l’évacuation des camps et le transfert des
pouvoirs exécutifs aux HSSPF locaux répondaient à des motifs opérationnels et ne reflétaient aucune
évolution de la position officielle à l’égard des prisonniers. Comme il l’a fait valoir, il était difficile de
maintenir des communications régulières et de préserver la logistique complexe de la gestion et du
ravitaillement de plusieurs centaines de camps situés dans les lointaines régions de l’Est depuis les
bureaux de l’IKL (l’Inspection des camps de concentration) situés à Oranienburg, en raison, tout
particulièrement, de la situation qui régnait sur le front et de la désorganisation des lignes de
ravitaillement et de communications16. Dans le courant de l’été et de l’automne 1944, l’évacuation
de prisonniers des camps de l’Est en direction des camps de concentration et des centres industriels
situés en Allemagne s’accéléra, mais resta relativement organisée. Le transfert de prisonniers
d’Auschwitz vers des camps situés en territoire allemand illustre bien le déroulement de cette phase
d’évacuation. À la mi-juillet 1944, 92 208 prisonniers étaient détenus dans les trois camps principaux
d’Auschwitz. Au moment de l’évacuation finale le 17 janvier 1945, ils étaient encore 67 00017.
D’autres évacuations de camps éloignés qui risquaient de tomber entre les mains de l’ennemi se
produisirent durant l’été et le début de l’automne 1944 à Majdanek, dans des camps de travail des
États baltes et au camp de concentration de Natzweiler-Struthof en Alsace18. Bien que ces
évacuations aient été accompagnées d’épreuves, de souffrances et de mauvais traitements
évidents, elles ne se caractérisèrent pas par la brutalité endémique associée aux marches de la mort
ultérieures. Aussi est-il difficile d’en faire un élément du chapitre final du génocide nazi.
Au printemps 1945, cependant, des évacuations de camps et des marches forcées se produisaient
en territoire allemand proprement dit. À cette date, les évacués furent obligés de passer au cœur
même de la population allemande et de pénétrer dans une réalité où les systèmes de gouvernement
officiels avaient cessé de fonctionner. De toute évidence, cependant, l’ordre donné par Himmler en
juin 1944, complété par des directives supplémentaires, continuait à servir de fondement aux
décisions concernant les évacuations des camps. Interrogé après la guerre, Max Pauly, commandant
de Neuengamme, déclara avoir rencontré en avril 1945 le HSSPF de Hambourg pour une dernière
discussion consacrée à des sujets tels que l’évacuation définitive du camp et le sort à réserver aux
prisonniers qu’il était impossible d’évacuer19. En avril 1945, Pauly déclara que la situation était telle
qu’il ne savait plus quoi faire des prisonniers. Le commandant de Buchenwald, Hermann Pister, prit
plusieurs décisions contradictoires entre le 2 et le 7 avril 1945, envisageant ainsi successivement de
laisser le camp intact et de le remettre aux Américains, ou d’en évacuer tous les prisonniers,
certains d’entre eux, ou exclusivement les juifs20. L’incertitude était la même dans presque tous les
autres camps, différents responsables donnant des directives confuses. Au début de 1945, le
commandant de Ravensbrück, Fritz Suhren, reçut lui aussi de Richard Glücks ou du HSSPF des ordres
plutôt vagues concernant l’évacuation des prisonniers des camps satellites dont il était responsable,
qui ne précisaient ni ce qu’il devait en faire ni le lieu où il était censé les envoyer21. La plupart des
commandants de camps n’avaient pas très envie de prendre l’initiative de décider du sort des
prisonniers, préférant attendre le dernier moment pour essayer de comprendre la teneur exacte de
l’ordre qu’on leur avait transmis, déterminer si le fonctionnaire qui l’avait émis était habilité à le faire
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et s’ils étaient en mesure de l’appliquer. La question de la source de l’autorité demeura ambiguë
jusqu’à la fin de la guerre.
Après la libération de Buchenwald le 11 avril 1945, des rumeurs prétendirent que des prisonniers
libérés maraudaient dans la ville voisine de Weimar, où ils auraient attaqué des civils. À la suite de
quoi, Himmler publia son célèbre ordre affirmant qu’en aucune circonstance, les prisonniers ne
devaient tomber vivants entre les mains de l’ennemi22. Cet ordre, diffusé dans un contexte
d’effondrement total du système, de défaite militaire généralisée et de retraite chaotique, ne fit
qu’amplifier la dynamique meurtrière. La justification sur laquelle reposaient les décisions
contradictoires et changeantes était devenue incompréhensible. Fallait-il liquider les prisonniers pour
éviter qu’ils ne tombent aux mains de l’ennemi ? Devait-on les transférer vers d’autres camps pour
qu’ils continuent à travailler ? Fallait-il se préoccuper des prisonniers juifs ? Les solutions concrètes
qui furent choisies n’avaient rien d’exceptionnel dans le cadre du système bureaucratique nazi. La
voie sinueuse du Führerbefehl, l’« ordre du Führer », était déjà familière dans l’ensemble du Reich,
ayant été employée en d’autres temps et dans d’autres situations difficiles. Informés de l’existence
d’une directive générale, qui leur interdisait de laisser derrière eux des détenus et des prisonniers de
guerre, les hauts responsables SS ont très bien pu y voir l’ordre d’exécuter ceux-ci en cas de risque
avéré qu’ils tombent aux mains de l’ennemi. Le chef du RSHA, Ernst Kaltenbrunner, déclara lors de
son procès qu’il ignorait tout d’un ordre explicite d’Hitler concernant l’assassinat des prisonniers des
camps, ajoutant qu’en tout état de cause, la personne habilitée à donner de tels ordres était
Himmler23. Nous ne disposons en tout cas d’aucune preuve de l’existence d’une directive explicite
et générale ordonnant d’assassiner les prisonniers des camps dans l’éventualité où un camp ne
pourrait pas être évacué. Sur place, le massacre est né de la conjugaison d’instructions données à
l’échelon local par différents fonctionnaires. Joachim Neander désigne ces instructions sous le nom
d’« ordres locaux d’extermination » (locale Vernichtungsbefehle), autrement dit d’ordres donnés par
des commandants locaux de rang inférieur en présence de besoins ou de difficultés spécifiques24.
Grâce au vaste mandat ainsi confié à des fonctionnaires subalternes, la décision d’éliminer les
prisonniers fut transférée aux individus qui se trouvaient à leur contact direct, autrement dit aux
gardiens des camps et aux membres du personnel qui les escortèrent sur les chemins de
l’évacuation. C’est là que se joua le sort des prisonniers.
Les assassins sur place
La période des marches de la mort est devenue une partie intégrante du récit global de
l’effondrement apocalyptique du Troisième Reich. On a vu que certains ouvrages donnent ce chaos
comme principale explication de l’atmosphère qui régna dans les derniers mois du Reich25. Durant
cette période de massacres désorganisés, les installations d’extermination avaient été mises hors
service, l’administration habituellement chargée des assassinats s’était désintégrée et les hauts
responsables de la police de sécurité, le SD, et des camps d’extermination – dont les opérations de
meurtre étaient la principale occupation – n’étaient plus à leur poste. Les marches de la mort
restèrent des événements caractéristiques du crépuscule du Troisième Reich, qui agonisait dans la
violence, le feu et le sang.
Aussitôt que les colonnes de prisonniers se mirent en route vers la destination choisie, les
évacuations tournèrent à l’hécatombe. Dès leur sortie du camp, les prisonniers étaient entièrement
soumis à l’arbitraire des gardiens et des détachements chargés de les escorter, lesquels pouvaient
décider librement de leur sort. En janvier 1945, à la veille des évacuations massives des camps de
l’est, 37 674 hommes et 3 508 femmes étaient employés dans l’ensemble des camps. Environ 80 à
90 % d’entre eux étaient des gardiens (Wachmannschaften) qui ne travaillaient pas dans les services
« professionnels » chargés de la tenue des dossiers, de l’administration et de la vie du camp. Ceux-ci
comprenaient également les services techniques, les services de bureaux, les services médicaux et
la division politique (politische Abteilung) placée sous l’autorité de la Gestapo26. La plupart de ces
gens étaient arrivés dans les camps à un moment où le système s’était considérablement
développé, une période qui avait commencé en 1943 avec la création de plusieurs centaines de
camps satellites et l’essor des programmes de travail forcé. Le 9 mai 1944, Hitler publia un ordre
permettant à Himmler de mobiliser des anciens combattants approchant ou même ayant dépassé
les 40 ans – nés en 1906 ou auparavant – comme personnel des camps de concentration. À la suite
de cette directive, après le milieu de l’année 1944, environ 10 000 soldats de la Wehrmacht de
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retour de Crimée ainsi que des soldats des équipes de défense antiaérienne, d’unités techniques non
combattantes de la Luftwaffe et même de la Marine furent redéployés pour travailler dans les camps
satellites des camps de concentration27. Au cours de cette dernière phase, des Allemands de
souche (Volksdeutsche) et des groupes d’Ukrainiens, de Lettons, de Lituaniens et de membres de
quelques autres nationalités, furent également appelés à travailler dans les camps.
Les récits transmis après la guerre par ceux qui furent chargés d’escorter les convois révèlent
clairement qu’ils avaient été livrés à leur sort en compagnie de groupes de prisonniers épuisés qui
entravaient leur marche, alors qu’ils cherchaient à fuir le plus rapidement possible les troupes
ennemies qui menaçaient de les rejoindre. Entre janvier 1945 et la fin de la guerre, des dizaines de
milliers de détenus furent obligés dans certains cas de couvrir des distances de plusieurs centaines
de kilomètres, tandis que ceux qui les escortaient devaient leur trouver un hébergement de nuit,
tout en faisant face aux aléas météorologiques et aux incessantes tentatives d’évasion. Les gardiens
et les membres des escortes se plaignaient souvent d’avoir été abandonnés avec leurs prisonniers et
d’avoir dû se débrouiller par leurs propres moyens dans des conditions effroyables. Il n’était pas rare
qu’en rejoignant les lignes de chemin de fer où ils étaient censés monter dans des trains pour
poursuivre leur voyage d’évacuation, les gardiens et les prisonniers découvrent que les convois
avaient du retard ou avaient été réquisitionnés par l’armée, ce qui les obligeait à poursuivre à pied
leur périple désormais sans but. Aussi, il n’est pas surprenant que les escortes aient pris l’habitude
d’éliminer purement et simplement les prisonniers qui avaient du mal à marcher ou étaient
soupçonnés de chercher à s’évader ou à créer des problèmes. Lorsque s’aggravèrent les épreuves
de l’évacuation ainsi que le risque de se faire prendre en même temps que les prisonniers, il ne fut
plus suffisant de se débarrasser des traînards ou des prisonniers qui cherchaient à fuir. Dans bien
des cas, les gardiens prirent l’initiative d’éliminer d’importants groupes d’évacués. La gâchette facile
était une manifestation évidente d’exaspération, et exprimait le désir d’éliminer tout ce qui pouvait
empêcher les gardiens et les escortes de prendre la tangente le plus rapidement possible, de crainte
d’être eux-mêmes faits prisonniers. Un autre groupe d’assassins dont le parcours professionnel
n’avait pas grand-chose à voir avec la liquidation systématique des ennemis politiques ou raciaux du
Reich, mais qui se livrèrent néanmoins à des meurtres de grande ampleur pendant la période des
marches de la mort, était celui des membres du Volkssturm, la milice populaire du parti formée
d’hommes plus âgés, inaptes au service militaire ordinaire, créée à l’automne 1944. Le Volkssturm
se vit confier la tâche impossible d’essayer d’endiguer localement la progression des armées
alliées28.
Un des massacres les plus effroyables dans lesquels furent impliqués des membres du Volkssturm se
produisit durant l’évacuation de prisonniers juifs hongrois d’un camp situé sur la frontière
austro-hongroise, près de la ville d’Eisenerz. Un contingent de 6 000 à 8 000 détenus partit de Graz
le 4 avril 1945, traversant la région le 7 avril. Ils formaient trois colonnes surveillées par des
membres du Volkssturm et de la Gestapo, auxquels s’ajoutaient quelques soldats ukrainiens de la
Waffen-SS. En raison du nombre limité de gardiens, il fallut mobiliser des unités locales du
Volkssturm tout le long de la route d’évacuation29. Cette lente procession passa par le Präbichl, un
col des Alpes proche d’Eisenerz qui débouchait du côté de Hieflau. La décision d’assassiner les juifs
que l’on conduisait vers Mauthausen fut apparemment prise par Otto Christandl, Kreisleiter du
district de Leoben, et fut appliquée par des hommes d’une unité du Volkssturm d’Eisenerz. Leurs
victimes furent quelque 250 prisonniers juifs30.
Il peut être utile de rappeler que ces tueurs opéraient dans un contexte bien particulier. Il s’agissait
de civils, mobilisés pour assurer des missions de sécurité à proximité de chez eux. Ils avaient été
dans l’incapacité d’apporter une contribution significative à l’effort de guerre contre les Alliés et, à
leurs yeux, les véritables ennemis, qu’ils considéraient comme une menace vitale, étaient les
prisonniers des camps de concentration qui circulaient dans leur voisinage. La presse locale
regorgeait de récits et de rumeurs de viols et de pillages commis par des détenus évadés des
convois d’évacuation et de mises en garde sinistres contre toute velléité de leur proposer un moyen
de transport31. Pendant les dernières semaines de guerre, des on-dit destinés à attiser ces craintes
trouvèrent une oreille complaisante auprès d’un public avide d’informations auxquelles s’accrocher,
alors que tout le système officiel s’effondrait. Ces rumeurs étaient noyées dans un épais brouillard
d’imprécisions concernant l’identité concrète de ces gens étranges, répugnants, que les habitants
voyaient passer devant leurs seuils. C’est l’une des conséquences courantes d’un ordre social
précaire, vulnérable ou contesté. Les guerres, les épidémies, les émeutes et les perturbations de
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toute sorte de l’ordre habituel sont pernicieuses par nature et transforment les rumeurs en
dangereux déclencheurs de violence32. La société allemande se trouvait exactement dans cet état
au cours de ces semaines ; cette situation étaya l’infrastructure sociale qui incita un aussi grand
nombre d’individus à rejoindre le groupe de meurtriers de prisonniers de camps de concentration en
cette période de marches de la mort. Cette infrastructure singulière favorable aux meurtres n’aurait
cependant pas pu exister en l’absence de consensus social général sur l’identité des victimes.
L’élément idéologique
Un consensus raciste à fondement idéologique et la pratique de déshumanisation des prisonniers
jouèrent un rôle majeur dans l’attitude des tueurs à l’égard de ceux qui leur avaient été confiés.
D’innombrables exemples illustrent cette disposition à l’égard des victimes des marches de la mort.
C’est ainsi que dans la ville de Stary Jaromierz, en Pologne, une quarantaine de prisonnières juives
évacuées d’un camp de travail de Basse Silésie furent massacrées le 25 janvier 1945. Ce groupe de
femmes, particulièrement épuisées et affaiblies, fut conduit jusqu’à une forêt proche de la ville, où
on les fit violemment descendre des charrettes qui avaient servi à leur transport. Les gardiens
relativement âgés qui en étaient responsables les traînèrent par les cheveux jusqu’à plusieurs
tranchées voisines où ils les abattirent d’une balle dans la nuque. Un paysan polonais recruté pour
conduire une des charrettes dans la forêt entendit les tueurs compter les « pièces » (Stücke) qu’ils
avaient déjà liquidées33. Quelques rescapées juives du massacre qui avaient survécu à cette
marche de la mort arrivèrent à Helmbrechts plusieurs semaines plus tard.
Alfred Jespen, un des individus chargés d’assurer le transport, évacua des prisonniers de
Wilhelmshaven, un camp satellite de Neuengamme. Ils furent près de 200 à périr durant
l’évacuation, soit des suites du bombardement aérien du train par les Alliés, soit sous les balles de
leurs gardiens. À son procès, après la guerre, Jespen affirma que de toute manière, les prisonniers
qu’il avait assassinés ou avait fait tuer par d’autres dans la ville de Lüneberg, théâtre d’un important
massacre de ce groupe de prisonniers, étaient déjà à moitié morts34. Ludwig Krenn, commandant de
l’unité du Volkssturm dont les membres massacrèrent les prisonniers juifs près d’Eisenerz, déclara à
son unité dans un discours d’encouragement prononcé la veille que « Ces porcs et ces chiens
méritent d’être abattus, tous autant qu’ils sont35.» Quand les tueurs traquaient des prisonniers
fugitifs, ils prêtaient à leurs proies l’identité folklorique et macabre de rongeurs ou de lapins36. Les
témoignages de survivants répètent que les gardiens les traitaient comme des chiens sauvages,
dangereux, qu’il fallait exterminer37.
Il est extrêmement difficile d’expliquer l’ampleur de ces épisodes de massacres si l’on ne comprend
pas l’image collective des victimes que se faisaient les tueurs. Les victimes sont catégorisées de
manière absolue comme « autres », opposées à « nous », une dichotomie reposant sur un solide
support idéologique permettant de motiver le meurtre38. Les détenus des camps de concentration
avaient été rangés dans la catégorie des « autres » dès l’aube de l’ère nazie, et au fil des ans, ils
avaient acquis de façon croissante l’image d’un groupe menaçant, violent, délinquant et dangereux.
Lorsque ces masses venues de l’Est commencèrent à affluer dans les camps au milieu de l’année
1942, elles s’étaient transformées en bombes à retardement situées à un jet de pierre des maisons
de paisibles civils. À partir de la deuxième moitié de 1943, quand la multiplication des camps
satellites devint partie intégrante du quotidien des civils allemands, la menace parut plus grande
encore.
Bien que les prisonniers des camps de concentration aient été les principales victimes de la violence
nazie après les premiers mois de domination nationale-socialiste, aucun groupe ethnique, politique
ou racial de détenus de camps n’a jamais été sélectionné pour une élimination intégrale. S’il est vrai
qu’à partir de 1944, le taux de mortalité fut élevé parmi les prisonniers des camps sélectivement
exploités à mort, même dans ces circonstances, ils conservaient une mince possibilité de salut
dépendant de leur faculté de travail et de leur vigueur physique. L’évacuation des camps et les
marches de la mort rendirent cette voie de survie plus ténue encore. Leur identité collective
d’ennemis, d’« étrangers », d’« autres » parut beaucoup plus menaçante aux habitants locaux, parce
qu’ils n’étaient plus parqués derrière des clôtures et ne manquaient pas une occasion de fuir pour
échapper à la mort. Certains des tueurs continuaient à ne voir en eux que des juifs, tandis que
d’autres les traitaient de communistes, d’autres récits encore les décrivant comme des criminels,
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violeurs de femmes et d’enfants. Dans certains cas, ils étaient perçus comme l’incarnation de toutes
ces menaces réunies.
Les tueurs voyaient leurs victimes sous un angle de total anonymat. Comme presque toujours lors de
massacres perpétrés au milieu d’un processus génocidaire, les bourreaux considéraient leurs
victimes comme un groupe dénué de toute caractéristique humaine individuelle. Dans pareille
situation, un groupe d’individus impuissants est mis à mort par un autre groupe qui détient le
pouvoir et les moyens d’accomplir un massacre, sans courir lui-même le moindre risque. Un côté agit
tandis que l’autre, celui des victimes, ne peut ni s’enfuir, ni résister. L’acte est perpétré par les
tueurs contre un groupe précis d’individus en position d’impuissance, « mains en l’air ».
L’événement prend fin quand la dernière victime a été supprimée, quand la rage meurtrière des
assassins reflue ou qu’un agent plus puissant vient perturber le processus de destruction39. De
nombreux épisodes du chapitre final du génocide nazi se sont achevés par l’une de ces trois
situations : les derniers prisonniers avaient été assassinés, l’accès de folie meurtrière à l’origine de
l’acte avait disparu ou les forces alliées s’étaient trop rapprochées du site pour permettre la
poursuite du massacre. La diversité des tueurs, leur affiliation à des groupes sociaux aussi variés
que vastes et leur appartenance à différentes organisations et unités ont empêché toute définition
d’un commun dénominateur psychologique. On trouvait parmi eux des nazis convaincus, des
opportunistes cherchant à louvoyer habilement entre les différentes solutions offertes, ceux qui
voulaient simplement rentrer sains et saufs chez eux avant l’entière désintégration du Troisième
Reich, et des civils ordinaires qui s’étaient trouvés sans le vouloir dans une situation qu’ils n’auraient
jamais imaginée. Ils n’avaient pas choisi initialement le nazisme, mais y furent initiés par leur
participation au massacre collectif systématique et adoptèrent le modèle de cruauté raciale nazie à
l’instant même où ils décidèrent d’agir dans l’esprit nazi40.
La composante idéologique de ces tueries ne saurait être ni dissimulée ni niée. Les milliers
d’individus qui ont assassiné des prisonniers pendant les marches de la mort n’étaient pas
forcément des antisémites ou des adeptes du racisme idéologique appliquant un programme
parfaitement défini. À l’image d’autres secteurs de la société allemande, ils avaient évidemment été
soumis à l’endoctrinement politique et aux campagnes de slogans et de propagande antisémites ou
racistes. Un immense point d’interrogation plane cependant sur l’efficacité de ce rouleau
compresseur de propagande pour le vaste éventail d’individus qui prirent part aux massacres. La
plupart des tueurs n’avaient pas participé à la machine d’extermination nazie pendant les années où
elle avait fonctionné à plein régime. Il est impossible, en définitive, d’évaluer l’impact de la
propagande antisémite sur un groupe aussi diversifié que celui qui prit part aux évacuations des
camps et se transforma en machine de mort dans les dernières semaines de la guerre.
D’une manière ou d’une autre, cependant, chacun de ces individus fut façonné par son intégration
dans un système social, public ou autre, dont la culture ménageait un espace à cette idéologie : ils
étaient les produits d’une société qui les avait encouragés et exposés pendant douze ans à une
philosophie bien particulière, transformant un certain nombre d’entre eux en nazis, parfois à leur
insu. L’association entre leur existence individuelle au sein d’une société qui avait adopté la
philosophie nazie et les conditions qui régnèrent durant les derniers mois de la guerre en transforma
certains en tueurs, qui considéraient les prisonniers comme des instruments avec lesquels ils
entretenaient souvent des relations de pur opportunisme. Tant que les prisonniers se dirigeaient
vers leurs camps de destination, assurant leurs besoins et leur servant de police d’assurance pour
les maintenir à l’écart du front, ils continuèrent à les accompagner. Dès l’instant où les prisonniers
devenaient pour eux un fardeau, ce qui n’était pas rare, ils n’hésitaient pas à les éliminer
impitoyablement. Un acte prétendument dicté par le fanatisme idéologique était donc souvent la
simple expression d’un calcul opportuniste41 qui mettait dans la balance les chances et les risques
de l’évacuation, la crainte d’être fait prisonnier et le désir de protéger sa propre famille du danger et
de la violence. Cependant, ces meurtres n’auraient pas pu être perpétrés si les meurtriers n’avaient
pas été liés de près à une infrastructure sociale qui les soutenait et à un système de valeurs
condamnant les ennemis du peuple-nation (« Volk ») à une éradication totale.
Conclusion
Selon Wolfgang Sofsky, il faut replacer l’histoire interne de la force et de la terreur employées dans
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les camps de concentration dans le cadre d’un espace clos, « dense » (« dichte Beschreibung »). Au
lieu de s’ancrer dans des faits, sa description propose une interprétation de situations, de processus
et de structures42. De ce point de vue, il n’est pas surprenant que son ouvrage, d’une importance
remarquable, ne s’intéresse pas aux évacuations ni aux marches de la mort. Ces événements se
produisirent en effet dans un espace et dans un cadre différent, mettant en scène de nouveaux
acteurs dans des situations inexistantes ou non opérationnelles pendant les années de
fonctionnement des camps. Lorsqu’il arrive tout de même à Sofsky de faire allusion aux marches de
la mort, il les isole presque entièrement du contexte historique et les investit d’une signification
métahistorique qui ne peut s’expliquer qu’en recourant à une analyse psychopathologique. Sofsky
interprète les marches de la mort comme une torture collective qui se mit progressivement en place,
et dont la poursuite ne fit qu’aiguiser l’appétit de gardiens qui tiraient un plaisir de plus en plus
intense de leur autorisation illimitée d’assassiner. Les marches de la mort offraient une occasion
idéale à la pratique de la violence et durèrent assez longtemps pour permettre aux gardiens
d’assouvir leur goût pour la torture. Cela explique également pourquoi ils n’assassinèrent pas tous
les prisonniers à la fois43.
La tentative pour interpréter l’intensité et l’absurdité de la violence infligée aux prisonniers en
s’appuyant sur la chronologie – plusieurs semaines avant la capitulation – permet d’alimenter ce
genre de débat. Il importe cependant de se rappeler que les mois durant lesquels se produisirent les
marches de la mort avaient été précédés par des mois, voire des années, de violence et de terreur
qui s’étaient exercées dans le système des camps de concentration, dès le premier jour de sa
création. Les camps faisaient partie d’un système politique destiné à aider le régime nazi à se
stabiliser et à exclure ses adversaires de la société allemande en les enfermant dans un gigantesque
goulag de terreur. Ce système offrait une vaste gamme de possibilités de traitement idéologique des
problèmes que le régime cherchait à résoudre, parmi lesquels les questions d’« hygiène sociale ». Il
avait l’avantage de fournir une main-d’œuvre quasi gratuite à des secteurs de production vitaux,
d’éloigner et d’éliminer des ennemis politiques et idéologiques, de procurer le matériel humain
nécessaire à des expériences médicales et de supprimer les juifs et autres parias ethniques. En ce
sens, le massacre effréné de prisonniers pendant les marches de la mort est une conséquence
directe de la mise en place interne de ce réseau de terreur. Bien que les meurtres aient été
perpétrés à l’extérieur des limites territoriales établies du réseau des camps, les objets de cette
terreur et de cette violence étaient les mêmes qu’au cours de la période antérieure.
Constituant le chapitre de conclusion de l’histoire des camps de concentration, les marches de la
mort représentent aussi le chapitre final du génocide nazi. Ce chapitre ne s’en distingue pas moins
des précédents. Pendant les derniers mois du génocide, les victimes ne furent plus aussi clairement
définies que précédemment. De fait, durant cette dernière phase, elles ne furent plus exclusivement,
ni même, dans bien des cas, prioritairement juives. D’où la difficulté de replacer cette période dans
le contexte plus général de la Solution finale de la question juive. Vouloir intégrer ces quelques mois
dans le cadre qui a présidé à l’extermination des Juifs brouille toute tentative d’explication
historique. En outre, chose plus importante, cette perspective n’apporte rien à notre compréhension
de la situation des juifs en tant que groupe important et distinct de victimes dans cette période
finale du génocide nazi, parce qu’elle masque l’élargissement du cercle des victimes à un grand
nombre de nationalités. Enfin, ce point de vue entrave toute entreprise d’examen approfondi des
motivations et des identités des assassins, des circonstances pratiques et politiques dans lesquelles
les meurtres furent perpétrés et de l’infrastructure sociale qui les sous-tendait. Prétendre expliquer
le phénomène des marches de la mort exclusivement comme une nouvelle phase de la Solution
finale impose de sélectionner les événements étudiés, un peu comme si l’on tirait une flèche et que
l’on choisissait la cible ensuite. Au cours des derniers mois du génocide nazi, le processus
d’extermination se décentralisa entièrement. Lors d’une marche de la mort, la décision de tirer
incombait en dernier recours à un meurtrier qui marchait avec un groupe de prisonniers. C’était lui
qui déterminait si le moment et les conditions de son geste étaient propices, et qui choisissait le
moment précis de cet acte fatal. Loin d’être une réaction spontanée ou impulsive, cette décision
répondait à un jugement, ainsi qu’à des calculs concernant l’utilité, l’efficacité, le moment et les
conditions locales entourant ce geste. Il ne faut certainement pas y voir l’explosion de violence d’une
populace enflammée, mue par une haine xénophobe ou un antisémitisme radical. Jamais dans les
années du génocide nazi, semble-t-il, aussi grand pouvoir n’avait été placé entre les mains d’un
aussi grand nombre d’individus, les autorisant à faire appel à leur seul discernement pour décider de
tuer ou de ne pas le faire. La situation était fondamentalement différente du système, parfois
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négligent ou erratique, de contrôle, d’administration et de surveillance bureaucratiques de l’acte
d’assassinat, qui avait présidé au génocide jusqu’à l’été 1944.
Ce qui débuta cet été-là sous l’effet de considérations économiques – le désir de préserver coûte que
coûte la force de travail des détenus des camps – se transforma au début de 1945 en une série de
marches d’évacuation brutales, au cours desquelles les gardiens éliminèrent systématiquement
presque tous ceux qui retardaient leurs efforts effrénés de fuite. La guerre touchant à son terme, les
tueurs en uniforme furent rejoints par d’autres, qui ne portaient pas l’uniforme, parmi lesquels des
civils et des membres de groupes plus ou moins militaires qui, dans un climat d’absence d’ordre et
de loi, se sentaient autorisés à faire ce qui leur paraissait nécessaire pour assurer le bien-être de
leurs familles et de leurs communautés. Bien que les assassins aient été issus d’unités et d’entités
sans relations opérationnelles les unes avec les autres, et de systèmes dont les actions n’avaient pas
été coordonnées au niveau du commandement ou de l’administration au cours des précédentes
phases du génocide, ils n’eurent aucun mal à coopérer dans leurs agissements meurtriers. Des
forces fortuitement disponibles participèrent ainsi ensemble à des opérations ad hoc pour accomplir
une tâche que tous s’accordaient à juger vitale. Chaque élément humain de ce puzzle meurtrier n’a
été responsable que d’une fraction des opérations, qu’il s’agisse de la planification, de la
transmission d’instructions, de l’escorte, de la surveillance, de l’apport d’un soutien auxiliaire (pièces
détachées, carburant, munitions par exemple), de l’acte d’assassinat lui-même ou de la suppression
des traces de celui-ci44.
La spécificité ethnique ou raciale des victimes se brouilla, même si elle les identifiait comme cibles
d’un système idéologique qui façonnait les actes de violence létale perpétrée contre elles par les
assassins. Les dernières phases du génocide nazi se distinguèrent des précédentes, et les
paramètres qui avaient défini ses contours au cours de ses années d’apogée sont impuissants à en
rendre compte. De fait, si le consensus idéologique prônant l’élimination de certaines catégories
humaines continuait à dominer, l’image de l’objet du meurtre évolua vers la fin de cette période.
L’ennemi n’était plus forcément juif ou membre d’un autre groupe racial (Tziganes ou Polonais, par
exemple), il ne s’agissait plus seulement de profanateurs de la race, d’adversaires politiques comme
les prisonniers de guerre soviétiques, d’attardés mentaux et de tous ceux qui étaient condamnés par
malchance. Aussi est-il impossible de ne voir dans l’assassinat des évacués des camps de
concentration au cours des marches de la mort que le dernier chapitre de la Solution finale de la
question juive. Néanmoins, dans la mesure où elle constitue indéniablement un chapitre du génocide
nazi, cette période n’en est pas moins associée à une perspective spécifiquement juive, qu’il
convient d’intégrer dans une interprétation plus globale prenant en compte l’intégralité des
circonstances et des facteurs sous-jacents. La place relativement dominante des juifs parmi les
détenus des camps au moment des évacuations doit en effet être considérée comme un élément
central de toute tentative d’explication de l’intensité du massacre qui a caractérisé ces derniers mois
mortels. Durant cette dernière période, cependant, le génocide nazi a été guidé par une idéologie du
meurtre différente de celle qui avait été élaborée auparavant, car elle avait évolué pour donner
naissance à une série de pratiques et de convictions nihilistes qui ne reposaient plus sur des
principes généraux. Bien que les tueries aient eu lieu dans le cadre d’un consensus connu, l’unicité
et l’identité des victimes avaient été brouillées, exception faite de leur image globalisante et
entièrement imaginaire de groupe dangereux et inférieur qui ne méritait pas de vivre.
1. Yehuda Bauer, « The Death Marches, January-May 1945 », in Michael R. Marrus, éd. The
Nazi Holocaust, vol. 9 : The End of the Holocaust, Westport, Meckler, 1989, p. 503-504.
2. Laurel Leff, Buried by the Times, The Holocaust and the American’s Most Important
Newspaper, New York, Cambridge University Press, 2005, p. 294-307. [Relégué en page 7:
quand le « New York Times » fermait les yeux sur la Shoah, trad. Aline Weill, Paris,
Calmann-Lévy, 2007].
3. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, vol. III, New Haven et Londres, Yale
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University Press, 2003, p. 1045sq. [La Destruction des juifs d’Europe, vol. II, trad. M.F. de
Paloméra et A. Charpentier, Paris, Gallimard (Folio Histoire), 1988, p. 846 sq.]
4. Leni Yahil, The Holocaust, The Fate of European Jewry , New York et Oxford, Oxford
University Press, 1990, p. 541.
5. Saul Friedländer, The Years of Extermination, Nazi Germany and the Jews 1939–1945, New
York Harper Collins Publishers, 2007, p.648–652. [L’Allemagne nazie et les juifs, 2e vol. Les
années d'extermination: 1939-1945, trad. Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Seuil, 2008].
6. Gerald Reitlinger, The Final Solution, The Attempt to Exterminate the Jews of Europe
1933–1945, New York, The Beechhurst Press, 1953, p. 459, 461.
7. Voir par exemple Livia Rotkirchen, « The “Final Solution” in Its Last Stages », Yad Vashem
Studies 8 (1970), p. 7–29; Shmuel Krakowski, « The Death Marches in the Period of the
Evacuation of the Camps », in Marrus, The Nazi Holocaust, p. 476-490.
8. Daniel Jonah Goldhagen, Hitler's Willing Executioners, Ordinary Germans and the
Holocaust, New York, Alfred A. Knopf, 1999, ch. 13, 14. [Les bourreaux volontaires de Hitler:
les Allemands ordinaires et l'holocauste, trad. Pierre Martin, Paris, Seuil, 1997, Collection
Points, ch. 13 et 14.]
9. Ibid., p. 443 sq.
10. Ibid., p. 497.
11. Staatsanwalt beim Landesgericht Hof, Alois Dörr Case, Zentrale Stelle der
Landesjustizverwaltungen (ZStL), 410 AR 1750/61, 42.
12. Martin Broszat, « Nationalsozialistische Konzentrationslager 1933-1945 », in Hans
Buchheim, Martin Broszat, Hans-Adolf Jacobsen, Helmut Krausnick, Anatomie des SS-Staates,
vol. 2, Olten et Fribourg, Walter Verlag, 1965, p. 159.
13. « Sicherung der Konzentrationslager », International Military Tribunal (IMT), PS-3683.
14. Józef Marszalek, Majdanek.Obóz koncentracyjny w Lublinie, Varsovie, Wydawnictwo
Interpress, 1981, p.177; Zygmunt Zonik, Anus belli. Ewakuacja i wyzwolenie hitlerowskich
obozów koncentracyjnch, Varsovie, Państwowe Wydawnictwo Naukowe, 1988), p. 55; Karin
Orth, Das System der nationalsozialistischen Konzentrationslager, Eine politische
Organisationsgeschichte, Hambourg, Hamburger Edition, 1999, p. 271.
15. Zonik, Anus Belli, p. 45-47.
16. Interrogatoire d’Oswald Pohl, WVHA Case, Yad Vashem Archives (YVA), N4/Proc/E, box
223, 1341.
17. Andrzej Strzelecki, Endphase des KL Auschwitz. Evakuierung, Liquidierung und Befr eiung
des Lagers, Oświęcim, Verlag staatliches Museum in Oświęcim-Brzezinka, 1995, p. 99–100
18. Edward Dziadosz, Zofia Leszczyńska, « Ewakuacja obozy i wyzwolenie », in T. Mencla, éd.,
Majdanek 1941–1944, Lublin Wydawnictwo Lubelskie, 1991, p. 399–406; Christoph
Dieckmann, « Das Ghetto und das Konzentrationslager in Kaunas 1941–1944 », in Ulrich
Herbert, Karin Orth, Christoph Dickmann, éds., Die nationalsozialischen Konzentrationsalger.
Entwicklung und Struktur, vol I, Göttingen, Wallstein Verlag, 1998, p. 458; Alfred Streim, «
Konzentrationslager auf dem Gebiet der Sowjetunion» , Dachauer Hefte 5, (1989), p.
174–176; Robert Steegmann, Struthof. Le KL-Natzweiler et ses kommandos: une nébuleuse
concentrationnaire des deux côtés du Rhin 1941–1945, Strasbourg, Nuée Bleue, 2005, p.
159–172.
19. Interrogatoire de Bassewitz-Behr, 12 février, 1946, et déposition de Max Pauly, 30 mars
1945, The National Archives of Great Britain (TNA), WO 309/408; Hermann Kaienburg, Das
Konzentrationslager Neuengamme 1938–1945, Bonn, J.H. W Dietz Nachgolger, 1997, p.
268–283.
20. Interrogatoire de Hermann Pister, NARA, RG–153, box 256, 6 ; Daniel Blatman, Les
marches de la mort. La dernière étape du génocide nazi, été 1944-printemps 1945, Paris,
Fayard, 2009, p. 151-170.
21. Orth, Das System, p. 288-289.
22. Témoignage de Rudolf Höß, IMT Vol. XI, p. 352–354. Sur la question de la directive
d’Himmler d’avril 1945 et de ses effets sur le sort des prisonniers dans les dernières
semaines de la guerre, voir Stanislav Záméčník, « “Kein Häftling darf lebend in die Hände des
Feinde fallen”. Zur Existentz des Himmler-Befehls vom 14–18 April 1945 », Dachauer Hefte I
(1985), 219–231; Edgar Kupfer-Koberwitz, Die Mächtigen und die Hilflosen. Als Häftlige in
Dachau II, Stuttgart, Friedrich Vorwerk, 1960, p. 260.
23. Témoignage d’Ernst Kaltenbrunner, IMT, NO-2366.
24. Joachim Neander, Das Konzentrationslager « Mittelbau » in der Endphase des
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NS-Diktatur, thèse de doctorat, Université de Brême, 1996, p. 98.
25. Voir par exemple Ian Kershaw, The End, The defiance and destruction of Hitler's
Germany, 1944-1945, New York, Penguin Press, 2011 [La fin: Allemagne, 1944-1945, traduit
par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Éd. du Seuil, 2012 ]; Peter Kuhlbrodt (éd.), Schicksalsjahr
1945: Inferno Nordhausen : Chronik, Dokumente, Erlebnisberichte, Nordhausen, Archiv der
Stadt, 1995); Christoph Kleßmann, Befreiung durch Zerstörung: das Jahr 1945 in der
deutschen Geschichte, Hanovre, Niedersächsische Landeszentrale für Politische Bildung,
1995 ; Idem et. al, (éd.), Nicht nur Hitlers Krieg: der Zweite Weltkrieg und die Deutschen,
Düsseldorf, Droste, 1989.
26. Wolfgang Sofsky, The Order of Terror, The Concentration Camp, Princetonn Princeton
University Press, 1999, p. 106–108 [L'organisation de la terreur: les camps de concentration,
trad. Olivier Mannoni, Paris, Calmann-Lévy, 1995] ; Karin Orth, Die Konzentrationslager-SS:
Sozialstrukturelle Analysen und biographische Studien, Göttingen, Wallstein Verlag, 2000, p.
335.
27. Heinz Boberach, « Die Überführung von Soldaten des Heeres und der Luftwaffe in die
SS-Totenkopfverbände zur Bewachung von Konzentrationslagern 1944 », Millitärgeschichte
Mitteilungen 2 (1983), p. 185–190; Sofsky, The Order of Terror, p. 102.
28. Concernant le Volkssturm, voir David K. Yelton, Hitler’s Volkssturm, The Nazi Militia and
the Fall of Germany 1944–1945, Lawrence, University Press of Kansas, 2002 ; Klaus
Mammach, Der Volkssturm. Das letzte Aufgebot 1944/45, Cologne, Pahl-Rugenstein, 1981.
29. Rapport sur les meurtres pendant l’évacuation de camps de travail du district de Styrie,
police criminelle de Graz, 5 juillet 1945, TNA, WO 310/155.
30. Werner Anzenberger, Heimo Halbrainer et Hans Jürgen Rabko. Zwischen den Fronten. Die
Region Eisenerz von 1938–1945, Leoben, Institut für Strukturforschung und
Erwachsenenbildung, 2000, p. 60–67; Elenore Lappin, « The Death Marches of Hungarian
Jews Through Austria in the Spring of 1945 », Yad Vashem Studies 28 (2000), p. 232–234.
31. Par exemple, « Männer und Frauen in Hannover-Stadt und Land », Hannoversche
Zeitung, 30 mars 1945; « Achtet auf entwichene KZ-Häftlinge! » Lüneburger Zeitung, 11 avril
1945.
32. Sur ce sujet, voir Gordon W. Allport, Leo Postman, The Psychology of Rumor, New York,
Henry Holt et Cie, 1947.
33. Déposition de Florjan Drzymała, 20 décembre 1967; entretien avec lui, 4 août 1999,
United States Holocaust Memorial Museum Archives (USHMMA), 2000.311.
34. Kriegsverbrechen in Lüneburg. Das Massengrab im Tiergarten, Lüneburg,
Geschichtswerkstatt Lüneburg e.V., 2000 ; Déposition de Gustav Alfred Jespen, 18 août 1946,
TNA, WO, 235/229, p. 249.
35. Déposition d’Anna Feda, 28 janvier 1946, TNA, FO 1020/2056.
36. On en a pour exemples la poursuite de prisonniers évadés de Mauthausen en février
1945 et la chasse au gibier humain au voisinage de Gardelegen en avril de la même année :
Michel Fabréguet, « Entwicklung und Veränderung der Funktionen des Konzentrationslagers
Mauthausen 1938–1945 », Die nationalsozialistischen Konzentrationslager, 1er vol., p. 210;
Tage im April. Ein Lesebuch, Schriftenreihe des Stadtmusueums 3, Gardelegen, 1995, p. 24.
37. Témoignage d’Yitzchak Grabowski, 8 juilllet 1998, YVA, 03/7001.
38. Cf. Jacques Sémelin, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides,
Paris, Seuil, 2005, p. 288–289.
39. Mark Levene, « Introduction », in Mark Levene, Penny Roberts, éd., The Massacre in
History, (New York et Oxford, Berghahn Books, 1999, p. 5–6.
40. Sur cette question, voir Zygmunt Bauman, Modernity and the Holocaust, Cambridge,
Polity Press, 1989, p. 152–153. [Modernité et holocauste, trad. Paule Guivarch, Paris, la
Fabrique, 2002.]
41. Doris L. Bergen, « Death Throes and Killing Frenzies: A Response to Hans Mommsen’s
“The Dissolution of the Third Reich: Crisis Management and Collapse, 1943–1945” », Bulletin
of the German Historical Institute 27 (2000), p. 25–37.
42. Sofsky, The Order of Terror, p. 14. [L’Organisation de la terreur]
43. Wolfgang Sofsky, « An der Grenze des Sozialen. Perspectiven der KZ-Forschung », Die
nationalsozialistischen Konzentrationslager, vol. II., p. 1160–1163.
44. Diana Gring, « Das Massaker von Gardelegen », Dachauer Hefte 20 (2004), p. 118-119.
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