
Éditorial
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 octobre  1691
Antibiotiques après l’espoir 
et les succès la banalisation 
l’impasse et les dangers
Dr GÉRARD PRAZ et Pr NICOLAS TROILLET
Abuse of penicillin… A lavish dispensation of the 
drug « for all patients with fever and for most of 
those in whom fever or infection might be antici-
pated, irrespective of any possible benefit that 
could reasonably be expected from it uses » (N 
Engl J Med 1945)
La découverte de la pénicilline a modifié 
l’histoire de la médecine et celle de l’humanité 
toute entière. Les premiers succès furent 
remportés sur les champs de bataille de la 
 Seconde Guerre mondiale où des milliers de 
blessés eurent la vie sauve grâce à elle. Un 
«remède miracle» était né. Des patients souf-
frant d’infections graves et sou-
vent mortelles guérissaient.
Durant plus de 50 ans, les anti-
biotiques ont connu une évolu-
tion constante et contribué de 
façon déterminante aux progrès 
de la médecine dans tous les 
domai nes. Que seraient par exemple sans eux 
la chirurgie, l’oncologie ou l’immunologie, 
disciplines dont les trai tements, certes très 
ef ficaces, rendent toutefois les patients vul-
nérables à des infections potentiellement 
mortelles? Ainsi, la mortalité des septicémies 
à  Pseudomonas lors de neutropénies surve-
nant chez des patients traités pour leucémie 
aiguë est passée de 100 à 25% avec l’arrivée 
de la première substance ef ficace contre ce 
micro-organisme dans les années 70. 
Dès le début, l’utilisation des antibiotiques a 
été banalisée. Bien que des médecins mili-
taires se soient très tôt insurgés contre la 
«pénicillinisation de la population», les pres-
criptions ont continué de croître, notamment 
parce que le corps médical comptait sur l’in-
dustrie pharmaceutique pour produire régu-
lièrement de nouvelles substances. Mais aux 
nouveaux antibiotiques succédaient de nou-
velles résistances. Suite à l’absence de nou-
velles substances depuis 20 ans et à l’appa-
rition de nombreux micro-organismes résis-
tants sans liens avec les soins hospitaliers, la 
résistance aux antibiotiques est devenue un 
problème de santé publique prioritaire auquel 
personne n’échappe. En Suisse, avec un certain 
retard sur d’autres pays, le Conseil fédéral a 
récemment élaboré un projet global dénom-
mé Stratégie Antibiorésistance (StAR), visant à 
garantir l’efficacité des antibiotiques à long 
terme pour le maintien de la santé humaine 
et animale. Il prévoit notamment une restric-
tion et un contrôle de leur prescription. La 
contribution du corps médical, 
qui peut agir par plusieurs moyens, 
est essentielle.
Sensibilisation des patients
L’efficacité des antibiotiques est 
surestimée et leurs effets indési-
rables sous-estimés, voire occul-
tés. Les éléments suivants doivent être inté-
grés dans la décision partagée avec le patient 
de prescrire ou non un antibiotique:
1.  Les infections banales des voies aériennes 
supérieures sont l’une des raisons les plus 
fréquentes à l’origine d’une antibiothérapie. 
Il est pourtant démontré que son effet n’est 
pas supérieur à un placebo.
2.  Les effets indésirables ne sont souvent pas 
rapportés dans les études cliniques. Les anti-
biotiques représentent néanmoins 20% des 
médicaments responsables de consultations 
aux urgences pour des effets indésirables.
3.  Quelques jours d’antibiotiques provo quent 
une colonisation durable ( jusqu’à une année 
ou plus) par des germes résistants.
4.  Ceux-ci se propagent rapidement dans l’en-
tou rage et l’environnement et peuvent toucher 
l’ensemble de la planète en quelques mois. 
5.  La colite à Clostridium difficile, autre com-
plication de l’antibiothérapie, est de plus en 
Articles publiés  
sous la direction de 
GÉRARD PRAZ
Médecin-chef, 
Service des maladies 
infectieuses 
NICOLAS TROILLET
Médecin-chef, 
Service des maladies 
infectieuses 
Institut Central des 
Hôpitaux, Hôpital du 
Valais, Sion
DèS LE DÉbuT, 
L’uTILISATION 
DES ANTIbIO-
TIquES A ÉTÉ 
bANALISÉE