La laïcité appelée au secours de l’islam carcéral. Dans les établissements carcéraux français, ceux proches notamment des grands centres urbains et des quartiers « sensibles », 50% à 80% des détenus seraient de confession musulmane. La loi interdisant depuis 1911 de distinguer les gens en fonction de leur confession, il ne s'agit pas là de statistiques officielles mais d'estimations établies à partir d'un certain nombre d'indices (le prénom, la pratique du ramadan, le fait de manger ou de ne pas manger de porc etc.). Dans le milieu carcéral, l'islam constitue ainsi, tristement, la première religion. Or, dans le même temps, alors qu'on compte dans les cinq cents aumôniers catholiques, ils ne sont qu'une soixantaine d'imams à offrir un soutien spirituel aux musulmans incarcérés. On comprend donc que le contrôleur général des lieux de privation de liberté ait regretté, au terme d'une enquête, que les détenus appartenant à « certaines » confessions, n'aient pas les moyens de pratiquer leur religion. Bien que l'islam ne soit pas nommément cité, tout le monde aura compris que c'est de sa pratique qu'il s'agit. " Des tapis de prière sont maltraités, on empêche certains détenus de se procurer un coran ou une bible au motif que les livres reliés sont interdits en prison » a rapporté M. Delarue, suggérant, pour ce point précis « d e faire une exception (dans ce cas) et plus généralement d'autoriser les objets sacrés en prison ". Dans l'avis publié dans le Journal officiel comme dans les interviews qu'il a accordées sur le sujet, le contrôleur général a estimé qu'il était « urgent que le principe de laïcité soit mis en œuvre ». Rappelant que la loi de 1905 prévoit le financement par l'Etat de l'organisation des cultes en détention et que selon le Code de procédure pénale, " il appartient à l'administration responsable des lieux de privation de liberté de pouvoir satisfaire aux exigences de (la) vie religieuse, morale ou spirituelle des personnes dont elle a la charge , il a expliqué que ce principe devait simplement être adapté à une plus grande diversité des pratiques. « L'islam ensauvagé » Voilà des années déjà que les observateurs, devant l'explosion de la population carcérale de confession musulmane, déplorent que l'institution pénitentiaire ne prenne pas suffisamment la mesure du phénomène. Suite à une enquête qu'il avait menée en 2004 sur le sujet, Farhad Khorokhavar, sociologue et spécialiste du monde iranien et islamique, avait déjà souligné l'inégalité flagrante avec laquelle l'islam était pris en charge par les autorités pénitentiaires, une attitude qui, selon lui, conduisait à fabriquer « un islam ensauvagé ». En refusant de reconnaître l'islam dans l'espace carcéral, l'administration livre les détenus à eux-mêmes et à des leaders islamistes sur lesquels personne n'a prise. Dès lors, la voie est ouverte à des interprétations dangereuses ou fantaisistes de l'islam où la fermeture aux autres, le djihad et la haine de l'Occident deviennent les éléments dominants. Bref, on fabrique un islam ensauvagé. D'une manière générale, l'islam carcéral reproduit, en l'amplifiant en raison de l'enfermement et de la surpopulation, l'islam des banlieues. La pratique de l'islam en prison est en totale contradiction avec les interdits promulgués par les autorités pénitentiaires. La prière collective du vendredi est dans de nombreux établissements interdite. Elle devient donc clandestine. Les 1/2 La laïcité appelée au secours de l’islam carcéral. détenus ressentent ces règles comme des manifestations de mépris à leur égard ». C'était, il y a sept ans. L'avis rendu par le contrôleur général des lieux de privation de liberté montre que la situation n'a guère connu d'amélioration. « Il est urgent, a répété, M. Delarue que le principe de laïcité soit mis en œuvre ». Mais comment espérer une reconnaissance de l'islam dans l'espace carcéral quand sa présence dans l'espace public est de moins en moins tolérée? 2/2