Manipulation de molécules uniques par pinces optiques

Manipulation de mol´ecules uniques par
pinces optiques
´
Etude de la transcription de l’ADN
M´elanie Gauvin - Pierre Recouvreux
8 avril 2004
R´esum´e
Les travaux de A. Ashkin durant les ann´ees 1970 sur l’utilisation du laser pour refroidir, stopper ou bien
arrˆeter des atomes sont `a l’origine de l’expansion des applications du laser dans le domaine des manipulations
d’atomes et mˆeme d’objets d’une taille d’environ 1 µm, acc´edant ainsi `a des d´eplacements nanom´etriques et
`a des mesures de forces de l’ordre du piconewton. Cette propri´et´e remarquable de pouvoir exercer une force
sans contact m´ecanique a permis la manipulation d’objets microscopiques contribuant ainsi au d´eveloppement
de la biophysique, en pariculier par l’´etude directe de l’ADN, le support de l’information g´en´etique chez les
ˆetres vivants. Le traitement de cette information en´etique passe par une premi`ere ´etape : la transcription du
double brin de l’ADN en ARN messager qui est conduite par des enzymes, dont l’ARN polym´erase (ARNp). Ce
processus reste `a l’heure actuelle en grande partie incompris, en particulier le fonctionnement pr´ecis de l’ARNp.
Des montages de pinces optiques ont permis de mettre en ´evidence quelques propri´et´es de cette enzyme qui
restent myst´erieuses, telles que les pauses qu’elle observe lorsqu’elle se d´eplace sur le brin, eplacement qui se
fait `a vitesse constante.
1 Principe et fonctionnement de
pinces optiques
Chacun sait que la lumi`ere peut exercer une force
sur des objets, par un simple transfert de quantit´e de
mouvement. Cette propri´et´e est remarquable pour les
lasers, grˆace auquels on peut exercer une force dans
la direction de propagation du laser, forces capables
de pi´eger un atome et de l’amener `a une temp´erature
de quelques millikelvin en croisant six lasers pour blo-
quer les trois degr´es de libert´e en translation de cet
atome. Malheureusement ce type de montage n’est
pas adapt´e pour manipuler des objets microm´etriques
comme les cellules ou les billes de latex qui sont tr`es
utilis´ees comme support dans les applications biolo-
giques. Sachant acc´el´erer des objets grˆace `a la force
de la pression de radiation depuis les ann´ees 1970, ce
n’est qu’en 1986, par les travaux de A. Ashkin [1], que
la manipulation d’objets `a l’aide d’un seul laser devint
possible. Dans cette configuration un faisceau laser,
pr´esentant un gradient d’intensit´e, fortement focalis´e
cr´ee une zone de pi`egeage, ce syst`eme ´etant capable
d’exercer une force de rappel `a l’int´erieur du pi`ege,
eme dans la direction oppos´ee `a celle de propagation
du laser. Ce syst`eme `a un seul laser qui permet de ma-
nipuler des objets d’une taille allant de 200 µm `a 25 nm
est appel´e pinces optiques, c’est le pi`ege le plus simple
possible. Ces pinces ont ´et´e rapidement utilis´ees par
Ashkin sur des objets biologiques tels que des cellules
ou des bact´eries, de rayon respectivement 50 ou 100
µm et 1 µm, captant mˆeme jusqu’`a 6 cellules en eme
temps. Il remarque que le pi`ege est suffisamment effi-
cace pour empˆecher le d´eplacement des bact´eries qui
sont agit´ees de mouvement brownien et mˆeme celles
qui utilisent leurs flagelles pour se d´eplacer.
Les pi`eges optiques fonctionnent grˆace `a la pression
de radiation en´er´ee par la lumi`ere coh´erente issue du
laser [2]. Quand un photon frappe la surface d’un objet
il y a ´echange de quantit´e de mouvement, si ce photon
est absorb´e l’objet re¸coit 4p=h/λ (relation de de
Broglie avec h la constante de Planck et λla longueur
d’onde du faisceau laser). Cette force de radiation est
dirig´ee dans le sens de propagation de la lumi`ere, pour
un laser de puissance P la force produite est donn´ee
par P/c (dans le cas de la r´eflexion la force est donn´ee
par 2P/c). Toutefois cette force n’est pas celle qui fait
fonctionner les pinces optiques, puisqu’elle pousse l’ob-
jet loin du pi`ege, mais dans certains cas elle devient
egligeable face `a la force due au gradient d’intensit´e,
en particulier dans le cas o`u l’objet pi´eg´e est quasi
transparent.
1
Mais d’o`u vient cette force de gradient d’intensit´e ?
Dans un premier temps pla¸cons nous dans le cas de
l’optique eom´etrique et consid´erons un objet de taille
caract´eristique sup´erieure `a la longueur d’onde du laser
utilis´e. Supposons que l’objet pi´eg´e est une bille d’un
diam`etre de 1µm soumise `a un gradient d’intensit´e de
profil gaussien (fig 1). La bille efracte les rayons lu-
mineux dont l’intensit´e est diff´erente suivant leur posi-
tion, c’est cette diff´erence d’intensit´e qui cr´ee une dis-
sym´etrie dans les transferts de quantit´e de mouvement.
Ces transferts se font par d´eviation des rayons lumi-
neux lors de la r´efraction (fig 1a.), on obtient ainsi une
force nette dirig´ee vers le point de plus forte intensit´e,
car ici l’indice optique de la bille est plus grand que ce-
lui du milieu. Pour compenser la pression de radiation
qui pousse l’objet dans la direction de propagation de
la lumi`ere, le laser est tr`es fortement focalis´e grˆace `a un
objectif de grande ouverture num´erique. En r´efractant
les rayons les plus convergents (fig 1b.) la bille subit un
nouveau transfert de quantit´e de mouvement dont la
force r´esultante est dirig´ee dans le sens oppos´ee `a celui
de propagation de la lumi`ere, ce qui compense en par-
tie la pression de radiation. Cr´eant ainsi un v´eritable
pi`ege optique dans la zone de plus forte intensit´e : le
point de focalisation.
Fig. 1 – Figure d’optique g´eom´etrique montrant
l’origine de la force de gradient exerc´ee sur une
bille par un laser pr´esentant un profil d’intensit´e
gaussien. a. origine de la force transversale, la fl`eche
la plus ´epaisse repr´esente le rayon le plus intense,
qui subit un transfert de quantit´e de mouvement
plus important d’o`u l’orientation de la force vers le
point de plus forte intensit´e. b. origine de la force
longitudinale, la focalisation du faisceau implique
un transfert de quantit´e de mouvement dirig´e vers
ce point de focalisation ; la pression de radiation
qui repousse la bille fait que cette derni`ere est en
´equilibre dans un plan situ´e juste apr`es le point de
focalisation.
Consid´erons cette fois que la taille caract´eristique
de l’objet `a pi´eger est tr`es inf´erieure `a la longueur
d’onde [2], on consid`ere alors cet objet comme un
milieu di´electrique dans lequel se propage une onde
´electromagn´etique haute fr´equence : le rayon lumineux
issu du laser. Un milieu di´electrique est caract´eris´e par
sa polarisabilit´e α, ainsi le champ traversant l’objet
le polarise, et chaque dipˆole cr´e est alors lui mˆeme
soumis `a une force exerc´ee par le champ variable,
ce sont ces forces int´egr´ees sur l’ensemble de l’objet,
en consid´erant `a nouveau le gradient d’intensit´e, qui
m`enent `a la force de gradient (
Fgrad). Cette force
peut ˆetre quantifi´ee puisque l’on connait son expres-
sion litt´erale, en effet on a :
Fgrad =1
2.α.
grad(E2)
o`u αest la polarisabilit´e de la bille de rayon r donn´ee
par :
α=r3.nb
2.n21
n2+ 2
Avec nbl’indice du milieu et nl’indice de la bille (pour
assurer la stabilit´e du pi`ege il faut nb> n). Il existe
ainsi des r´egimes o`u la force de gradient domine sur
la force tendant `a pousser l’objet dans la direction de
propagation de la lumi`ere, on a alors un eritable pi`ege
optique, qui pousse ou tire les objets vers le point de
focalisation, lieu de plus forte intensit´e.
Les deux explications pr´ec´edentes ne sont appli-
cables que dans le cas o`u la longueur d’onde du laser et
la taille caract´eristique de l’objet ne sont pas compa-
rable. Lorsque ce n’est pas le cas la force de pression de
radiation d´epend de la forme pr´ecise de l’objet, ceci fait
appel alors `a la th´eorie de Mie, th´eorie non evelopp´ee
dans cet article.
Une propri´et´e remarquable de ce syst`eme est que
le potentiel ainsi cr´e est harmonique, la pince agit
donc exactement de la eme fa¸con qu’un ressort ! On
est donc en mesure de connaitre directement la force
exerc´ee en connaissant la position de la bille dans le
pi`ege optique. Il est n´ecessaire pour cela de connaitre
la raideur de la pince (par analogie au ressort), chaque
exp´erience n´ecessite donc un ´etallonage pr´ealable de
la pince. Ceci se fait en g´en´eral par une analyse de
la position de la bille `a l’int´erieur du pi`ege lorsqu’elle
n’est soumise qu’au mouvement brownien, en utilisant
le th´eor`eme de fluctuations-dissipations. Typiquement
les pinces optiques permettent d’exercer des forces tr`es
faibles, de 1 `a environ 100 pN, et ce en utilisant des
lasers d’une puissance ´egale `a la centaine de milliwatt.
En ce qui concerne les appplications en biologie il faut
faire tr`es attention `a ne pas endommager voire d´etruire
les ´echantillons observ´es, il faut ainsi choisir des lasers
dont la longueur d’onde ne correspond pas `a celle d’un
rayonnement absorb´e par les substrats biologiques, on
choisit donc tr`es souvent un laser qui ´emet dans l’infra-
rouge. Il est ecessaire ´egalement de faire attention `a
la puissance ´emise par le laser car l’´echauffement pro-
voqu´e par une trop forte intensit´e dans le milieu peut
enaturer les objets observ´es, ceci est une limite `a la
force maximale que l’on peut exercer grˆace `a une pince
optique (P100mW ).
2
Fig. 2–montage exp´erimental d’une pince optique
utilisant un laser Nd YVO4 de longueur d’onde
1064 nm avec suivi de position grˆace `a une diode
`a 4 quadrant, qui peut commander une cellule
piezo´electrique qui ajuste la position du pi`ege sui-
vant l’asservissement souhait´e.
Le montage de pinces optiques ne se esume pas
`a un laser et un objectif, il comprend le mat´eriel
ecessaire pour contrˆoler parfaitement le fonctionne-
ment du pi`ege, `a savoir une partie d´etection de la bille
qui permet d’effectuer une r´etroaction sur le syst`eme
pour l’asservir en position ou bien en force (fig. 2). En
effet en contrˆolant la position de la bille dans le pi`ege
on peut choisir la force appliqu´ee sur l’objet, puisque la
pince agit comme un ressort, ceci constitue un moyen
tr`es efficace pour effectuer des manipulations `a force
constante.
Pour toutes ces raisons les pinces optiques consti-
tuent un excellent outil pour manipuler les objets de
la taille du micron, comme des billes de latex, indis-
pensables dans les exp´eriences de mol´ecules uniques en
biophysique, puisqu’elles sont utilis´ees comme support
de traction, les objets ´etudi´es ´etant fix´es `a leur sur-
face. C’est ainsi que l’on proc`ede pour ´etudier des ob-
jets biologiques dans des manipulations de mol´ecules
uniques.
Les moteurs mol´eculaires du vivant sont des
´el´ements essentiels dans certains ph´enom`enes biolo-
giques. Les exemples de processus n´ecessitant des mo-
teurs mol´eculaires sont nombreux. Par exemple, le mo-
teur kin´esine(qui se d´eplace sur les microtubules) as-
sure le transport des v´esicules dans la cellule, le mo-
teur actine( qui se d´eplace sur la myosine) exerce les
forces qui permettent la contraction musculaire, la
F1-F0 ATPsynth´etase catalyse la synth`ese de l’ATP,
l’ARN polym´erase transcrit le enome... Les moteurs
cit´es ci-dessus aussi diff´erents soient-ils, ont des ca-
ract´eristiques physiques du mˆeme ordre de grandeur.
En effet, `a cette ´echelle les forces mises en jeu sont
de l’ordre du piconewton (pN) et les d´eplacements
´el´ementaires sont de l’ordre du nanom`etre (nm) [3, 4].
L’´etude de ces moteurs n´ecessite un dispositif sensible
`a de tels ordres de grandeurs; c’est pourquoi, comme
nous l’avons vu dans cette partie, les pinces optiques
sont des outils particuli`erement adapt´es. Dans ce rap-
port nous avons choisi de pr´esenter la transcription
de l’ADN en ARN car elle fait intervenir un moteur
assez particulier : l’ARN polym´erase. Cette enzyme
poss`ede deux fonctions distinctes : comme les autres
moteurs elle fournit un travail ecanique, mais elle
est aussi capable de lire et transcrire l’ADN. Dans
un premier temps, nous rappellerons bri`evement le
ph´enom`ene de transcription. Dans un second temps,
nous pr´esenterons les exp´eriences sur mol´ecule unique
`a l’aide de pinces optiques qui ont permis d’´etudier le
ph´enom`ene de la transcription.
2 La transcription de l’ADN par
une ARN polym´erase
Pour que les ribosomes pr´esents dans le cyto-
plasme cellulaire fabriquent les prot´eines `a partir des
acides amin´es (briques ´el´ementaires), il faut entre
autres que ces derniers ait le “plan de montage”. Ce
plan n’est autre que l’ARN messager, ARN messa-
ger qui est transcrit `a partir du double brin d’ADN
(Acide D´esoxyribo Nucl´eique), support de l’informa-
tion g´en´etique. L’ADN est constitu´e de deux brins
entrelac´es formant une elice droite, chaque brin est
compos´e de sous unit´es ´el´ementaires : les 4 nucl´eotides
ATP, CTP, GTP, TTP. La base azot´ee A (resp. G)
est le compl´ementaire de T (resp. C), les nucl´eotides
correspondant se font face et ´etablissent entre eux des
liaisons H qui lie les deux simples brins dans la struc-
ture en double h´elice de l’ADN. Il en va de mˆeme pour
le brin d’ARN , hormis que la base T est remplac´ee par
Fig. 3–structure en double h´elice l’ADN
et compl´ementarit´e des bases azot´ees. Chaque
nucl´eotide est constitu´e d’un phosphate, d’un ri-
bose et d’une base. Les bases ont des affinit´es struc-
turelles par paires, ainsi G peut former 3 liaisons
H avec C et A peut en former 2 avec T.
3
la base U (uracile) et que le esoxyribose est remplac´e
par un ribose. Ainsi la transcription consiste `a associer
`a chaque base d’un brin d’ADN son compl´ementaire
dans le brin D’ARNm, AU et GC. Cette asso-
ciation se fait grˆace `a une enzyme l’ARN polym´erase
(fig. 4), qui est en g´en´eral accompagn´ee de nombreuses
autres prot´eines qui ont divers rˆoles (comme l’ou-
verture de la double h´elice d’ADN). Cependant les
bact´eriophages ont des ARNp plus simples, ils n’ont
pas de co-facteurs et sont constitu´ees d’une seule unit´e.
L’ARNp de E. Coli a la propri´et´e d’ˆetre assez simple et
plutˆot lente, ce qui permet de faciliter les exp´eriences
de transcription. Cette enzyme se d´eplace le long du
brin compl´ementaire au template (brin dont l’ARNm
est la copie exacte) et processivement le brin d’ARNm
`a partir des nucl´eotides triphospsphotes (NTPs), et
c’est l’hydrolyse de ces bases phosphat´ees qui lib`ere
l’´energie n´ecessaire `a l’enzyme pour se eplacer et
transcrire le long du brin (chaque hydrolyse lib`ere une
´energie de l’ordre de 10kbT. A l’heure actuelle le fonc-
tionnement pr´ecis de la transcription reste myst´erieux,
cependant les exp´eriences de mol´ecules uniques et en
particulier l’utilisation des pinces optiques dans l’´etude
de la transcription ont permis de saisir plus en d´etail
l’activit´e de l’ARNp et de v´erifier exp´erimentalement
la th´eorie.
Fig. 4 – Transcription du double brin d’ADN en
ARNm par une ARN polymerase
3 Application `a l’´etude de la
transcription
Description des exp´eriences
Exp´erience de Neuman et al., 2003 [5] : une
extr´emit´e d’un brin d’ADN est immobilis´ee sur une
surface par l’interm´ediaire d’un complexe anticorps-
antig`ene (antidigoxig´enine-digoxig´enine). Ce eme
brin d’ADN est en train d’ˆetre transcrit par une ARNp
fix´ee `a une bille de polystyr`ene (d’indice n1,6)
(fig.5A) elle eme pi´eg´ee dans une pince optique.
Lors de la transcription, l’ARNp se eplace vers
l’extr´emit´e libre du brin d’ADN ce qui induit norma-
lement un d´eplacement de la bille dans le faisceau la-
ser. Dans cette exp´erience, les auteurs ont choisi de
travailler `a force constante. Pour cela ils ont muni
Fig. 5–A) Sch´ema du dispositif exp´erimental : une
ext´emit´e du brin d’ADN est fix´ee sur une surface.
L’ADN est en cours de transcription par une ARNp
fix´ee sur une bille de polystyr`ene pi´eg´ee dans la
pince optique. B)Position de l’ARNp soumise `a une
force de 18 pN, sur le brin d’ADN en fonction du
temps. La vitesse sur l’ensemble de la transcrip-
tion est bien repr´esent´ee par la somme de deux
gaussiennes : un pic centr´e sur z´ero montre l’exis-
tence de pauses, l’autre pic est centr´e sur la vitesse
moyenne entre les pauses.
leur dispositif d’un syst`eme d’asservissement en force :
pour que la bille reste toujours `a la mˆeme position
dans le pi`ege (i.e la force exerc´ee sur la bille reste
constante), ils d´eplacent la surface sur laquelle est fix´e
l’ADN dans le sens contraire de la transcription par
l’interm´ediaire d’un syst`eme pi´ezo´electrique solidaire
avec la surface, ce d´eplacement est contrˆol´e par une
boucle de etroaction qui fait intervenir la etection de
la position de la bille par une diode `a quatre quadrant.
On peut donc mesurer le eplacement de l’ARNp au
cours du temps avec une bonne esolution. Dans le cas
ecrit ci-dessus o`u la force s’oppose `a la transcription,
la courbe de d´eplacement en fonction du temps r´ev`ele
l’existence de pauses (fig. 5B). En effet l’ARNp entre
dans une phase inactive allant de la seconde `a la dizaine
de secondes. De plus, la probabilit´e pour que l’enzyme
soit inactive est ind´ependante de la s´equence d’ADN
transcrite. En dehors de ces pauses la vitesse de trans-
cription est constante. Sur l’ensemble de la transcrip-
tion, la distribution de vitesse est bien ecrite par la
somme de deux gaussiennes : une centr´ee en z´ero cor-
4
respondant aux pauses et l’autre centr´ee sur la vitesse
de transcription entre les pauses. Pour l’instant la force
´etait constante et oppos´ee `a la transcription. L’´equipe
s’est ensuite interrog´e sur le comportement de l’enzyme
si elle ´etait soumise `a une force plus ´elev´ee, ou bien si
la force appliqu´ee allait dans le sens de la transcrip-
tion. Contrairement `a ce que l’on pouvait croire, une
augmentation de la force jusqu’`a une certaine valeur
seuil n’a pas d’influence sur la vitesse, et ce, que la
force soit oppos´ee ou non `a la transcription (fig. 6,a).
Au del`a de cette valeur seuil la force impos´ee par la
bille empˆeche la prot´eine de transcrire.
Fig. 6 – a. Relation normalis´ee entre la vitesse et la
force. On compte positives les forces qui s’opposent
`a la transcription et egatives celles qui l’accom-
pagnent. La vitesse semble ˆetre ind´ependante de
la force appliqu´ee jusqu’`a ce que cette derni`ere at-
teignent une valeur seuil : ici on observe une chute
de la vitesse pour une force normalis´ee proche de
l’unit´e. b. Courbes repr´esentant l’´evolution de la
force au cours de la transcription. Le syst`eme d’as-
servissement en position garde la bille en place en
augmentant la raideur du laser. Lorsque la trans-
cription est arr´et´ee la raideur cesse d’augmenter et
on peut ainsi connaˆıtre la force seuil qui bloque la
transcription. Sur la courbe en gras les pauses ont
´et´e soustraites alors que sur la courbe en trait fin
non. Ici la force seuil est de 23pN environ
Dans un article ant´erieur (Wang et al., 1998) [6],
les auteurs ont d´etermin´e la valeur de cette force seuil
pour une ARNp grˆace aux pinces optiques.
Exp´erience de Wang et al., 1998 : leur protocole
exp´erimental (fig. 7) consiste `a fixer sur une lame de
verre une ARNp qui transcrit un brin d’ADN fix´e `a
l’une de ses extr´emit´es `a une bille de polystyr`ene pi´eg´ee
dans une pince optique. Dans cette exp´erience le dis-
positif est ´equip´e d’un syst`eme d’asservissement en po-
sition : on fixe la position de la bille en augmentant la
raideur du faisceau laser, ce qui revient `a augmenter la
force jusqu’`a l’arrˆet de la transcription. La force seuil
obtenue est d’environ 23 pN (fig. 6, b).
Discussion et comparaison avec la th´eorie.
Jusqu’`a pr´esent, le processus de “backtracking” ´etait
une hypoth`ese explicant l’existence de pauses [6]. Pen-
dant ce ph´enom`ene, l’ARNp revient en arri`ere sur le
brin d’ADN sur une distance de quelques nucl´eotides
(i.e quelques nanom`etres). Non seulement cette dis-
tance est `a la limite de esolution des pinces optiques,
mais ce retour en arri`ere empˆeche ´egalement l’ARNp
de poursuivre la transcription. En effet, l’extr´emit´e du
Fig. 7 – Une ARNp fix´ee sur une lame de verre
transcrit un brin d’ADN dont l’une des ext´emit´es
est fix´ee sur une bille de polystyr`ene pi´eg´ee dans le
faisceau du laser.
brin d’ARN par laquelle se fait l’´elongation a boug´e par
rapport au site actif de l’ARNp. Selon ce mod`ele, l’´etat
dans lequel se trouve l’ARNp (i.e active ou arrˆet´ee)
est modifi´e par l’application d’une force. Une barri`ere
Fig. 8 – Profil de l’´energie libre de l’ARNP lors du
“ backtracking”.
d’´energie s´epare les deux ´etats et un retour en arri`ere
de l’ARNp sur une certaine distance D permet `a la
mol´ecule d’entrer dans un ´etat inactif. La probabilit´e
propos´ee par les auteurs du mod`ele, pour que l’ARNp
fasse une pause d’une certaine dur´ee, est donn´ee par
une loi de Boltzman : P=P0exp(F D
KbT) o`u POest
la probabilit´e de dur´ee de la pause en l’absence de
force, F est la force appliqu´ee, et KbTest l’´energie
thermique. Donc, selon que la force assiste ou s’oppose
`a la transcription la dur´ee de la pause devrait augmen-
ter ou diminuer. Pourtant la figure 9 repr´esentant la
probabilit´e de dur´ee des pauses en fonction de la force
nous montre qu’il en est autrement. Tandis que la pro-
babilit´e th´eorique est proportionnelle `a l’exponentielle.
Il est clair d’apr`es les mesures que cette probabilit´e est
ind´ependante de la force appliqu´ee. Etant donn´e que
la probabilit´e est ind´ependante du chemin suivi par
l’ARNp entre deux ´etats, un profil en ´energie diff´erent
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