Dossier mt pédiatrie 2012 ; 15 (supplément 1) : 46-61 Apports des marqueurs moléculaires dans l’analyse des mécanismes d’acquisition et dans le suivi des infections nosocomiales Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. The use of molecular markers for the analysis of initial infection and subsequent monitoring of nosocomial infections Philippe Bidet Édouard Bingen Université Paris Diderot - Paris-7, Sorbonne Paris Cité, Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), hôpital Robert-Debré, service de microbiologie, UFR de médecine, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France <[email protected]> Résumé. L’investigation des cas d’infections nosocomiales s’apparente à une enquête policière, visant à retracer la diffusion d’une souche bactérienne épidémique au sein de l’environnement hospitalier. Le laboratoire joue un rôle important dans ces enquêtes épidémiologiques grâce à l’analyse comparative des souches bactériennes par différentes méthodes de typage. Du fait des nombreux inconvénients des marqueurs phénotypiques (biotypie, antibiotypie, sérotypage), des méthodes de typage moléculaire, analysant l’ADN lui-même, sont préférentiellement utilisées. Ces méthodes de typage permettent de démontrer la transmission d’une même souche de patients à patients, de distinguer les récidives des réinfections, d’identifier les voies de contaminations et de suivre la diffusion de clones au sein d’une population. Mots clés : génotypage, infection nosocomiale, PCR, AP-PCR, RAPD, REP-PCR, MLST, RFLP, ribotypage, électrophorèse en champ pulsé Abstract. The investigation of cases of nosocomial infections is similar to a police investigation, in that the spread of a bacterial epidemic strain is traced within the hospital environment. The laboratory plays an important role in these epidemiological studies involving comparative analysis of bacterial strains using different screening methods. Because of the many drawbacks of phenotypic markers (biotyping, antibiotyping and serotyping), molecular screening methods, analysing DNA itself, are promoted. These screening methods are used to demonstrate the transmission of the same strain from patient to patient, to distinguish between recurrence and re-infection, to identify the routes of contamination, and to track the spread of clones within a population. Key words: genotyping, nosocomial infection, PCR, AP-PCR, RAPD, REP-PCR, MLST, RFLP, ribotyping, pulsed field gel electrophoresis L Tirés à part : P. Bidet 46 3 % chez l’enfant de plus de cinq ans [1]. La survenue d’une infection nosocomiale dans un service hospitalier exige une série d’investigations afin de prévenir la survenue de nouveaux cas [2]. Sur le plan individuel, il s’agira de déterminer la voie de contamination du patient et, lors de cas groupés, de déterminer s’il s’agit d’une épidémie et d’en trouver la source (figure 1) [3, 4]. Dans le cas des infections bactériennes, les plus fréquentes, les espèces en cause sont principalement des staphylocoques, des entérocoques et des bacilles à Gram négatif. Ces espèces étant ubiquitaires, les voies de contaminations peuvent être multiples : translocation Pour citer cet article : Bidet P, Bingen É. Apports des marqueurs moléculaires dans l’analyse des mécanismes d’acquisition et dans le suivi des infections nosocomiales. mt pédiatrie 2012 ; 15(supplément 1) : 46-61 doi:10.1684/mtp.2012.0451 doi:10.1684/mtp.2012.0451 mtp e rôle du laboratoire de microbiologie dans un hôpital pédiatrique ne se limite pas seulement à l’identification des germes responsables d’infections et à l’étude de leur sensibilité aux antibiotiques. Son activité de routine comporte également la surveillance des infections nosocomiales. En effet, les infections nosocomiales représentent une cause importante de morbidité et de mortalité en milieu hospitalier pédiatrique. Chez l’enfant, la fréquence des infections nosocomiales est inversement corrélée avec l’âge. Elle est ainsi de 22 % chez le nouveau-né, de 11 % chez l’enfant de moins de deux ans, 4 % entre deux et quatre ans et E. coli E. coli Patient A Patient B Le même ? Oui Non Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Cas épidémiques Cas sporadiques non reliés ? Source commune Transmission croisée Figure 1. Démarche d’investigation des cas groupés d’infections nosocomiales. à partir de la flore digestive, contamination de dispositifs médicaux (sondes, cathéters, solutions injectables), transmission manu-portée ou via l’environnement hospitalier (eau, surfaces, matériel). La première étape de l’enquête va donc s’attacher à retrouver l’espèce bactérienne en cause dans les flores du patient et son environnement. Cependant, ces espèces bactériennes étant fréquemment isolées, tant comme pathogènes que comme commensaux ou colonisateurs, la simple identité d’espèce ne permet pas, à elle seule, de conclure sur la source de l’infection ou l’existence d’une véritable épidémie. Il faudra démontrer que les bactéries isolées appartiennent à un même clone, c’est-à-dire qu’elles sont issues d’une bactérie-mère suffisamment proche dans le temps pour partager les mêmes caractéristiques, liées à un même génome. Le laboratoire doit donc aller plus loin que la simple identification de l’espèce. Il doit être capable, au sein d’une même espèce bactérienne, de distinguer plusieurs « types » présentant des caractéristiques différentes grâce à des méthodes dites de « typage ». Cette capacité à différencier deux souches n’ayant aucun lien épidémiologique, qui porte le nom de « pouvoir discriminant », est la caractéristique la plus importante de tout système de typage. Il peut être calculé grâce à l’indice de Hunter qui évalue la probabilité pour que deux souches non reliées apparaissent différentes en utilisant la méthode de typage. On comprend bien qu’une méthode de typage qui ne classerait les isolats qu’en seulement deux ou trois types différents serait trop peu discriminante et conduirait à de fausses interprétations d’identités des souches analysées. Les autres qualités recherchées pour un système de typage sont la typabilité ou la capacité de typage (la méthode est applicable à toutes les souches d’une espèce), la reproductibilité (obtention de résultats identiques pour une même souche analysée plusieurs fois), l’universalité ou la versatilité (la méthode peut être utilisée pour typer plusieurs espèces bactériennes différentes avec le minimum de modification). Enfin, on privilégiera les méthodes largement et facilement applicables (simples, rapides, accessibles et peu coûteuses) et celles déjà validées en situation pratique dans l’investigation épidémiologique. Caractéristiques d’un système de typage idéal Les marqueurs phénotypiques Un système de typage bactérien a donc pour but de mettre en évidence des caractères variables au sein d’une même espèce bactérienne (marqueurs épidémiologiques). Les premiers outils dont dispose le laboratoire pour répondre à cette question sont les caractères phénoty- mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 47 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Apports des marqueurs moléculaires piques les plus simples : aspect des colonies sur milieu de culture (pigmentation, opacité, mucosité), caractères biochimiques et sensibilité aux antibiotiques. Mais ces caractères de base sont pauvres et trompeurs. Pauvres, car bien souvent peu variables au sein de l’espèce. Trompeurs, car influencés par les traitements antibiotiques reçus par le patient ou les conditions de culture de la bactérie. Pour ne prendre que la sensibilité aux antibiotiques, qui est couramment utilisée, car immédiatement disponible, elle n’a de sens que pour un germe ayant acquis plusieurs mécanismes de résistance dont la combinaison est peu fréquente. Mais, face à une bactérie présentant le phénotype sauvage de sensibilité aux antibiotiques, cette méthode n’est d’aucun secours. Et la prise d’antibiotique par le patient peut parfois modifier le phénotype de résistance chez la bactérie qu’il héberge, alors qu’il s’agit toujours du même clone. D’autres méthodes de typage phénotypiques peuvent être utilisées : sérotypage (antigènes de surface déterminés par agglutination avec des antisérums spécifiques), lysotypage (sensibilité aux bactériophages, virus spécifiques de clones bactériens formant des plages de lyse sur les cultures). Le lysotypage est actuellement réservé à des laboratoires de référence qui seuls possèdent la collection de bactériophages adéquats. Le sérotypage et le sérogroupage sont couramment utilisés pour typer les méningocoques, les salmonelles et les shigelles. Des antisérums sont aussi à la disposition des laboratoires pour certains sérogroupes de Escherichia coli (antigène capsulaire K1 et antigènes somatiques des E. coli entéropathogènes) et sérotypes de streptocoques du groupe B. Pour les autres espèces bactériennes, la possession d’une banque d’antisérums est l’affaire de laboratoires spécialisés. Cependant, le sérotypage classique est parfois confronté à des biais liés soit à la lecture des agglutinations, soit à la variabilité d’expression des antigènes par la bactérie selon les conditions de culture. On voit donc que les méthodes phénotypiques, si elles ont l’avantage de donner des résultats rapides, sont entachées d’un grand nombre de biais et de limitations. Ces limites ont amené les microbiologistes à développer des méthodes d’analyse directe de l’ADN génomique bactérien (caractéristique de la bactérie) qui, lui, reste stable, quelles que soient les conditions de culture et les antibiothérapies utilisées. Comme le séquençage complet du génome bactérien reste encore long et onéreux, les méthodes de typage utilisées ne vont étudier que certaines régions du génome bactérien. On parlera alors de marqueurs moléculaires caractérisant un génotype bactérien. Les méthodes de typage moléculaire On peut classer les méthodes de génotypage en trois catégories : 48 – les techniques de séquençage de l’ADN ; – les techniques de restriction enzymatique ; – les techniques d’amplification génique basées sur la polymerase chain reaction (PCR). Alors que les techniques de séquençage donnent, comme résultat final, une séquence d’ADN sous la forme d’une chaîne de caractères composés des quatre bases (A, C, T et G), les autres techniques génèrent des fragments d’ADN de tailles différentes que l’on fait migrer dans un champ électrique (électrophorèse en gel d’agarose ou de polyacrylamide) afin de les séparer en fonction de leurs tailles. Le résultat final se présente alors sous la forme d’un profil de bandes, semblable à un « code-barres » que l’on va comparer à celui obtenu pour une autre souche bactérienne (figure 2). Certaines techniques vont analyser le génome dans sa globalité, ou pour être plus précis, inspecter différents sites dispersés sur l’ensemble du chromosome : c’est notamment le cas des techniques de restriction enzymatique. D’autres, au contraire, cibleront seulement quelques gènes, ne donnant ainsi qu’une vision partielle ou focale du génome bactérien. Cependant, dans tous les cas, si la méthode utilisée ne montre aucune différence entre les souches analysées, il faudra toujours garder à l’esprit que des différences situées ailleurs sur le génome, donc non étudiées, peuvent quand même exister. C’est pour cette raison qu’il est généralement conseillé d’associer plusieurs méthodes de typage afin d’augmenter la sensibilité et d’obtenir un résultat plus fiable. Techniques de séquençage de l’ADN À défaut de pouvoir séquencer le génome complet des bactéries, les techniques de génotypage basées sur le séquençage de l’ADN génomique se limitent à l’analyse d’un ou de plusieurs gènes présentant un polymorphisme suffisant pour être exploitable. Ces gènes peuvent être des gènes de virulence, des gènes codant des antigènes de surface (on parle alors de sérotypage moléculaire) ou des gènes dits « de ménage » codant des fonctions de base de la cellule. Les séquences d’ADN obtenues pour un même gène chez les différentes souches sont alignées et comparées afin de repérer des mutations, des délétions ou des insertions qui les différencieraient. La technique de multi-locus sequence typing (MLST) combine le séquençage de plusieurs gènes de ménage (généralement sept) afin d’analyser l’évolution d’une espèce sur une longue période de temps [5]. Cette méthode permet de classer les souches en « sequence types » (ST), regroupés en groupes ou complexes clonaux, et est devenue la méthode de référence pour les études phylogénétiques de collections de souches [6]. Malgré leur grande fiabilité, et les comparaisons interlaboratoires qu’elles permettent, les méthodes de génotypage basées sur le séquençage présentent plusieurs inconvénients qui limitent leur utilisa- mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 ADN bactérien PCR Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Restriction enzymatique Fragments d’ADN Séquençage des produits de PCR Séparation des fragments selon leur taille par électrophorèse - + s1 s2 s3 Comparaison des profils de bandes s1 ACTGGTCATTGA s2 ACTGGTCATTGA s3 ACTG-TCATCGA Comparaison des séquences Figure 2. Principe général des méthodes de génotypage bactérien. tion dans le typage des bactéries responsables d’infections nosocomiales. Elles sont d’abord limitées à une seule espèce bactérienne, ce qui oblige le laboratoire à changer de méthode pour chaque nouvelle espèce. Ce premier inconvénient les confine à quelques laboratoires spécialisés effectuant des travaux de recherche sur l’espèce en question. Elles n’étudient qu’une toute petite partie de l’ensemble du génome bactérien. Aussi, si elles ne révèlent aucune différence de séquence sur les gènes étudiés, cela n’exclut pas que des différences importantes existent ailleurs sur le génome des bactéries comparées, d’où un pouvoir discriminant inférieur à celui d’autres méthodes d’analyse globale du génome comme l’électrophorèse en champ pulsé. Il existe cependant des cas où un gène peut présenter un polymorphisme exploitable pour le typage alors que les techniques d’analyse globale du génome ne parviennent pas à différencier des souches non reliées, notamment lorsqu’elles appartiennent à un clone de diffusion mondiale comme c’est le cas des streptocoques du groupe A de sérotype M1 [7]. Dernier inconvénient de ces techniques, elles restent encore onéreuses et d’accès difficile pour beaucoup de laboratoires qui, obligés de sous-traiter le séquençage proprement dit, n’obtiennent de résultats que tardivement. Ces inconvénients limitent donc, jusqu’à présent, l’utilisation de ces méthodes à des laboratoires de recherche. Techniques de restriction enzymatique On appelle « enzyme de restriction » une enzyme capable de couper l’ADN double brin en des sites spécifiques caractérisés par une séquence d’ADN de quatre à huit bases. Ces séquences sont généralement des palindromes, c’est-à-dire que la séquence est identique sur le brin sens et sur le brin antisens. Sur un ADN génomique, une enzyme de restriction va réaliser des coupures à chaque fois que la séquence du site spécifique est reconnue. Le nombre de coupures varie donc selon les enzymes et dépend de la fréquence avec laquelle le site reconnu est présent. La taille et le nombre de fragments d’ADN obtenus après digestion sont donc un reflet de la séquence globale du génome digéré. Ces fragments sont séparés en fonction de leurs tailles par électrophorèse en gel d’agarose. Après marquage de l’ADN par un agent intercalant fluorescent aux ultraviolets (bromure d’éthidium), on obtient un profil de bandes, spécifique du génome digéré, mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 49 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Apports des marqueurs moléculaires 50 - RFLP : coupures en nombreux fragments - Ribotypage : hybridation des fragments codant pour l’ARNr 16S et 23S (sonde) - Électrophorèse en champ pulsé : coupures en peu de fragments Figure 3. Techniques basées sur la restriction enzymatique de l’ADN. semblable à un « code-barres ». Les différents profils sont comparés deux à deux et l’identité de profil entre deux souches bactériennes permet de conclure à l’identité (ou la très forte similitude) de leurs génomes donc à un lien génétique entre les deux souches. Cette technique simple et peu coûteuse, qui analyse le polymorphisme de longueur des fragments de restriction (restriction fragment length polymorphism [RFLP]), a, dans un premier temps, utilisé des enzymes à haute fréquence de site de coupure qui généraient un grand nombre de fragments d’ADN sur un génome bactérien composé de plusieurs millions de paires de bases [8]. Cela rendait donc difficile la comparaison des profils du fait d’un nombre de bandes trop important (> 1 000). Pour améliorer la lisibilité des profils, on a donc cherché à réduire le nombre de bandes des profils, soit en ne rendant visibles que certaines bandes par des techniques d’hybridation avec sondes ADN (technique de Southern et ribotypage), soit en diminuant le nombre de sites de coupure (électrophorèse en champ pulsé) (figure 3). Technique de Southern et ribotypage La technique de Southern consiste à transférer, sur une membrane de nylon, les fragments d’ADN obtenus après restriction enzymatique et à les hybrider avec une sonde ADN (ou ARN) marquée soit par un atome radioactif (sonde chaude), soit par une enzyme capable de transformer un substrat en molécule colorée ou émettrice de lumière (sonde froide). On utilise généralement un film radiographique pour révéler les fragments sur lesquels la sonde s’est fixée. La sonde ne se fixant que sur les fragments d’ADN comportant la séquence complémentaire, il y aura autant de fragments rendus visibles que de copies du gène reconnu par la sonde. Comme de nombreuses espèces bactériennes possèdent plusieurs copies des gènes des ARN ribosomaux (ARNr) sur leur chromosome (par exemple, sept pour E. coli), l’ARNr marqué peut avantageusement servir de sonde. La technique prend alors le nom de ribotypage [9]. Cette technique a l’avantage d’être universelle car, les gènes des ARNr ayant peu évolué au cours du temps, la sonde d’une mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. espèce est capable de se fixer sur les fragments d’une autre espèce proche. Les profils sont très faciles à lire et à interpréter et peuvent être comparés d’un laboratoire à un autre, sous réserve d’utiliser la même enzyme et la même sonde. Elle a cependant l’inconvénient de comporter de nombreuses étapes (digestion enzymatique, électrophorèse, transfert sur membrane de nylon, marquage de la sonde, hybridation, lavages, révélation) qui retardent le rendu des résultats (cinq jours) et nécessitent une bonne connaissance pratique de toutes ces étapes, donc un personnel rompu à des techniques de biologie moléculaires très spécialisées. Cet inconvénient fait qu’elle a été peu à peu délaissée au profit de l’électrophorèse en champ pulsé. Technique d’électrophorèse en champ pulsé Cette technique, souvent citée sous l’acronyme anglais PFGE (pulsed field gel electrophoresis), est actuellement considérée comme le gold standard en matière de génotypage bactérien [10]. Pour palier au problème de lisibilité des profils de RFLP, le principe est de choisir une enzyme qui coupe l’ADN génomique en très peu de sites (figure 4). Il suffit, par exemple, de prendre une enzyme reconnaissant une séquence riche en C et G (exemple : l’enzyme SmaI qui reconnaît et coupe la séquence « CCCGGG ») pour digérer le génome d’une bactérie à faible pourcentage en G et C (par exemple : Staphylococcus aureus, 32 % de G + C) où l’enzyme a peu de chance de rencontrer son site de coupure. On obtient donc peu de fragments (quelques dizaines) mais, du coup, des fragments de très grande taille (centaines de kilobases). Comme ces grands fragments seraient incapables de migrer dans une électrophorèse standard, on utilise, pour leur séparation, une cuve spéciale où le champ électrique va changer d’orientation au cours du temps selon des pulses produits par un générateur programmable. Ce changement d’orientation du champ électrique va permettre de dérouler les fragments qui seraient bloqués dans le maillage de la matrice d’agarose. La séparation de ces grands fragments d’ADN prend du temps (plusieurs dizaines d’heures selon les programmes) et expose le tampon de migration à une surchauffe qui ferait fondre le gel d’agarose. Le dispositif inclut donc une pompe qui fait circuler le tampon en permanence dans un bloc réfrigérant. Autre contrainte de la technique, les bactéries doivent préalablement être incluses dans une matrice d’agarose (plug), avant de subir la lyse de leur paroi et la digestion enzymatique de l’ADN, car la manipulation directe de leur ADN à l’aide d’une pipette pourrait entraîner des cassures mécaniques et donc des fragments de tailles aléatoires qui interféreraient avec ceux produits par l’enzyme de restriction. Il en résulte que c’est une technique longue (quatre à cinq jours) qui nécessite un matériel très spécialisé et onéreux. Seuls certains laboratoires de microbiologie peuvent se permettre un tel investissement. Mais cette technique comporte de grands avantages. Les profils obtenus sont bien lisibles, parfaitement reproductibles, et le nombre de bandes suffisamment important pour offrir un bon reflet de l’ensemble du génome de la bactérie analysée. Une fois le matériel acquis par le laboratoire, il peut être utilisé pour le typage de n’importe quelle espèce bactérienne cultivable ; il suffit juste de changer d’enzyme de restriction et de programme de migration. C’est donc une technique universelle, très discriminante et très fiable. L’analyse des profils de restriction avec plusieurs enzymes permet d’accroître avantageusement son pouvoir discriminant et d’affermir les conclusions. Toute épidémie d’importance est généralement analysée avec cette technique. Cependant, ses contraintes et le délai de rendu des résultats font qu’elle est souvent utilisée comme technique de confirmation, plutôt que comme technique de première ligne en situation d’urgence. Techniques d’amplification génique basées sur la PCR L’amplification génique par PCR consiste à amplifier un segment d’ADN grâce à deux amorces choisies pour l’encadrer et une polymérase thermostable, capable de résister aux cycles de températures (95 ◦ C pour séparer les brins d’ADN, 50 à 65 ◦ C pour fixer les amorces, 72 ◦ C pour la polymérisation de l’ADN). La réaction a lieu dans un appareil capable de faire varier la température en fonction d’un programme préenregistré (thermocycleur). À chaque cycle, on multiplie par deux le nombre de copies du segment d’ADN recherché, s’il était présent au départ. Après 30 cycles, on obtient en théorie 230 (109 ) copies, ce qui rend sa visualisation possible sur une électrophorèse en gel d’agarose. Développé en 1983 par Kary Mullis, la PCR est désormais une technique courante, utilisée pour une grande variété d’applications dans tous les domaines de la biologie. L’avantage de la PCR est que la plupart des laboratoires de microbiologie sont équipés du matériel nécessaire à sa réalisation. C’est devenu une technique peu coûteuse et rapide. Plusieurs méthodes ont été proposées pour l’adapter au typage des bactéries (figure 5) : – les techniques de PCR multiplexe ; – la technique de PCR-ribotypage ; – les techniques de PCR de séquences répétées (enterobacterial repetitive intergenic consensus [ERIC]-PCR, repetitive extragenic palindromic [REP]-PCR, multiplelocus VNTR analysis [MLVA]) ; – les techniques de PCR aléatoire ou « random-PCR » (arbitrarily primed PCR [AP-PCR], random amplified polymorphic DNA [RAPD]). Techniques de PCR multiplexe La PCR multiplexe consiste à combiner plusieurs couples d’amorces (et donc, plusieurs recherches de segments d’ADN différents) dans une même réaction. On choisit alors les amorces de façon à ce que les segments mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 51 Apports des marqueurs moléculaires A-Préparation des échantillons, digestion enzymatique de l’ADN (3 jours) Culture en bouillon J2 Lysozyme + PK : J1 Moule « Plug » J3 lyse des bactéries dans le « plug » Enzyme Sma I 5’-CCC GGG-3’ 5’-CCCGGG-3’ 3’-GGG CCC-5’ 3’-GGGCCC-5’ Enzyme de restriction : digestion de l’ADN J4 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Agarose fondu Insertion des plugs dans un gel d’agarose B-Électrophorèse en champ pulsé (15 à 30 h), séparation des fragments d’ADN Pompe 14°C Bloc réfrigérant - Générateur programmable Cuve +- A- + - B- + 120° α? ==120° B+ Déroulement des gros fragments d’ADN par réorientation du champ électrique A+ C-Acquisition de l’image, comparaison des profils 1 2 3 4 5 6 Marquage de l’ADN par le BET (agent intercalant fluorescent) Photographie du gel sur table à UV Bain de BET Table à UV Photographie du gel marqué au BET Souches 1,2 et 3 : profils identiques (souches clonales) Souches 4 et 5 : profils proches (souches potentiellement reliées) Souches 1, 4 et 6 : profils différents (souches non reliées) Figure 4. Étapes de la technique d’électrophorèse en champ pulsé. 52 mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. REP REP - REP-PCR : amplification de régions situées entre 2 séquences REP ARNr 16 S RIG ARNr 23 S - PCR-ribotypage : amplification de la région variable entre les gènes d’ARNr 16S et 23S - AP-PCR / RAPD : fixation aléatoire de l’amorce de PCR Figure 5. Techniques d’amplification génique basées sur la polymerase chain reaction (PCR). d’ADN recherchés soient de tailles suffisamment différentes pour être bien séparés lors de l’électrophorèse en gel d’agarose. Pour utiliser cette méthode comme outil de typage bactérien, il faut choisir comme cibles recherchées des gènes dont la présence peut varier d’une souche à une autre. Ces gènes peuvent être des gènes de virulence, des gènes de résistance aux antibiotiques, des gènes codant des antigènes de surface ou bien des séquences non codantes comme les séquences d’insertion (IS) [1113]. Une variante de cette méthode est la PCR-single nucleotid polymorphism (SNP), qui choisit des amorces sur des mutations différenciant des allèles de gènes (si la mutation est présente, il n’y a pas d’amplification et donc disparition de la bande) [14]. Le problème de ces méthodes est que les gènes étant choisis pour une espèce bactérienne donnée, la méthode n’est utilisable que pour cette espèce et pas pour une autre. De plus, le pouvoir discriminant dépend du nombre de cibles recherchées et de leur fréquence, or les contraintes techniques limitent le nombre de cibles à environ une dizaine, au maximum. mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 53 Apports des marqueurs moléculaires Ces techniques sont donc reproductibles (car basées sur la recherche de gènes spécifiques), mais peu discriminantes et limitées à une seule espèce, ce qui les confine le plus souvent à des laboratoires spécialisés. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Technique de PCR-ribotypage 54 Cette technique ne doit pas être confondue avec le ribotypage, autre technique de typage qui a été décrite précédemment. Elle utilise le polymorphisme de longueur d’une séquence d’ADN séparant les gènes des ARNr 16S et 23S. Chez certaines espèces appartenant aux genres Clostridium et Bacillus, cette séquence varie suffisamment en taille pour qu’en choisissant une amorce dans le gène de l’ARNr 16S et une autre dans le gène de l’ARNr 23S, les produits d’amplification des différentes copies présentes sur le chromosome de la bactérie puissent être séparés par l’électrophorèse. Cette technique n’est utilisée, en biologie médicale, que pour typer l’espèce Clostridium difficile [15]. Ce n’est donc pas une technique universelle. Techniques de PCR de séquences répétées (ERIC-PCR, REP-PCR, MLVA) L’ADN bactérien comporte toute une série de séquences répétées non codantes, longues de plusieurs dizaines de paires de bases, qui sont dispersées sur le génome. Certaines sont spécifiques d’une famille de bactéries comme les séquences ERIC, retrouvées chez les entérobactéries. D’autres sont ubiquitaires, comme les séquences REP [16]. Ces séquences REP sont présentes en grand nombre sur le chromosome de la plupart des espèces bactériennes (∼ 1 000 copies chez E. coli). Deux amorces, définies à chacune des deux extrémités 5 des séquences REP vont s’hybrider dans des conditions de forte stringence (hybridation spécifique avec une séquence complémentaire homologue) puis l’extension par la polymérase va se poursuivre jusqu’à la séquence REP suivante si la distance entre les deux n’excède pas 5 000 paires de bases. Comme la distance entre deux séquences REP peut varier d’une souche à une autre, les produits d’amplification générés seront spécifiques de cette souche ou du clone auquel elle appartient et vont pouvoir être séparés par électrophorèse donnant alors un profil de bandes d’ADN caractéristique de cette souche ou de ce clone. Cette technique a été décrite pour la première fois par Versalovic et al. en 1991 et a depuis été utilisée pour le typage de nombreuses espèces bactériennes [16]. L’avantage de cette technique est de donner des résultats rapides. Cependant, les séquences répétées pouvant parfois subir des mutations qui gênent la fixation des amorces, l’amplification du segment d’ADN qu’elles encadrent peut échouer, surtout si la distance entre les deux séquences répétées dépasse les 1 000 paires de bases. Il en résulte que des bandes peuvent apparaître ou disparaître lorsque l’on refait la PCR sur la même souche. Cette labilité des profils entre deux PCR, liées à d’infimes variations dans l’exécution de la technique est, bien sûr, très embarras- sante pour la comparaison des souches. Afin de palier à ce problème, des systèmes standardisés sous forme de kits prêts à l’emploi sont actuellement commercialisés (DiversiLabTM , Biomérieux). La migration des fragments d’ADN amplifiés n’y est pas effectuée sur gel d’agarose mais dans une puce par microcapillarité avec intégration de l’électrophorégramme par un automate qui normalise les électrophorèses en fonction d’un standard interne. Ce système permet d’améliorer la reproductibilité des profils et, donc, la fiabilité de la méthode. L’inconvénient est le coût élevé du matériel (automate, puces et kits commerciaux). Cependant, les résultats sont obtenus en 48 heures, avec possibilité de les comparer à une banque de donnée de profils. La technique MLVA utilise le polymorphisme de séquences répétées en tandem (variable number tandem repeat [VNTR]), présentes, en nombre variable, en différents sites du chromosome des bactéries [17]. Cette technique a été développée par certaines équipes avec succès. Elle reste cependant encore confinée aux laboratoires qui en ont l’expérience pour une espèce bactérienne particulière [18]. Techniques de PCR aléatoire ou « random-PCR » (AP-PCR, RAPD) Il y a quelque chose de déroutant dans la technique de « random-PCR » (PCR aléatoire), qui prend le contrepied de toutes les règles normalement suivies pour une PCR diagnostique. Dans une PCR classique, on choisit deux amorces d’une taille suffisante (20 à 30 paires de bases) pour que leurs séquences soient spécifiques de la cible recherchée et l’on fixe des conditions stringentes (température supérieure à 50 ◦ C) pour que les amorces ne s’hybrident que sur des séquences parfaitement homologues. Dans la PCR aléatoire, on fait tout le contraire. L’amorce unique ne comporte qu’une dizaine de bases et elle est utilisée à une température d’hybridation très basse (entre 30 et 40 ◦ C). Dans ces conditions de faible stringence, cette petite amorce va être capable de se fixer un peu n’importe où sur le génome de la bactérie, si elle rencontre une séquence ressemblant un tant soit peu à sa séquence complémentaire. Si deux amorces se fixent sur les deux brins d’ADN à une distance suffisamment courte (moins de 5 000 paires de bases), une amplification va se produire. Du fait de la fixation au hasard, sur une multitude de sites du génome de la bactérie, on obtient un grand nombre de produits d’amplification et, donc, de bandes de tailles différentes sur gel d’agarose. Il existe deux variantes de cette technique selon la longueur de l’amorce utilisée, portant les noms de RAPD et AP-PCR [19, 20]. La technique ressemble donc à celle de la REP-PCR, sauf que, dans la PCR aléatoire, la cible sur laquelle se fixe l’amorce est inconnue. Mais peu importe, du moment qu’on obtient des bandes qui reflètent, plus ou moins bien, la séquence globale du génome. . . On voit bien qu’une telle méthode comporte, plus encore que la REP-PCR, un risque impor- mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. tant de non-reproductibilité des profils. La règle est de toujours analyser l’ensemble des souches bactériennes au cours d’une seule et même série afin de s’affranchir des variations techniques. L’analyse des profils obtenus doit se faire avec prudence en incluant dans la série des souches témoins sans lien épidémiologique avec les souches analysées. Il peut être aussi utile de passer chaque souche en double afin de repérer les bandes reproductibles et de baser l’analyse uniquement sur celles-ci. En conclusion, malgré de gros problèmes de reproductibilité, cette technique simple et peu coûteuse constitue un excellent moyen de débrouiller rapidement un problème urgent (en moins de 48 heures), sous réserve de s’entourer des précautions méthodologiques que nous avons exposées et de confirmer, plus tard, les résultats par une technique plus fiable. Nouvelles techniques de typage De nouvelles techniques basées sur la digestion enzymatique (cartographie optique de l’ADN), la PCR (PCR-high resolution melting analysis [HRM]), les puces à ADN ou la spectrométrie (spectrométrie de masse et spectroscopie Raman) sont actuellement en développement dans le domaine du typage bactérien et pourront peut-être s’ajouter à l’arsenal actuel. La méthode de cartographie optique par peignage moléculaire de l’ADN est une technique basée sur le même principe que l’électrophorèse en champ pulsé (digestion de l’ADN génomique en grands fragments) mais sans migration, avec observation microspopique des brins d’ADN digérés. Couplée à l’analyse de la séquence complète d’une souche de référence, elle permet la reconstitution d’une carte du génome de la bactérie analysée. On se rapproche donc ici du séquençage complet. Cette technique complexe et limitée à des laboratoires très spécialisés permet de repérer d’infimes variations entre deux génomes très proches. Elle peut donc s’avérer utile pour comparer des souches de bactéries connues pour être clonales, comme les E. coli entérohémorragiques de sérotype O157 : H7 ou certaines shigelles, pour lesquels les autres techniques sont parfois en échec [21, 22]. La PCR-HRM consiste à amplifier un gène sujet à des variations alléliques par une technique de PCR en temps réel avec marqueur fluorescent de l’ADN double brin (Sybr-green ou autre), puis à analyser la forme de la courbe de dissociation des brins de l’ADN amplifié en fonction de la température. Les différents allèles présenteront des courbes différentes, ce qui permet de classer les souches en groupes alléliques [23]. Il est donc possible d’utiliser cette technique pour différencier les allèles des gènes de la méthode MLST que nous avons décrite précédemment. L’avantage est un gain de temps et d’argent puisqu’il n’est plus nécessaire, alors, de séquencer les produits d’amplification. Cette technique, promise à un bel avenir, comporte cependant toujours, comme les PCR multiplexes et PCR-SNP, l’inconvénient d’être dédiée à une seule espèce. Il en est de même pour la technique des puces à ADN. Cette technique consiste à hybrider l’ADN total d’une bactérie ou des produits de PCR avec plusieurs centaines de sondes représentant différents gènes de l’espèce étudiée [24, 25]. Cette technique, qui démultiplie les cibles recherchées par rapport à la PCR multiplexe, nécessite cependant un matériel spécialisé qui, jusqu’à présent, n’est disponible que dans quelques laboratoires de recherche. La spectrométrie de masse de type MALDI-TOF (Matrix-assisted laser desorption/ionization-time-of-flight), qui permet l’analyse des protéines ionisées en fonction de leur temps de vol (donc de leur masse) a été récemment appliquée à la bactériologie. Le spectre obtenu après ionisation des protéines cellulaires par une matrice contient certains pics spécifiques d’espèces permettant l’identification rapide des colonies bactériennes sur milieu de culture. Plusieurs équipes ont adapté cette technique au typage bactérien, en analysant d’autres pics du spectre, spécifiques de clones ou de groupes clonaux [26, 27]. Cette méthode de typage, qui donnerait des résultats très rapides, va probablement se développer au fur et à mesure que les spectromètres de masse se généraliseront dans les laboratoires de bactériologie. La spectroscopie Raman est une méthode non destructive, permettant de caractériser la composition moléculaire et la structure d’un matériau. La méthode consiste à focaliser un faisceau laser sur l’échantillon à étudier et à analyser la lumière diffusée sous forme d’un spectre. Plusieurs études ont montré l’efficacité de cette méthode pour le typage bactérien [28]. Cette méthode reste pour l’instant du domaine de la recherche du fait de son appareillage spécialisé. Stratégie d’utilisation des méthodes de typage Comme nous l’avons vu précédemment, les méthodes de typage bactérien sont très nombreuses et le choix de l’une ou l’autre pour analyser une infection nosocomiale ou une épidémie va dépendre de plusieurs éléments (tableau 1) : – le degré d’urgence du résultat attendu ; – l’espèce bactérienne en cause ; – la disponibilité des techniques et l’expérience du laboratoire ; – le degré de discrimination nécessaire ; – le coût économique. Dans un premier temps, les méthodes phénotypiques de bases (profil biochimique, antibiotype, sérotypage s’il est accessible) seront utilisées, en restant prudent dans leur interprétation. mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 55 Apports des marqueurs moléculaires Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 1. Tableau comparatif des principales techniques de génotypage. 56 Technique Universelle Pouvoir discriminant Reproductibilité Analyse globale/ ciblée du génome Délai (jours) Coût (D /souche) après culture Séquençage complet Oui Maximal Parfaite Globale > 30 Très élevé > 5 000 D Puce à ADN Non Bon Bonne Ciblée 1- + Élevé > 100 D + équipement Séquençage d’un gène Non Faible ou moyen Parfaite (selon le gène) Ciblée 2- + Moyen 10-20 D MLST Non Bon Parfaite Ciblée 2- + Élevé > 50 D RFLP Oui Moyen Moyenne Globale 2 Faible < 10 D Ribotypagea Oui Bon Très bonne Intermédiaire 3- + Moyen 10-20 D + équipement Électrophorèse en champ pulsé (PFGE)a Oui Très bon Très bonne Globale 3- + Moyen 10-20 D + équipement PCR multiplexe Non Moyen (selon les Très bonne gènes) Ciblée 1 Faible < 10 D PCR-ribotypagea Non Bon (pour Clostridium difficile) Bonne Ciblée 1 Faible < 10 D REP-PCRa Par groupes de germes Moyen Moyenne à bonne Globale (si kits) 1-2 Élevé (si kits) > 50 D + équipement Moyen Médiocre 1 Faible < 10 D Oui PCR aléatoirea (AP-PCR, RAPD) Globale MLST : multi-locus sequence typing ; RFLP : restriction fragment length polymorphism ; PFGE : pulsed field gel electrophoresis ; REP : repetitive extragenic palindromic ; PCR : polymerase chain reaction ; AP-PCR : arbitrarily primed PCR ; RAPD : random amplified polymorphic DNA. Les coûts sont donnés à titre indicatif, ne prennent pas en compte le coût en personnel et de l’équipement et varient selon le nombre de souches analysées en même temps. Les délais ne tiennent pas compte du transport des souches jusqu’au laboratoire, du dessouchage, ni de la disponibilité du personnel apte à effectuer la technique. a Techniques les plus utilisées pour le typage de souches d’infections nosocomiales. Les techniques de génotypage par PCR, qui donnent des résultats rapides, seront privilégiées dans les situations où une réponse urgente est attendue. Le choix de la technique dépendra de l’expérience du laboratoire et de l’espèce bactérienne. Les deux techniques universelles les plus utilisées sont la PCR aléatoire (AP-PCR ou RAPD) et la REP-PCR. Selon la bactérie en cause, on pourra faire appel à un laboratoire d’expertise (laboratoire de recherche travaillant sur cette bactérie, Centre national de référence), qui disposera de méthode de sérotypage ou de PCR spécifiques adaptées. Enfin, si ces méthodes n’ont pas permis d’exclure une parenté entre les souches étudiées, on fera appel à des méthodes de génotypage plus fastidieuses mais très fiables et très discriminantes, au premier rang desquelles vient l’électrophorèse en champ pulsé. Dans tous les cas, le laboratoire exécutant doit inclure, dans la comparaison des souches à analyser, des souches témoins appartenant à la même espèce mais sans lien épidémiologique avec les souches étudiées. En effet, si ces souches témoins se révélaient indifférenciables avec la technique utilisée, cela démontrerait un défaut de discrimination de la technique pour l’espèce étudiée et les résultats seraient donc ininterprétables. Exemples d’utilisation des marqueurs moléculaires dans les infections nosocomiales Les marqueurs moléculaires trouvent de nombreuses applications dans le cadre des infections nosocomiales. Ils peuvent aider à confirmer une infection, reconnaître mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. une épidémie, mettre en évidence une transmission croisée, reconnaître la source de l’infection et distinguer les rechutes des réinfections en cas d’infections récidivantes avec une même espèce bactérienne. cathéter central en comparant les souches des hémocultures à celles isolées au niveau du cathéter (lumière, pavillon ou point d’insertion) et dans les flores du patient (figure 6). Confirmer une infection Les cathéters veineux centraux sont le principal facteur de risque d’infections nosocomiales chez les enfants, notamment chez les nouveau-nés et les immunodéprimés, et les staphylocoques à coagulase négative, le principal agent pathogène en cause. Mais les staphylocoques à coagulase négative sont fréquemment isolés à partir d’hémocultures, où ils peuvent être seulement un contaminant. Déterminer si l’isolement d’un staphylocoque à coagulase négative représente une vraie bactériémie est donc parfois difficile. Dans ce contexte, l’isolement répété de la même souche est un critère d’incrimination. Dans la plupart des cas, l’antibiotype (antibiogramme) et le biotype permettent de conclure avec suffisamment de confiance. Cependant, dans certains cas difficiles à interpréter, l’utilisation de méthodes de génotypage permet de résoudre le problème en démontrant l’identité des bactéries isolées sur le plan génétique [29]. Les marqueurs moléculaires peuvent aussi, dans ce cadre, être utilisés pour distinguer entre bactériémie d’origine endogène et bactériémie liée à une contamination du Distinguer les rechutes des réinfections en cas d’infections récidivantes Les cas d’infections récidivantes avec une même espèce bactérienne doivent être interprétés différemment selon qu’ils sont liés à la même souche ou à une autre souche non reliée sur le plan génétique [30]. En effet, dans le premier cas, la rechute, donc un défaut d’éradication, il s’agit d’un échec du traitement antibiotique. La cause peut en être une résistance méconnue, une posologie ou une durée insuffisante, une pharmacocinétique anormale ou un problème de diffusion de l’antibiotique au site infectieux. Il importe alors de modifier le traitement et de vérifier son efficacité par des dosages adéquats. Dans le second cas, la réinfection, le traitement n’est pas en cause. Ce peut être lié à une susceptibilité de l’hôte à l’infection comme un déficit du système immunitaire (défaut de vaccination, immunodépression) ou une anomalie anatomique ou physiologique favorisant l’infection, comme le reflux vésico-urétéral dans les infections urinaires ou une brèche méningée dans les méningites récidivantes à Haemophilus ou pneumocoque [31-33]. Dans Diversilab v3.3 PC # 178 Souche Origine 86 88 90 92 94 96 98 100 Profile REP 1 Patient 1 2 Patient A, non relié 3 Patient 1 Sang 15/08/2007 3 4 Patient 1 Sang 17/08/2007 3 5 Patient 1 Cathéter 18/08/2007 3 6 Patient B, non relié Fèces 15/08/2007 1 2 é 4 REP-PCR (DiversiLab™ Biomérieux) % Similarité Figure 6. Bactériémie à Enterococcus faecalis liée à une contamination d’un cathéter central : analyse des souches par repetitive extragenic palindromic (REP)-polymerase chain reaction (PCR). Souche 1 : E. faecalis de portage dans la flore digestive du patient ; souches 3 et 4 : souches isolées des hémocultures du patient ; souche 5 : souche isolée du cathéter du patient ; souches 2 et 6 : souches témoins, non reliées à l’épisode analysé. La souche isolée du cathéter est semblable à celle de la bactériémie alors qu’elle diffère de celle du portage digestif. La bactériémie n’est donc pas d’origine endogène mais liée à une contamination du cathéter central. mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 57 Apports des marqueurs moléculaires Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. les cas d’infections nosocomiales sur terrains fragilisés, où immunodépression et multirésistance sont souvent associées, les marqueurs moléculaires permettent de trancher entre ces deux hypothèses. Reconnaître ou infirmer une épidémie Lorsqu’on assiste à une augmentation de l’incidence de cas d’infections avec une même espèce bactérienne dans un service, il est crucial de savoir s’il s’agit d’une véritable épidémie, liée à la diffusion d’une même souche, ou d’une accumulation de cas sporadiques liée au hasard. L’utilisation des marqueurs phénotypiques et notamment de l’antibiotype peut parfois induire en erreur. Une augmentation du nombre d’infections à entérobactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G) peut être liée à des changements dans l’utilisation des antibiotiques au sein du service et ne pas refléter l’émergence d’une souche épidémique. L’utilisation des marqueurs moléculaires pour comparer les souches permettra de trancher. Ainsi, la survenue de six septicémies, d’une chorioamniotite et d’une infection urinaire à Enterobacter cloacae résistant aux C3G chez neuf patients de trois services contigus de l’hôpital Robert-Debré sur une période de quatre mois avait entraîné un isolement des patients en 1991. Toutes ces souches avaient le même biotype et le même antibiotype, caractérisé par l’hyperproduction d’une céphalosporinase, ce qui avait fait craindre, à l’époque, la survenue de contaminations croisées. Le ribotypage avait permis de montrer que les souches n’avaient pas de liens sur le plan génétique [8]. En effet, de telles souches émergent naturellement, par sélection de mutants, dans la flore des patients traités par C3G. Plus récemment, la survenue de cas groupés de pullulation digestive de Klebsiella pneumoniae chez des nouveau-nés en réanimation néonatale avait fait craindre l’existence de contaminations nosocomiales. L’analyse des souches par REP-PCR en 48 heures, confirmée par électrophorèse en champ pulsé, démontra que ces souches n’avaient aucun lien entre elles (figure 7). De nouveau, c’était l’antibiothérapie qui était seule responsable de ces pullulations : tous ces nouveau-nés avaient reçu de l’amoxicilline. Démontrer ou infirmer l’existence d’une épidémie peut avoir comme conséquence ultime la décision de fermer un service [34]. Il est donc crucial d’utiliser plusieurs approches afin d’être certain de l’identité ou de la différence des souches. Origine de la contamination : source commune ou transmission croisée ? Lorsque l’identité des isolats sur le plan génétique est prouvée, confirmant l’existence d’une épidémie dans un service, la seconde question à laquelle le médecin doit répondre est l’origine de la contamination. Le risque de transmission croisée est particulièrement important dans le cas des agents infectieux à transmission aérienne : virus M Diversilab v3.3 PC # 179 Souche Patient 1 1 2 3 4 5 6 7 8 M Profile REP Profile ECP Patient 2 1 1 2 Patient 1 2 2 3 Patient 3 3 3 4 Patient 4 4 4 5 Patient 5 5 5 6 Patient 6 6 6 7 Patient non relié 7 7 7 8 Patient non relié 7 8 8 65 70 75 80 85 90 95 100 % Similarité REP-PCR (DiversiLab™ Biomérieux) Électrophorèse en champ pulsé (ECP) Figure 7. Cas groupés de pullulation digestive de Klebsiella pneumoniae chez des nouveau-nés en réanimation néonatale : analyse des souches par repetitive extragenic palindromic (REP)-polymerase chain reaction (PCR) et électrophorèse en champ pulsé. M : marqueur (ou « échelle ») de poids moléculaires ; 1 à 6 : six nouveau-nés colonisés par K. pneumoniae ; 7 et 8 : souches témoins, non reliées à l’épisode analysé. Toutes les souches présentent des profils différents excluant l’hypothèse épidémique. 58 mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. SITE OP. SITE OP. NEZ C SITE OP. NEZ B SITE OP. NEZ A Figure 8. Infections postopératoires (scolioses) à Staphylococcus aureus : analyse des souches par random amplified polymorphic DNA (RAPD) (polymerase chain reaction [PCR] aléatoire). Les profils des souches des patients (A, B et C) sont différents (absence de transmission croisée) mais, pour chaque patient, la souche de l’infection est identique à celle du portage nasal. respiratoires, tuberculose, coqueluche, streptocoque du groupe A dans une maternité. Il en est de même pour l’acquisition de germes multirésistants tels que S. aureus résistant à la méthicilline (SARM), les entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) et les entérobactéries productrices de -lactamases à spectre étendu (EBLSE) ou de carbapénèmases. Dans tous ces cas, l’utilisation des méthodes de typage permet de suivre le processus de transmission et, une fois l’historique des transmissions reconstitué, de prendre les mesures d’hygiène adaptées afin de prévenir la survenue de cas secondaires [35, 36]. Même lorsque l’existence d’une épidémie est infirmée, les méthodes de typage sont utiles pour comprendre le mécanisme d’acquisition des infections nosocomiales. Ainsi, lors d’une augmentation des cas d’infections postopératoires de scoliose à S. aureus dans un service de chirurgie orthopédique en 1996, il avait été démontré, grâce à la technique de PCR aléatoire, que les souches des patients étaient toutes différentes, excluant un problème de transmission croisée, mais que chaque patient s’infectait avec sa propre souche de portage (écouvillon nasal) (figure 8). Le problème était lié à désinfection insuffisante du site opératoire avant l’opération. Dans le cas où une source commune est suspectée, notamment dans les infections à bacilles à Gram négatifs non fermentaires à tropisme hydrique, comme les genres Pseudomonas, Burkholderia, Ralstonia ou Stenotrophomonas, il conviendra de rechercher la bactérie incriminée dans l’eau, les produits perfusés, les flores des patients (oropharyngées, cutanées et digestives) et même les antiseptiques. L’enquête doit être la plus minutieuse possible du fait du caractère ubiquitaire des infections. Ainsi, au cours de l’hiver 2001 à 2002, huit septicémies à Burkholderia cepacia chez des enfants porteurs d’un cathéter central pour nutrition parentérale exclusive sont survenues dans deux services de l’hôpital Robert-Debré sur une période de sept mois. La recherche de la bactérie dans tous les prélèvements réalisés par le service d’hygiène hospitalière (points d’eau, surfaces, matériel, antiseptiques, produits perfusés, flores des enfants) était négative. Le recoupement de l’ensemble des produits perfusés au cours de l’enquête épidémiologique révélait cependant un point commun aux huit patients : la perfusion d’émulsions lipidiques qui pourtant étaient négatives en culture. Il fallut l’œil attentif de l’hygiéniste pour repérer la présence d’une petite goutte de condensation sous l’opercule plastique recouvrant le bouchon. Sa mise en culture révéla qu’elle était contaminée avec une grande quantité de B. cepacia. L’analyse des souches d’hémocultures et de celle de l’eau de condensation par ribotypage confirmait que l’on avait bien affaire à la même souche (figure 9). L’enquête se T MII A B C D E F G H I J K Figure 9. Bactériémies à Burkholderia cepacia liées à des perfusions d’intralipides : analyse des souches par ribotypage. MII : marqueur (ou « échelle ») de poids moléculaires ; A à F : souches des patients (hémocultures) ; G et H : souches isolées sur le bouchon de flacons d’intralipides ; I à K : souches témoins, non reliées à l’épisode analysé. Les profils des souches des patients sont identiques entre elles (épidémie confirmée) et à ceux des souches retrouvées sur les bouchons des flacons (origine de la contamination). Les souches témoins présentent des profils différents, ce qui valide les conclusions. mt pédiatrie, vol. 15, supplément 1, novembre 2012 59 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Apports des marqueurs moléculaires 60 poursuivit jusque chez le fabriquant qui approvisionnait toute l’Europe. La bactérie fut finalement retrouvée dans l’eau de refroidissement des flacons après leur autoclavage dans l’usine. À l’hôpital, la contamination était associée à un temps insuffisant d’application de l’antiseptique sur le bouchon, avant de prélever l’émulsion du flacon à l’aiguille [37]. Cette histoire complexe montre bien que l’enquête d’hygiène préalable est fondamentale et que les marqueurs moléculaires interviennent dans un deuxième temps pour confirmer ou infirmer les hypothèses, de la même manière que, dans une enquête policière, l’analyse des traces d’ADN permet de confondre ou de disculper un suspect. cliniques et d’environnement hospitalier nécessaires à l’élucidation des mécanismes d’acquisition. Les méthodes de typage complètent donc l’enquête épidémiologique mais ne se substituent en aucun cas à elle. Conflits d’intérêts : Aucun. Références 1. 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Si certaines techniques sont limitées à une seule espèce bactérienne, d’autres sont dites « universelles » car utilisables pour typer n’importe quelle espèce cultivable. Les plus utilisées sont, en premier lieu, les techniques de PCR qui ont l’avantage de la rapidité. Jusqu’à récemment, la plus utilisée était la technique de PCR aléatoire (AP-PCR et RAPD) qui est d’un grand secours dans les situations d’urgence mais dont les résultats sont parfois difficiles à interpréter du fait d’une mauvaise reproductibilité. Cette technique est en cours de remplacement par la REP-PCR semi-automatisée, disponible sous forme de kits commercialisés, et qui donne des résultats fiables et rapides. Enfin, les laboratoires spécialisés utilisent comme technique de confirmation l’électrophorèse en champ pulsé qui combine un grand pouvoir discriminant et une reproductibilité parfaite. Les qualités de cette dernière technique en font la méthode de référence dans le domaine du typage bactérien. Il convient cependant de combiner plusieurs techniques afin de confirmer les résultats obtenus et, si besoin, de faire appel à un laboratoire de référence pour certaines espèces bactériennes plus rarement impliquées dans les infections nosocomiales (mycobactéries, bordetelles. . .). Dans tous les cas, l’analyse des marqueurs moléculaires vient dans un deuxième temps pour confirmer ou infirmer les hypothèses émises au cours de l’enquête épidémiologique. Il faudra donc d’abord réaliser tous les prélèvements 3. Bingen E. Marqueurs moléculaires et épidémiologie des infections nosocomiales en pédiatrie. Pathol Biol (Paris) 1993 ; 41 : 716-23. 4. Bingen E. Applications of molecular methods to epidemiologic investigations of nosocomial infections in a pediatric hospital. Infect Control Hosp Epidemiol 1994 ; 15 : 488-93. 5. Maiden MC, Bygraves JA, Feil E, et al. Multilocus sequence typing: a portable approach to the identification of clones within populations of pathogenic microorganisms. 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