GéostratéGiques n° 42 • 2e trimestre 2014 CHINE - EUROPE Perceptions croisées
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la chanson populaire, le dialecte, le proverbe, l’énigme, le livret, les us et coutumes
et la religion populaire
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. En collectionnant les sources de ce dernier, méprisées par
l’élite lettrée,
l’inspiration lui vint pour
formuler, entre 1920 et 1923, une «théo-
rie stratigraphique sur l’accumulation et la falsication de l’histoire de l’antiquité
chinoise en couches successives». ChenYinke, quant à lui, mit l’accent sur les nou-
velles sources et sur les nouvelles opinions qu’il attendait
chaque fois que nécessaire
pour corriger ses articles
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. Il excellera à utiliser des poèmes pour étudier l’histoire,
en
élargissant ainsi
beaucoup
le champ des sources. En dehors des documents o-
ciels, les fondateurs de l’histoire économique et sociale en Chine s’intéressèrent aux
documents populaires. Par exemple, pour démêler l’évolution et l’application de
Yi
Tiao Bian Fa (
e Single Whip Law), Liang Fangzhong (1908-1970) a étudié plus
de mille titres des chroniques locales qu’il avait collectionnées dans les diérents
bibliothèques en Chine, au Japon et aux États-Unis
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.
Poser les nouvelles questions
Non seulement les historiens de la nouvelle histoire comptèrent sur des docu-
ments, mais aussi ils s’attachèrent à «explorer les règles générales de l’histoire à
travers les relations mutuelles et les
liens de cause à eet
des choses»
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. Hu Shi a
dit: «L’histoire a deux
côtés, l’un est scientique, qui fait attention à collectionner
et à arranger des documents; l’autre est
artistique, qui
attache de l’importance à
raconter et à expliquer les
événements historiques». Chen Yinke a dit: «Ce qu’on
trouve est en fait une petite partie des documents que les ancêtres ont laissés. Si
on voulait guetter toute la structure des choses en s’appuyant sur ces fragments, il
nous faudrait avoir la vision et l’esprit avec lesquels les artistes goûtent des pein-
tures et des sculptures de l’époque ancienne, et ensuite on pourrait comprendre ce
que les ancêtres ont dit». C’est pourquoi Chen Yinke chercha souvent des pistes
à
travers les poèmes des intellectuels pour
témoigner des causes et conséquences des
grands évènements. Par exemple, dans son chef-d’œuvre, Biographe non-ociel de
10. Gu Jiegang, «Zixu (préf. de Gu) dans Gushibian I», Sur le chemin de l’histoire, l’égo-histoire de Gu
Jiegang, Beijing, Maison d’édition de l’Université Renmin de Chine, 2011, p. 48.
11. Huang Xuan, «En souvenir de Professeur Chen Yinke, souvenir fragmentaire d’une assistante de
quatorze ans de travail en commun», Actes du colloque international en souvenir du Professeur Chen
Yinke, p. 70.
12. Liu Zhiwei et Chen Chunsheng, «Les études de l’histoire sociale et économique de Monsieur
Liang Fangzhong», Journal académique en sciences sociales de l’Université Sun Yat-sen, n°6, 2008,
p.81, p. 73.
13. Liu Jianming, «Essai sur la méthode comparative de Monsieur Chen Yinke», Actes du colloque
international en souvenir de Professeur Chen Yinke, p. 237.