Dieu aime la variété. Il ne fait évidemment pas ses saints dans le
même creuset. Chaque saint est unique, comme l’est le résultat de
chaque nouvelle idée. Comme le dit la Liturgie : « Non est inventus
similis illis », « il n’en existe pas deux qui soient exactement semblables ». C’est
notre manque d’imagination qui peint la même auréole à tous les saints. Parfois,
il semble prendre plaisir à faire cohabiter deux saints dont les caractères sont
si dissemblables qu’il nous semblerait impossible de les voir vivre ensemble.
Sans aucun doute, Dieu veut leur apprendre l’humilité, en leur montrant que
chacun d’entre eux ne représente qu’une infîme partie du mystère de la sainteté ;
probablement Dieu veut-il aussi nous rassurer, en nous montrant qu’en matière
de caractère il y a de très nombreuses demeures dans le Ciel.
Qui est saint Brice ?
En Touraine, dans la Gaule française du IVe siècle, saint
Brice était un clerc fier et d’un caractère bilieux et
colérique. Il entra au monastère que Saint Martin de Tours
(11 novembre) avait fondé à Marmoutier, à la sortie de
cette ville. Au départ, il était un moine ordinaire quoique
turbulent. A 18 ans, il devint diacre puis quitta le monastère,
pour vivre avec ses esclaves et ses chevaux.
Brice, était jaloux de saint Martin et souvent il l’accablait d’outrages. Un pauvre
en effet étant venu demander Martin, Brice lui dit : « Si tu cherches ce radoteur, lève
la tête, c’est celui qui regarde le ciel comme un insensé ». Le pauvre ayant reçu ce
qu’il demandait de saint Martin, le saint homme appela Brice et lui dit : « Je te semble
donc un radoteur, Brice ? ». Or, comme il avait honte d’avoir ainsi parlé et qu’il le
niait, Martin lui dit : « Est-ce que mes oreilles n’étaient pas près de ta bouche quand
tu disais cela tout haut ? Je te dis en vérité que j’ai obtenu du Seigneur de t’avoir pour
successeur dans l’épiscopat ; mais sache que tu éprouveras alors bien des adversités.
» En entendant cela, Brice se moquait en disant : « N’ai-je pas dit vrai, que c’était un
radoteur ? ».
Les ennemis de saint Martin lui reprochaient ce qu’ils considéraient comme une
excessive pauvreté. Saint Martin était inquiet au sujet de la manière dont le
jeune diacre se comportait, et il le réprimandait paternellement.
Cependant, contrairement à la plupart des adultes, Martin écoutait calmement et
répondait avec douceur. Il prédit même à Brice qu’un jour il deviendrait évêque,
mais que son épiscopat ne serait pas pacifique. Les vicaires généraux et les
chanoines de Tours, qui ne pouvaient pas supporter l’idée qu’un jour ils auraient
à être dirigés par ce « soupe-au-lait », pressaient Martin de l’admonester et de
le reprendre durement.
Mais saint Martin répondit : « Si le Christ a dû supporter Judas, alors moi, pourquoi
ne pourrais-je pas supporter Brice ?»
Brice continua à mépriser Martin, mais malgré l’attitude de Brice, Martin le
supportait avec patience, et pour finir, Brice se repentit avec grands remords, et
supplia le pardon de Martin.
A la mort de saint Martin, Brice lui succéda comme évêque de Tours. 30 ans durant,
Brice enseigna, baptisa, confirma, administra, et remplit toutes ses charges
d’évêque. Mais celui-ci n’oubliait pas que Martin lui avait prédit qu’il serait soumis
aux épreuves et que son gouvernement n’irait pas sans tribulation. Chaque jour,
Brice attendit l’accomplissement de la prophétie. C’était peu confortable, mais
Dieu avait choisit cette voie pour affaiblir l’excessive suffisance de la jeunesse.
Un jour une rumeur courrut à travers les rues de Tours, comme quoi une lingère
occupée au palais de l’évêque, avait eu un fils de lui. Quelle aubaine pour les
commérages de la ville ! L’accusation était fausse, mais comment le prouver ?
Tout le peuple se rassembla avec des pierres, à la porte
de Brice, en disant : « Par égard pour saint Martin,
nous avons caché ta luxure ; mais nous ne pouvons
plus désormais baiser des mains polluées. » Brice nia
vigoureusement le crime qu’on lui imputait. « Amenez-
moi l’enfant », dit-il. Quand on lui eut amené cet enfant
qui n’avait que trente jours, Brice lui dit : « Je t’adjure,
par le fils de Dieu, de déclarer, en présence de tout
le monde, si c’est moi qui t’ai engendré. » L’enfant
répondit : « Ce n’est pas toi qui es mon père ».
Une telle précocité sembla suspecte aux gens présents, et ils pensèrent qu’il
devait y avoir malice (tout cela est rapporté par saint Grégoire de Tours).
Le peuple pressa alors l’évêque de lui demander le nom de son père, et il répondit :
« Ceci n’est pas mon affaire ; j’ai fait ce qui m’intéressait ». Alors le peuple attribua
tout cela à la magie en disant : « Tu n’exerceras plus désormais sur nous le pouvoir
sous le nom mensonger de pasteur ». Brice, pour se justifier, porta, sous les yeux
de tous, des charbons ardents jusqu’au tombeau de saint Martin, et quand il les eut
jetés, il ne parut pas que son vêtement en eût été atteint, et il dit : « De même que ce
vêtement, qui est le mien, est resté intact, de même mon corps est pur de tout contact