Cellules souches mésenchymateuses et immunomodulation : intérêt

Revue
Cellules souches mésenchymateuses
et immunomodulation : intérêt en
thérapie cellulaire et risques potentiels
Mesenchymal stem cells and immune modulation: place and potential side
effects in cell therapy
Christine Dosquet
1,3
Marie Moreau
2
1
Unité de thérapie cellulaire,
Hôpital Saint-Louis, AP-HP, 75010 Paris
2
INSERM, U 553, 75010 Paris
3
Université Paris 7, IUH, 75010 Paris
Résumé.Les cellules souches mésenchymateuses, en anglais mesenchymal stem
cells ou multipotent mesenchymal stromal cells, sont des cellules souches multipo-
tentes qui peuvent être isolées facilement chez l’homme à partir notamment de la
moelle osseuse. Des données expérimentales récentes, provenant essentiellement
de travaux effectués in vitro, suggèrent que les MSCs sont des cellules qui
échappent à la reconnaissance immune d’une part, et qui ont des propriétés
immunomodulatrices, principalement immunosuppressives, d’autre part. Ces don-
nées ont des retombées potentiellement très importantes en thérapie cellulaire pour
le traitement de maladies du greffon contre l’hôte ou de maladies auto-immunes
résistantes aux traitements classiques. Cependant, certaines données font supposer
qu’il existe un risque de transformation tumorale des cellules souches mésenchyma-
teuses et de potentialisation de la croissance tumorale. Cette mini-revue a pour but
de faire un état des lieux synthétique des connaissances et des essais cliniques de
thérapie cellulaire dans ce domaine.
Mots clés : cellules souches mésenchymateuses, immunosuppression, maladies
auto-immunes, maladie du greffon contre l’hôte, thérapie cellulaire
Abstract.Mesenchymal stem cells or multipotent mesenchymal stromal cells, are
multipotent stem cells that are easily isolated in human, particularly from the bone
marrow. Recent experimental data, mainly from in vitro studies, suggest that
mesenchymal stem cells can evade immune recognition and inhibit immune
responses. These data have potential important consequences in cell therapy for
the management of severe graft versus host disease or autoimmune diseases
resistant to classic treatments. On the other side, several data suggest that
mesenchymal stem cells could acquire a transformed phenotype and could potenti-
ate the growth of tumor cells. The state of the experimental data and of the cell
therapy protocols in this field will be described in this review.
Key words: mesenchymal stem cells, immunosuppression, autoimmune disease,
graft versus host disease, cell therapy
Les cellules souches mésen-
chymateuses sont des cellu-
les souches multipotentes
qui peuvent être isolées
facilement chez l’homme,
notamment à partir de la moelle
osseuse. La facilité à obtenir les cellules
souches mésenchymateuses en grande
quantité après culture et leurs propriétés
biologiques, notamment immunologi-
ques, a conduit de nombreuses équipes
à mener des recherches précliniques et
Tirés à part :
C. Dosquet
Hématologie 2008 ; 14 (3) : 189-93
Hématologie, vol. 14, n° 3, mai-juin 2008
189
doi: 10.1684/hma.2008.0258
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à développer des essais cliniques au cours desquels des
cellules souches mésenchymateuses sont greffées avec des
objectifs thérapeutiques très divers, allant de la réparation
tissulaire, justifiant un apport local des cellules, à la correc-
tion de défauts génétiques — osteogenesis imperfecta, mala-
die de Hurler, leucodystrophie métachromatique — et au
traitement ou à la prévention de la maladie du greffon contre
l’hôte (graft versus host disease [GVHD]), nécessitant une
administration des cellules par voie intraveineuse. Des arti-
cles précédemment publiés dans Hématologie se sont atta-
chés à faire le point de façon détaillée sur les propriétés
biologiques des cellules souches mésenchymateuses [1] et à
décrire un procédé de production de ces dernières pour
l’usage clinique [2]. Le but de cet article est d’exposer de
façon synthétique les arguments scientifiques qui ont conduit
à développer des essais cliniques mettant en jeu des cellules
souches mésenchymateuses pour leurs propriétés d’immuno-
modulation, tout en sensibilisant le lecteur aux risques poten-
tiels de cette utilisation.
Pour la clarté de la réflexion, il est important de préciser
d’emblée que les cellules souches mésenchymateuses qui
sont des cellules multipotentes à potentiel de différenciation
mésodermique, doivent être clairement distinguées des
MAPC (multipotent adult progenitor cells), qui, contrairement
à ce que pourrait faire croire la terminologie anglo-saxonne,
sont des cellules souches pluripotentes, donc capables de se
différencier vers des lignées des trois feuillets embryonnaires
[3]. Les MAPC sont beaucoup plus rares que les cellules
souches mésenchymateuses dans la moelle osseuse, et sont
d’isolement beaucoup plus difficile. Il est probable que cer-
tains articles décrivent des cellules ayant des propriétés
intermédiaires, mais pour la clarté du raisonnement scientifi-
que, en particulier s’il doit aboutir à des essais clinique de
thérapie cellulaire chez l’homme, il est indispensable de
s’attacher à des critères rigoureux de définition.
Cellules souches mésenchymateuses :
définition
Terminologie, définition biologique,
marqueurs, capacités de différenciation
Les publications scientifiques concernant les cellules souches
mésenchymateuses (mesenchymal stem cells [MSC]), ont
récemment beaucoup augmenté, 80 % des citations du
moteur de recherche Pubmed les concernant datant des cinq
dernières années. Cependant, cette explosion éditoriale a
généré de nombreuses ambiguïtés rendant nécessaire une
clarification de la nomenclature et une définition biologique
des cellules ainsi désignées. Le Mesenchymal and Tissue
Stem Cell Committee de l’ISCT (International Society for
Cellular Therapy) a récemment publié sa position concernant
la nomenclature [4]. Ce comité propose que les cellules
adhérentes au plastique isolées à partir de la moelle osseuse,
du tissu adipeux ou d’autres tissus et couramment dénom-
mées mesenchymal stem cells soient appelées multipotent
mesenchymal stromal cells, et que le terme mesenchymal
stem cells soit réservé à un sous-groupe de ces cellules pour
lesquelles la nature « cellule souche » est démontrée sur des
critères précis. L’acronyme MSC peut être utilisé dans les
deux cas, à charge pour les investigateurs de préciser de
quelles cellules ils parlent. Nous utiliserons nous-mêmes
l’acronyme MSC dans le présent article pour ne pas ajouter à
la confusion en introduisant une abréviation du terme fran-
çais. La préparation des MSC est faite à partir de différents
tissus et par diverses méthodes, rendant difficile la comparai-
son des propriétés biologiques rapportées pour les différen-
tes préparations cellulaires ainsi obtenues. Le comité de
l’ISCT a donc proposé des standards de définition des MSC
humaines [5]. Ces standards comprennent :
l’adhérence cellulaire au plastique dans des conditions de
culture standard,
un phénotype cellulaire défini en cytométrie de flux par un
panel d’antigènes dont l’expression est positive et par un
panel d’antigènes dont l’expression est négative (tableau 1) ;
un potentiel de différenciation multipotent in vitro, dans
des conditions standardisées, vers les trois voies de différen-
ciation mésenchymateuse : ostéoblastes — coloration par le
rouge d’Alizarine ou la coloration de Von Kossa —, adipocy-
tes — coloration par l’Oil Red O —, chondroblastes
coloration au bleu Alcian ou immunomarquage pour le
collagène de type II.
Sources de MSC
Les MSC doivent également être définies par leur tissu d’ori-
gine. Pour la thérapie cellulaire, comme pour les études
fondamentales ou précliniques, la source principale de MSC
est la moelle osseuse, les MSC étant isolées par mise en
culture des cellules mononucléées ou de la moelle totale. Des
Tableau 1
Critères d’identification des MSC par immunomarquage en cytométrie de flux
Marquages positifs (95 %) Marquages négatifs (2%)
CD105 (SH2, endogline) CD45 (marqueur pan-leucocytaire)
CD73 (SH3, SH4, ecto 5’nucléotidase) CD34 (progéniteurs hématopoïétiques et cellules endothéliales)
CD90 (Thy-1) CD14 ou CD11b (monocytes et macrophages)
CD79aou CD19 (lymphocytes B)
HLA-DR (en l’absence de stimulation par l’interféron c)
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MSC ont été mises en évidence dans pratiquement tous les
tissus, mais seuls certains tissus sont des sources potentielles
de MSC pour la thérapie cellulaire. Le tissu adipeux apparaît
comme étant une source importante de MSC, qui est déjà au
stade d’essai clinique. Le sang placentaire et le liquide
amniotique pourraient également devenir sources de MSC
pour la thérapie cellulaire [6].
Les MSC et le système immunitaire
Des données expérimentales récentes, provenant essentielle-
ment de travaux effectués in vitro, suggèrent que les MSC
sont des cellules qui échappent à la reconnaissance immune
d’une part, et qui ont des propriétés immunomodulatrices,
principalement immunosuppressives, d’autre part [7-11].
Ces données ont des retombées potentiellement très impor-
tantes en thérapie cellulaire.
MSC et reconnaissance allogénique
Si des MSC allogéniques ne sont pas rejetées, il est possible
d’utiliser pour la thérapie cellulaire une banque de MSC
allogéniques, ce qui est plus simple que de cultiver et d’ampli-
fier des MCS autologues ou d’utiliser des MSC de donneur
compatible. Ce point est donc crucial. Différentes études in
vitro montrent que des MSC n’induisent pas de réponse
proliférative de lymphocytes allogéniques. Les MSC expriment
des molécules HLA de classe I et n’expriment des molécules
HLA de classe II que après traitement par l’interféron-cou
dans certaines conditions de culture. Il semble que ce privilège
immunitaire des MSC soit HLA-indépendant et également
indépendant de l’expression des molécules de costimulation
CD80 et CD86. Les résultats obtenus in vivo sont contradictoi-
res, et surtout des travaux récents chez la souris suggèrent que
des MSC allogéniques sont rejetées [10, 12]
.
Compte tenu de
l’importance des conséquences cliniques de ces résultats, des
travaux in vivo complémentaires sont nécessaires pour répon-
dre à la question de la greffe ou du rejet des MSC en situation
allogénique. Les relations entre MSC et cellules NK sont
notamment complexes : des MSC humaines sont lysées in vitro
par des NK activées par l’interleukine-2 mais un prétraitement
des MSC par l’interféron-cles protège de cette lyse [10]
.
Qu’en est-il in vivo ?
MSC et immunosuppression
De nombreux travaux ont rapporté un effet immunosuppres-
seur des MSC in vitro. Au cours des réactions lymphocytaires
mixtes, les MSC suppriment la capacité des lymphocytes T à
proliférer en présence d’allo-antigènes ou de mitogènes non
spécifiques. Le degré de suppression dépend de la concen-
tration des MSC, l’effet observé étant une stimulation à faible
concentration. Les MSC conservent leur effet suppresseur
lorsqu’elles sont cultivées dans des chambres de culture dans
lesquelles elles sont séparées des lymphocytes répondeurs
par une membrane semi-perméable, suggérant que l’effet
observé est médié par des facteurs solubles, qu’ils soient
sécrétés par les MSC ou par les cellules immunes en réponse
aux MSC. L’implication de l’hepatocyte growth factor,du
transforming growth factor-b1, de la prostaglandine E2, de
l’oxyde nitrique, de l’interleukine-10 et de la déplétion en
tryptophane médiée par l’indoléamine 2,3-dioxygénase a
été évoquée, des cytokines telles que l’interféron-cet le tumor
necrosis factor-ajouant un rôle dans la régulation de la
production de ces facteurs. Les mécanismes impliqués varient
probablement selon la nature de la stimulation lymphocy-
taire. Le bilan des nombreux résultats rapportés, qui sont
souvent contradictoires, ne permet pas de conclure
aujourd’hui quant au mécanisme de suppression de la
réponse allogénique par les MSC [11]. Les différentes popu-
lations de cellules effectrices du système immunitaire sont
influencées par les MSC. Les cellules T CD3+, CD4+ et CD8+
sont inhibées par les MSC qui augmentent la population de
cellules T régulatrices CD4+CD25+ dans les cultures mixtes
lymphocytaires, sans que leur présence soit nécessaire à la
suppression des réactions lymphocytaires mixtes [7-11]. Les
MSC diminuent in vitro la lyse par les lymphocytes T cytotoxi-
ques de cellules infectées par des virus ; il est essentiel de
savoir si in vivo des MSC exogènes modifient les réponses
antivirales [7, 9]. De même, des MSC allogéniques prévien-
nent la prolifération de cellules NK – totalement lorsque
celles-ci sont au repos et partiellement lorsqu’elles sont
activées —, la différenciation et la maturation de cellules
dendritiques d’origine monocytaire et la prolifération B [10,
11]. Cependant, la situation des MSC dans le système
immunitaire est particulièrement complexe puisque des MSC
murines ou humaines, traitées par l’interféron-c, se compor-
tent en cellules présentatrices d’antigène et activent des
T CD4+ de manière HLA classe II-dépendante, tout en conser-
vant leurs propriétés immunomodulatrices [10].
In vivo chez le babouin, des MSC du donneur ou d’une
« troisième partie » administrées par voie intraveineuse pro-
longent la survie d’une allogreffe de peau [13]. Chez la
souris, l’injection par voie générale de MSC syngéniques
prévient ou diminue le développement d’encéphalomyélite
auto-immune expérimentale, permettant d’observer au
niveau du système nerveux central une diminution de l’infiltra-
tion par des cellules T et des macrophages, ainsi qu’une
diminution des lésions de démyélinisation [14]. En revanche,
des MSC allogéniques ont un effet délétère dans un modèle
d’arthrite rhumatoïde induite par le collagène, cet effet étant
peut-être expliqué par les cytokines de l’inflammation produi-
tes au niveau des zones lésées [15]. Les effets immunosup-
presseurs rapportés pour les MSC, notamment leur effet sur
les lymphocytes T cytotoxiques et sur la maturation des cellu-
les présentatrices d’antigène, en font de bonnes candidates
pour la prévention ou le traitement de GVHD compliquant les
greffes de cellules souches hématopoïétiques allogéniques.
Cependant, les travaux précliniques effectués chez la souris
n’ont pas démontré clairement d’effet bénéfique des MSC sur
la survenue et la sévérité de la GVHD [7-11].
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Utilisation thérapeutique potentielle
des propriétés immunomodulatrices
des MSC et risques potentiels
de cette utilisation
Utilisation des MSC en clinique
pour leur effet immunomodulateur
Chez l’homme, un certain nombre d’essais cliniques sont en
cours pour évaluer l’intérêt des MSC dans la prévention ou le
traitement de la GVHD. Les expériences publiées sont peu
nombreuses [16, 17] pour des revues des applications théra-
peutiques des MSC. L’étude de l’équipe de Lazarus, au cours
de laquelle 46 patients ont reçu simultanément des cellules
souches hématopoïétiques et des MSC du même donneur, a
permis de montrer la faisabilité de cette procédure et son
innocuité à cours terme, mais également la difficulté à détec-
ter les MSC après injection. L’utilisation thérapeutique de
MSC allogéniques pour le traitement de GVHD aiguës de
grade III-IV cortico-résistantes chez un patient, puis chez huit
patients dans un essai ouvert [6], et enfin dans une cohorte de
55 patients ont été rapportés par Le Blanc et al. [16]. Aucun
effet secondaire dû aux MSC n’a été observé et les résultats
cliniques sont plutôt encourageants. Des essais cliniques pour
la prévention ou le traitement de la GVHD sont en cours en
Europe et aux Etats-Unis (à cette date, 11 sur www.clinical-
trials.gov — site du National Institutes of Health — parmi les
42 essais au cours desquels des MSC sont greffées), le plus
souvent pour une utilisation thérapeutique de MSC allogéni-
ques (trois sont des essais clinique de phase III randomisés),
plus rarement pour une utilisation préventive. A noter que
cinq de ces essais cliniques ont pour promoteur la société
Osiris Therapeutics Inc. Différentes équipes s’intéressent au
développement d’essais cliniques utilisant des MSC pour le
traitement de maladies auto-immunes [18]. Les MSC de
patients porteurs de polyarthrite rhumatoïde, de lupus érythé-
mateux disséminé ou de sclérodermie semblent conserver
leur fonction immunosuppressive, alors que d’autres fonc-
tions biologiques des MSC telles que la fonction de soutien
de l’hématopoïèse ou leur capacité de différenciation
seraient altérées. Il semble ainsi envisageable d’utiliser en
thérapie cellulaire, dans ces indications, des MSC autolo-
gues. Il est donc nécessaire de développer des modèles
précliniques pertinents pour ces maladies auto-immunes et
leur traitement par des MSC, afin de confirmer ou non
l’opportunité de développer de tels essais cliniques. Sur le
site www.clinicaltrials.gov sont répertoriés, dans le domaine
des maladies auto-immunes, un essai clinique de phase I/II
utilisant des MSC autologues pour le traitement de la sclérose
en plaques et quatre essais, dont trois de phase III randomi-
sés contre placebo, pour le traitement par des MSC allogéni-
ques de maladies de Crohn modérées à sévères résistantes
ou non au traitement classique. La firme Osiris est promotrice
de ces essais cliniques concernant la maladie de Crohn.
Les risques potentiels sont inhérents aux
MSC elles-mêmes (risque de transformation
tumorale) ou à leur activité biologique,
notamment sur le système immunitaire
Un article rapporte que des MSC en culture à long terme
s’immortalisent avec une haute fréquence et peuvent subir
une transformation spontanée [19]. Dix cultures de MSC
isolées du tissu adipeux ont été menées jusqu’à ce qu’elles
entrent en sénescence — environ deux mois après leur isole-
ment. Cette phase dure de une à 8 semaines, après quoi
toutes les cultures accélèrent leur cycle cellulaire à un rythme
comparable à celui des cellules présénescentes. Les cellules
présénescentes avaient toutes un caryotype normal, alors
que 30 % des cellules post-sénescentes avaient une triso-
mie 8. En général, les cellules humaines, qui en culture
« bypassent » la sénescence, continuent à pousser jusqu’à
une phase de crise caractérisée par une instabilité chromoso-
mique aboutissant à leur apoptose. Parmi ces cultures de
MSC, la moitié a échappé spontanément à la phase de crise
et a continué à proliférer. A ce stade, ces cellules avaient
perdu leur inhibition de contact, poussaient en agar et
avaient de nombreuses anomalies caryotypiques. Par
ailleurs, ces cellules avaient une importante activité téloméra-
sique et formaient des tumeurs chez la souris immunodéfi-
ciente, alors que ni les MSC présénescentes ni les MSC
post-sénescentes n’avaient une activité télomérasique détec-
table et ne formaient des tumeurs [19]. Depuis ce travail, une
autre publication rapporte une étude approfondie concer-
nant des cultures de MSC de moelle osseuse provenant de 10
donneurs sains [20]. Dans ce travail, les cultures ont été
prolongées jusqu’à ce que les MSC entrent en phase de
sénescence ou jusqu’au passage 25. Les cellules avaient une
très grande variabilité de durée de survie en culture. Aucune
de ces cultures de MSC n’a présenté de transformation
spontanée, ni d’activité télomérasique ou d’expression de
hTERT (human telomerase reverse transcriptase). Ces MSC,
avant et après expansion, ne comportaient pas d’anomalie
cytogénétique, y compris en CGH array (array comparative
genomic hybridization) [20]. Les résultats de ces deux études
sont différents pour des MSC d’origine différente, dans des
conditions de culture beaucoup plus longues que celles qui
sont utilisées pour la thérapie cellulaire [19, 20]. Cependant,
ces résultats incitent à la prudence et en particulier à vérifier
avant injection, le phénotype, la fonctionnalité, et le caryo-
type des MSC cultivées au laboratoire de thérapie cellulaire.
Deux articles montrent que, in vivo chez la souris, des MSC
peuvent favoriser la croissance de différentes lignées tumora-
les [21, 22], alors que par contact direct des MSC humaines
ont un effet antitumoral sur une lignée de sarcomes de Kaposi
[23]. Il serait donc possible que des MSC utilisées en thérapie
cellulaire puissent favoriser la croissance d’une maladie
maligne infraclinique. Depuis le début des années 2000,
d’après la littérature, environ une centaine de patients a été
traitée par injection intraveineuse de MSC autologues ou
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allogéniques cultivées dans un laboratoire de thérapie cellu-
laire pour le traitement de maladies malignes, de défaut
génétique ou d’aplasie médullaire idiopathique, sans que de
telles complications aient été rapportées. Cela n’exclut pas le
risque de maladie maligne post-greffe de MSC, que celle-ci
soit due aux MSC elles-mêmes ou que les MSC favorisent la
croissance de cellules tumorales, mais permet de penser
qu’un tel risque n’est pas important et nécessite une évalua-
tion du bénéfice et du risque selon les pathologies traitées. En
ce qui concerne la prévention de la GVHD, un premier essai
clinique randomisé concernant l’injection de MSC du don-
neur simultanément à la greffe de cellules souches hémato-
poïétiques (n = 10) chez 25 patients porteurs d’hémopathies
malignes a été récemment publié et rapporte une efficacité
des MSC sur la prévention de la GVHD, mais aussi une nette
augmentation des rechutes [24]. Dans le domaine des mala-
dies auto-immunes il n’est pas exclu que les MSC, recrutées
au niveau des tissus inflammatoires et lésés, aient un effet
contraire à l’effet escompté [15], chaque maladie auto-
immune constituant une situation particulière et nécessitant
des données précliniques spécifiques.
La mise au point de thérapies cellulaires utilisant des MSC
pour leurs propriétés immunologiques est une perspective
intéressante pour le traitement de GVHD ou de maladies
auto-immunes résistantes aux traitements classiques, mais les
essais cliniques ont débuté très rapidement et il reste des
zones d’ombre pour lesquelles les recherches précliniques
doivent être poursuivies.
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