
Utilisation thérapeutique potentielle
des propriétés immunomodulatrices
des MSC et risques potentiels
de cette utilisation
Utilisation des MSC en clinique
pour leur effet immunomodulateur
Chez l’homme, un certain nombre d’essais cliniques sont en
cours pour évaluer l’intérêt des MSC dans la prévention ou le
traitement de la GVHD. Les expériences publiées sont peu
nombreuses [16, 17] pour des revues des applications théra-
peutiques des MSC. L’étude de l’équipe de Lazarus, au cours
de laquelle 46 patients ont reçu simultanément des cellules
souches hématopoïétiques et des MSC du même donneur, a
permis de montrer la faisabilité de cette procédure et son
innocuité à cours terme, mais également la difficulté à détec-
ter les MSC après injection. L’utilisation thérapeutique de
MSC allogéniques pour le traitement de GVHD aiguës de
grade III-IV cortico-résistantes chez un patient, puis chez huit
patients dans un essai ouvert [6], et enfin dans une cohorte de
55 patients ont été rapportés par Le Blanc et al. [16]. Aucun
effet secondaire dû aux MSC n’a été observé et les résultats
cliniques sont plutôt encourageants. Des essais cliniques pour
la prévention ou le traitement de la GVHD sont en cours en
Europe et aux Etats-Unis (à cette date, 11 sur www.clinical-
trials.gov — site du National Institutes of Health — parmi les
42 essais au cours desquels des MSC sont greffées), le plus
souvent pour une utilisation thérapeutique de MSC allogéni-
ques (trois sont des essais clinique de phase III randomisés),
plus rarement pour une utilisation préventive. A noter que
cinq de ces essais cliniques ont pour promoteur la société
Osiris Therapeutics Inc. Différentes équipes s’intéressent au
développement d’essais cliniques utilisant des MSC pour le
traitement de maladies auto-immunes [18]. Les MSC de
patients porteurs de polyarthrite rhumatoïde, de lupus érythé-
mateux disséminé ou de sclérodermie semblent conserver
leur fonction immunosuppressive, alors que d’autres fonc-
tions biologiques des MSC telles que la fonction de soutien
de l’hématopoïèse ou leur capacité de différenciation
seraient altérées. Il semble ainsi envisageable d’utiliser en
thérapie cellulaire, dans ces indications, des MSC autolo-
gues. Il est donc nécessaire de développer des modèles
précliniques pertinents pour ces maladies auto-immunes et
leur traitement par des MSC, afin de confirmer ou non
l’opportunité de développer de tels essais cliniques. Sur le
site www.clinicaltrials.gov sont répertoriés, dans le domaine
des maladies auto-immunes, un essai clinique de phase I/II
utilisant des MSC autologues pour le traitement de la sclérose
en plaques et quatre essais, dont trois de phase III randomi-
sés contre placebo, pour le traitement par des MSC allogéni-
ques de maladies de Crohn modérées à sévères résistantes
ou non au traitement classique. La firme Osiris est promotrice
de ces essais cliniques concernant la maladie de Crohn.
Les risques potentiels sont inhérents aux
MSC elles-mêmes (risque de transformation
tumorale) ou à leur activité biologique,
notamment sur le système immunitaire
Un article rapporte que des MSC en culture à long terme
s’immortalisent avec une haute fréquence et peuvent subir
une transformation spontanée [19]. Dix cultures de MSC
isolées du tissu adipeux ont été menées jusqu’à ce qu’elles
entrent en sénescence — environ deux mois après leur isole-
ment. Cette phase dure de une à 8 semaines, après quoi
toutes les cultures accélèrent leur cycle cellulaire à un rythme
comparable à celui des cellules présénescentes. Les cellules
présénescentes avaient toutes un caryotype normal, alors
que 30 % des cellules post-sénescentes avaient une triso-
mie 8. En général, les cellules humaines, qui en culture
« bypassent » la sénescence, continuent à pousser jusqu’à
une phase de crise caractérisée par une instabilité chromoso-
mique aboutissant à leur apoptose. Parmi ces cultures de
MSC, la moitié a échappé spontanément à la phase de crise
et a continué à proliférer. A ce stade, ces cellules avaient
perdu leur inhibition de contact, poussaient en agar et
avaient de nombreuses anomalies caryotypiques. Par
ailleurs, ces cellules avaient une importante activité téloméra-
sique et formaient des tumeurs chez la souris immunodéfi-
ciente, alors que ni les MSC présénescentes ni les MSC
post-sénescentes n’avaient une activité télomérasique détec-
table et ne formaient des tumeurs [19]. Depuis ce travail, une
autre publication rapporte une étude approfondie concer-
nant des cultures de MSC de moelle osseuse provenant de 10
donneurs sains [20]. Dans ce travail, les cultures ont été
prolongées jusqu’à ce que les MSC entrent en phase de
sénescence ou jusqu’au passage 25. Les cellules avaient une
très grande variabilité de durée de survie en culture. Aucune
de ces cultures de MSC n’a présenté de transformation
spontanée, ni d’activité télomérasique ou d’expression de
hTERT (human telomerase reverse transcriptase). Ces MSC,
avant et après expansion, ne comportaient pas d’anomalie
cytogénétique, y compris en CGH array (array comparative
genomic hybridization) [20]. Les résultats de ces deux études
sont différents pour des MSC d’origine différente, dans des
conditions de culture beaucoup plus longues que celles qui
sont utilisées pour la thérapie cellulaire [19, 20]. Cependant,
ces résultats incitent à la prudence et en particulier à vérifier
avant injection, le phénotype, la fonctionnalité, et le caryo-
type des MSC cultivées au laboratoire de thérapie cellulaire.
Deux articles montrent que, in vivo chez la souris, des MSC
peuvent favoriser la croissance de différentes lignées tumora-
les [21, 22], alors que par contact direct des MSC humaines
ont un effet antitumoral sur une lignée de sarcomes de Kaposi
[23]. Il serait donc possible que des MSC utilisées en thérapie
cellulaire puissent favoriser la croissance d’une maladie
maligne infraclinique. Depuis le début des années 2000,
d’après la littérature, environ une centaine de patients a été
traitée par injection intraveineuse de MSC autologues ou
Hématologie, vol. 14, n° 3, mai-juin 2008
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