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Santé conjuguée - juin 2001 - n° 17
de santé, alors qu’ils constituent précisément
le terrain où peuvent actuellement se
développer des actions qui permettraient
d’améliorer l’état de santé de la population et
l’efficience du système.
Mais ceci est rendu d’autant plus compliqué
par la logique même du paiement à l’acte des
travailleurs de santé qui couvre des prestations
ponctuelles de type essentiellement curatif,
définies dans une nomenclature restreinte et
favorisant le recours au médecin et à la
technique. Ceci n’incite pas à la répartition des
tâches entre le médecin généraliste et ses
collaborateurs naturels que sont les infirmières
et les kinésithérapeutes selon le simple principe
de subsidiarité et obère en outre l’intégration
de travailleurs sociaux, de psychologues et de
personnel d’accueil au sein d’équipes
pluridisciplinaires de premier recours. Cette
pluridisciplinarité est pourtant essentielle pour
satisfaire aux principes de base de la médecine
de première ligne que sont la globalité, la
continuité, l’intégration et l’accessibilité.
Une autre tendance actuelle nous paraît
contradictoire avec ce modèle du centre de santé
intégrée tel que l’expérimentent les maisons
médicales en tant que porte d’entrée globale
dans le système de soins, je veux parler de la
multiplication des structures verticales
thématiques, centrées sur une pathologie voire
un symptôme : SIDA, toxicomanie, ostéopo-
rose, migraine, douleur, obésité…
Ces centres ne soignent pas des malades mais
des maladies, ils émiettent encore plus la prise
en charge des personnes concernées, tandis que
leur multiplication et leur faible coordination
avec les prestataires habituels de première ligne
engendrent des coûts humains et économiques
excessifs. Mais surtout, en dispensant des soins
plutôt qu’en jouant un rôle d’expert conseil à
la demande des autres acteurs de santé
concernés, ils entravent la fonction de synthèse,
fonction spécifique et irremplaçable du premier
échelon, et du généraliste en particulier.
Cette segmentation verticale combat en outre
le principe de l’échelonnement qui devrait être
le fil conducteur de tout système de santé bien
organisé et dont l’absence produit aussi des
effets pervers : l’accès libre à tous les niveaux
du système maximalise l’inefficience et accroît
la iatrogénicité tout comme la médicalisation
des problèmes sociaux et porte donc in fine
atteinte à la qualité des soins en soi. Et le
maintien d’un système de concurrence sauvage,
vaille que vaille régulée par des principes
déontologiques plus ou moins bien pris en
compte, entraîne une certaine forme de
démagogie qui consiste à vouloir, « à tout
prix », répondre à la demande primaire des
individus transformés en consommateurs de
soins de santé, demande le plus souvent inspirée
soit, dans le meilleur des cas, par une anxiété
bien entendu respectable mais évidemment
autrement gérable, soit par quelque publicité ou
information peu crédible, et ce finalement au
détriment de la santé de l’individu et de sa
responsabilité dans une saine gestion des
deniers publics.
L’absence d’échelonnement et, en corollaire,
d’organisation rationnelle du système de soins,
a aussi pour conséquence d’altérer la qualité
des soins. Car si celle-ci doit être déterminée
par la satisfaction des usagers et la rencontre
d’indicateurs de santé, en terme de résultats
surtout, elle doit aussi prendre en compte
l’adaptation de la structure et du processus en
regard du problème concerné, par un
échelonnement organisé entre les niveaux de
soins notamment. Rappelons ici que parmi les
critères de qualité des pratiques reconnus au
niveau international, notamment par
l’Organisation mondiale de la santé, figure le
travail en équipe, et que l’assurance de qualité,
en tant que processus de pilotage et
d’évaluation, est de plus en plus implantée dans
les maisons médicales.
Dans un système de soins qui reste donc
largement à structurer, la participation libre et
responsable des individus et de la collectivité à
la gestion du système fait cruellement défaut
dans la mesure ou les organismes assureurs ont
largement perdu cette capacité de représentation
démocratique des usagers et qu’aucun autre
type de représentativité formelle n’existe. Or
pour nous cette participation du citoyen est la
traduction de son autonomie, valeur à
encourager en tant que capacité à se gouverner
par ses propres lois tout en tenant compte de
l’interdépendance des sujets et en tant que
condition de notre statut de sujet et de citoyen
dans une société démocratique.