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Les Cahiers de la Finance Islamique
2016
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Directeurs de rédaction
Michel Storck, Professeur des Universités, UMR 7354, DRES-droit des affaires,
Coresponsable de l’eMBA de Finance Islamique de l’Université de Strasbourg, Responsable
du Master 2 recherche « sciences et droit des religions », option « Finance islamique » de
l’Université de Strasbourg.
Laurent Weill, Professeur des Universités, Directeur du laboratoire de recherche LARGE,
Coresponsable de l’eMBA de Finance Islamique de l’Université de Strasbourg.
Sâmi Hazoug, Maître de conférences, Coresponsable de l’eMBA de Finance Islamique de
l’Université de Strasbourg.
Comité de rédaction
Mehmet Asutay, Lecturer, Université de Durham, Royaume-Uni.
Abderrazak Belabes, Chercheur à l’Institut d'économie islamique, Université du Roi
Abdulaziz, Djeddah, Arabie saoudite.
Elisabeth Forget, Docteur en droit. Juriste, King & Wood Mallesons.
Jérôme Lasserre-Capdeville, Maître de Conférences, Université de Strasbourg.
Isabelle Riassetto, Professeur des Universités, Université du Luxembourg.
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Éditorial
Une finance alternative
Commençons ce nouveau numéro des Cahiers de la Finance Islamique en
évoquant une finance alternative.
Cette finance alternative repose sur des prescriptions religieuses.
Lesquelles ? Une prescription importante est la prohibition de l’intérêt. Enfin, il
y a un débat pour savoir si c’est vraiment l’intérêt qui est interdit car pour
certains c’est l’usure qui l’est, ce qui ouvre de grands débats sur ce que sont
l’intérêt et l’usure.
Cette prohibition est très forte. Le prêteur, l’emprunteur, mais également les
témoins qui certifient le prêt avec intérêt sont tous jugés coupables d’un interdit
religieux.
Ce n’est pas la seule prescription : cette finance alternative interdit aussi le
financement des pratiques interdites par la religion comme par exemple tout ce
qui est en relation avec l’élevage de porcs.
Face à cette prohibition de l’intérêt, des instruments financiers ont été conçus
pour répondre aux besoins de financement des individus tout en permettant aux
financeurs d’obtenir un rendement.
Comment fonctionnent ces instruments financiers ? Sur le principe du partage
des pertes et des profits. Il signifie que le financeur ne connaît pas à l’avance le
rendement de l’investissement qu’il effectue mais que ce rendement peut varier
avec le succès ou l’échec du projet financé.
Cependant, la pratique autorise aussi une approche alternative de ce principe : le
bénéficiaire du financement peut remplacer la part des profits par des paiements
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réguliers, ce qui présente alors quelques similarités avec le prêt à intérêt qui
soulève des débats sur la légitimité religieuse d’un tel instrument.
A de ces instruments financiers qui génèrent un rendement aux financeurs,
la religion indique également que des prêts sans intérêt peuvent être effectués.
C’est en particulier considéré comme une bonne action religieuse si le prêt sans
intérêt est destiné aux plus nécessiteux.
Le lecteur avisé a bien sûr compris que je parle ici de la finance juive. La Torah
interdit explicitement aux Juifs de prêter ou d’emprunter avec intérêt à d’autres
Juifs (Lévitique 25:36, Deutéronome 23:20). Le judaïsme a cependant
développé au fil des siècles des techniques financières pour contourner la
prohibition du riba pardon je veux dire du ribbit car c’est ainsi que l’intérêt est
appelé en hébreu.
En effet le Talmud mentionne que des structures légales peuvent permettre
d’arriver au même résultat que le prêt à intérêt sans violer la prohibition.
Comment ? Par la mise en place d’un partenariat d’affaire appelé iska entre un
financeur qui apporte le capital et un entrepreneur qui gère l’affaire. Les deux
partenaires se partagent alors les profits de l’affaire. Face aux difficultés que
pouvaient engendrer un tel partenariat pour certains financements comme celui
d’un bien immobilier, un instrument est également apparu (l’heter iska) qui
permet la substitution de paiements réguliers à ces profits incertains.
Vous vous demandez peut-être si une telle finance existe en pratique ? Cette
question est amusante car elle survient chaque fois que j’explique la finance
islamique à des néophytes. La réponse est la même dans les deux cas : positive.
L’heter iska est proposé par de nombreuses banques en Israël.
Vous trouvez peut-être que cela ressemble à la finance islamique ? Mais est-il
surprenant que des prescriptions religieuses proches aboutissent à des finances
similaires ?
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Qu’en conclure ? Peut-être simplement que la recherche en finance islamique
devrait se pencher un peu plus sur les autres finances religieuses. La recherche
vise à apporter une pierre à un édifice de connaissances déjà établies. Il peut
donc être utile aux chercheurs en finance islamique de connaître ces finances
alternatives.
Peut-être aussi que les praticiens confrontés à des problèmes pratiques dans la
mise en application de la finance islamique devraient analyser les solutions
apportées par les autres finances religieuses. Mais peut-être les plus avisés le
font-ils depuis des années sans nécessairement juger nécessaire de le
mentionner.
Bonne lecture de ce numéro à tous
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.
P.S. : l’Oxford Handbook of Judaism and Economics publié sous la direction d’Aaron Levine
en 2010 par Oxford University Press constitue une excellente entrée à la connaissance de la
finance juive.
Laurent Weill.
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Les colonnes des « cahiers » sont ouvertes, après validation, aux contributions de recherche fondamentale ou
appliquée, de toutes les disciplines concernées par la finance islamique. Une attention particulière est portée à
l’originalité du travail qui devra nécessairement comporter l’indication des sources. Les propositions (Times new
roman 12, interligne simple) sont à envoyer à cette adresse en fichier word :
cahiersfinanceisla[email protected]nrs.fr
Tous les numéros sont consultables gratuitement sous ce lien http://sfc.unistra.fr/finance-islamique
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