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Organisation des soins
Rendre l’hôpital
plus efficient
Vers un transfert
de compétences ?
L’aspect financier, s’il est important,
n’est pas seul en cause. Face à des
patients mieux informés et plus
exigeants, l’hôpital doit réviser ses
habitudes et son fonctionnement.
Les besoins de la population ont
changé, son intérêt pour l’hôpital
aussi, d’autant que les progrès
scientifiques et techniques les ont
accompagnés. Mieux soigner mais
aussi mieux informer, mieux accueillir deviennent des mots-clés
pour réussir la transformation.
Chaque âge de la vie a ses exigences. Ainsi, 80 % des naissances
se déroulent normalement. Pourtant, la mortalité maternelle reste
deux fois plus élevée en France que
dans les pays européens. L’améliorer de la sécurité des naissances ne
réside-t-elle pas dans la distinction
des grossesses à risque suivies dans
des structures plus sophistiquées
mais coûteuses ? La prise en charge
des enfants ne se limite pas à la sortie de la maternité. D’où l’intérêt de
favoriser l’émergence d’hôpitaux
où les parents reçoivent l’accueil et
l’information nécessaires à leur
meilleure collaboration aux soins
de l’enfant. Entre les traumatismes
et les tentatives de suicide dont sont
victimes les adolescents, ces derniers ont besoin de soins spécifiques où sont pris en compte leur
mal-être et leurs pathologies souvent
encore trop mal étiquetées. Pour
les adultes, les pathologies lourdes
constituent le plus grand nombre
d’hospitalisations. Par leur nature
même, celles-ci nécessitent l’expérience d’équipes pluridisciplinaires,
alliance d’équipes de spécialistes qui
travaillent ensemble à une prise en
charge globale du patient. Quant à
l’accueil des personnes âgées malades, il doit se resserrer autour de
la famille, les hôpitaux de soins
devant rester en liaison avec les
établissements sociaux et médicosociaux et les intervenants à domicile. De la naissance au grand
âge, l’hôpital devra de plus en
plus intégrer plus de souplesse et
de transversalité. La politique de
l’AP-HP est exprimée dans ce sens.
Des études récentes, dont une du CREDES concernant les soins
de ville, montrent que, sur certains actes, certaines pathologies,
un transfert de compétences des médecins vers les infirmières
est possible. Le projet Hôpital 2007 va dans ce sens.
L
e projet Hôpital 2007 remis au
ministre J.F. Mattéi au mois d’avril
sur la modernisation des statuts
de l’hôpital public et de sa gestion
sociale propose une nouvelle organisation de la carrière des infirmiers(ères). “La carrière doit évoluer
et les infirmiers(ères) accepter la mobilité au sein d’une équipe, d’un pôle
ou de l’établissement des soins, liton dans ce rapport. La formation
continue devra être encore plus
qu’aujourd’hui favorisée (on ne
conçoit pas qu’un(e) infirmier(ère)
puisse pratiquer plus de cinq ans le
même métier sans recyclage théorique et pratique, tout comme les
médecins et les autres catégories de
personnels).
L’infirmier(ère) qui en a le talent et
la volonté pourrait orienter sa carrière vers deux voies de responsabilités accrues :
– l’encadrement : par une formation au sein des instituts dont on
connaît la qualité mais qui devront
favoriser plus qu’aujourd’hui la
collaboration avec l’encadrement
médical ;
– l’expertise : en complément des
spécialisations actuelles d’infirmier(ère) anesthésiste, de bloc opératoire, SMUR, de puéricultrice, il
faut développer les infirmier(ère)s
clinicien(ne)s. Ils devront pouvoir,
sous la responsabilité des médecins,
prendre en charge des malades,
établir des prescriptions par délégation, réaliser des actes thérapeutiques comme des endoscopies de
contrôle, des échographies, des
gestes opératoires programmés, etc.
La formation, de durée variable selon la spécialité envisagée alternant
pratique et théorique, permettra à
l’infirmier(ère) de devenir expert
en urologie, cardiologie, gastroentérologie et, pourquoi pas, après
quelques années et une autre formation, de changer de spécialité”.
Un regard pragmatique
Il est vrai que, entre les médecins et
les infirmiers, il n’existe pas de personnels assistants suffisamment formés qui permettraient aux médecins
de se concentrer sur leur propre expertise. Cela se fait plus ou moins
sur le terrain, dans certains services,
mais de façon empirique, sans que
le personnel soit reconnu pour les
missions réellement effectuées. Il
s’agit en outre de redéfinir les responsabilités et de les formaliser. Ces
démarches ont été initiées aux ÉtatsUnis dès les années 1960. Une question se pose : s’agit-il de délégation,
de substitution ou de diversification
des soins ? Aux États-Unis, la réponse des patients est plutôt positive. Deux aspects vont dans ce sens :
d’une part, la pénurie de médecins,
d’autre part, l’aspect économique à
cause de la réduction du temps de
travail et d’un moindre coût salarial
des infirmiers(ères) par rapport au
temps passé auprès du malade. Car
la pratique du métier comprend des
gestes techniques et un temps de
dialogue important avec le malade.
Or, si les infirmiers(ères) croulent
sous le travail, c’est sûrement par défaut de nombre mais aussi par défaut d’organisation des tâches. Si le
principe de délégation (à manipuler
cependant avec prudence) est une
voie possible de réorganisation des
soins, il est impératif qu’une profonde évolution des choix et des méthodes soit décidée bien en amont
du processus.
Andrée-Lucie Pissondes
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 46 - mai 2003
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