Le fisc américain: extension du domaine de la lutte (en Suisse)

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ISSN 1662 – 4599
Horizons et débats
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CCP 87-748485-6
23 mars 2009
9e année
No 10
AZA
8044 Zurich
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
Edition française du journal Zeit-Fragen
«Mon banquier m’a dit …»
Le fisc américain:
extension du domaine de la lutte (en Suisse)
Entretien avec Luis Suarez-Villa, professeur d’économie, University of California, Irvine
Luis Suarez-Villa a obtenu son doctorat
d’études politiques internationales à l’Université de Cornell. Il est Professeur à l’Université de Californie, Irvine, dont il est membre depuis 1982. Il est spécialisé dans la
technologie et l’innovation, et dans leurs
relations avec le changement social, le développement économique et l’analyse régionale. Luis Suarez-Villa a beaucoup étudié, enseigné et poursuivi des recherches à
l’étranger, notamment en Europe, en Asie et
en Amérique Latine. Il collabore fréquemment avec l’Université de New York, les Nations Unies, ainsi qu’avec des universités espagnoles et brésiliennes.
Dans ce long entretien, Luis Suarez-Villa
explique et s’en prend violemment au système fiscal américain et à ce qui ressemble
à un désir de la part de celui-ci de nuire aux
banques suisses. Il n’est pas beaucoup plus
clément envers certaines banques suisses et
leurs stratégies expansionnistes, basées sur
un risque maximum sans visibilité aucune.
Luis Suarez-Villa explicite également sa
théorie du «technocapitalisme» qui permet
de comprendre les métamorphoses récentes
du capitalisme traditionnel.
Daniel Laufer: Vous avez inventé le terme
de «technocapitalisme»,1 dans lequel les
«valeurs intangibles» sont prépondérantes.
Pourriez-vous nous expliquer brièvement ce
que vous entendez par là?
Luis Suarez-Villa: Le technocapitalisme fait
référence à l’importance écrasante des intangibles, tels que la créativité et la connaissance. Le technocapitalisme oriente avant
tout son rayon d’action vers la compréhension de la recherche et son importance pour
les nouveaux secteurs qui seront symboliques pour le XXIe siècle. Ces secteurs sont
la nanotechnologie, la génomique, la bio-informatique, le génie génétique, la protéomique, la biopharmaceutique, la biorobotique et
l’informatique moléculaire, entre autres. Cependant l’intérêt du technocapitalisme pour
Sommaire
Une nouvelle bulle financière
ne résoudra pas le problème
page 3
Recul de la production
industrielle dans le monde
page 4
Baisse des taux directeurs des
deux côtés de la Manche
page 5
Le secret bancaire
page 6
Des changements
s’imposent de toute urgence
page 7
La página en español
El artículo «La hazienda pública norteamericana: Expansión de la zona
de lucha (hacia Suiza)» se encuentra
en www.horizons-et-débats.ch
les ressources intangibles couvre également
les services à très haute valeur ajoutée qui
exigent des connaissances considérables, tels
que la finance, les soins médicaux, l’éducation et l’informatique. Cette sorte de service
sera profondément liée aux nouveaux secteurs. Par exemple les soins médicaux sont
de plus en plus liés à la biopharmaceutique,
la nanotechnologie et la génomique. En conséquence, une nouvelle sorte de médecine
est en train d’émerger. Peut-être pourrionsnous l’appeler biomédecine, ce qui sera génétiquement ciblé.
Bien que la perspective de ces nouveaux
secteurs paraisse pleine de promesses, elle est
également lourde d’aspects tout à fait terrifiants. Ces aspects sont liés aux conséquences
négatives imprévues que beaucoup de nouvelles technologies portent en elles. Mais un
aspect essentiel et particulièrement effrayant
de ces nouveaux secteurs, c’est tout ce qui les
lie au monde de l’entreprise.2 Les grandes entreprises ont la haute main sur ces nouveaux
secteurs, et leur priorité absolue est habituellement centrée sur l’importance des profits
et sur la consolidation de leur position, audessus de toute autre considération. Elles ont
par conséquent tendance à placer le profit audessus des besoins humains et finissent souvent par nuire à notre santé, à la nature et à
l’environnement, à rabaisser les valeurs culturelles et à corrompre les politiques. Nous
en voyons déjà certaines conséquences dans
le nombre astronomique de litiges, et dans la
méfiance du public pour beaucoup de produits pharmaceutiques génétiquement modifiés. Par conséquent, le technocapitalisme
se concentre sur le pouvoir des entreprises et
dans leur contrôle écrasant de la technologie
dans le XXIe siècle.
La Suisse, grâce à son haut niveau
d’éducation et la grande qualité de ses ressources humaines, est une nation dont le potentiel pour générer de la créativité et de
nouvelles connaissances est énorme. Ce potentiel ne concerne pas uniquement les nouveaux secteurs qui seront symboliques du
XXIe siècle, mais aussi les services bien établis tels que la finance, les soins médicaux et
l’éducation. La Suisse est donc très bien placée pour continuer à être une base très importante pour tous les services liés à la connaissance.
Tradition helvétique de paix et de respect
Presque aucune autre nation dans le monde,
à population et à taille égales, ne possède un
potentiel équivalent à celui de la Suisse en
tant que centre mondial prépondérant pour
les activités centrées sur la connaissance et
la créativité. D’autre part la conception helvétique de la gouvernance, avec ses référendums et autres mécanismes, semble bien plus
démocratique que n’importe quel autre système de gouvernance en activité à ce jour.
La tradition helvétique de paix et de respect
pour les autres peuples est également essentielle à cet égard. La paix et une gouvernance
démocratique sont des éléments clés pour développer une base saine de ressources intangibles telles que la créativité et les nouvelles
connaissances qui servent les besoins humains, respectent la nature, et aident d’une
manière générale à changer le monde pour le
meilleur.
En raison de son histoire propre, la Suisse
dépend beaucoup des métiers de services,
Mon banquier m’a dit …
Qui veut détruire la Banque suisse?
Entretiens sur l’avenir de la place bancaire suisse dans la crise financière
mondiale menés par David Laufer
avec:
• Alain Berset, Conseiller aux Etats
fribourgeois (PS)
• Georges Blum, ancien PDG de la SBS
• Michel Dérobert, Secrétaire
général de l’Association des
banquiers privés
• Matthias-Leonhard Lang,
Directeur de succursale, Kreditbank
(Switzerland) Ltd.
• Christophe Reymond, Directeur
du Centre patronal vaudois
Editions Xenia, Vevey, Suisse, 2008.
ISBN 978-2-88892-055-7
• Luis Suarez-Villa, Professeur
à l’Université de Californie
en particulier des services financiers. Face
à l’explosion des métiers de services dans le
monde, doit-on craindre que la place financière suisse perde une part de son pouvoir
d’attraction? Et comment peut-elle conserver
l’avantage, alors que la confiance dans les
banques d’une manière générale a durement été atteinte par la crise que nous traversons?
La banque suisse peut en effet se trouver menacée dans la mesure où elle néglige ses racines et ses valeurs culturelles suisses. Une
de ces valeurs essentielles peut être interprétée comme le respect pour la sphère privée
personnelle, ce qui inclut la sphère privée financière. La prudence dans la finance, qui
s’exerce notamment avec la compréhension
du risque autant que possible sous toutes ses
formes et dans toutes ses dimensions, est une
caractéristique typique. Cela signifie également qu’on ne fait pas ce qu’on ne comprend
pas en termes d’outils et de schémas d’investissements. Les pertes très importantes récemment enregistrées par quelques-unes des
plus grandes banques suisses, y compris la
perte de milliers d’emplois, et la destruction
de la sphère privée de leurs clients dans laquelle elles sont désormais mêlées, semblent
indiquer que certaines valeurs suisses ont été
méchamment négligées.
qui peuvent être décrits comme modèles et
hypothèses d’«équilibre général». Ces modèles, qui sont devenus très communs dans le
domaine de l’économie au début des années
cinquante (aux Etats-Unis), sont très imparfaits non seulement en raison de leur incapacité à mesurer ou comprendre le risque, mais
également en raison de leurs hypothèses irréalistes concernant le comportement et les
décisions humaines.
Ces modèles, et leurs cadres de travail dérivés, sont véritablement au cœur de
l’éducation commerciale aux Etats-Unis
et sont une composante centrale des programmes des écoles de commerce, y compris la finance. Ils ont été enseignés à des
générations de diplômés d’écoles de commerce et font désormais partie intégrante
des pratiques commerciales dans beaucoup
de domaines, y compris dans la finance. Ils
sont également enseignés dans le monde
entier, depuis que l’enduction commerciale
à l’américaine s’est répandue partout durant les deux dernières décennies. Ces modèles ont servi de chablons conceptuels sur
lesquels on fondait des cadres opérationnels
de travail dans à peu près tous les domaines
de la banque et de la finance. Leur usage généralisé dans la banque a largement contribué à l’actuelle crise financière mondiale.
Une large part
des problèmes financiers des
banques suisses provient des Etats-Unis
Une large part des problèmes financiers que
rencontrent actuellement les banques suisses, et le dommage causé à leur prestige en
tant qu’entreprises de confiance, provient des
Etats-Unis. Les stratégies poursuivies par
les mégabanques aux Etats-Unis, et désormais également par l’UBS et le Crédit Suisse,
étaient fondées sur certaines conceptions et
certains modèles stratégiques qui avaient littéralement pris possession des écoles de commerce américaines il y a environ quarante
ans. Ces conceptions ont colonisé les programmes des écoles de commerce américaines. Ils se fondaient sur l’économie néoclassique, particulièrement sur un genre d’outils
Maximiser les profits
par n’importe quel moyen
Ces concepts et modèles, que je ne peux pas
décrire ici avec suffisamment de détails mais
qui méritent toute notre attention, ont été
adoptés par les grandes banques suisses (telles que l’UBS et le CS) tandis qu’elles entamaient leur croissance à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis. En pratique et dans
leurs conséquences, ces modèles, leurs cadres
de travail et leurs chablons ont donné naissance à une nouvelle culture stratégique et
de management dans la banque. Cette nouvelle culture opérationnelle se fonde notamment sur la préoccupation écrasante presque
obsessionnelle de maximiser les profits par
Suite page 2
page 2
«Le fisc américain: …»
suite de la page 1
n’importe quel moyen, y compris les plus spéculatifs. En faisant cela, on a dangereusement
sous-estimé le risque et compromis la sphère
privée financière des clients.
Les cadres opérationnels de travail, basé
sur ces modèles étroits et sérieusement imparfaits, ont été concoctés, vendus souvent
pour des millions de dollars et légitimés par
des gourous académiques des écoles de commerce américaines. Quelques-uns de ces gourous se sont largement enrichis en colportant
et en faisant la promotion de nouvelles variantes de ces modèles, en les dépeignant
comme des approches de best practices,3 et
en ignorant que la plupart des valorisations
financières comportent la plupart du temps
une bonne dose de risque. Nous avons déjà
vu les résultats des hypothèses irréalistes de
ces modèles et des stratégies auxquelles ils
ont donné naissance dans les pertes gigantesques qu’ont dû souffrir les mégabanques
américaines et les banques suisses qui les ont
imitées. Il est inutile de préciser que ceux qui
ont propagé, vendu ou défendu ces modèles
de risques, ont perdu tout crédit, alors que
le système financier mondial est en train de
plonger dans la crise.
Dérégulation à l’origine
d’une gigantesque spéculation financière
L’usage étendu de ces modèles, ainsi que de
leurs cadres de travail et de leurs chablons
opérationnels dérivés, est intimement lié au
processus de dérégulation financière qui a
débuté aux Etats-Unis dans les années quatre-vingt. La dérégulation financière américaine a été de son côté largement responsable
de la création des mégabanques américaines,
lorsque l’avalanche de fusions bancaires et
de reprises a commencé tandis que les régulations existantes étaient démantelées.
Cette dérégulation a également été lorsque
des outils nouveaux, non régulés et très risqués, tels que les prêts titrisés, les swaps de
crédits, les obligations de dette garantie et
autres sont devenus l’objet d’une spéculation
sans retenue, sans compréhension des conséquences. La seule valeur globale des dérivés
de crédit a été estimée à près de 520 billions
de dollars au début de la crise actuelle. Les
dirigeants de la mégabanque Citibank ont estimé qu’ils devraient probablement amortir
400 milliards de dollars sur les prochaines
années. En clair, plusieurs banques se sont livrées à une spéculation sans limites sur plusieurs années, sans aucune prévision et sans
compréhension des risques que celle-ci comprenait. En agissant de cette façon, les banques ont réalisé des profits record pendant
plusieurs années et les dirigeants de ces banques ont été parmi les mieux payés de n’importe quel secteur. La compensation pour les
dirigeants de ces banques a augmenté d’une
façon remarquable et a souvent été estimée
à plus de 600 fois le salaire des employés
moyens dans beaucoup de banques.
L’un des résultats de cette frénésie prolongée et sauvage de spéculation financière est une augmentation dramatique de
la dette à tous les niveaux: pour le consommateur, pour les entreprises, pour les gouvernements et pour pratiquement tout type
d’activité existant. La spéculation sur la dette
paraît par conséquent avoir été l’une des raisons principales derrière la croissance économique américaine des vingt dernières années. Cette montagne de dettes menace à
présent l’économie américaine ainsi que le
système financier américain. Les Etats-Unis
sont aujourd’hui la nation la plus endettée de
la planète, ce qui est à l’opposé complet de
sa situation durant les années cinquante. Au
moins financièrement, les Etats-Unis sont
pratiquement une nation en condition de
banqueroute. Il est inutile de préciser que,
l’imitation de la dérégulation financière américaine s’étant étendue au reste du monde,
bien d’autres nations (et en réalité le système
financier global) sont désormais menacées
par certains des problèmes qui menacent actuellement l’économie américaine et son système financier.
Cette montagne de dettes, couplée à la
crise financière actuelle, a provoqué un
écroulement brusque de la valeur du dollar américain. La chute du dollar a, à son
tour, nourri une inflation mondiale, jetant
Horizons et débats
plus d’un milliard de personnes dans une
pauvreté plus grande encore lorsque les
prix de la nourriture et de l’essence se sont
mis à augmenter dramatiquement. Les mégabanques américaines sont partiellement
responsables de cette vague sans précédent de spéculation qui a donné naissance
à cette crise globale, lorsqu’elles se sont
mises à créer d’innombrables nouveaux outils d’investissements pour titriser la dette,
en cooptant des agences de notation, ce qui
leur assurait des notations favorables pour
les outils qu’ils créaient, et dans certains cas
en corrompant les régulateurs afin qu’ils ferment les yeux sur les pratiques bancaires les
plus choquantes. Elles ont également fait la
promotion d’une dérégulation financière à
l’américaine dans le monde entier en encourageant les gouvernements à imiter la dérégulation américaine, et en finançant des thinktanks4 pour qu’ils produisent des rapports et
des études qui favorisaient les méthodes des
mégabanques, sans aucune attention accordée aux risques que cela comportait.
D’importantes banques suisses regardaient
de l’autre côté de l’Atlantique et cherchaient à imiter les mégabanques américaines
qui commençaient à émerger, tandis que la
dérégulation financière américaine progressait. De grandes banques suisses telles que
l’UBS et le CS devinrent elles-mêmes des
mégabanques en imitant les acquisitions et
les prises de contrôles qu’effectuaient les
mégabanques américaines. Limitation des
mégabanques américaines par les banques
suisses a également signifié que l’on compromettait (dans certains cas, il s’agissait
tout simplement de destruction) la sphère
privée des clients. C’est ainsi que pour pénétrer directement le marché américain
en achetant des banques d’investissement
américaines, telles que Paine Webber pour
l’UBS et First Boston pour le CS, les grandes banques suisses ont dû accéder aux exigences américaines et sacrifier la sphère privée financière de leurs clients, et cela même
en Suisse. En 2003, l’UBS et le CS ont dû
accepter, dans ce qui, à présent, ressemble
à un échange de bons procédés tacite pour
les autorités américaines qui approuvaient
leur entrée sur le marché américain, de faire
directement état des données de leurs clients aux Etats-Unis. C’est ainsi que, d’une
certaine façon, les banques suisses se sont
transformées en extension du système fiscal
américain en Suisse, à la demande des autorités américaines.
Vouloir être le policier du monde
est un projet fort coûteux
Et pourquoi les autorités américaines
auraient-elles de telles exigences? Les EtatsUnis, contrairement à la quasi-totalité des nations du reste du monde, ont un système fiscal
extraterritorial. Cela signifie que les résidents
américains, qu’ils soient citoyens américains
ou non, sont taxés par le gouvernement américain où qu’ils soient dans le monde. Par
conséquent un des objectifs principaux des
autorités américaines semble de voir toutes
les nations et leurs banques rapporter les données financières de n’importe quel individu
qui est d’une certaine façon connecté aux
Etats-Unis, même si elles doivent pour cela
violer leurs lois nationales.
Pourquoi les Etats-Unis imposent-ils et
entretiennent-ils ce système fiscal excessif et
sans frontières? Une partie de la réponse est
liée aux dépenses militaires. L’économiste
lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz a récemment estimé le coût de la guerre en Irak à
trois billions de dollars pour le gouvernement américain5. En plus de ceci, le budget
militaire américain, dont le gaspillage a atteint des proportions incroyables, engloutit
actuellement au moins autant des ressources nationales américaines que durant les années de Guerre Froide. Etre le policier du
monde et imposer ses intérêts par la force,
n’importe quand et n’importe où l’occasion
se présente, voilà qui semble être un projet
fort coûteux. Toutes ces aventures militaires
américaines, les prisons, et ce qu’on a appelé
avec un fort goût de l’euphémisme les «restitutions», qui en réalité comportent des kidnappings, de la torture ou même des assassinats, n’importe où dans le monde, sont très
coûteuses et doivent être payées. Le système
fiscal américain est le premier outil qui permette de faire cela.
L’engagement helvétique est antithétique
à la machine militaire américaine
Il est inutile de préciser que le vieil engagement helvétique pour la paix, le respect helvétique pour les autres peuples et les autres cultures, tout cela est antithétique à cette vaste
machine militaire et à ses coûteuses aventures. Et pourtant, les banques suisses sont désormais en train d’appliquer des lois fiscales
américaines sur le territoire suisse.
Peut-être que cette situation peut nous aider
à comprendre pourquoi les autorités fiscales
américaines utilisent désormais des méthodes
similaires à celles utilisées par les agences de
renseignement. Détenir, interroger ou même
graisser la patte à des employés de banque
et piller systématiquement des données sur
toutes les transactions bancaires dans le
monde entier, voilà des pratiques aujourd’hui
normales puisque les autorités fiscales estiment que n’importe quelle méthode est acceptable pour capter toujours plus de revenu
fiscal. Nous devrions garder à l’esprit que le
peuple américain n’est jamais consulté directement sur la guerre, les taxes, et toute décision gouvernementale majeure. Cela semble
faire de la gouvernance à l’américaine un système fort antidémocratique, en comparaison
avec le système suisse qui fait souvent usage
des référendums pour toute décision majeure.
Il est inutile de préciser que les mensonges,
les dissimulations et les subterfuges utilisés pour vendre la guerre en Irak au peuple
américain n’auraient probablement jamais
été possibles – ou auraient été dénoncés pour
ce qu’ils étaient – si les Américains avaient
été directement consultés, comme le peuple
suisse est fréquemment consulté pour toutes les décisions majeures de gouvernance.
[…]6
Pensez-vous que la complexité grandissante
du monde financier et de ses mécanismes soit
bien comprise par les décideurs politiques?
Ne risque-t-on pas, dans cette crise financière, de voir des dilettantes prendre des décisions majeures sur des sujets qu’ils ne comprennent plus?
Les dirigeants de banques se plaignent constamment que les politiciens ne les écoutent pas suffisamment. Les politiciens doivent écouter, mais ils doivent faire attention
à l’intérêt général, au bien commun, ce qui
bien souvent contrevient aux intérêts des
banques. Les dirigeants des banques ont
pour priorité de faire des profits, mais les
politiciens doivent donner la priorité à l’intérêt général et national. Les politiciens doivent également faire attention et soutenir
des valeurs culturelles lorsque celles-ci sont
menacées par des intérêts commerciaux.
Les intérêts généraux et commerciaux peuvent parfois converger, mais c’est rarement
le cas. Il y a ici des relations de pouvoir et
aucun des deux camps n’est très à l’aise avec
celui d’en face.
Parfois, lorsque les banques se concentrent sur leur priorité que sont les profits,
elles peuvent compromettre des valeurs culturelles. Par exemple, lorsque les banques
suisses actives aux USA sont devenues des
informatrices et ont appliqué les lois fiscales américaines sur le territoire suisse, cela a
compromis la valeur suisse de sphère privée.
Et pourquoi les politiciens suisses ont-ils
accepté cette sorte d’imposition? Jouaientils sur une partition écrite par les banques
en vue des grands profits escomptés, dans
ce cas précis de leurs opérations aux EtatsUnis?
Vous avez récemment écrit dans la «Tribune
de Genève»7 pour dire que, selon vous, les
malheurs qui ont récemment frappé l’économie suisse sont dus principalement au fait
que ceux qui les ont causés se basaient sur
des principes «non-suisses». Pourriez-vous
expliciter cette notion?
Il est difficile de synthétiser les valeurs culturelles. D’ordinaire, elles sont imbriquées
dans les lois et les coutumes d’une nation,
parfois de façon évidente mais souvent de
façon subtile. Je serais prêt à considérer le
respect pour la sphère privée comme une
valeur suisse très importante. C’est une valeur à multiples facettes dont les dimensions
sont à la fois intellectuelles, financières et
politiques, entre autres choses. Notez que
je considère la sphère privée comme étant
multidimensionnelle et pas seulement confi-
No 10, 23 mars 2009
née aux choses financières. Dans le domaine
de la finance la sphère privée est probablement la valeur la plus importante qui soutient la viabilité à long terme du système financier de la Suisse, pas seulement lors de
transactions extérieures, mais aussi lors de
transactions internes pour le peuple suisse.
Dans l’arène politique, c’est une valeur qui
défend l’approche helvétique de la démocratie, ce qui comprend la consultation directe
de l’électorat, souvent par délibération, et le
droit d’avoir ses propres opinions et choix
politiques, et de les avoir en privé, ceci étant
également associé à la dignité et à l’identité
personnelles sans avoir besoin de s’assurer
d’un accord officiel comme condition préalable.
Refus de la guerre et rejet de l’agression
Une autre valeur est le traditionnel engagement de la Suisse pour la paix. Cette valeur
comprend le refus de la guerre et le rejet de
l’agression. La conquête, l’imposition et les
exigences faites à d’autres nations sont clairement antithétiques à cette valeur. Soutenir
les nations qui font la guerre, qui conquièrent
ou imposent leur volonté à d’autres peuples
semble également antithétique à cette valeur.
Un tel soutien peut être empêché pas uniquement dans son acception diplomatique, politique ou culturelle, mais également dans son
acception financière. Il serait important, par
exemple, que les banques suisses ne contribuent pas à financer ou à soutenir des nations
et des systèmes fiscaux qui donnent dans
l’agression, dans la conquête ou dans la persécution d’autres peuples.
Le respect pour les autres nations et
leurs cultures peut également être considéré
comme une valeur culturelle suisse. Celle-ci
est fortement liée à l’engagement suisse pour
la paix, comme indiqué plus haut. Un tel respect est multidimensionnel. Cela inclut, par
exemple, la reconnaissance des différences
dans les langages, l’histoire et les traditions.
Cette valeur peut se voir dans le cadre multilingue de la Suisse, et dans la reconnaissance
des diverses cultures dans son histoire et dans
son identité nationales.
Une autre valeur comprend le respect pour
les conditions nécessaires à l’existence humaine. Ces conditions comprennent les soins
médicaux, l’éducation et la sécurité publique.
Elles comprennent également les droits des
employés. Ces conditions sont d’habitude offertes en permettant l’accès à tout cela. Soutenir ces conditions signifie également de ne
pas copier ou imiter les modèles d’autres nations, particulièrement celles dont des pans
entiers de la population n’ont pas accès à
ces conditions, sont mises de côté ou discriminées. Trop souvent, les modèles qui prétendent déréguler ou libérer l’initiative humaine finissent généralement par détruire
ces conditions pour une partie de la population, ou les rendent inaccessibles pour une
partie de la population. Ces conditions sont
intimement liées à la justice sociale, ce qui
comprend l’inclusion, l’équité dans les affaires sociales et légales, ainsi que la possibilité
de soutenir l’existence humaine d’une façon
digne.
•
Source: Mon banquier m’a dit …, Ier chapitre,
Xenia 2008.
1
Pour plus de détails, en anglais seulement,
voir le site du Prof. Suarez-Villa:
www.technocapitalism.com
2
Le terme anglais utilisé ici est corporation, ce
qui peut être traduit de multiples façons:
entreprise, multinationale, société, termes
qui recouvrent chacun des réalités déférentes.
En français, entreprise est le terme le plus usité
et celui que nous choisirons. Cependant, corporation recouvre plutôt la réalité des grandes
entreprises intégrées et multinationales, actives
dans plusieurs domaines et employant des
dizaines de milliers de personnes.
3
En français, meilleures pratiques. Terme de
marketing qui désigne les pratiques professionnelles et commerciales ayant fait leurs preuves
et dont on peut s’inspirer.
4
Un think tank se dit laboratoire d’idées selon
la terminologie officielle dans les pays francophones.
5
Cette estimation, largement relayée par les
médias, est un objet de très vives discussions
outre-Atlantique.
6
Nous sautons ici deux questions et réponses
étant donné qu’elles ont déjà été publiées dans
Horizons et débats no 8 du 4 mars.
7
Courrier des lecteurs du 18/4/08.
Horizons et débats
No 10, 23 mars 2009
page 3
Une nouvelle bulle financière ne résoudra pas le problème
Que cache la «grande réforme de la santé» voulue par Obama?
par Karl Müller
L’article ci-après remet en question l’affirmation du nouveau président américain
Obama que l’énorme défi cit budgétaire de
1,75 billion de dollars doit servir au bienêtre de la population des Etats-Unis et à l’économie mondiale. L’auteur de l’article part du
constat que, notamment, les dépenses prévues par Obama pour la «grande réforme de
la santé» ne doivent pas servir en premier à
la santé publique, mais à une forme moderne
d’un techno-capitalisme suspect (biotechnologie, technologie génétique, nanotechnologie, etc.), ce qui peut mener vers une nouvelle
bulle spéculative. Et tout cela pour maintenir
la domination mondiale du dollar au profit
des bénéficiaires de cette domination.
Le gouvernement américain met les Etats
européens sous pression. Le 8 mars, le journal anglais «Financial Times» rapportait que
le conseiller en économie du nouveau président, Lawrence Summers, avait insisté auprès
des Etats européens pour qu’ils investissent
beaucoup plus dans la lutte contre la crise financière et économique. Les programmes
prévus actuellement ne seraient pas suffisants. On ne pouvait pas laisser le soin à la
Chine de remettre en marche la conjoncture
mondiale.
Summers vantait par là le modèle de son
propre gouvernement qui a présenté un budget pour le 1er octobre 2009, date d’entrée en
vigueur pour 2010, comprenant le plus grand
déficit depuis la Seconde Guerre mondiale: il
s’agit d’un déficit de 1,75 billion de dollars –
ce qui représente plus de 12% du produit intérieur brut des Etats-Unis.
Ce déficit particulièrement élevé s’explique
par le fait que les dépenses de guerre à venir
devront être comprises dans le budget, de
même que les énormes sommes du budget
qui doivent se répandre dans le monde de la
finance et par le «programme conjoncturel»
de Barack Obama d’un volume de 787 milliards de dollars.
Quant à Obama, il promet que son «programme conjoncturel» et sa politique de dépenses apporteront un changement dans le
bon sens.
Toutefois, cette promesse ne prend pas
même partout aux Etats-Unis, où des analystes plutôt de gauche, tels que Michel Chossudovsky («America’s fiscal collapse»; www.
globalresearch.ca du 2/3/09) ou Robert James
Parson («Obama prescrit une dose massive
de confiance»; Le Courrier du 18/2/09) en
arrivent à la conclusion que le programme
d’Obama ne servira pas en première ligne à
la population du pays ou à l’économie mondiale, mais bien – quelles que soient les promesses – aux multinationales et aux grandes
fortunes.
Biotechnologie – une action résistante
à la crise et non-cyclique?
Un point important du programme d’Obama est
sa «grande réforme de la santé». Au cours des
dix prochaines années, 634 milliards de dollars
devront être investis. Cela avec des promesses
douteuses: les soins devront être meilleur marché et en même temps de meilleure qualité.
C’est dans cet esprit qu’Obama avait invité,
le 5 mars, 120 «experts» à la Maison blanche
pour mettre au point les premiers aspects de
son programme.
Les investissements dans le «techno-capitalisme» en sont un des points les plus importants (cf. l’extrait du livre «Mon banquier
m’a dit …», pages 1–2 de cette édition). Le
12 mars, Obama a levé les limites imposées
jusqu’à présent pour le financement étatique
de la recherche dans le domaine des cellules
souches.
Les partisans de ces recherches promettent des médicaments nouveaux révolutionnaires pour traiter différentes maladies telles
que le cancer, le diabète, le sida, la sclérose
en plaques ou la maladie de Parkinson.
La recherche dans le domaine des cellules souches passe pour être au cœur de
l’évolution des médicaments dans le domaine
biotechnologique. Pour James C. Greenwood, président de Biotechnology Industry
Organization, une organisation représentant 1200 entreprises du domaine de la biotechnologie, la décision d’Obama est un premier pas annonçant une percée ((«Lifting the
stem-cell research ban is only the first step»;
www.belleville.com du 13/3/09). Jusqu’à présent seuls 2% des coûts de la recherche et du
développement dans le domaine de la biotechnologie provenaient du budget public. Le
reste était à la charge d’investisseurs privés,
qui fournirent, par exemple en 2005, 20 milliards de dollars. L’industrie s’attend maintenant à une véritable envolée.
ISBN 978-3-57050-060-6
ISBN 978-3-93584-508-3
Deux ouvrages qui rapellent l’enorme danger de la biotechnologie.
De plus, l’industrie de la biotechnologie
demande plus de protection. En effet, le point
du programme d’Obama de desserrer les conditions d’importation des génériques biotechnologiques venant de l’étranger, c’est-à-dire
des produits imités, sans recherche propre
et bon marché, provoqua quelques remous.
Après cette décision, les cours des entreprises
en biotechnologie américaines étaient tombés
de 20%. Toutefois, cela n’a pas inquiété tout
le monde.
Analyste de J.-P. Morgan:
biotechnologie = des flux financiers stables
Un analyste de la banque J.-P. Morgan est
cité comme suit sur la page Internet The
Street.com, en date du 2 mars: «Nous avons
longuement démontré qu’un large programme de biotechnologie serait source de
sécurité dans ce domaine macroéconomique
instable et qu’il pousserait à une intensification économique, à des perspectives de profits importants et à des flux financiers stables.»
Les nouveaux Etats-Unis: seul l’Etat progresse
Pour comprendre ce qui se passe aux EtatsUnis, il est primordial de comprendre le processus essentiel. Dans ce processus, un fait prime
sur tous les autres. Dans le budget du président
Obama, la part de l’Etat au PIB a grimpé de
21% à 27,7%. Qu’est-ce que l’«Etat»? C’est la
totalité des organismes gouvernementaux et de
tous leurs fonctionnaires. Leur «part» de l’économie des USA a augmenté de 6,7%.
Pour les Américains productifs, travaillant
dans l’économie civile américaine qui se réduit très vite, ce fardeau est aussi lourd qu’un
sac de ciment supplémentaire pour un chameau déjà surchargé. A Washington la marée
monte. Bien que les revenus fédéraux aient
baissé de 13% par rapport à l’année dernière,
les dépenses fédérales grimperont de 33% au
cours de l’année fiscale 2009. Pour les fonctionnaires, la dépense, c’est le pouvoir.
Soyons réalistes
Un contrôle classique utilisé depuis Adam
Smith en matière de dépenses gouvernementales consiste à poser une question simple: Le
gouvernement oserait-t-il imposer ouvertement les citoyens pour financer ses dépenses?
Si la réponse est non, ce qui a été proposé n’a
pas de fondement politique réel. Percevoir des
impôts pour ce que l’administration Obama a
prévu de dépenser au cours des 18 prochains
mois ferait s’effondrer complètement l’économie américaine déjà chancelante. Pour financer ses dépenses, Washington ne percevra pas
d’impôts, elle fera des emprunts.
On ne saurait assez le souligner: le financement par l’emprunt ce sont des impôts pour
plus tard. L’argent emprunté doit être soit
remboursé par des impôts plus lourds, soit
par des prix plus élevés. Ces prix élevés sont
le résultat de l’argent emprunté «remboursé»
avec de l’«argent» créé à partir de rien. Mais,
les «autorités» nous disent que l’économie
américaine sera «stimulée» avec tout cet argent qu’il faudra emprunter. Si cela était économiquement juste, les faux-monnayeurs de
n’importe quelle banlieue américaine pourraient prétendre qu’ils voulaient seulement
donner un coup de pouce à l’économie locale.
La politique de déficit fondée sur l’emprunt
n’est pas possible sans conséquences économiques douloureuses. Pour le moment, elle
met à disposition beaucoup de biens de consommation, mais moins que d’habitude. Ce
qu’il faut à l’économie américaine, ce n’est
pas davantage de dépenses et d’emprunts.
La réalité économique d’aujourd’hui
Les Américains vont subir des hausses d’impôts, une montée du chômage et une augmentation dramatique de fermetures d’usines encore en activité. L’économie des Etats-Unis
est sur le point de s’effondrer à la suite des
hausses d’impôts et des dépenses «stimulatrices» financées par l’emprunt.
Les coûts des emprunts d’Etat
D’après le Merrill Lynch US Treasury Master Index, les emprunts d’Etat américains ont
valu aux investisseurs 3,6% de pertes dans les
deux premiers mois de 2009. Ces pertes ont
été causées par l’augmentation du rendement
des titres du Trésor. Et cela avant que le ministère des Finances ne mette en route le plus
grand programme d’emprunt que le monde
ait jamais connu. Il sera de plus en plus difficile pour le Trésor américain d’emprunter
de l’argent aux taux d’intérêt qu’il offre actuellement au monde. Augmenter ces taux
aurait des conséquences immédiates sur les
taux pratiqués dans le commerce américain.
Et l’augmentation de ces derniers rendrait la
plupart des sociétés américaines endettées incapables de soutenir la concurrence par des
prix trop élevés sur les marchés des capitaux
et les marchés monétaires.
Mise en garde mondiale
L’important plan de relance économique débattu cette semaine au Sénat contient toujours
dans son annexe la dangereuse clause «Achetez américain». Elle a été acceptée sans opposition par la Chambre des représentants. La Maison-Blanche s’est tue à ce sujet. Cette clause
va probablement entraîner des barrières douanières réciproques en guise de représailles. Le
marché mondial est gravement menacé.1
•
Source: The Privateer, No 624, mars 2009
(Traduction Horizons et débats)
1
Ndlr.: Le Sénat américain a assoupli, mercredi
4 février, la clause «Buy American» (Acheter américain) du plan de relance économique. Dans sa
formulation initiale, une clause du plan de relance
comprenait une mesure protectionniste interdisant
l’achat d’acier, de fer ou de produits manufacturés
étrangers pour des projets financés dans le cadre
du plan dont le montant atteint désormais plus de
900 milliards de dollars. Son introduction a provoqué de vives réactions de l’Union européenne et du
Canada. Après Bruxelles, Mexico et Ottawa, Tokyo
a fait part de ses craintes à Washington, margré
l’initiative des sénateurs. (Source: www.lemonde.fr
avec AFP et Reuters du 5/2/09)
Peut-on penser qu’Obama est en train de
mettre en pratique ce programme? Rappelons
ce qu’un analyste boursier allemand écrivit
après la victoire du président: «Qui recherche
une action sûre et non cyclique devrait
s’intéresser à la biotechnologie.» (Börsenbrief Heibel-Ticker du 4/11/08).
Il est donc de peu d’importance que
l’industrie de la biotechnologie américaine
se mette à trembler et annonce qu’elle ne
pourra plus, dans les nouvelles conditions
imposées, maintenir les importants critères
d’admission (p. ex. plus de 10 ans de recherche et de développement pour l’admission
de médicaments biotechnologiques). En fait,
cela n’aurait d’importance que dans la mesure où il s’agirait vraiment de la santé de la
population.
Les entreprises américaines
de la biotechnologie connaissent
des taux de croissance de 50%
Même avec les plans d’Obama, les brevets actuels des entreprises américaines de la biotechnologie sont assurés pour les prochaines
15 années. A signaler encore que ces entreprises connaissent, alors même que le cours
des actions a chuté à court terme, des taux
de croissance de 50%. A propos de l’entreprise américaine Celgene, on peut par exemple lire que: «le bilan est d’un éclat brillant
avec des tonnes d’argent liquide et très peu
de dettes.» Donc, selon un analyste boursier
s’exprimant le 27 février: «de bonnes possibilités d’investissements». Les réponses parues dans le même blog vont dans la même
direction. Le premier commentaire rappelle
les annonces négatives du temps du gouvernement de Bill Clinton et les craintes répandues alors: «C’était une merveilleuse époque
pour acheter, car toutes les craintes se révélèrent vaines.» Et le deuxième commentaire
dans ce même blog: «Je vais tâcher d’acheter
plus d’actions en biotechnologie.»
Il est certain qu’Obama présente la biotechnologie comme une science et une force
économique de l’avenir. Obama et son viceprésident Biden avaient annoncé dans leur
programme une nouvelle forme d’économie
américaine pour le XXIe siècle, sous le titre
de «Science, technologie et renouvellement
pour une nouvelle génération.» Les dépenses publiques pour la recherche devaient être
doublées pendant 10 ans pour renforcer la capacité de concurrence de l’industrie américaine basée sur la technologie. La recherche
en biomédecine devait être fortement encouragée: «Obama soutient fortement les investissements dans la recherche en biomédecine […] Quand il sera président, Obama
renforcera le soutien de l’Etat en faveur de la
recherche en biomédecine».
Suite page 4
Horizons et débats
page 4
No 10, 23 mars 2009
Recul de la production industrielle dans le monde
Quand le temps passe trop vite pour le «flux tendu»
Avant l’invention japonaise de la production «en flux tendu» au milieu des années
1950, la plupart des usines entretenaient des
stocks de pièces nécessaires à leur production. Ces stocks permettaient aux entreprises
de produire même en cas de ruptures temporaires de livraisons. Ce n’est plus le cas actuellement, pour la raison économique que
le maintien de stocks importants coûte trop
cher. Aujourd’hui, la plupart des entreprises
ont des stocks pour trois à cinq jours, parfois moins.
Cela implique le risque qu’une baisse
mondiale de production rompe la chaîne
mondiale de production. Une fermeture
d’usine à un endroit peut paralyser beaucoup
d’autres entreprises dans le monde entier.
Lorsque le fabricant principal d’une pièce
simple, nécessaire à de nombreux processus de production, met la clé sous la porte,
les producteurs qui restent n’ont plus la possibilité de colmater la brèche. Il en résulte
des fermetures d’usines à d’autres endroits
et cela jusqu’à ce que cette pièce puisse être
produite ailleurs. C’est la réalité, et c’est inévitable.
Les finances commerciales
pratiquent elles aussi le flux tendu
Revenons aux années 1950. La plupart des
entreprises avaient à leur disposition assez
de liquidités ou d’argent disponible à court
terme pour effectuer tous les payements prévus dans les 40 à 100 jours. Aussi jouissaientils d’une très grande solidité financière si certains clients étaient en retard de paiement.
Aujourd’hui le «flux tendu» s’est imposé ici
aussi. La plupart des entreprises n’ont plus à
leur disposition que ce qui se trouve en caisse.
Elles ne prennent des crédits qu’à très court
Avant juin de cette année,
il y aura une vraie pénurie
On ne peut rien avoir quand il n’y a rien. L’effondrement industriel mondial aura des conséquences matérielles et très réelles … bientôt. Dans les rayons des magasins, d’habitude
remplis de biens de consommation de toutes
sortes, il y aura tout à coup des trous. Lorsqu’on demandera au gérant ce qui se passe,
il répondra probablement que le fournisseur
a fermé boutique. Ne vous étonnez pas si ce
magasin est fermé à son tour lorsque vous
vous y rendrez la prochaine fois. La grande
déflation est arrivée.
•
Source: The Privateer, No 624, mars 2009
(Traduction Horizons et débats)
terme: une semaine ou même un jour. Elles
comptent sur les paiements de leurs clients
pour rembourser leurs crédits, même ceux à
court terme.
C’est pourquoi la situation critique sur le
marché mondial du crédit est si dangereuse
pour l’économie. Elle est passée d’un ralentissement à une contraction du crédit et finalement à une déflation mondiale de l’argent
du crédit. Ce processus a durement touché
les entreprises. Aujourd’hui, dans le monde
entier, de nombreuses entreprises n’ont
plus accès au financement habituel «en flux
tendu» auprès de leurs banques. Comme
elles manquent de liquidités pour effectuer
leurs payements normaux, la plupart d’entre
elles sont à une semaine de la faillite. Privées de crédits à court terme, elles n’ont pas
d’autre choix que de fermer lorsque tous
leurs fournisseurs ne peuvent plus attendre
les paiements. Cela rompt la «chaîne de livraison» tout comme ce qui se passe pour
les stocks mais cette fois pour des raisons
financières.
Actuellement ces deux phénomènes économiques frappent le monde entier. L’un concerne les biens matériels, réels. L’autre est de
nature financière, mais tout aussi réel du point
de vue économique. Ensemble, ils expliquent
l’effondrement de la production mondiale. •
Source: The Privateer, No 624, mars 2009
(Traduction Horizons et débats)
Dans le monde entier,
la production industrielle s’effondre
L’ancien directeur de la Réserve fédérale
Paul Volcker a attiré l’attention sur la chute
de production sans précédent dans les usines du monde entier. Il a constaté que la
baisse de la production avançait plus vite
qu’en 1930! The Privateer, dans ces derniers
numéros, a plusieurs fois attiré l’attention
sur le phénomène. Le volume de la production s’effondre à une vitesse inconnue jusqu’ici. Voici un résumé de la situation mondiale.
Les chiffres annualisés de février sont les
suivants: Taiwan (–43%), Ukraine (–34%),
Japon (–30%), Singapour (–29%), Hongrie (–23%), Suède (–20%), Corée (–19%),
Turquie (–18 %), Russie (–16%), Espagne
(–15%), Pologne (–15%), Brésil (–15%), Italie (–14%), Chine (–12%), Allemagne (–12%),
France (–11%), USA (–10%) et Grande-Bretagne (–9%). C’est une catastrophe.
•
Source: The Privateer No 624, mars 2009
(Traduction Horizons et débats)
Ce qui peut se passer quand un pays est financièrement dépendant …
hd. Dans son livre «La stratégie du choc. La
montée d’un capitalisme du désastre.» Naomi
Klein raconte ce que signifiait – et peut toujours signifier – pour différents pays d’être
financièrement dépendants d’autres pays ou
d’institutions financières agissant au niveau
international.
On peut imposer à de tels pays une politique contre la volonté de leur peuple et gouvernement – et cela en suscitant des conséquences fatales.
Dans le chapitre de Klein sur la Pologne, on peut lire sous le titre «Le choc
du pouvoir» (p. 216 sqq.): «Ainsi que les
Latino-Américains venaient tout juste de
l’apprendre, les régimes autoritaires ont pour
habitude d’embrasser les principes de la démocratie au moment précis où leurs projets
économiques sont sur le point d’imploser.
La Pologne ne fit pas exception à la règle.
Pendant des dizaines d’années, les communistes avaient multiplié les erreurs coûteuses et désastreuses, et la Pologne était au
bord de l’effondrement économique. Walesa eut la formule célèbre (et prophétique)
suivante: ‹Pour notre malheur, nous avons
gagné!› Lorsque Solidarité prit le pouvoir,
la dette s’élevait à 40 milliards de dollars
et l’inflation à 600%. Il existait une grave
pénurie alimentaire et un marché noir florissant. De nombreuses usines fabriquaient
des produits qui, faute de preneurs, pourrissaient dans des entrepôts. L’entrée des Polonais dans la démocratie fut cruelle. Ils
étaient enfin libres, mais rares étaient ceux
qui avaient le loisir ou l’envie de célébrer:
leurs bulletins de paie ne valaient plus rien.
Ils passaient leurs journées à faire la queue
pour acheter de la farine et du beurre si, par
le plus grand des hasards, il y en avait cette
semaine-là.»
Le gouvernement de Solidarité avait grand
besoin d’argent. Naomi Klein poursuit: «Tout
l’été suivant son triomphe électoral, Solidarité fut paralysé par l’indécision. La vitesse
à laquelle l’ordre ancien s’était écroulé et
l’ampleur de la victoire avaient constitué en
eux-mêmes des chocs. Les militants de Solidarité, qui, quelques mois plus tôt, fuyaient
les agents de la police secrète, devaient désormais payer le salaire de ceux qui les avaient
pourchassés. Et ils apprirent avec stupéfaction
que l’Etat avait à peine de quoi honorer ses
obligations. Plutôt que de bâtir l’économie
postcommuniste dont il avait rêvé, le mouvement dut s’attaquer à une tâche beaucoup
plus pressante: éviter l’effondrement total et
la famine.»
Quel chemin le nouveau gouvernement polonais devait-il entamer? Klein raconte le dilemme d’un gouvernement qui avait de bon
projets, mais ne pouvait pas agir en indépendance:
«Les dirigeants de Solidarité ne voulaient
plus de la poigne de fer que l’Etat exerçait
sur l’économie, mais ils ne savaient pas par
quoi la remplacer. Pour les militants de la
base, c’était l’occasion de faire l’essai du programme économique. si elles étaient converties en coopératives de travailleurs, raisonnaient-ils, les usines exploitées par l’Etat
retrouveraient peut-être le chemin de la viabilité économique – la gestion par les employés avait des chances d’être plus efficace,
d’autant qu’on n’aurait pas à supporter les dépenses supplémentaires liées aux bureaucrates du Parti. D’autres préconisaient une
approche progressive comme celle de Gorbatchev à Moscou – une lente expansion dans
les secteurs assujettis aux règles monétaires
de l’offre et de la demande (augmentation du
nombre de boutiques et de marchés autori-
«Une nouvelle bulle financière …»
suite de la page 3
été cité comme quoi «l’alimentation biotechnologique présente d’énormes avantages».
Toutefois: «bio» n’est pas forcément
«sain» et que «bio» dépasse largement le domaine médical, c’est ce qu’ont démontré les
conseillers du nouveau gouvernement américain. Jeffrey Smith avait déjà écrit à fin novembre 2008 («Obama’s team includes dangerous biotech ‹Yes Men›»; HuffingtonPost.
com du 30/11/08), qu’il se trouvait parmi les
conseillers d’Obama des gens dont le but
était d’intensifier la production et la vente de
produits alimentaires génétiquement manipulés. Parmi ces conseillers on trouve Sharon Long, auparavant membre du conseil
d’administration du plus grand producteur
mondial de semences génétiquement manipulées, Monsanto. Mais aussi Harold Varmus
qui rédigea les études «scientifiques» pour le
développement de produits alimentaires génétiquement manipulés. Obama lui-même a
Une bulle
du techno-capitalisme moderne?
«Spiegel Online» a interviewé le 20 janvier la
nouvelle conseillère pour les questions scientifiques de la secrétaire d’Etat des Etats-Unis,
Hillary Clinton. Cette conseillère s’appelle
Nina Fedoroff, était déjà engagée dans l’Administration Bush, et elle déclara se réjouir fortement de la nouvelle voie dans laquelle s’est engagé Obama, à savoir la politique en matière
de cellules souches. Du même coup, elle «mit
en garde» ceux qui voudraient renoncer aux
OGM dans l’agriculture: «Il me paraît très important que les gouvernements, les universités
et d’autres instituts bénéficiant d’un soutien public renforcent considérablement la recherche
dans les biotéchnologies végétales.»
Il se justifie donc de prétendre qu’il ne
s’agit pas vraiment de l’amélioration de la
santé publique ou de fournir de meilleurs produits alimentaires pour tous, mais qu’il s’agit
avant tout de beaucoup d’argent et de nouvelles spéculations pour en ramasser encore
plus … donc une nouvelle bulle?
Mais aussi, (et peut-être surtout) de
développer de nouvelles et terribles armes
pour une guerre biologique?
Le directeur de l’Institut pour la classe
moyenne de Hanovre, Eberhard Hamer, a
mis le doigt - dans une analyse non publiée
jusqu’à présent et intitulée «Que pourrait entreprendre le nouveau président Obama?» sur deux possibilités à la disposition de la
nouvelle Administration américaine pour
tenter de sauver la domination mondiale du
dollar: une guerre contre l’Iran (ou un autre
pays) ou/et une politique inflationniste orientée vers une réforme monétaire radicale.
Peut-on penser qu’Obama a pour objectif de créer une nouvelle bulle financière: une
bulle du techno-capitalisme moderne, mise
en place par d’énormes sommes fiscales et
des dettes considérables; une biomédecine
douteuse, une alimentation manipulée génétiquement, des nanoparticules discutables et
bien d’autres choses … et cela sans prendre
égard aux conséquences désastreuses ni aux
coûts? Afin de favoriser de nouvelles guerres
effrayantes?
Tout ceci après que les bulles de la nouvelle économie, soutenues par l’Etat et faisant
fi du bien-être de la population, ainsi que la
bulle de l’immobilier ont éclaté. Et tout cela
jusqu’au jour où cette nouvelle bulle éclatera
elle aussi.
Ce nonobstant, les néoconservateurs retrouvent toute leur effronterie. Ainsi la façon de
William Kristol, de s’exprimer dans le «Washington Post» du 26/2/09 où il recommande
aux Républicains d’apprendre d’Obama: une
nouvelle façon de penser. On avait déjà entendu cela lorsque George W. Bush avait pris
le pouvoir.
•
ISBN 978-2-7427-7544-6
Suite page 5
Horizons et débats
No 10, 23 mars 2009
page 5
Union européenne
Baisse des taux directeurs des deux côtés de la Manche
La Banque centrale européenne (BCE) vient
d’abaisser son taux directeur d’un demipoint pour le ramener à 1,5%, son plus bas
niveau historique au moment où l’Europe
craint une absence de «croissance». Comme
l’a annoncé le 4 mars l’Office statistique du
Luxembourg, le produit intérieur brut de la
zone euro a, au dernier trimestre de 2008,
diminué de 1,5% par rapport au troisième
trimestre. Les dépenses d’investissement ont
baissé de 2,7% et la consommation des ménages de 0,9%. Ces deux chiffres sont les
pires depuis que ces statistiques ont commencé à être établies, en 1995. Les exportations ont chuté de 7,3% et les importations
de 5,5%. Ce sont ces données sur l’import/
export de la zone euro qui nous intéressent
ici. Elles montrent que l’Europe n’est pas en
mesure de maintenir ses exportations globales. Lorsqu’elles diminuent, elle doit importer moins qu’avant si elle ne veut pas
sombrer dans un déficit croissant de la balance des payements. En outre, le ralentissement des exportations européennes a pour
effet de réduire la demande intérieure de
produits d’exportation des autres pays euro-
péens. Quand ces deux facteurs se combinent, il en résulte une augmentation du chômage et une récession économique.
Dans une tentative d’«arranger les choses», la BCE a abaissé son taux directeur à
1,5% afin d’alléger la charge des emprunteurs et d’augmenter la consommation intérieure.
Selon les chiffres publiés le 25 février,
l’Allemagne, l’un des plus importants exportateurs du monde, a enregistré au quatrième
trimestre de 2008 une diminution des exportations de 7,3% par rapport au trimestre précédent. Elle a encore une économie forte malgré la récession, principalement parce qu’elle
n’a jamais connu de bulle immobilière. Les
plus petits pays d’Europe qui ont connu ces
bulles ont de réelles difficultés.
Il n’y a pratiquement plus
de taux d’intérêt en Grande-Bretagne
La Banque centrale d’Angleterre s’est lancée
dans un «assouplissement quantitatif», c’està-dire tout simplement dans l’impression de
monnaie. Elle a divisé par deux son taux –
déjà quasi inexistant – de 1% pour l’abaisser
L’expérience britannique
Le 5 mars, la Banque centrale d’Angleterre
(BoE) annonçait qu’elle abaissait de moitié
son taux directeur, le faisant passer de 1% à
0,5%. En fait, cette mesure efface complètement les taux britanniques officiels, la banque centrale britannique rejoignant ses homologues américaine et japonaise en toutes
choses, à l’exception de l’élimination de l’escompte que doivent payer les banques commerciales désirant emprunter à la banque
centrale des «réserves excédentaires».
Cette mesure était attendue presque dans le
monde entier et n’a pas fait couler beaucoup
d’encre dans la presse qui a relaté l’événement.
Ce qui a fait couler énormément d’encre,
c’est l’annonce faite par le gouverneur de la
BoE Melvyn King que la banque avait décidé
d’injecter directement de l’argent neuf dans
l’économie en faisant fonctionner la planche
à billets et en utilisant cet argent pour acheter des créances émises par le gouvernement
britannique. Cette «décision» a été prise avec
l’assentiment du Chancelier de l’Echiquier
britannique Alistair Darling. Comme l’a déclaré l’homologue de Mr Darling sur les bancs
de l’opposition, le Chancelier «fantôme», «il
s’agit effectivement d’imprimer de l’argent,
mais comme toutes les autres politiques du
gouvernement ont échoué, je ne pense pas
que la Banque d’Angleterre ait eu le choix.»
En réalité, comme le montre cette citation, la
décision était bipartisane.
Souvenons-nous que la Grande-Bretagne
fut le premier pays anglo-saxon à commencer de nationaliser son système bancaire en
«Ce qui peut se passer quand …»
suite de la page 4
sés) conjuguée à un fort secteur public calqué sur le modèle scandinave de la social-démocratie.
Comme l’Amérique latine avant elle, la
Pologne dut, avant toutes choses, demander
un allégement de sa dette pour sortir de la
crise immédiate. En théorie, c’est le mandat du FMI: fournir des fonds de stabilisation pour prévenir les catastrophes économiques. Si un gouvernement méritait qu’on le
tire d’affaire, c’était bien celui de Solidarité,
qui, dans le bloc de l’Est, venait de signer la
première victoire démocratique contre un régime communiste en 40 ans. Après tout, le
Rideau de fer et le totalitarisme qu’il abritait
avaient été voués aux gémonies pendant toute
la Guerre froide; les nouveaux dirigeants de
la Pologne étaient en droit de s’attendre à un
coup de main.»
Pourtant, on ne les a pas aidés. Klein décrit
ce qui s’est passé en lieu et place: «Désormais
sous la coupe des économistes de l’école de
rachetant Northern Rock en février 2008, une
année avant que la BoE annonce, en février,
qu’elle abaissait son taux d’intervention de
1,5% à 1%.
Un effet capital, beaucoup trop peu commenté dans les médias, de cette baisse de
taux a été le tollé qu’elle a provoqué dans
l’opinion britannique. Les protestations
n’étaient absolument pas limitées à ceux de
qui on les attendait: les retraités et les personnes ayant un revenu fixe. Elles sont venues de l’ensemble de la population. Les petits entrepreneurs étaient contre, de même
que les salariés. Même un nombre important
de détenteurs d’hypothèques étaient contre,
se rendant compte, à juste titre, que les économies qu’ils pouvaient faire dans le remboursement de leurs hypothèques seraient
plus qu’englouties par la chute potentielle de
la valeur à la revente de leur bien.
A la fin février, on a appris qu’en janvier,
les épargnants du Royaume-Uni avaient retiré
la somme record de 2,3 milliards de livres de
leurs comptes bancaires. C’était le plus important retrait mensuel au cours des 12 dernières années, supérieur de plus de 53% au
précédent record de 800 millions de livres. Il
a été noté que depuis le milieu de 2008, la
BoE avait ramené ses taux de 5,0% à 1,0%.
Cela signifie qu’un épargnant qui avait déposé 100 000 livres dans une banque avait vu
le rendement annuel de son argent passer de
3700 à 290 livres. Malgré les «garanties du
gouvernement», il estimait qu’il ne valait pas
la peine de laisser son argent à la banque. •
Source: The Privateer N 624, mars 2009
(Traduction Horizons et débats)
o
Chicago, le FMI et le Trésor des Etats-Unis
étudièrent les problèmes de la Pologne sous
l’angle de la stratégie du choc. Confrontée à
une grave crise économique, criblée de dettes
et, de surcroît, désorientée par un rapide changement de régime, la Pologne était suffisamment affaiblie pour accepter une thérapie de
choc radicale. Les perspectives financières
étaient encore plus alléchante qu’en Amérique
latine: pour le capitalisme occidental, l’Europe
de l’Est, où il n’existait pratiquement pas de
marché de consommation, était un territoire
vierge. Les actifs les plus précieux demeuraient la propriété de l’Etat et, à ce titre, étaient
de parfaits candidats à la privatisation. De formidables occasions de profits s’offraient à
ceux qui réagiraient les premiers.
Persuadé que le pourrissement de la situation inciterait le nouveau gouvernement à accepter une conversion totale au capitalisme
sans entraves, le FMI laissa le pays s’enliser
dans l’endettement et l’inflation. La Maison-Blanche, dirigée pas George H.W. Bush,
félicita Solidarité de sa victoire contre le
communisme, mais indiqua clairement que
à 0,5%. Elle a mis en œuvre un programme
d’achat d’actifs d’un montant de 106 milliards
de dollars qui consiste essentiellement à racheter des créances d’Etat.
Lorsque les établissements
financiers britanniques s’effondrent
Le spectre qui se dessine est celui-ci. Les
prix de l’immobilier britannique ont baissé
le mois dernier comme jamais depuis au
moins 26 ans, la récession et l’augmentation du chômage étouffant la demande immobilière. Au cours des trois derniers mois
jusqu’à février, les prix de l’immobilier ont
chuté de 17,7% par rapport à ce qu’ils étaient
il y a une année, recul le plus important depuis le début des relevés, en 1983. Comme
les prix des maisons baissent, plaçant la valeur d’un nombre croissant d’entre elles en
dessous des hypothèques qui ont été prises
sur elles, le gouvernement craint que de nouvelles pertes viennent ruiner de plus en plus
de créanciers britanniques. Cela fait surgir le
spectre de l’étatisation de tout le secteur banquier britannique.
La production industrielle britannique a
baissé de 4,5% au cours du dernier trimestre
alors qu’une estimation antérieure prévoyait
une baisse de 3,9%. Selon l’Office statisti-
que britannique, les produits manufacturés
ont chuté de 5,1% alors que les prévisions
étaient de 4,6%. On s’attend à ce que le chômage augmente plus rapidement à partir de
maintenant en raison de l’aggravation de la
récession.
Le prochain Sommet économique
Les chefs politiques des pays du G 20 vont
se rencontrer le 2 avril à Londres. Le président Obama sera présent. C’est à ce sommet
qu’éclateront très probablement d’importants
conflits économiques concernant les droits de
douane, les monnaies et le commerce, comme
dans les années 1930. L’alternative serait que
prévale un assainissement économique global qui laisse ouverts le commerce mondial
et les flux financiers. La question centrale de
ce sommet sera le rôle mondial du dollar, que
cela plaise ou non aux Etats-Unis. La Russie,
la Chine et l’Union européenne ont un projet global de quatre monnaies de réserve, le
dollar n’étant plus qu’une des quatre à égalité
avec les trois autres.
Il ne fait guère de doute que si les EtatsUnis ne donnent prs leur accord, le monde
éclatera économiquement.
•
Source: The Privateer No 624, mars 2009
(Traduction Horizons et débats)
Le show de Gordon Brown
Faire fonctionner la planche à billets …
Gordon Brown est le Premier ministre de
Grande-Bretagne. Le 4 mars, la veille du
jour où la Banque centrale d’Angleterre
(BoE) a annoncé sa décision d’imprimer de
l’argent, il a prononcé un discours devant
le Congrès américain. Les députés ont été
extrêmement séduits par ses paroles et se
sont levés 19 fois pour l’applaudir. Il n’a
cessé de dire que le monde allait renaître
des cendres de la crise financière actuelle
et cela grâce au «plan économique hardi
destiné à restaurer la prospérité» que
lui-même en Grande-Bretagne et le président Obama aux Etats-Unis avaient concocté avec tant d’héroïsme. «Ce n’est pas
de l’optimisme aveugle ou une confiance
artificielle destinée à consoler le peuple»,
a déclaré Gordon Brown, «c’est l’affirmation pragmatique aujourd’hui de notre
foi en un avenir meilleur».
Vraiment? The Privateer a passé des
années à analyser et à expliquer les mesures «pragmatiques» que les gouvernements et le système bancaire et commercial ont prises là-bas. Nous présentons
une vue d’ensemble de la question dans
la dernière partie du Global Report intitulée «Who decides?».
l’administration américaine comptait sur Solidarité pour rembourser les dettes accumulées par le régime qui avait banni et emprisonné ses membres. Elle offrit une aide de
Il y a 10 ans, Gordon Brown était Chancelier de l’Echiquier dans le gouvernement Tony Blair. En mai 1999, il autorisa
la BoE à annoncer le début de ventes d’or
aux enchères. Entre juillet 1999 et mars
2002, la BoE en a organisé 17 au cours
desquelles elle s’est dépouillée d’un total
d’environ 400 tonnes d’or. Le prix moyen
obtenu était d’environ 275 dollars l’once.
Remarquez que la période pendant laquelle ces ventes ont eu lieu – juillet 1999
à mars 2002 – coïncide presque parfaitement avec le creux de la vague dont a
émergé l’actuel marché global haussier
de l’or.
10 années plus tard, Mr Brown a de
nouveau «pris une décision». Cette fois,
la BoE imprime de l’«argent». C’est une
dernière tentative désespérée de sauver
un système dont le sort était scellé, en
particulier en Grande-Bretagne, lorsque
la BoE a décidé de vendre ouvertement
de l’or et d’utiliser le produit de la vente
pour acheter des créances du Trésor américain.
Source: The Privateer No 624, mars 2009
(Traduction Horizons et débats)
119 millions de dollars, maigre pitance pour
un pays au bord de l’effondrement et qui
avait besoin d’une restructuration en profondeur.»
•
La crise financière –
la fin du système juridique?
Bien que les «top-managers et banquiers»
aient planté des millions voir des milliards
dans le sable en pleine crise financière mondiale, ils sont en outre carrément et copieusement récompensés au détriment de la collectivité! La population en revanche, est rendue
coupable d’un dommage qu’elle n’a pas du
tout causé! Est-ce donc le début de la fin de
notre système juridique?
N’avons-nous pas plutôt affaire à une
sorte de «cartel» composé de la politique, de
l’économie (haute finance), des médias et des
directions syndicales? Où sont l’opposition et
les médias critiques? Ou bien travaillent-ils,
tous, déjà «main dans la main»?
En vertu de l’article 20, paragraphe 4, de
la Loi fondamentale allemande, tous les Allemands ont le droit de résistance contre tous
ceux qui voudraient éliminer cet ordre (démocratie et Etat social), si aucune autre solution n’est possible.
Christoph Mergler, Bamberg (D)
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Horizons et débats
No 10, 23 mars 2009
Entamer un conflit fiscal au lieu de balayer devant sa porte
La menace du G 20 de recourir à une «liste
noire», construction artificielle qui manque
de toute légitimité politique, a incité le gouvernement suisse à céder dans son conflit
avec les Etats-Unis, l’Allemagne, la GrandeBretagne et l’UE. Par son «assouplissement
du secret bancaire», le Conseil fédéral entend contribuer à une solution amiable dans
le conflit fiscal.
En raison des expériences faites, il n’est
pas du tout évident que cette prestation préalable contribue à un traitement de la Suisse
comme il est d’usage entre partenaires contractuels égaux et Etats souverains.
Chaque Etat doit effectuer des tâches relatives notamment à l’infrastructure, aux institutions sociales, à la formation et à la santé.
Pour ce faire, il a besoin d’argent, qu’il obtient de la population sous forme d’impôts et
d’autres droits. Le droit de prélever des impôts est un droit régalien. C’est pourquoi l’on
parle du pouvoir d’imposition de l’Etat. Ce
pouvoir d’imposition comprend notamment le
droit d’autodétermination de chaque Etat en
matière de système fiscal et de taux d’imposition (niveau des impôts). La charge fiscale
qui incombe à chaque habitant est en corrélation étroite avec la politique financière des
collectivités de droit public, la situation de
l’emploi et le revenu du travail de la population. Il en résulte avant tout que la charge fiscale de la population dépend du sérieux et de
l’exactitude avec lesquels les gouvernements
et les parlements accomplissent leurs tâches
nationales. Font partie de ces tâches: un bud-
par Reinhard Koradi
get équilibré (pas d’endettement net), le main- pays, la démocratie directe. Les diverses postien d’un niveau de l’emploi aussi bon que sibilités de participer aux décisions et le fait
possible et d’une balance commerciale équi- que le peuple est la dernière instance à cet
librée. Le maintien de l’emploi à un niveau égard crée la transparence nécessaire à proélevé implique notamment une formation et pos des tâches de l’Etat et, partant, de la poun système sanitaire en bon état et, surtout, la litique des recettes et des dépenses des commultiplicité des branches économiques et une munes, des cantons et de la Confédération.
solide structure des entreprises (exploitations Le principe de subsidiarité est lié à la démograndes, petites et moyennes).
cratie directe, c’est-à-dire que les charges de
Le fait que les gouvernements n’accom- l’Etat sont réparties entre les divers niveaux
plissent pas leurs devoirs, négligent les intérêts de décision conformément aux possibilités.
de la population, voire se concentrent sur des Les communes accomplissent toutes les tâobjets de prestige et de puissance peut exer- ches qu’elles sont en mesure d’assumer. Les
cer très vite des effets catastrophiques sur le tâches qui peuvent être réalisées au prochain
budget de l’Etat. Des dépenses excessives ne niveau sont confiées aux cantons, qui, à leur
conduisent que trop souvent à un endettement tour, transmettent à la Confédération celles
de l’Etat entraînant des intérêts considérables, qui excèdent leurs possibilités. Cette strucc’est-à-dire une charge fiscale élevée de la po- ture de bas en haut rend les autorités proches
pulation. Une telle charge – surtout si elle est des citoyens et crée un consensus au sujet de
considérée comme injuste – est une cause es- ce que l’Etat doit faire ou ne pas faire.
sentielle d’évasion fiscale. Dans l’ensemble,
La même structure concerne le système fisles causes de l’évasion fiscale proviennent cal. L’impôt communal est la base du système
en premier lieu du propre système fiscal et fiscal suisse. Chaque année, les contribuables
pourraient être considérées – ainsi qu’il est sont invités à remplir leur déclaration d’impôts
proclamé à gorge déployée à d’autres occa- et, partant, à donner des renseignements sur
sions – du point de vue de la compétitivité. leur revenu et leur fortune. A l’assemblée
Comme partout, il y a de nombreux systèmes communale, le budget et les taux d’imposition
d’incitation dans le secteur fiscal. Tant qu’ils communaux font l’objet d’un scrutin popusont légaux et qu’ils correspondent aux traités laire. De même, les taux d’imposition des
en vigueur, ils ne justifient aucune accusation cantons comme ceux de la Confédération sont
contre un pays et son système fiscal.
fixés lors de scrutins populaires. De nouveaux
impôts, telle la taxe sur la valeur ajoutée, sont
Le système fiscal de la Suisse
soumis à un scrutin populaire. Si la taxe sur
Le système fiscal de la Suisse se caractérise la valeur ajoutée était majorée, le peuple depar la confiance réciproque des citoyens et de vrait être consulté à ce propos. A l’exception
l’Etat, qui provient du système politique du de cette taxe (impôt à la consommation) et de
l’impôt anticipé, les impôts sont levés par les
cantons et la Confédération avec la comptabi-
«Humilier les pays pratiquant le secret bancaire est inacceptable»
hd. Dans un entretien avec le quotidien
suisse «Le Temps», le Premier ministre
luxembourgeois, Jean-Claude Juncker,
s’exprime de manière claire et nette au
sujet des attaques contre la Suisse et le
Luxembourg. En voici un extrait:
«Mais n’oublions pas les faits: le krach
mondial est, avant tout, dû au dérapage
des marchés hypothécaires américains.
Je suis personnellement très inquiet de
la surenchère actuelle, en France et en
Allemagne notamment, contre le secret
suisse ou luxembourgeois. Il y a là non
seulement de l’exagération, mais une arrogance et une condescendance perturbante. Ce matraquage me dérange, car il
s’appuie sur une imposture en associant
secret bancaire et paradis fiscal, et car il
ne tient aucun compte de nos opinions
publiques. Nous faisons face, ces joursci, à une pensée dominante qui n’a plus
lieu d’être. Humilier ainsi des pays voisins
européens est inacceptable et pourrait
engendrer des gestes de refus. Je l’ai dit
tel quel à Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, que je retrouverai en fin de semaine
au sommet européen de Bruxelles.
Une telle désinvolture, de la part de
responsables politiques, à Paris comme
à Berlin, relève d’un populisme d’inspiration médiocre.
J’attends que ceux qui nous cherchent
querelle s’en prennent avec autant de
véhémence au trusts britanniques, ou
aux législations fiscales de certains Etats
américains.»
Atteinte aux principes de l’Etat de droit
ev/thk. Celui qui était jusqu’à présent d’avis
que les revendications des Américains et de
quelques Etats européens pour un changement
de la pratique du droit fiscal suisse étaient un
désir justifié, se frottera les yeux quand il
aura pris connaissance en détail des évènements. Déjà le ton venimeux, puis l’agressivité des Etats soi-disant amis réveillent des
souvenirs désagréables.
Le changement de la pratique du droit fiscal annoncé par la Suisse suffit entièrement.
Le fait et la façon de Peer Steinbrück de se
profiler ainsi avec des prétentions supplémentaires pour sa campagne électorale en Allemagne, devrait avant tout alarmer les citoyens
allemands. De l’autre côté du Rhin, on aimerait réinstaller le contrôle total du citoyen –
et dans l’Europe entière si possible. Le fait
qu’également l’OCDE (Organisation européenne de coopération économique) – dont la
Suisse est l’un des membres fondateurs – se
prête sous la pression de «certains membres»
à fouler aux pieds ses principes et à se laisser
atteler à une telle charrue, jette une mauvaise
lumière sur cette corporation.
Plus on analyse le comportement et
les réactions des pays voisins, plus on a
l’impression que la volonté est d’augmenter
la pression sur la Suisse en utilisant le secret
bancaire comme moyen pour parvenir à ses
fins.
C’est la façon de cacher sa propre défaillance dans le secteur financier et dans la politique économique. En Allemagne, il y aura
bientôt des élections et le parti socialiste
semble lutter pour un profil politique et chercher un bouc émissaire pour son incompétence.
Les Trésors publics des autres Etats sont
vides. En raison des circonstances politiques et économiques stables en Suisse, de
nombreuses personnes du monde entier
ont placé leurs économies ici. Cela suscite
l’avidité depuis longtemps. Mais le respect
des lois, des coutumes et de la souveraineté
des autres Etats a fait place à une mentalité
qui ne compte que sur le droit du plus fort
et qui viole les principes du droit international et de l’Etat de droit. Un petit Etat doit
pouvoir compter avant tout sur le respect du
droit, pour éviter de trop grandes dissonances
dans le concert des peuples.
Le comportement des grandes puissances
européennes et des USA pose encore d’autres
questions. Comment un petit Etat, qui héberge
encore d’autres trésors dans son pays, peutil se défendre contre la voracité des autres?
L’affaire concernant la fiscalité pourrait au
moins nous amener à réfléchir plus profondément à cette question.
Et dans le pays voisin du Nord, il faudrait urgemment traiter la question suivante:
Qu’est-ce que c’est qu’un Etat libre avec des
citoyennes et des citoyens libres, qui règlent
leurs affaires sous forme de «res publica»
eux-mêmes et qui voient l’Etat comme leur
affaire. Dans ce domaine, il y aurait encore
beaucoup à apprendre de la Suisse.
•
lité correspondante. L’autorité fiscale procède
à la répartition des impôts entre la Confédération et les cantons. La majeure partie des
impôts prélevés demeure dans la commune
des habitants du contribuable.
Mentionné à propos du système fiscal
suisse, le secret bancaire protège au premier
chef la sphère privée du citoyen. Afin de limiter l’attrait de la renonciation à déclarer
des valeurs patrimoniales, l’impôt anticipé
est prélevé sur le produit des intérêts des fortunes placées dans les banques. Celles-ci déduisent directement l’imposition de 35% du
produit des intérêts. Si le contribuable inscrit
cette fortune dans sa déclaration d’impôts,
le bureau des impôts lui rembourse l’impôt
anticipé. Le secret bancaire tant décrié à
l’étranger voit ses effets largement réduits par
l’imposition directe des intérêts. Les accords
destinés à éviter la double imposition du produit des intérêts tendent aussi à réduire les
conflits avec l’étranger. De plus, il faut considérer les accords contre la double imposition
conclus avec divers pays comme une contribution des parties à la lutte contre la fraude
fiscale.
Les reproches massifs proférés par l’Allemagne et la Grande-Bretagne ne résistent
pas à un examen sérieux du système bancaire
suisse. Les raisons de ces attaques peuvent
diverger fortement les unes des autres. Mais
elles doivent être taxées d’attaques contre la
souveraineté de la Suisse et repoussées énergiquement. Un regard jeté sur la quote-part
des impôts et de l’endettement des différents
pays pourrait être d’autant plus révélateur
que l’évasion fiscale est causée surtout par le
pays qui la subit.
•
Le secret bancaire
Le procédé illégal des Etats-Unis et de l’UE
par Frédéric Walthard, ancien diplomate représentant la Suisse aux Etats-Unis
Ne nous y trompons pas. C’est depuis toujours
l’habitude des Etats-Unis d’imposer des exigences de droit public par des moyens de droit
privé et vice versa, des intérêts privés par des
moyens de droit public ou même en exerçant
de la pression politique. Ce mélange entre le
droit public et privé provient de la dualité du
droit coutumier (Common Law, surtout la jurisprudence) et de l’acte du gouvernement et
du congrès, qui a certes fortement augmenté,
mais qui, comparé à la jurisprudence des tribunaux, ne représente toujours qu’une petite
part du droit en vigueur aux Etats-Unis.
En Europe également, on observe de plus
en plus cette tendance, soit que le droit ne
soit pas fixé d’une manière démocratique
mais par des groupements de pouvoir. Ainsi
par exemple la Constitution de l’UE dans la
forme de Lisbonne n’a toujours pas été ap-
prouvée par les peuples. Depuis peu, le ministre des Finances allemand Peer Steinbrück
exige, à la façon des vieux nazis, d’introduire
dans l’OCDE, une organisation basée sur
l’égalité des droits de ses membres à Paris, la
règle discriminatoire et contraire au droit international d’une liste noire des soi-disant paradis fiscaux, bien sur avec la Suisse en tête!
Au siècle passé les Etats-Unis brillaient
– certes pas d’une manière aussi brutale que
le IIIe Reich – par des empiètements illégaux du droit public envers l’autonomie privée en ne respectant plus les domaines bien
distincts du droit public et du droit privé et
cela selon la devise hitlérienne: «Qui a le
pouvoir a le droit» au détriment du savoir du
monde occidental vieux de plusieurs siècles
affirmant que le droit ne peut être que ce qui
est juste.
•
Défendez la Suisse!
Contre le chantage de Steinbrück
par Jürgen Elsässer, Allemagne
Aujourd’hui, le cabinet fédéral débat une nouvelle loi qui frappe d’une peine les particuliers et les hommes d’affaires qui collaborent
avec les paradis fiscaux. Steinbrück veut que
la Suisse en plus du Lichtenstein et d’autres
soit mise sur la liste des Etats voyous. La loi
est, contre toute apparence, tout à fait dans
l’intérêt du capital financier international.
Le plus grand scandale dans ce contexte
est que le projet de loi ne mentionne pas les
plus grandes places financières offshore: Les
îles Caïmans, les îles Anglo-Normandes, les
Bermudes et les Bahamas. Steinbrück veut
donc y laisser libre cours aux spéculations.
Toutes ces places financières sont dirigées
par la City of London. C’est à partir de ces
quatre bases – attention!– qu’opèrent notamment plus de 90% des sauterelles, c’est-à-dire
des fonds spéculatifs ayant placé des produits
frauduleux d’un montant de 868 billions (!)
de dollars dans le système bancaire mondial
– de véritables «armes de destructions massive financières» (Warren Buffet).
En comparaison, la Suisse est en revanche
bien inoffensive! Certes, des capitaux fugitifs
y sont déposés – mais le simple placement est
«seulement» un enrichissement amoral et n’a
rien du tout à faire avec la méga-crise actuelle. Ceux qui veulent désamorcer les «Weapons of financial mass destruction» doivent
s’attaquer à Londres et à ses îles pirates et
non pas à la Suisse! Par ailleurs, la Suisse a
substantiellement amélioré ses lois ces dernières années pour combattre les capitaux
fugitifs, notamment par un accord de double
imposition avec l’UE.
Au bout du compte, il s’agit de détruire,
par l’attaque actuelle, la place économique
suisse relativement solide pour s’accaparer le
capital du «coffre-fort» Suisse et boucher les
trous financiers ailleurs (ainsi que les gueules de requins grandes ouvertes!), autrement
dit il s’agit d’un vol. Steinbrück se fait le policier des voleurs.
Espérons que les Confédérés resteront
fermes! Nous avons également besoin d’un
Etat où nous pouvons nous réfugier, si cela
continue ainsi! Dans ce sens-là «Meilleures salutations aux fils et filles de Guillaume
Tell! Et si jamais Steinbrück s’apprête à envahir la Suisse, rappelez ceci: «C’est par le
Chemin Creux qu’il doit passer!»
•
Horizons et débats
No 10, 23 mars 2009
page 7
Des changements s’imposent de toute urgence
par Gabriela Neuhaus
Le Rapport sur l’agriculture mondiale a fait
sensation en avril 2008, en montrant qu’une
agriculture durable doit être fondée sur les
petites exploitations. Hans Herren,* co-président du groupe d’experts qui l’a élaboré,
sillonne depuis lors la planète pour promouvoir d’urgence les changements nécessaires,
notamment dans les politiques agricoles et le
comportement des consommateurs.
Un seul monde: Combien d’êtres humains la
planète peut-elle nourrir à long terme?
Hans Herren: D’aucuns affirment qu’il n’y
a pas de limite, surtout parce que, selon les
prévisions, la population mondiale s’accroîtra de 2,5 milliards d’individus d’ici 2050,
avant de reculer à nouveau. Aujourd’hui déjà,
nous serions en mesure de nourrir même ces
2,5 milliards de personnes supplémentaires,
si la moitié de la production n’était pas gaspillée. Sans oublier ce que les voitures consomment déjà. Nous pouvons produire de la
nourriture en suffisance. Reste à savoir comment, où et à quel prix.
Quels sont les fondements de la sécurité alimentaire?
Premièrement, l’agriculture est importante
pour la survie de l’humanité, et pas seulement sur le plan alimentaire. L’eau, l’air et
notre environnement en général ont besoin
d’une agriculture qui soit au service des
écosystèmes. Deuxièmement, nous devons
préserver un milieu dans lequel les gens
puissent vivre heureux: une nature belle
et variée, et pas uniquement d’immenses
champs de maïs ou de soja dans des paysages inhabités. Troisièmement, il faut une
agriculture qui aide les pays en développement à surmonter la pauvreté. Cela signifie
que le Nord doit cesser de produire, à coups
de subventions, des excédents agricoles qui
envahissent les marchés du Sud et privent
les paysans locaux de leurs moyens de subsistance. Dans les pays dépourvus de l’infrastructure requise, il est difficile d’acheminer des denrées sur les marchés; à l’inverse,
la demande ne parvient pas jusqu’aux paysans. Le système commercial ne peut donc
pas fonctionner. Tout cela est une question
d’investissement.
*
L’agronome suisse Hans Herren est l’un des plus
éminents spécialistes internationaux de la protection biologique des végétaux. En 1995, il a reçu
le Prix mondial de l’alimentation pour ses travaux novateurs menés en Afrique. Pendant de longues années, il a en effet dirigé le Centre international sur la physiologie et l’écologie des insectes
(ICIPE) au Kenya, élaborant des programmes intégrés destinés à promouvoir la santé de l’homme,
des animaux, des végétaux et de l’environnement.
Depuis 2005, Hans Herren préside l’Institut du Millénaire, où il met au point des programmes et des
instruments favorisant la réalisation des Objectifs
du Millénaire pour le développement. Enfin, avec
Judi Wakhungu, du Centre africain d’études sur la
technologie, Hans Herren a coprésidé pendant quatre ans l’Evaluation internationale des sciences
et technologies agricoles au service du développement (EISTAD), dont les travaux ont conduit à
l’élaboration du Rapport sur l’agriculture mondiale.
Horizons et débats
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante,
l’éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international,
du droit humanitaire et des droits humains
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Jean-Paul Vuilleumier
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ISSN 1662 – 4599
© 2009 Editions Zeit-Fragen pour tous les textes et les illustrations.
Reproduction d’illustrations, de textes entiers et d’extraits importants uniquement avec la permission de la rédaction; reproduction
d’extraits courts et de citations avec indication de la source «Horizons et débats, Zurich».
«Agriculture at a Crossroads, The Global Report.» IAASTD, Islandpress, ISBN 978 1 597 239 3
Par où devrait-on commencer?
Il faudrait rémunérer les agriculteurs pour les
prestations qu’ils fournissent afin de préserver
les écosystèmes. Des investissements destinés
à améliorer les sols ou à piéger le CO2 pourraient accroître énormément la production et
même doubler le revenu des paysans. De telles mesures peuvent être mises en œuvre dès
demain. Elles ne requièrent pas de longues
recherches.
Lors de sa parution en avril 2008, le Rapport
sur l’agriculture mondiale a connu un large
écho. Entre-temps, on en parle moins. Comment évaluez-vous son impact aujourd’hui?
L’intérêt s’est encore accru: des efforts ont été
entrepris pour poursuivre le travail du Conseil mondial de l’agriculture et institutionnaliser ce type de comptes rendus sur l’évolution de l’agriculture. En avril 2008, devant
l’acuité de la crise alimentaire, tout le monde
réclamait des mesures immédiates. Malheureusement, on accorde encore une grande importance à des méthodes non durables, telles
que la fourniture d’engrais et l’aide alimentaire. Comme toujours, l’industrie préconise
en priorité le recours au génie génétique pour
prévenir de futures famines. Or, nous savons
aujourd’hui que les crises resurgissent de manière cyclique si l’on n’agit pas selon les principes de la durabilité. C’est l’un des enseignements de la Révolution verte.
Vous plaidez pour une agriculture fondée sur
les petites exploitations et qui utilise les ressources naturelles. Peut-on produire suffisamment de cette manière-là?
Il importe que les paysans puissent vivre de
leur travail, c’est-à-dire qu’ils reçoivent un
prix juste pour leurs produits. Les gens doivent donc s’habituer à payer les denrées de
qualité un peu plus cher. Au Nord, nous pou-
vons nous le permettre aisément. Ce n’est
pas le cas au Sud. Il serait pourtant erroné
d’y maintenir les prix de la nourriture à un
niveau bas, car les paysans resteraient pauvres. Pour que les consommateurs du Sud
trouvent du travail et disposent ainsi de davantage d’argent, nous devons donc investir
dans les pays en développement: construire
des routes, des chemins de fer et des fabriques qui assurent la transformation des denrées agricoles. Aujourd’hui, la majeure partie
de la production est vendue et exportée sous
forme de matière première. Au Kenya, les
mangues pourrissent au pied des arbres, tandis que l’on importe du Pakistan le concentré servant de base au jus de mangue vendu
dans les supermarchés de Nairobi. Le transport est trop bon marché pour qu’il vaille la
peine de construire une usine de transformation au Kenya ou au Soudan. C’est là un autre
problème: le libre-échange n’encourage pas
l’économie locale.
Devons-nous renoncer au commerce mondial?
Le commerce mondial ne fonctionne qu’avec
du pétrole bon marché. C’est bien joli de manger des fraises en hiver, mais nul ne pourrait
se les offrir si on calculait leur prix réel. De
plus, les ressources ne suffiront pas si tout
le monde se met à consommer comme nous
le faisons. Pour aider les habitants du Sud à
améliorer leurs conditions de vie, nous devons
être conséquents et réduire nos exigences.
Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique?
Nous devons vivre autrement, manger moins
de viande par exemple, voire plus du tout. On
économiserait ainsi beaucoup de surfaces
arables. De plus, il faudrait accroître la production locale, mais en faisant preuve de bon
sens, car certains produits locaux absorbent
davantage d’énergie que d’autres provenant
d’un peu plus loin. Nous aurons peut-être
aussi besoin d’un nouveau label qui indique
le prix d’une calorie contenue dans un produit
donné. Une chose est sûre: il est grand temps
d’agir. Si nous poursuivons sur la même voie,
cela peut durer encore dix ou quinze ans,
mais ce sont nos enfants qui paieront la facture.
•
Source: Un seul monde, le magazine de la DDC sur le
développement et la coopération, no 1/2009.
Le Rapport
sur l’agriculture mondiale
Plus de 400 experts internationaux ont
participé à l’EISTAD, un processus visant
à établir un état des lieux de l’agriculture mondiale. Ils avaient été mandatés
par la Banque mondiale qui souhaitait
disposer, comme pour le climat, d’une
analyse exhaustive permettant de prévoir les évolutions possibles. Ainsi, les
représentants de tous les secteurs concernés ont pris part à ces travaux: agriculteurs, consommateurs, écologistes,
économie privée et institutions des Nations Unies. A sa sortie en avril 2008,
le Rapport de synthèse de l’EISTAD, ou
Rapport sur l’agriculture mondiale, a fait
beaucoup de bruit: d’abord parce que
les prix des céréales atteignaient alors
des sommets sur les marchés internationaux et que la famine menaçait dans diverses régions du monde; mais surtout
parce que le rapport rejette l’agriculture
industrielle et la technologie génétique,
estimant qu’une agriculture fondée sur
les petites exploitations est la meilleure
garante d’une sécurité alimentaire durable.
Horizons et débats
page 8
No 10, 23 mars 2009
Une alternative:
mécanismes de crédit fondés sur un code éthique
Propositions et idées issues du système financier islamique contre la crise économique de l’Occident
par Loretta Napoleoni et Claudia Segre*
Nous publions de longs extraits de l’article cement des pèlerinages à la Mecque. Les
«L’islam peut-il aider le système financier premières solutions proposées dans le dooccidental?», qui paraîtra dans le prochain maine de la pratique de l’économie islaminuméro du magazine «Vita e Pensiero».
que ont été réalisées dans les années 50 à
Kuala Lumpur en Malaisie et dans la parNous devons rappeler que déjà à la fin du tie sud de l’Egypte. L’essai en Malaisie a
XIXe siècle, les défenseurs des principes été soutenu par la direction et par des moyet les amis du système financier islamique ens financiers des pèlerins malaisiens et par
ont exprimé à plusieurs reprises leur insatis- le gouvernement. Celui-ci surveillait entre
faction à propos de l’arrivée du capitalisme autres les institutions financières lors de
dans les pays musulmans. Différentes ex- placements d’épargne et lors d’investitions
pertises (Fatwa) ont été publiées pour con- correspondantes en accord avec la Charia.
firmer que les activités qui s’appuient sur le L’élément le plus fondamental et connu du
système d’intérêts des banques des «colo- mode de fonctionnement du système finannisateurs» ne sont pas compatibles avec la cier islamique est le refus d’utiliser des inCharia. Les seules banques dans le monde térêts comme composante lors de crédits ou
musulman étaient d’empreinte occidentale. comme partie intégrante d’autres opérations.
La population musulmane a été contrainte à C’est ainsi que des modes opératoires alterles utiliser bien qu’il s’agisse de son point de natifs doivent être trouvés, qui sont capables
vue d’activités non autorisées et du point de de garantir les taux de réponse du capital et
vue de la loi religieuse en vigueur d’activi- des investissements en préservant les princités interdites, qui ont pourtant pénétré l’en- pes éthiques de l’Islam.
semble de la structure sociale et économique
L’économie islamique se fonde, autre que
de leurs pays.
l’économie de marché traditionnelle, sur les
A partir du milieu des années 50 jusqu’au principes religieux de l’Islam. Les musulmilieu des années 70, les scientifiques en mans doivent s’en tenir à la Charia, la loi rematière économique, les financiers, les sa- ligieuse qui guide leur vie. Les activistes isvants de la Charia et les intellectuels se lamiques, les intellectuels, les producteurs et
sont concentrés sur l’abolition possible de les dirigeants religieux ont toujours souligné
l’intérêt et ont essayé de construire des in- la validité de l’interdiction du prélèvement
stitutions financières alternatives. Celles-ci d’intérêts, l’interdiction des jeux de hasard
devaient être «compatibles avec la Charia» et de la spéculation, ils ont condamné les inet se baser sur les règles islamiques repo- térêts des créanciers et ont accusé le comsant sur l’interdiction de prélever des in- merce basé sur les valeurs mobilières. Selon
térêts, c’est-à-dire l’interdiction de paie- ce principe, l’argent ne doit pas être utilisé
ments d’intérêts comme récompense au comme produit pour engendrer encore plus
jour échéant. Un nouveau système écono- d’argent. La finance islamique évite les inmique islamique devrait en outre respec- vestissements de capitaux qui sont gérés de
ter l’engagement des croyants musulmans manière alternative et les actions conventionà donner des aumônes (Zakât) selon leur nelles et privilégiées, car elles conduisent à
fortune au lieu d’autres formes de finan- la multiplication artificielle de l’argent. Ce
dernier doit être un moyen et un instrument
productif. C’est le principe qui est appliqué
* Loretta Napoleoni est née en Italie et elle travaille
Marché à Tetouan au Maroc. Dans le monde islamique, l’argent ne peut pas être utilisé
aux soi-disant «soukouks». Ces obligations
en tant qu’assistante scientifique dans plusieurs
comme produit. Il doit plutôt être un moyen ou instrument productif – comme c’était à
banques et organisations internationales comme
islamiques sont toujours liées à un investisl’origine également prévu dans l’Occident chrétien. (photo Caro)
les Nations Unies en Europe et aux USA. En outre,
sement réel, par exemple pour payer la conelle a été correspondante à l’étranger pour des jourstruction d’une route ou d’un bâtiment, et seurs et des scientifiques aisés qui se sentent tes baissent continuellement et se trouvent
naux financiers italiens. Elle est l’auteur entre autre
n’ont pas de but spéculatif. Ce principe cor- engagés envers la Charia, ont commencé à bientôt au niveau zéro. Les banques occide «Die Zuhälter der Globalisierung. Über Oligarrespondant à la Charia et aux activités in- coopérer dans l’intérêt d’un système finan- dentales pourraient modifier le système de
chen, Hedge Fonds, ’Ndrangheta, Drogenkartelle
und andere parasitäre Systeme». Edition Riemann,
terdites par l’Islam et non éthiques (Haram) cier islamique plus fort. Cette communauté garantie des «soukuks» ou les reprendre diMunich 2008 et «Die Ökonomie des Terrors – Auf
comme la production et la vente d’armes, le d’intérêts inhabituelle est un phénomène uni- rectement sous cette forme afin de stimuler
den Spuren der Dollars hinter dem Terrorismus».
commerce avec le tabac, l’alcool, la porno- que dans l’économie moderne, mais qui a ef- la croissance économique. Les «soukouks»
Edition Antje Kunstmann, Munich 2005.
graphie et le jeu de hasard. Pour l’essentiel, fectivement posé le fondement d’un nouveau (emprunts islamiques) pourraient par exClaudia Segre est analyste financière et chef de
une association extraordinaire est née grâce système économique.
emple être mis en pratique dans l’industrie
rayon d’une banque à Milan. Elle est vice-présià la recherche d’une forme éthique fongible
La distinction la plus importante entre automobile souffrante ou pour financer les
dente d’Assiom (Associazione italiana operatori
mercati dei capitali).
et compatible avec la Charia. Des profes- l’approche du système financier conven- prochains jeux olympiques de Londres. A la
tionnel et la finance islamique se manife- suite de la crise de 1929, un surplus de liquiste dans le concept de l’Oumma. On dési- dité passive s’est formé qui doit être mis en
gne par l’Oumma la communauté religieuse circulation, et le «soukouk» pourrait être un
de tous les musulmans et son effort com- moyen approprié pour cela.
mun pour respirer, penser et prier comme
Les principes éthiques qui caractérisent la
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
un
individu
unique.
C’est
l’âme
de
l’Islam.
nature
de la finance islamique pourraient de
pour le respect et la promotion du droit international,
L’individualisme
est
inconnu
dans
l’Islam
nouveau
rapprocher les banques de leurs clidu droit humanitaire et des droits humains
parce qu’il est étranger au fond culturel des ents et organiser les prestations de services de
Abonnez-vous à Horizons et débats – journal publié par une coopérative indépendante
tribus. Le sentiment d’appartenance com- telle sorte qu’un esprit réel d’aide caractérise
munautaire très fort, le devoir d’aider les chaque service bancaire.
•
L’hebdomadaire Horizons et débats est édité par la coopérative Zeit-Fragen qui tient à son indépendance
Source:
Première
publication
dans
l’Osservatore
amis
dans
le
besoin
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politique et financière. Tous les collaborateurs de la rédaction et de l’administration s’engagent
de l’autorité des dirigeants religieux sont les Romano du 4/3/09
bénévolement pendant leur temps libre. L’impression et la distribution sont financées uniquement par
valeurs traditionnelles de ces cultures. Les (Traduction Horizons et débats)
les abonnements et des dons. La coopérative publie aussi l’hebdomadaire Zeit-Fragen en allemand et le
savants de la Charia ont planté ces valeurs au
mensuel Current Concerns en anglais.
sein de l’économie islamique. Ces principes
fg. Dans son interdiction de prélever
ont permis aux Bédouins de maîtriser leur vie
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des intérêts, l’Islam nous rappelle l’andure pendant des siècles, malgré la rudesse
Nouveau: Je commande un abonnement annuel au prix d’étudiants de 99.– frs / 54.– €
cienne tradition chrétienne qui a été
de l’environnement du désert. Si l’Oumma
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intégrée dans l’ensemble de la théoest le cœur de l’économie islamique, le sens
logie de Saint Thomas d’Aquin (écrit
communautaire est son pouls. Nous pensons
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que
le
monde
financier
islamique
peut
conentre 1266 et 1273). Thomas d’Aquin
Je commande à l’essai les six prochains numéros gratuitement.
tribuer
à
établir
des
règles
pour
un
nouveau
s’appuie aussi sur l’enseignement
Veuillez nous envoyer _____ exemplaires gratuits d’Horizons et débats no _____ pour les
fondement de la finance occidentale, car
d’Aristote selon lequel l’argent ne peut
remettre à des personnes intéressées.
nous devons surmonter une crise, qui, après
pas produire d’enfants. Le prélèvement
la résolution des premiers problèmes de lid’intérêts est caractérisé comme un
Nom / Prénom:
quidité, est devenue principalement une crise
moyen injuste, déshonorant et contre
de confiance envers le système.
o
nature de s’accaparer le bien d’autrui.
Rue / N :
Le système bancaire international a beChaque intérêt, chaque profit supplésoin d’instruments qui placent l’éthique au
NPA / Localité:
mentaire sur un capital, qui a été emcentre des affaires, et qui permettent de réprunté par un simple crédit, est intercolter des liquidités et de participer à la reTéléphone:
dit. L’intérêt est seulement légitimé
construction de la réputation d’un modèle
Date / Signature:
quand il y a une raison extérieure au
capitaliste qui a échoué. Les gens veulent
des investissements sûrs et c’est pourquoi
crédit – par exemple un risque de perte
A retourner à: Horizons et débats, case postale 729, CH-8044 Zurich, Fax +41-44-350 65 51
ils commencent de nouveau à acheter davande la somme prêtée.
CCP 87-748485-6, Horizons et débats, 8044 Zurich
tage de titres de gouvernement. Mais les ren-
Horizons et débats
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