«U
n accord diérencié, juste, du-
rable, dynamique, équilibré et
juridiquement contraignant. »
C’est par ces mots que Laurent Fabius, alors
président de la 21e Conférence des parties
(COP21) dénissait le texte des accords
de Paris pour l’environnement. Fait his-
torique : pas moins de 175 parties se sont
mises d’accord pour amorcer un processus
de sauvegarde du climat lors des négocia-
tions de décembre 2015. Par ce traité, la
COP21 n’a pas dicté la marche à suivre, ces
accords sont avant tout une note d’inten-
tion de la part des signataires.
Il ne faut pas se méprendre, ce texte n’est
pas une coquille vide. Il marque le point de
départ d’un processus mondial de protec-
tion du climat. Lors de cette conférence, le
consensus scientique sur la responsabilité
humaine s’est mué en un consensus poli-
tique. La Terre se réchaue et l’Homme n’y
est pas pour rien. Avant la conférence de
Paris, l’objectif était de contenir le réchauf-
fement à +2 °C d’ici 2100. Sous la pression
des États insulaires menacés par la montée
du niveau des océans, les parties ont conve-
nu de tout mettre en œuvre pour empêcher
une augmentation de la température au-
delà de 1,5 °C. La mise en œuvre des ac-
tions commencera en 2020. Même si pour
certains experts, cette limitation n’est déjà
plus tenable, avoir la majorité des émet-
teurs de CO2 réunis autour d’un objectif
commun reste un atout d’envergure pour
l’avenir de la planète.
Le 22 avril 2016, au siège de l’Organisation
des Nations unies (ONU), à New York,
174 pays et l’Union européenne ont signé
le texte élaboré en décembre à Paris. Les
habituels mauvais élèves rentrent dans le
rang. La Chine, premier émetteur de CO2
au monde, a signé et s’engage déjà dans une
réduction de sa consommation d’énergies
fossiles. Le Canada qui avait pourtant quit-
té le protocole de Kyoto en 2012 fait aussi
partie des signataires. Les États-Unis, qui
ne l’avaient jamais ratié, s’engagent pour
le climat.
Les pays présents lors de la COP21 et qui
ont refusé de signer l’accord ne l’ont pas
fait par climato-scepticisme mais par stra-
tégie économique. Par exemple, l’Arabie
Saoudite, qui tire la majeure partie de ses
revenus du pétrole, n’a aucun intérêt à ce
que l’on remplace ses barils de brut par des
panneaux photovoltaïques.
Un accord diérencié,
juste, durable,
dynamique, équilibré
et juridiquement
contraignant.
COP21 : Un mOment fOrt,
Un aCCOrd fragile
Monde. Sous l’égide de la France, le 12 décembre 2015, les Nations unies
sont parvenues à la rédaction d’un traité pour sauvegarder le climat,
la planète et les hommes. La puissance de ces mots ne garantit pourtant
pas la mise en œuvre des accords de Paris. Louis Grillet
François Hollande, Laurent Fabius et Ban Ki-moon applaudissent la
signature des accords de Paris. © Arnaud Bouisson/MEDDE/ SG COP21
environnement
JS MAG JUIN 2016
6
Une COP22 sOUs le signe de l’aCtiOn
Le Maroc prend le relais de la France à la présidence de la 22e conférence
des parties pour le climat. LG
Du 7 au 18 novembre 2016, Salaheddine
Mezouar, actuel ministre des aaires
étrangères du Maroc, accueillera la 22e
conférence des parties à Marrakech. Le
choix de ce pays est doublement symbo-
lique. Il est à la fois la tête de pont des
pays africains en voie de développement
et un pays qui a fait le choix de la transi-
tion énergétique. En eet, en février 2016,
le gouvernement a inauguré la centrale
photovoltaïque Noor, à proximité de
Ouarzazate.
Lors de la présentation de la feuille de route
de l’événement, Hakima El Haïti, envoyée
spéciale pour la mobilisation de la confé-
rence, avait déclaré : « La COP21 a été celle
de l’engagement et grâce à la contribution de
tous, la COP22 sera celle de l’action. »
Dans la prolongation des accords de Paris,
les membres de l’ONU ainsi que les ONG
impliquées dans le changement climatique
vont à nouveau se rassembler pour enn
commencer la bataille contre les GES à
l’échelle du globe. C’est à Marrakech que
sera élaborée la marche à suivre à destina-
tion des signataires des accords de Paris. Au
programme, rédaction des modalités d’at-
tribution et répartition des « 100 milliards »
pour les États en voie de développement
et les pays insulaires. Il sera aussi question
du transfert de technologies pour assurer à
tous une bonne transition énergétique.
Enn, la COP22 devrait voir la création
des premières contraintes juridiques. Sous
quelle forme ? Rendez-vous le 18 novembre
pour le découvrir.
Réunir autant d’États autour d’un texte et
d’une cause commune ne s’est pas fait sans
mal. La lutte contre les gaz à eet de serre
(GES) et la transition énergétique ne se fe-
ront pas en un claquement de doigts. Plu-
sieurs points de vue se confrontent autour
du réchauement climatique. Les pays en
voie de développement n’acceptent pas de
réduire leurs émissions au détriment de
leur croissance alors que les pays dévelop-
pés se sont enrichis en polluant. Pour obte-
nir l’adhésion d’un maximum d’acteurs,
des contreparties ont été mises en place.
Un nancement planché de 100 milliards
de dollars par an à destination de ces na-
tions a donc été inscrit dans le texte.
de grands PrinCiPes
Ce que ne disent pas les accords de Paris,
c’est comment cette coalition va s’y prendre
pour contenir le réchauement climatique.
Quelques grands principes existent déjà.
Chaque partie devra être transparente et
fournir les données précises sur ses émis-
sions de GES et ses contributions à la
diminution de ces derniers. Les accords
prévoient un mécanisme de révision des
objectifs pour chaque signataire, qui aura
lieu tous les cinq ans. La première révision
se fera en 2025. Elle permettra d’ajuster les
eorts en fonction de l’avancée, ou non, de
la réduction des émissions de dioxyde de
carbone et ainsi d’éviter aux processus de
se scléroser.
signé mais Pas ratifié
Malgré la signature des accords, le succès
n’est pas garanti. Le processus n’est même
pas certain de démarrer. Chaque État res-
tant souverain, il appartient à tous de vali-
der indépendamment leur appartenance
au projet en ratiant l’accord. Un signataire
n’est donc pas forcément partie dans le pro-
jet. L’accord de Paris stipule qu’il ne sera
eectif que lorsque 55 parties représentant
au moins 55 % de production mondiale
de GES auront ratié le texte. Leonardo
DiCaprio, messager de la Paix sur la ques-
tion des changements climatiques, aura
beau y mettre toute sa bonne volonté, c’est
la condition sine qua non pour se lancer à
l’assaut du réchauement climatique. En
France, leader de la COP21, l’Assemblée
nationale (le 17 mai 2016) et le Sénat (le 8
juin 2016) ont incorporé l’accord dans la
loi en un temps record mais la ratication
ne sera eective
que lorsque tous
les pays de l’Union
européenne l’au-
ront fait. La Chine
de son côté, fait -
gure de bon élève :
elle devrait ratier
les accords avant le
mois de septembre
au sommet du G20
à Hangzhou.
Le principe de ces accords internatio-
naux reste toujours fragile. Les États-Unis
peuvent toujours refaire le coup de Kyoto
et ne jamais ratier les accords. Imaginons
que le président américain Barack Obama
ne valide pas les accords avant l’automne
comme il l’a promis. Il n’est pas certain que
le candidat Donald Trump, potentielle-
ment éligible et climato-sceptique armé,
le fasse. Cette hypothèse peut se repro-
duire dans de nombreux pays. Il surait
d’un changement de majorité dans un pays
signataire pour que celui-ci se retire. Trois
ans après la ratication, n’importe quel
État pourra se retirer... Sur simple noti-
cation.
environnement
À son tour, Marrakech devient la capitale du climat.© DR
JS MAG JUIN 2016 7