L’Europe monétaire : de l’Union européenne des paiements à l’euro 5
LA RENAISSANCE DE L'EUROPE
Le Plan Marshall et l'OECE
L'Europe sort ruinée du second conflit mondial. Dépourvus de réserve de change, dans
l'impossibilité d'importer, privés de leurs réseaux d'échanges pourtant indissociables de la
relance économique, les pays européens sont en plein déclin. La part de l'Europe au sein du
commerce international passe de 60% en 1880 à 35% en 19456. Comme le signale Piquet
Marchal :
les disponibilités monétaires, accumulées pendant la guerre, sont pléthoriques. Ce déséquilibre entre
l’offre et la demande entraîne, sur tout le continent, une forte poussée inflationniste, le rÉcul de
l'épargne, des obstacles à l'investissement et l'agitation sociale. (...) Sa capacité (celle de l'Europe)
d'exportation est très restreinte, devant prioritairement satisfaire les besoins nationaux. Ses réserves
d'or et de devises sont très faibles. L'Europe n'équilibre pas ses comptes, particulièrement avec les
États-Unis.7
Malgré la tentative de remédier à ses déséquilibres conjoncturels et de réformer ses
structures par un programme d'équilibre des finances, l'Europe est, en 1947, au bord de
l'effondrement économique et en proie à d'intenses tensions sociales. En fait, le marché
européen est cloisonné, les restrictions quantitatives généralisées, le contrôle des changes et
les licences d'importation empêchant toute réelle réactivation des circuits d'échanges.
L'autonomie des décisions étatiques ayant débouché sur l'échec, il s'agit de trouver une issue
commune face au marasme économique.8
Par ailleurs, à l'échelle mondiale, un nouveau système monétaire exprimant les nouveaux
rapports de force se met en place. Les Accords de Bretton Woods (1944) préconisent un retour
rapide à la convertibilité externe des monnaies et à une discipline dans la défense des parités.
Ce système, visant la stabilité, est censé favoriser les échanges internationaux, notamment
grâce à la fixité des parités. Les États-Unis, grands vainqueurs en 1945, favorisent la
réhabilitation du commerce international en profitant de leur statut de leader économique et
monétaire. Ainsi, chaque État s'engage à régler ses paiements extérieurs en dollars.9
Dans ce monde, dont on sent poindre les prémisses de la bipolarisation, l'Europe trouve son
salut dans le soutien bilatéral américain: c'est le Plan Marshall (1947)10. Pour l'Europe, cette
6 Jean-Louis Mucchielli, Relations économiques internationales, Hachette, 1991, p. 17.
7 Marie-Odile Piquet Marchal, Histoire économique de l'Europe des dix, librairies techniques, 1985, p. 2.
8 Toute la question porte sur la forme d'intégration." Les fédéralistes estimaient qu'il fallait commencer par instituer
au-dessus des États un pouvoir politique européen qui pourrait ensuite imposer une intégration économique. Pour
les unionistes, les États, restés souverains, devaient développer leur coopération d'un commun accord. Les
fonctionnalistes jugeaient la fédération impossible et la coopération insuffisante et préconisaient de commencer
par des actions communes dans le domaine économique afin d'amorcer une fusion progressive des intérêts." Pierre
Gerbet, La naissance du Marché Commun, Éditions Complexe, 1987, p. 40.
9 "Il ne s'agissait cependant pas d'établir un libéralisme total fonctionnant par le seul jeu des automatismes, mais de
créer un ordre économique international géré par des institutions régulatrices." Ibid, p. 38.
10 "Le volume global de l'aide est connu à l'avance et réparti sur 4 ans, ce qui permet l'élaboration, par les États, de
programmes d'utilisation harmonieux. Il s'agit pour les 9/10 de dons et pour 1/10 de prêts à 2,5% remboursables en
35 ans à partir de juin 1956. C'est une aide collective, attribuée à l'ensemble des bénéficiaires, invités à concerter
leurs politiques économiques et monétaires, et à s'octroyer une aide mutuelle." Marie-Odile Piquet Marchall,