Quelques aspects de l'interprétation d’Everett, Séminaire PhilPhys, 16 avril 2005
Quelques aspects de l’interprétation
d’Everett : base préférée, non-localité,
réalisme
Adrien Barton, Séminaire PhilPhys, 16 avril 2005
1. Les objets macroscopiques comme structures
dans la fonction d’onde universelle : résolution du
premier volet du problème de la base préférée
A. Le problème de la base préférée
Supposons que la mécanique quantique soit universelle, et admette pour seule équation
d’évolution l’équation de Schrödinger.
On corrèle un système S qui peut être dans l’état 1
S ou 2
S avec un chat qui peut être
vivant ou mort selon l’état de S (respectivement 1
C ou 2
C) - et le reste du monde est noté
R.
Imaginons que le système S soit initialement dans l’état 1
S. Alors le système S+C+R va
évoluer dans l’état :
11
11 2 2 11 2 2
11
22
SCR
SC SC R SC SC R
ψ
=
= +  +

Cela correspond-t-il à un monde dans lequel le chat est vivant, ou bien à deux mondes dans
lesquels le chat est dans un état superposé mort+vivant à chaque fois ? Pourquoi une base
serait-elle particularisée par rapport à d’autres ?
Problèmes
Il semble que les mondes macroscopiques doivent être inscrits dans le formalisme, car sinon :
Problème 1 : ils sembleraient n’avoir aucune existence puisqu’ils ne sont pas définis
par la théorie
Problème 2 : même s’ils existaient, pourquoi serait-ce selon une base plutôt qu’une
autre ?
B. La réponse en terme de structures
Réponse (Wallace) : Si l’on veut décrire des objets habituels (des chats, des observateurs...),
il faut faire un lien entre ceux-ci et la nouvelle théorie. Ce lien peut être fait en identifiant les
objets macroscopiques avec des structures dans le vecteur d’état universel.
Exemple : retour sur l’expérience du chat de Schrödinger
()
121
1
2
d
tSSCΨ=+

R
1
Quelques aspects de l'interprétation d’Everett, Séminaire PhilPhys, 16 avril 2005
()
111 2 2 2
1
2
f
tSCRSCΨ= +

R
Comment peut-on voir là-dedans un chat mort et un chat vivant ?
Critère de Dennett : Un objet macroscopique est un motif ; l’existence d’un motif comme
chose réelle dépend de l’utilité – en particulier le pouvoir explicatif et la fiabilité prédictive –
des théories qui admettent ce motif dans leur ontologie.
-> Question : Pourquoi reconnaître cette ontologie de chat donne à la théorie pouvoir
explicatif et fiabilité prédictive ?
Réponse : Grâce à l’approche fonctionnaliste.
Affirmation fonctionnaliste : Les propriétés mentales surviennent sur les propriétés
structurales des systèmes physiques.
La matière du cerveau n’importe pas : seul son fonctionnement importe.
Application
Imaginons qu’un observateur ait observé le chat :
()
[] []
11 1 1 2 2 2 2
1
2
f
tSCOCRSCOC

Ψ= +

R décrit donc un observateur qui
s’est divisé en deux, l’un percevant un chat vivant, et l’autre percevant un chat mort. On en
tire que si je suis un observateur avant la mesure, j’aurai une certaine probabilité d’observer le
chat vivant, et une autre probabilité d’observer le chat mort. Si l’on retrouve la règle des
probabilités (problème non abordé ici), ces motifs de chat mort et chat vivant donnent donc à
la théorie pouvoir explicatif et fiabilité prédictive.
Ainsi, on résout les deux problèmes :
Problème 1 : les « mondes » (où plutôt les ensembles d’objets macroscopiques)
existent par le simple fait que ce sont des structures dans la fonction d’onde universelle
Problème 2 :
()
[] []
11 1 1 2 2 2 2
1
2
f
tSCOCRSCOC

Ψ= +

R décrit deux
mondes, l’un avec un observateur percevant le chat vivant et l’autre avec l’observateur
percevant le chat mort, car c’est selon cette décomposition du vecteur d’onde universel que
l’on reconnaît des objets macroscopiques et des états fonctionnels du cerveau. Toutes les
décompositions sont valables, mais seules certaines permettent de reconnaître ces objets et ces
états fonctionnels.
Toutefois se pose un deuxième aspect du problème de la base préférée : pourquoi les
observateurs vont-ils se corréler avec des états macroscopiquement bien définis ?
Autrement dit, pourquoi les observateurs se corrèlent-ils ainsi :
()
[] []
11 1 1 2 2 2 2
1
2
f
tSCOCRSCOC

Ψ= +

R
et non pas ainsi :
()
1 1 2 2 sup
1
2
f
tSCSCOΨ= +

R
Si les observateurs percevaient ainsi, ce ne serait pas les structures 1
C ou 2
C qui seraient
explicatrices et permettraient d’expliquer la fiabilité prédictive de la mécanique quantique ; ce
serait la structure 1
CC+2
qui correspondrait à quelque chose de perçu par les observateurs.
2
Quelques aspects de l'interprétation d’Everett, Séminaire PhilPhys, 16 avril 2005
2. La résolution du second volet du problème de la
base préférée par la décohérence
A. Probabilités données par la matrice densité
Remarque : 1
S et 2
S ne seront pas considérés nécessairement orthogonaux.
Considérons un système dans un état superposé :
12SaS bSΨ= +
Normalement, la probabilité des résultats de mesure est donnée par la matrice densité :
()
22
**
11 12 21 2 2
Sd S S
t
aS S abS S abS S bS S
ρ
=Ψ Ψ
=+ ++
Notamment, on voit que :
()
12
1PaS bS+=
Autrement dit, la situation serait différente si le système était dans l’état 1
S avec une
probabilité 2
a ou 2
S avec une probabilité 2
b (car si le système était dans un de ces deux
états, on n’aurait pas
(
)
12
1PaS bS+=) : ici, il y a interférence entre les états 1
S et 2
S.
B. Matrice densité réduite
Considérons maintenant l’interaction avec l’environnement
()
()
12SE d
taSbSΨ =+⊗E
Supposons que l’hamiltonien d’interaction H soit tel que le système et l’environnement
interagisse de manière à se corréler ainsi :
SE
()
11 2 2SE f
taS bS
ε
ε
Ψ= +
avec 12
,
ε
ε
orthogonaux, i.e. 12 0
εε
=
Alors la matrice densité est donnée par :
() () ()
SE f SE f SE f
tt
ρ
Ψ t
Si l’on réalise une mesure sur le système S seul, sans mesurer l’environnement en même
temps, les résultats de mesure seront donnés par la matrice réduite :
() ()
()
22
11 2 2
rf E SEf
tTr t
aS S bS S
ρρ
=
=+
On a alors :
()()
(
)
(
)
22
12 1 2 11 2212
44
**
1
PaS bS a S b S a S S b S S aS bS
ab
+= + + +
=+
si 1
S et 2
S sont orthogonaux, et une autre quantité différente de 1 s’ils ne le sont pas.
En fait, tout se passe comme si le système était dans l’état 1
S avec une probabilité 2
a ou
2
S avec une probabilité 2
b : il n’y a plus interférence entre les états 1
S et 2
S.
3
Quelques aspects de l'interprétation d’Everett, Séminaire PhilPhys, 16 avril 2005
C. Perception des observateurs
Ceci explique comment une base est particularisée par l’environnement, mais pas pourquoi les
observateurs perçoivent selon cette base.
Cependant, on remarque une propriété importante de ces états particularisés par
l’environnement : ils sont stables. Si le système commence dans l’état 1
S ou 2
S, il y
restera. Mais s’il commence dans une superposition des deux, comme nous l’avons vu, si l’on
ne fait pas de mesure de l’environnement alors tout se passera comme si le système était dans
l’état 1
S ou 2
S, et non pas dans l’état de superposition initiale.
S. Saunders (1994) a formalisé à partir de cela un argument évolutionniste : les observateurs
se corrèlent avec des états qui sont suffisamment stables pour être fiables.
Conclusion : la théorie de la décohérence (qui est une conséquence de la mécanique
quantique, et non une théorie à part) explique comment certains états sont stables, et on en
déduit que les observateurs vont percevoir selon ces états (autrement dit, se corréler avec eux).
Ceci résout le deuxième volet du problème de la base préférée.
3. Les apparences de non-localité
Considérons le « toy-model » suivant. L’univers est constitué de :
- deux observateurs Albert et Zoé spatialement éloignés...
- .... séparés par 24 objets macroscopiques B, C, D, ..., X
- deux particules dont les spins sont intriqués, qui ont chacun une position dans
l’espace
Les observateurs vont mesurer chacun le spin d’une particule.
A t0, les particules se séparent :
() ()
12 12 10 20
1...
2rt rt ABC D Y Z

↑↓+↓↑

A t> t0, les particules s’éloignent de manière totalement locale :
() ()
12 12 1 2
1...
2rt rt ABC D Y Z

↑↓+↓↑

A t1, A mesure le spin de la particule 1 :
()
11
12 1 12 1 1 21
1...
2f
AArrtBC
↑↓

 
↑↓ ↑ +↓↑
 

YZ
A t2, l’information du résultat de mesure de A s’est propagée à B :
()
11
11
12 1
122
12 1
1...
2f
AB
rrtCDYZ
AB
↑↑
↓↓


↑↓ ↑



+



↓↑ ↓


A t3, l’information du résultat de mesure de A s’est propagée jusqu’à C :
4
Quelques aspects de l'interprétation d’Everett, Séminaire PhilPhys, 16 avril 2005
()
111
111
12 1
123
12 1
1...
2f
ABC
rrtDYZ
ABC
↑↑
↓↓


↑↓ ↑



+



↓↑ ↓


...
A t25, jusqu’à Y :
()
1111
1111
12 1
1225
12 1
...
1
2
...
f
ABCY
rrt Z
ABCY
↑↑
↓↓


↑↓ ↑



+



↓↑ ↓


A t26, jusqu’à Z :
()
11111
11111
12 1
1226
12 1
...
1
2
...
f
ABCYZ
rrt
ABCYZ
↑↑
↓↓


↑↓ ↑



+



↓↑ ↓


A t27, Z mesure le spin de la particule 2 :
11111
11111
12 1 1
12
12 1 1
...
1
2
...
ff
ABCYZ
rr
ABCYZ
↑↑
↓↓

 
↑↓ ↑
 


+

 
↓↑ ↓
 

Lorsque A et Z vont discuter entre eux par la suite, ils auront des résultats systématiquement
corrélés.
Remarque : S’il était à la bonne position, Z aurait pu mesurer le spin de la particule 2 avant
que l’information du résultat de la particule 1 ne soit parvenue jusqu’à lui par voie . Par
exemple, s’il réalise la mesure à un instant t2’ juste après t2, le vecteur d’état universel aura la
forme suivante :
112
112
12 1 2
12
12 1 2
1...
2ff
ABZ
rrCDY
ABZ
↑↑
↓↓

 
↑↓ ↑
 


+

 

↓↑ ↓
 

Puis à l’instant t3 , l’information se sera propagé à C et Y, et le vecteur aura la forme :
11122
11122
12 1 2
12
12 1 2
1...
2ff
ABCZ Y
rrD X
ABCZ Y
↑↑↓↓
↓↓↑↑

 
↑↓ ↑
 


+

 

↓↑ ↓
 

et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on arrive au même vecteur final :
11111
11111
12 1 1
12
12 1 1
...
1
2
...
ff
ABCYZ
rr
ABCYZ
↑↑
↓↓

 
↑↓ ↑
 


+

 
↓↑ ↓
 

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