2 - Texte - La philosophie médiévale

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DIXIÈME SUJET
LA QUERELLE DES UNIVERSAUX :
NOMINALISTES VERSUS RÉALISTES
- M. Jourdain : Qui sont-elles, ces trois opérations de l'esprit ?
- Le maître de philosophie : ... la première est de bien concevoir
par le moyen des universaux
Molière
Le bourgois gentilhomme. II, 6
I
PRÉSENTATION
1 - La querelle des universaux dans la philosophie médiévale : réalistes versus nominalistes
2 - Sa période : du 12ème au 14ème siècle, pour deux querelles nominalistes
3 - Une opposition philosophique sur fond de problème théologique
II
QU’EST-CE QUE LES UNIVERSAUX ?
1 - Une notion de la métaphysique médiévale héritée de la philosophie antique
2 - La notion d’universaux
3 - La recherche du commun dans les particuliers, la concept et le singulier
4 - Les universaux posent le problème de la valeur de la connaissance conceptuelle
5 - La question de leur statut : ante rem, in re, post rem ?
6 - Une divergence d’interprétation de cette notion entre Platon et Aristote
7 - Platon et sa position idéaliste, les idées sont des réalités supérieures aux choses
8 - Aristote et sa position réaliste, les catégories sont immanentes
9 - L’oubli d’une troisième solution : ils sont post rem
III
LES UNIVERSAUX DANS LA PHILOSOPHIE MÉDIÉVALE
1 - Une problématique qui n’existe pas dans la philosophie antique
2 - L’interprétation médiévale de cette question à partir de l’Isagoge de Porphyre et de Boèce
3 - Les cinq universaux médiévaux : genre, espèce, différence, propre, accident
4 - Une double problématique des universaux médiévaux : philosophique et théologique
5 - Les trois questions philosophiques
A - Sont-ils des réalités subsistantes ou des concepts ?
B - Sont-ils corporels ou incorporels ?
C - Sont-ils séparés ou subsistent-ils dans les choses sensibles ?
5 - La question théologique : sont-ils applicables aux dogmes de la foi ?
6 - L’interprétation classique de Boèce, un réalisme modéré
IV
LA NAISSANCE DU NOMINALISME
1 - Les premières remises en question de cette interprétation au 11ème siècle
2 - L’origine de la querelle : sententia vacum ou sententia rerum ?
3 - L’initiateur de la polémique, Roscelin de Compiègne (1050 env.-apr. 1120)
4 - Sa position fondatrice du nominalisme : ce sont des abstractions
5 - La position réaliste, la thèse opposée
6 - Pourquoi une telle querelle ? À cause de la trinité et ensuite en raison de la théologie thomiste
V
HISTOIRE DE CETTE QUERELLE
1 - La première querelle nominaliste, celle du douzième siècle, de la première scolastique
2 - Les principaux réalistes
Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 125
A - Anselme de Cantorbéry (1033-1109), un réaliste modéré
B - Guillaume de Champeaux (1070-1121)
C - L’École de Chartres (12ème)
D - Gilbert de la Porée (1075?-1154)
3 - L’interprétation abelardienne, le conceptualisme, un nominalisme modéré
4 - La condamnation de ces thèses au 12ème siècle et le retour à la position classique
5 - Les changements intellectuels de la fin du 12ème siècle, la redécouverte d’Aristote
6 - La position thomiste, un réalisme modéré
7 - Le renouveau nominaliste du 14ème siècle
8 - Les principaux nominalistes
A - Guillaume Durand de Saint-Pourçain (1270-1334)
B - Guillaume d'Ockham (1285-1347), dit le “docteur invincible”
C - Jean Buridan (1291-1363)
D - Nicolas d'Autrecourt (1299-1369)
E - Nicole Oresme (1325-1382)
F - Albert de saxe (1316-1390)
G - Pierre d'Ailly (1351-1420), auteur de l'Imago mundi
9 - Les opposants réalistes à ce deuxième nominalisme : thomistes et scotistes
10 - La condamnation de cette thèse en 1339
11 - Mais des idées qui se diffuseront en Europe
VI
CONCLUSION
1 - La querelle des universaux, un des symboles de la philosophie médiévale
2 - Si la question est antique, le traitement est médiéval
3 - Un débat souvent perçu comme une subtilité inutile de la scolastique
4 - Le nominalisme, la première innovation philosophie de la philosophie médiévale, enfin !!
5 - L’apport de cette querelle et des nominalistes à l’histoire de la philosophie
A - Un enrichissement du langage philosophique
B - Les premières réflexions sur la théorie de la connaissance
C - La doctrine d’Ockham, son empirisme et sa théorie du terminisme ruinent le réalisme
D - L’autonomisation de la philosophie
6 - La récurrence de ces questions dans l’histoire de la philosophie, jusqu’à Magritte !
7 - Une étrange inversion terminologique entre réaliste et nominalistes
ORA ET LABORA
Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 126
Document 1 : Porphyre de Tyr est un philosophe grec de l'école néoplatonicienne d'Alexandrie et disciple
de Plotin. C’est ce bref passage de l'Isagoge - ouvrage qui a pour objet l'étude des quinque voces, les cinq
voix ou dénominations (le genre, l'espèce, la différence, le propre et l'accident) -, qui est à l'origine du
célèbre problème médiévaux des Universaux. Porphyre distingue nettement les trois questions
philosophiques (pas la question théologique, ce qui est normal puisqu’il n’est pas chrétien) pour mieux les
écarter immédiatement comme étant en dehors de son programme.
Étant donné qu'il est nécessaire, Chrysaorios, pour apprendre la doctrine des Catégories
d'Aristote, de connaître ce qu'est le genre, ce qu'est la différence, ce qu'est l'espèce et ce
qu'est l'accident, et que cette connaissance est nécessaire aussi pour donner les
définitions, et, d'une manière générale, pour tout ce qui concerne la division et la
démonstration, dont la théorie est fort utile, je t'en ferai un bref exposé, et j'essayerai en
peu de mots, comme une sorte d'introduction, de parcourir ce qu'en ont dit les anciens
philosophes, en m'abstenant de recherches trop approfondies, et en ne touchant même
qu'avec mesure à celles qui sont plus simples. Tout d'abord, en ce qui concerne les
genres et les espèces, la question de savoir si ce sont des réalités subsistantes en ellesmêmes, ou seulement de simples conceptions de l'esprit, et, en admettant que ce soient
des réalités substantielles, s'ils sont corporels ou incorporels et si enfin ils sont séparés
ou s'ils ne subsistent que dans les choses sensibles et d'après elles, j'éviterai d'en
parler : c'est là un problème très profond et qui exige une recherche toute différente et
plus étendue.
Porphyre (234-305)
Isagoge (I, 9-12)
Introduction, trad J. Tricot, Librairie Philosophique J. Vrin, 1947
Document 2 : La construction des 5 universaux classiques de la philosophie médiévale à partir d’Aristote et
de Porphyre, dans la tradition de Boèce.
- Chez Aristote (Topiques, I,4), quatre prédicaments
- La définition
- Le propre
- Le genre
- L'accident
- Chez Porphyre
- La substance
- Le genre
- L'espèce
- L'espèce spécialissime
- L'individu
- Les cinq universaux médiévaux classiques
- Le genre (genos)
- L'espèce (eidos)
- La différence (diaphora)
- Le propre (idion)
- L'accident (sumbebekos)
Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 127
Document 3 : Si la question des universaux est une thématique classique de la philosophie médiévale
catholique, elle lui préexiste puisqu‘elle prend ses racines dans la pensée de Platon. Elle se retrouve aussi
dans le cadre de certains philosophes arabes comme Avicenne.
À vrai dire, c'est Platon qui inventa les Universaux, dans le mythe de la caverne où il les
met en scène déguisés en Idées. Mais revenons à ceux d'Avicenne. De quoi s'agit-il ?
Pour le comprendre aidons-nous d'un exemple : je suis un être vivant, précisément un
animal, mais je suis aussi un bipède au teint clair, aux yeux bleus, né en Italie, à Naples,
et au fur et à mesure que je rapproche l'objectif, j'en viens à dire combien je suis grand et
gros et vieux et insupportable. Pratiquement, je suis parti de caractéristiques universelles,
pour arriver à des caractéristiques individuelles. Reste à définir jusqu'à quel niveau une
définition peut mériter le titre d'«universelle», et à partir de quand elle n'est qu'
«individuelle». Et, enfin, pourquoi se donner tout ce mal ? Pour remonter à l'Un (avec un
U majuscule) qui a imaginé les Universaux, avant de les semer en nous.
Allah, dit Avicenne, avant de créer le cheval devait déjà avoir en tête l'idée du cheval.
D'où l'existence de la «chevalinité», à savoir quelque chose de commun à tous les
chevaux qui se trouve également dans notre cerveau et qui, chaque fois que nous
voyons un cheval, nous fait nous exclamer : «Ça, ça doit être un cheval !»
Mathématiquement parlant, la «chevalinité» serait le plus petit commun dénominateur de
tous les chevaux. Mais cela ne suffit pas : à y bien réfléchir, il n'y a pas deux «individus»
qui soient parfaitement pareils. Même les jumeaux ne le sont pas. [...] Malgré cela, ils ont
pourtant des caractéristiques en commun.
Luciano De Crescenzo
Les grands philosophes du Moyen Âge, Éd. De Fallois, 2003, p.65-66.
Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 128
Document 4 : Illustration contemporaine de cette question des universaux à travers la philosophie du
langage et le surréalisme de Magritte.
Querelle des universaux, René Magritte, 1928
(Huile sur toile, 53,5 x 72,5, MNAM, Paris)
Cette peinture est l’une des premières de la série des "peintures-alphabets" ou
"peintures-mots" réalisée par Magritte au cours de son séjour parisien de 1927 à 1930.
Ces œuvres constituent une proposition pour établir un nouveau rapport entre les mots et
la peinture, révélant ainsi l’ambiguïté des liens entre les objets réels, leur image et leur
nom. Ce problème est aussi abordé par Magritte dans "Les mots et les images", article
publié en décembre 1927 dans La Révolution surréaliste, qui présente un tableau
confrontant des énoncés linguistiques à des vignettes illustratives. Par exemple, la
première phrase nous apprend qu’"un objet ne tient pas tellement à son nom qu’on ne
puisse lui en trouver un autre qui lui convienne mieux".
La Querelle des universaux pourrait illustrer cet autre énoncé tiré de l’article : "parfois le
nom d’un objet tient lieu d’une image". En effet, les mots "feuillage", "cheval", "miroir",
"convoi", écrits sur la toile, remplacent l’image qu’ils désignent. Placés à l’extrémité des
pointes d’une étoile énigmatique et inscrits chacun sur une tache brune, "une forme
quelconque qui peut remplacer l’image d’un objet", ces mots participent pleinement à la
composition spatiale d’une nouvelle image fantomatique. Grâce à cette toile, la
connexion que nous établissons spontanément entre les objets, les images et les mots,
se trouve mise en déroute.
http://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/magritte/querelle.htm
Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 129
POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
Livres sur ce sujet
- Le réalisme des universaux, Cahiers de philosophie de l'université de Caen, N°38-39, V. Carraud & S.
Chauvier (eds), 2002
- Histoire de la philosophie 1, vol. 2, sous la direction de Brice Parain, Gallimard, Folio, 1999
- La querelle des universaux, Alain de Libera, Seuil, 1996
- Nominalisme : la théorie de la signification d'Occam, Michon Cyrille, Vrin, 1992
- Les Mots, les concepts et les choses : la sémantique de Guillaume d'Occam et le nominalisme
d'aujourd'hui, C. Panaccio, Vrin, 1991
- Le Statut parisien des nominalistes, R. Paqué, PUF, 1985
- Arts du langage et théologie chez Abélard, Jean Jolivet, Vrin, 1969
- La philosophie du moyen-Age, Émile Brehier (1937), Albin Michel, 1971
Association ALDÉRAN © - cycle de cours “La philosophie médiévale catholique” - Code 4309 - 18/01/2010 - page 130
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