Obésités, boulimies : approches cognitivo-comportementales.
Gérard Apfeldorfer, 2015
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L’APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE
Dans les prises en charge de l’obésité avec Hyperphagie boulimique et de la
Bulimia nervosa, la tenue du carnet alimentaire et la thérapie cognitive sont uti-
lisées dans tous les cas. Dans l’obésité, on insiste généralement plus sur les tech-
niques de contrôle du stimulus, tandis que dans la Bulimia nervosa, on met plus
en avant la prise régulière de trois repas par jour, les comportements alternatifs
incompatibles avec la boulimie-vomissement et l’exposition à la prise d’aliments
anxiogènes. Dans l’anorexie mentale, il est essentiel de débuter par un travail
sur l’acceptation de la graisse corporelle. Quel choix de valeurs la personne fait-
elle pour la suite de son existence ? Pour vivre selon ces valeurs, un corps plus
normal est nécessaire, et il faut le deuil du contrôle conscient de son poids et de
ses formes corporelles. Un travail sur la restriction cognitive est nécessaire dans
la majorité des cas. En fait, les différentes techniques doivent être adaptées, de
préférence sur un mode individuel, au patient pris en charge.
1) CE QUE VEUT DIRE MANGER NORMALEMENT
Mais avant de passer en revue les méthodes de soins des troubles du compor-
tement alimentaire, encore faut-il définir ce qu’on entend par « comportement
alimentaire normal ».
Les prises alimentaires sont en grande partie gérées à un niveau inconscient
par des processus de régulation neuropsychophysiologiques. L’acte alimentaire
est l’objet de contrôles à de multiples niveaux, permettant des régulations per-
formantes, grossièrement à l’échelle de la semaine :
a) Niveau physiologique quantitatif : l’écoute et le respect des sensations
alimentaires (faim, volume, rassasiement global) permettent de contrô-
ler les apports énergétiques. On mange alors idéalement quand on a
une faim modérée, on cesse de manger lors de sensations de rassasie-
ment modérées. Les émotions, telles la culpabilité de consommer cer-
tains aliments « interdits », l’anxiété de grossir, ou toutes autres émo-
tions suffisamment intenses empêchent la perception des sensations de
faim et de rassasiement.
b) Niveau physiologique qualitatif : l’écoute et le respect des appétences
spécifiques permet de contrôler les apports en nutriments et micronu-
triments. Le plaisir anticipé dépend de l’état nutritionnel et des condi-
tionnements alimentaires.
c) Niveau affectif et relationnel : c’est à partir de l’acte alimentaire, qui
leur sert d’étayage, que se développent les premières relations affec-
tives. Manger sur un mode convivial est un aspect indispensable des
liens sociaux. L’empathie qui naît du partage facilite la régulation ali-
mentaire : voyant l’autre manger ce que nous mangeons, nous sommes
ramenés à nos sensations alimentaires. Des repas socialisés et ritualisés
pris dans un cadre rassurant et agréable, en disposant d’un temps suffi-
sant, facilitent un comportement alimentaire contrôlé par les centres
nerveux concernés.
d) Niveau cognitif : on mange en fonction de valeurs culturelles, reli-
gieuses, scientifiques, qui déterminent les aliments comestibles, les
modes de préparation, les lieux et horaires, les manières de table. On