La pluralité de l`univers

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CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
UNITÉ DU COSMOS
Pluralité des univers existentiels
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
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conférence N°1600-164
UNITÉ DU COSMOS, PLURALITÉ DES UNIVERS EXISTENTIELS
Pluralité des espèces, pluralité des univers perceptifs
Conférence d’Éric Lowen donnée le 14/05/2016
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Le monde est un, et pourtant chaque espèce fait l’expérience d’un univers existentiel
radicalement différent. À cause des différences de nos systèmes de perception, nous faisons
et ne faisons pas l’expérience du même monde. Pourtant, loin d’être contradictoires, ces
univers existentiels spéciatifs expriment autant d’aspects de la réalité du monde et ne nous
condamnent pas à rester solitaires, enfermés dans notre petite bulle perceptive et
anthropocentrique. Comprendre la pluralité des univers existentiels est le premier pas pour
s’en libérer et accentuer l'ouverture au monde. C’est aussi le point de départ qui ouvre les
portes de ces autres univers existentiels. Et si la pluralité des mondes commençait dans ce
monde-ci ?
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UNITÉ DU COSMOS,
PLURALITÉ DES UNIVERS EXISTENTIELS
Pluralité des espèces, pluralité des univers perceptifs
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Trop souvent nous nous imaginons que les relations qu’un sujet d’un autre milieu
entretient avec les choses de son milieu prennent place dans le même espace et
dans le même temps que ceux qui nous relient aux choses de notre monde
humain. Cette illusion repose sur la croyance en un monde unique dans lequel
s’emboîteraient tous les êtres vivants.
Jakob Von Uexküll (1864-1944)
Mondes animaux et mondes humains, 1934
I
INTRODUCTION
1 - Un étrange paradoxe : l’unité du cosmos, la pluralité des univers existentiels
2 - Un paradoxe qui intéresse autant la cosmologie, la biologie que la philosophie
3 - Des implications essentielles pour la compréhension de la réalité et notre expérience du monde
II
LE VIVANT ET LA PERCEPTION
1 - L’apparition d’équipements sensoriels puis perceptifs dans le vivant, liés au milieu
2 - La corrélation entre milieu et équipements sensoriels
3 - La corrélation entre complexité biologique et complexité de la perception
4 - Le passage de la sensorialité réactive à de la perception conscientisée par l’organisme
5 - Pour ces organismes perceptifs, exister c’est percevoir - percevoir c’est vivre
6 - Ce qui amène à l’interrogation suivante : comment chaque être vivant perçoit-il le monde ?
7 - Une question posée en 1934 par le naturaliste allemand Jakob Von Uexküll (1864-1944)
III
DU CHAMPS PERCEPTIF À L’UNIVERS EXISTENTIEL
1 - En raison de ses caractéristiques, chaque organisme possède un champ perceptif spéciste
2 - La corrélation entre le monde biologique (Innenwelt) et le monde extérieur comme milieu perçu
(Umwelt)
3 - Le résultat de l’interaction entre un milieu et des processus évolutifs de la sélection naturelle
4 - Le champ perceptif : ce par quoi le monde «apparaît» à un organisme vivant
5 - Chaque champ perceptif recouvre une partie du cosmos, met en évidence une partie de la réalité
et occulte les autres
6 - Aucune espèce ne possède une perception totale du Cosmos
7 - Ces champs perceptifs ne sont pas faux ni illusoires, mais partiels
8 - L’objectivité du monde et des choses à l’origine de ces perceptions subjectives
9 - L’objectivité de la subjectivité de ces champs perceptifs
10 - Chaque espèce vit et agit en fonction de et dans son univers perceptif
11 - Le champ de perception détermine un champ d’expérience pour l’organisme concerné
12 - Le champ perceptif et le champ d’expérience déterminent un univers existentiel, un vécu du
monde qui est le monde vécu
11 - Même les êtres «pensants» vivent et pensent en fonction de leur univers existentiel
IV
LA PLURALITÉ DES UNIVERS EXISTENTIELS
1 - Un principe universel dans le vivant, tous les êtres vivants subissent cette situation, y compris
l’homo sapiens
2 - Chaque espèce possède un univers existentiel précis
3 - Qui sont parallèles, souvent contradictoires et partiellement convergents avec ceux des autres
espèces
4 - Chaque espèce perçoit, expérimente et vit dans un univers existentiel différent
5 - Chaque espèce fait donc une expérience existentielle différente du cosmos, de la réalité, mais
sans que cette réalité soit différente
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6 - C’est l’expérience perceptive du monde qui diffère en fonction des caractéristiques de cette
espèce
7 - Si nous sommes dans le cosmos, nous ne vivons pas dans le même univers existentiel au sein
de ce cosmos
8 - Ce qui aboutit partiellement à un isolement des univers existentiels de chaque espèce
9 - Principe applicable à chaque individu, qui est le sujet d’un monde existentiel à part
10 - Un principe amplifié dans l’espèce humaine, dotée d’une extrême diversité d’univers existentiels
V
LA CONSCIENCE DES UNIVERS EXISTENTIELS, UN AUTRE REGARD SUR LE VIVANT
1 - Toutes les espèces vivantes vivent cette situation de manière non problématique
2 - Mais notre espèce a les moyens de la penser, d’en prendre conscience et donc d’y réagir
3 - Ce qui n’était qu’une factualité biotique devient un problème existentiel avec notre espèce
4 - Face à cette situation paradoxale, plusieurs attitudes sont possibles
5 - La solution la plus facile : l’enfermement dans notre univers existentiel, en faire un isolat
existentiel
6 - La solution philosophique : l’assumer, l’intégrer dans notre conscience sur le monde et les autres
espèces sur la pluralité des univers existentiels
7 - L’impossibilité de dépasser «horizontalement» notre isolat existentiel
8 - Le dépassement «vertical» de la différence et de la clôture de nos univers existentiels
9 - Notre nature humaine nous donne les moyens de dépasser ce qui dans un premier temps nous
construisait dans une clôture
10 - Une compréhension qui permet de ne plus confondre le monde objectif et l’umwelt humain,
l’univers existentiel humain
11 - L’ouverture sur une réalité infiniment plus vaste que nos perceptions premières
12 - La continuité du décentrage du monde : le décentrage de notre univers existentiel
13 - Une compréhension qui amène à la notion de relativité existentielle
14 - Une meilleure compréhension du vivant, des êtres vivants et de leur relation au monde
15 - Pour comprendre un être vivant, il faut comprendre son univers perceptif et existentiel
16 - Plus les espèces sont éloignées, plus leurs univers existentiels sont éloignés et
quasi-incompréhensibles
17 - Nous sommes dans le même monde, mais nous ne partageons pas la même expérience
du monde
18 - Interaction n’est pas communication, interaction n’est pas obligatoirement un umwelt partagé
19 - Cela souligne la difficulté des communications, tant intraspécistes qu’extraspécifistes
VI
CONCLUSION
1 - Ces univers existentiels n’enlèvent rien à l’unité du Cosmos, c’est elle qui les fonde
2 - Cela n’enlève rien à la réalité du monde, il faut seulement plus de recul pour la percevoir
3 - Tous ces univers existentiels sont englobés et transcendés par l’unité du Cosmos
ORA ET LABORA
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Document 1 : Chaque être vivant perçoit le cosmos de son point de vue central et de manière très différente
des autres espèces, souvent de manière incompréhensible pour les autres organismes. C’est le point de
départ de nos univers existentiels.
Chaque milieu constitue une unité fermée sur elle-même, dont chaque partie est
déterminée par la signification qu’elle reçoit pour le sujet de ce milieu. Selon sa
signification pour l’animal, la scène où il joue son rôle vital englobe un espace plus ou
moins grand, dont les lieux sont entièrement dépendants, en nombre et en grandeur, du
pouvoir discriminatif des organes sensoriels de cet animal. L’espace visuel de la jeune
fille ressemble au nôtre, celui de la vache déborde la prairie, tandis que son rayon n’est
que d’un demi-mètre dans le milieu de la fourmi et de quelques centimètres seulement
dans celui de la cigale.
Dans chaque espace, la répartition des lieux est différente. Le fin carrelage que tâte la
fourmi en cheminant sur la tige des fleurs n’existe pas pour la main de la jeune fille et
encore moins pour le mufle de la vache.
Jakob von Uexküll (1864-1944)
Mondes animaux et mondes humains, 1934
En 1921, Jakob von Uexküll créa les termes de «milieu», «monde de la perception» et
«monde de l'action». Pour lui, chaque animal vit dans un monde déterminé par les
capacités et les limites de ses appareils sensoriels.
Document 2 : De ces univers perceptifs vont découler des modes d’actions et d’interaction qui déterminent
de manière plus intégrée, un univers existentiel. En voici un exemple.
La tique ou ixode, sans être très dangereuse est un hôte très importun des mammifères
et des hommes [...]
Lorsque la femelle a été fécondée, elle grimpe à l'aide de ses huit pattes jusqu'à la pointe
d'une branche d'un buisson quelconque pour pouvoir, d'une hauteur suffisante, se laisser
tomber sur les petits mammifères qui passent ou se faire accrocher par les animaux plus
grands.
Cet animal, privé d'yeux, trouve le chemin de son poste de garde à l'aide d'une sensibilité
générale de la peau à la lumière. Ce brigand de grand chemin, aveugle et sourd, perçoit
l'approche de ses proies par son odorat. L'odeur de l'acide butyrique, que dégagent les
follicules sébacés de tous les mammifères, agit sur lui comme un signal qui le fait quitter
son poste de garde et se lâcher en direction de sa proie. S'il tombe sur quelque chose de
chaud (ce que décèle pour lui un sens affiné de la température), il a atteint sa proie,
l'animal à sang chaud, et n'a plus besoin que de son sens tactile pour trouver une place
aussi dépourvue de poils que possible, et s'enfoncer jusqu'à la tête dans le tissu cutané
de celle-ci. Il aspire alors lentement à lui un flot de sang chaud.
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On a, à l'aide de membranes artificielles et de liquides imitant le sang, fait des essais qui
démontrent que la tique n'a pas le sens du goût ; en effet, après perforation de la
membrane, elle absorbe tout liquide qui a la bonne température. Si la tique, stimulée par
l'acide butyrique, tombe sur du corps froid, elle a manqué sa proie et doit regrimper à son
poste d'observation.
Le copieux repas de sang de la tique est aussi son festin de mort, car il ne lui reste alors
plus rien à faire qu'à se laisser tomber sur le sol, y déposer ses œufs et mourir. Les
procédés de la vie, que l'exemple de la tique met ainsi en évidence, nous offrent une
pierre de touche propre à éprouver la solidité des considérations proprement biologiques
en face du traitement purement physiologique tel qu'il était usuel jusqu'ici. Pour le
physiologiste, tout être vivant est un objet, une chose, qui se trouve dans son propre
monde humain. Il examine les organes de l'être vivant et la combinaison de leurs actions,
comme un technicien examinerait une machine qui lui est inconnue. Le biologiste en
revanche se rend compte que cet être vivant est un sujet qui vit dans soit monde propre
dont il forme le centre [...] On ne peut donc pas le comparer à une machine mais au
mécanicien qui dirige la machine.
Jakob von Uexküll (1864-1944)
Mondes animaux et mondes humains, 1934
Document 3 : Les éléments constitutifs de l’univers existentiel d’une espèce.
Environnement
Champ
perceptif
Action de
l’organisme
Nature de l’organisme
Document 4 : Les plantes possèdent des dispositifs sensoriels sensibles à la pesanteur et à la luminosité,
qui forment un dispositif de proprioperception.
Les animaux perçoivent le monde extérieur et réagissent en conséquence, souvent par
des mouvements visibles et rapides. À l'inverse, les plantes sont fixées au sol par leurs
racines et paraissent immobiles. Seul le vent semble les mettre en mouvement. Dès lors,
on a longtemps cru les plantes incapables de percevoir leur environnement et d'y
répondre par des mouvements actifs adaptés
Toutefois, cette passivité végétale n'est qu'une apparence, due à la lenteur des
mouvements en jeu. Quand on filme une plante et que l'on passe la séquence d'images
en accéléré, le résultat est spectaculaire: les fleurs s'ouvrent et se ferment, des tiges
artificiellement penchées se redressent et s'élancent vers le ciel, les lianes explorent
l'espace puis s'enroulent autour d'un support... Qui plus est, comme on le verra, certaines
plantes ont même des mouvements rapides et étonnants, visibles à l'œil nu.
Au cours des 20 dernières années, l'étude quantitative des mouvements lents a connu un
essor important, notamment grâce à de nouvelles techniques d'imagerie in vivo. Elle a
révélé chez les plantes une sensorimotricité complexe et généralisée, c'est-à-dire une
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sensibilité qui leur permet d'effectuer des mouvements adaptés à leur environnement.
Par sensibilité, on entend une capacité à percevoir des stimulus de natures diverses
(lumière, température, gravité, pression mécanique, concentration d'une espèce
chimique, etc.), émis ou non par d'autres organismes vivants. Et par motricité, on entend
des mouvements actifs utilisant l'énergie des cellules. C'est probablement en partie grâce
à cette sensorimotricité que les plantes à fleurs (angiospermes) ont colonisé la terre
ferme il y a environ 140 millions d'années.
Percevoir et bouger, les plantes aussi !, Catherine Lenne, Olivier Bodeau et Bruno Moulia,
in Pour la Science, n°438, avril 2014
Document 5 : Exemple pour l'Arabette des dames.
Quand on incline une jeune pousse, elle se redresse peu à peu [a, les positions
successives d'une tige d'arabette des dames]. Le phénomène est en partie dû à l'action
de l'auxine, une hormone de croissance synthétisée au sommet de la plante et qui
descend par son centre (la stèle et l'endoderme). Dans une tige verticale, l'auxine ne fait
que descendre, car elle est pompée à travers les membranes par des «transporteurs»
situés sur la face inférieure des cellules. L'inclinaison horizontale de la tige entraîne une
relocalisatian de ces pompes sur la face cellulaire latérale, maintenant orientée vers le
bas. L'hormone se concentre alors sur la face inférieure de la plante, qui pousse plus
vite, d'où la courbure vers le haut. La relocalisation des transporteurs d'auxine serait
provoquée par des statocytes, des grains d'amidon qui pèsent sur le fond des cellules et
sont donc à l'origine de la sensibilité de la plante à la pesanteur.
Cependant, quand on simule le redressement de la plante en supposant qu'il n'est piloté
que par cette sensibilité, on constate qu'elle oscille autour de la position verticale [c, les
positions successives de la tige]. Pour que la simulation reproduise la rectitude observée
dans la nature {dl, il faut supposer que chaque cellule perçoit sa déformation et réagit de
façon à minimiser la courbure, c'est-à-dire que la plante est dotée d'une proprioception.
Percevoir et bouger, les plantes aussi !, Catherine Lenne, Olivier Bodeau et Bruno Moulia,
in Pour la Science, n°438, avril 2014,
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Document 6 : Ces questions de la multiplicité des univers existentiels se retrouvent sous d’autres angles
dans la phénoménologie.
Tout ce que je sais du monde, même par science, je le sais à partir d'une vue mienne ou
d'une expérience du monde sans laquelle les symboles de la science ne voudraient rien
dire. Tout l'univers de la science est construit sur le monde vécu et si nous voulons
penser la science elle-même avec rigueur, en apprécier exactement le sens et la portée,
il nous faut réveiller d'abord cette expérience du monde dont elle est l'expression
seconde. La science n'a pas et n'aura jamais le même sens d'être que le monde perçu
pour la simple raison qu'elle en est une détermination ou une explication. Je suis non pas
un «être vivant», ou même un «homme» ou même une «conscience», avec tous les
caractères que la zoologie, l'anatomie sociale ou la psychologie inductive reconnaissent
à ces produits de la nature ou de l'histoire, - je suis la source absolue, mon existence ne
vient pas de mes antécédents, de mon entourage physique et social, elle va vers eux et
les soutient, car c'est moi qui fais être pour moi (et donc être au seul sens que le mot
puisse avoir pour moi) cette tradition que je choisis de reprendre ou cet horizon dont la
distance à moi s'effondrerait, puisqu'elle ne lui appartient pas comme une propriété, si je
n'étais là pour la parcourir du regard. Les vues scientifiques selon lesquelles je suis un
moment du monde sont toujours naïves et hypocrites, parce qu'elles sous-entendent,
sans la mentionner, cette autre vue, celle de la conscience, par laquelle d'abord un
monde se dispose autour de moi et commence à exister pour moi. Revenir aux choses
mêmes, c'est revenir à ce monde avant la connaissance dont la connaissance parle
toujours.
Maurice Merleau-Ponty (1908-1961)
Phénoménologie de la perception, Avant-propos, 1945
Document 7 : L'univers existentiel de chaque espèce peut-il être compris par une autre espèce ?
Fascinée, Carol observait la pieuvre capturer sa proie avec longs tentacules.
- Imagine-toi avec huit bras, dit Oscar Burcham. Pense un peu à l'architecture cérébrale
nécessaire pour séparer tous les influx, pour identifier les stimuli venant de chaque
membre, pour coordonner tous les tentacules pour se défendre ou se nourrir.
Carol rit et se tourna vers son compagnon. Ils étaient devant une grande vitre dans une
salle faiblement éclairée.
- Ah, Oscar, dit-elle au vieil homme avec des yeux pétillants, tu ne changeras jamais. Tu
ne peux regarder un être vivant sans le voir en tant que «système biologique»,
«architecture cérébrale». Tu ne t'es jamais demandé ce qu'ils ressentaient, de quoi ils
rêvaient dans leur sommeil, quelle était leur perception de la mort ?
- Bien sûr que si, répliqua Oscar avec un battement de paupières. Mais il est
pratiquement impossible pour l'être humain, même avec un langage commun, ou des
moyens de communication, de vraiment savoir ce qu'ils ressentent. Comment pourrionsnous apprécier, par exemple, le sentiment de solitude d'un dauphin ? Avec notre
sensiblerie, nous leur conférons des émotions «humaines», ce qui est ridicule.
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Il se tut un moment pour réfléchir.
- Non, reprit-il, il est plus fructueux de mener des investigations scientifiques dans des
domaines au sein desquels nous sommes en mesure de comprendre les réponses. A
long terme, je crois que «découvrir» comment ces créatures fonctionnent, au sens
scientifique du terme, nous mènera plus sûrement à leur «quotient émotionnel» que
n'importe quelle expérience psychologique, dont personne ne peut interpréter les
résultats.
Arthur C. Clarke, Gentry Lee
La terre est un berceau
La pieuvre est unique aujourd'hui parmi les invertébrés pour son haut degré d’intelligence
Document 8 : Comprendre ce paradoxe, cette diversité des univers existentiels, est nécessaire pour aller
au-delà des apparences, et percevoir la réalité plus globale et plus vaste du cosmos.
On vous dira : le réel est ce qu'il est ; vous n'y changerez rien ; le mieux est de l'accepter,
sans tant de peine. Qu'est-ce à dire ? Vos rêves ne sont-ils pas le réel pour vous, au
moment où vous rêvez ? Qu'est-ce donc que rêver, si ce n'est percevoir mal ? Et qu'estce que bien percevoir si ce n'est bien penser ? Cet homme, qui agite sa godille dans
l'eau, il n'est pas facile à percevoir, car je vois bien qu'il se penche à droite et à gauche,
et je vois bien aussi que le bateau avance par secousses, la proue tantôt ici, tantôt là.
Mais, ce que je ne vois pas tout de suite, c'est que c'est cette godille, mue
transversalement, qui pousse le bateau. Il faut que je voie d'abord que la godille est
inclinée, par rapport aux mouvements que j'observe ; il faut ensuite que je voie en quel
sens on peut dire qu'elle se meut normalement à sa surface ; et que je voie aussi
comment, en un sens, elle se meut dans une direction opposée à celle du bateau ;
comment l'eau est repoussée, comment le bateau s'appuie sur sa quille et glisse sur elle.
Et cela, il faut que je le voie, non pas au tableau ni sur le papier une fois pour toutes,
mais dans l'eau, à tel moment. Voir tout cela, c'est percevoir le bateau, et l'homme. Ne
pas voir tout cela, c'est rêver qu'un bateau s'avance et qu'un homme, en même temps,
fait des mouvements inutiles.
Alain (1868-1951)
Vigiles de l'esprit, 1942
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- Naturaliser la phénoménologie, Collectif, CNRS Éditions, 2002
- Animal mon prochain, Florence Burgat, Odile jacob, 1997
- L’ouvrage des sens - fenêtres étroites sur le réel, Guy Lazorthes, Flammarion, 1986
- Socioécologie : l'animal social et son univers, J.-Y. Gautier, Privat, coll. Bios, 1982
- L'animal et son univers, R. Campan, Privat, coll. Bios, 1980
- Le Jeu des possibles - essai sur la diversité du vivant, François Jacob (1981), LGF, 1986
- Mondes animaux et mondes humains (1934), Jakob von Uexküll, Denoël, 1965
- Supplément au voyage de Bougainville (1796), Pensées philosophiques, Lettre sur les aveugles (1746),
Denis Diderot, Garnier Flammarion, 1972
- Traité des sensations (1754), Condillac
- Essai sur l’origine des connaissances humaines (1746), Condillac
- Lettres persanes, Montesquieu (1721), Presses pocket, 1989
- Les Essais, Michel Eyquem de Montaigne (1580), Gallimard
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