1. Justification de la VAN
en incertitude
On considère une économie « à la Lucas (1978) » en temps discret, avec
un agent représentatif éternel. L’existence d’un agent représentatif dans une
économie hétérogène est démontrée par exemple par Constantinides (1982).
Gollier (2001a) montre comment prendre en compte l’inégalité des richesses
dans le calcul économique. L’espérance de vie infinie de l’agent représentatif
signifie implicitement que les consommateurs intègrent les préférences de
leurs descendants comme si c’étaient les leurs. Cet agent représente les
générations présentes et futures.
Dans ce modèle, je ne cherche pas à expliquer la croissance économique.
Elle prend la forme d’un vecteur exogène de variables aléatoires
c
0
,c
1
,c
2
,...
de dimension infinie, où
c
t
représente la consommation par habitant à la
date
t
. On suppose connue la distribution de probabilité de ce vecteur, condi-
tionnellement à toutes les informations disponibles aujourd’hui
共
t=0
兲
.
Cette distribution caractérise le risque macroéconomique et son évolution
dans le temps. Le bien-être intertemporel de l’agent représentatif est mesuré
par la valeur actuelle de son flux d’espérance d’utilité future :
V
0
=
兺
t=0
e
−δt
Eu
共
c
t
兲
.
Le paramètre de préférence pure pour le présent est noté
δ
. La fonction
d’utilité
u
est supposée croissante et concave.
En Janvier 2005, le Commissariat Général au Plan remettait un rapport
préconisant la baisse du taux (réel) d’actualisation de8à4%,etmême 2 %
pour des horizons temporels supérieurs à 30 ans. A cette occasion, une
critique récurrente s’éleva pour prédire une augmentation massive des pro-
jets d’investissements publics franchissant le test de la valeur actualisée
nette (VAN) positive, en particulier pour les projets aux bénéfices s’étalant
sur le très long terme (lutte contre l’effet de serre, biodiversité, gestion des
déchets). Or, l’Etat français ne prévoit ni d’augmenter la pression fiscale, ni
de creuser son déficit pour faire face au financement de ces investissements.
Le risque serait donc de voir le politique choisir arbitrairement ceux de ces
projets qu’il mettrait en œuvre ; un échec évident du calcul économique.
Le choix d’un taux de 8 % en 1985 avait été justifié en partie par la néces-
sité d’intégrer une prime de risque de 1 % dans le calcul économique public.
Cette méthode consistant à réduire les VAN de tous les projets en augmen-
tant uniformément le taux d’actualisation est critiquable à plus d’un point de
vue. Elle ne peut être justifiée que si tous les projets d’investissement pu-
blics en concurrence de financement ont des risques comparables autant en
intensité qu’en corrélation avec le risque macroéconomique, et qu’en étale-
ment dans le temps. Dans le cas contraire, le choix d’un taux uniforme de
8 % pénalise injustement les projets les moins risqués, ou ceux dont les
incertitudes sont les plus éloignées dans le temps. Ce sont les raisons pour
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Christian Gollier
REP 117 (2) mars-avril 2007