Cédric Nardini Mapouata Déception-créatrice, jalons pour une pastorale catéchétique Le cas de l’archidiocèse de Brazzaville 2 2 0 Introduction exploratoire du thème L’année 2014 a marqué pour l’Eglise Catholique en Afrique le vingtième anniversaire de la Première Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques qui a donné naissance à l’Exhortation Apostolique Post-Synodale Ecclesia in Africa. Comme le dit Monseigneur Nikola ETEROVIC, ce document est le « résultat de la sagesse descendue d’en-haut (cf. Jc 3, 17) et de la réflexion collégiale des représentants qualifiés de l’épiscopat africain rassemblé autour de l’Évêque de Rome »1. Ceci étant, nous avons l’opportunité ici de faire halte pour évaluer et juger les vingt ans du premier Synode Africain, précisément 1 Cf. Mgr Nikola ETEROVIC, Homélie à l’occasion de la commémoration du Xème anniversaire de la publication de l’Exhortation Apostolique Post-Synodale Ecclesia in Africa, Yaoundé, le 17 septembre 2005, sur le site http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/ (17 novembre 2013). 2 3 l’application des directives d’Ecclesia in Africa, liées au concept d’« Eglise-Famille » au Congo Brazzaville. Analyser ici et maintenant ces vingt ans d’existence est un enjeu vital pour l’Eglise Catholique du Congo et aussi un moyen de commémorer ce premier Synode et son concept clé d’Eglise-famille de Dieu. Signalons que « l’Exhortation avait souligné la dimension familiale de l’Eglise en insistant sur la notion « d’Eglise Famille de Dieu »2. Quel bilan tirer de ces vingt ans de vie depuis le premier Synode Africain ? Que dire de l’application des directives issues d’Ecclesia in Africa en lien avec l’ecclésiologie d’Eglise Famille de Dieu dans l’archidiocèse de Brazzaville ? 1. Problématique N’est-il pas paradoxal de parler, au sein d’un christianisme qui affiche une vitalité remarquable en Afrique, de la déception des fils et filles de la Famille de Dieu qui désertent l’Eglise Catholique à Brazzaville ? Il nous faut néanmoins faire la part des choses quand il s’agit d’évoquer la vitalité de chaque église chrétienne ou de chaque mouvement se 2 Cf. Discours du pape JEAN-PAUL II aux participants à la réunion du Conseil post-Synodal de l’Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, mardi 15 juin 2004, sur le site http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/2004/june/do cuments (20 novembre 2013). Dorénavant nous le citerons comme suit : JEAN-PAUL II, Discours. 42 réclamant chrétien. La vitalité du christianisme au Congo est certes une évidence, mais cela ne semble pas être le cas au sein de l’église dite Catholique à Brazzaville. À dire vrai, évoquer la vitalité du christianisme en Afrique ou même au Congo, c’est mettre dans un même panier sans les distinguer, d’une part, les nouveaux mouvements philosophicoésotériques et les nouvelles églises chrétiennes dites de réveil, évangéliques ou pentecôtistes, etc., d’autre part, l’Eglise Catholique, en particulier celle du Congo Brazzaville qui se vide petit à petit de ses membres. En effet, il y a de cela quatre décennies, les nouvelles églises en croissance au Congo n’étaient pas présentes ou presque inexistantes dans le tissu social Brazzavillois. Leur croissance en nombre d’adeptes et lieux de culte est révélatrice, au sein de l’Eglise Catholique, d’un besoin de réinventer la pastorale traditionnelle, jusque-là, des « sacrements ». Le succès jadis croissant en termes de nombre de baptisés catholiques au Congo reste, pour l’instant, un souvenir d’archive. Les adeptes de ces nouvelles églises de réveil au Congo sont en majorité des anciens fidèles chrétiens de l’Eglise Catholique. Bien que n’ayant pas pu obtenir des statistiques, nous pouvons constater qu’un bon nombre de ceux qui se réclament aujourd’hui de ces églises sont des chrétiens baptisés et confirmés qui ont été déçus de l’Eglise Catholique au Congo et qui ont décidé d’aller voir ailleurs nonobstant l’ecclésiologie prônée depuis 2 5 vingt ans d’Eglise Famille de Dieu en Afrique. Et pourtant, cette image d’Eglise-famille est profondément enracinée dans « les réalités sociales et les valeurs culturelles de l’Afrique. Elle peut aider fructueusement à comprendre l’Eglise, à vivre en Eglise, à s’engager avec l’Eglise pour l’édification d’un monde nouveau »3. Cependant, nous constatons, au sein de l’Eglise Famille de Dieu au Congo, la déception des chrétiens catholiques, face aux multiples défis occasionnés par la précarité de vie sociale et aussi, comme le dit bien le pape François, par « des comportements négatifs des ministres de l’Eglise »4. Certains ministres semblent faire la sourde d’oreille face à la précarité de vie de leurs fidèles paroissiens et à l’écart qui se creuse entre foi et vie au sein de l’Eglise Famille de Dieu. Notons que la précarité de vie des fidèles chrétiens à Brazzaville n’est pas seulement liée au manque de solidarité, de « partage du pain » matériel entre les frères et sœurs de l’Eglise-Famille, mais aussi à la précarité intellectuelle et spirituelle et à la platitude du vécu de la foi liées au manque de fruit escompté, dont la 3 Cf. L’Intervention de T. SARR à la 23e Congrégation Générale, in « L’Osservatore Romano » fr. C.S. (17 mai 1994) 79, cité par Michèle CHIAPPO, Ecclesia in Africa : approfondissements, Cahiers de Réflexion n°2, Centre d’Etudes Redemptor hominis, Mbalmayo, 1996, p.43. Dorénavant SARR suivi de la page. 4 Cf. L’Interview du FRANÇOIS aux revues culturelles jésuites, octobre 2013, sur le site www.revue-etudes.com (le 14 décembre 2013). Dorénavant Interview FRANÇOIS. 62 pastorale traditionnelle des « sacrements » est le soubassement. Un amour chrétien qui est mis à l’épreuve, car devant les réalités de vie au sein de l’Eglise Famille de Dieu, certains catholiques âgés de 20 à 40 ans au Congo ne cautionnent plus cet écart existant entre foi et vie ou ne supportent même plus l’indifférence, l’injustice, le contre témoignage vis-àvis de l’espoir, de l’enthousiasme suscités au sortir du premier Synode africain. Un espoir qui a, cependant, vite tourné en déception que nous constatons entre frères et sœurs, au sein de l’Eglise Famille de Dieu au Congo. Ceci étant, trois questions se posent avec acuité : Dans ce contexte de déception, comment faire grandir la foi, à l’exemple des disciples d’Emmaüs, pour faire renaître la vie, la joie et l’espérance auprès des frères et sœurs déçus de l’Eglise Famille de Dieu à Brazzaville ? Que devrions-nous faire pour que cette déception, au cœur de l’Eglise Famille de Dieu au Congo, soit en réalité créatrice d’une pastorale catéchétique appropriée ? Et comment devenir adulte dans la foi pour vivre en chrétien responsable au sein de l’Eglise Famille de Dieu à Brazzaville ? 2. Etat de la question La question qui se pose ici est celle du vécu de l’Evangile dans l’Eglise Famille de Dieu à Brazzaville. L’idée d’une ecclésiologie édifiée sur le modèle d’Eglise Famille de Dieu apparaissait déjà, dans les années 80 au Burkina-Faso. C’est la date de son 2 7 émergence et de la prise de conscience de l’Eglise, comme le dira Mgr Anselme SANON : « conscience assez exceptionnelle de la réalité “Eglise” à travers la conception de l’Eglise-famille… »5. Depuis lors, grâce à la vulgarisation en Afrique de l’Exhortation apostolique Ecclesia in Africa6, la conscience de promouvoir une Eglise Famille de Dieu en Afrique a fait son chemin à travers les réussites et les échecs de l’Eglise. Évidemment, l’image de l’Eglise Famille ne pouvait qu’avoir une résonance positive dans la culture congolaise. À telle enseigne que l’image d’Eglise Famille de Dieu sera retenue comme la clé de compréhension de l’Exhortation Apostolique PostSynodale Ecclesia in Africa. Ainsi, un bon nombre d’écrits tournent autour de l’ecclésiologie Eglise Famille de Dieu. Pour bien illustrer l’état de la question, nous nous inspirons et renvoyons ici à l’article de D. NOTHOMB qui a bien clarifié ce concept-clé au niveau de son fondement théologique, de la Trinité à l’humanité de Jésus de Nazareth. De nos jours, au sein de l’Eglise Famille de 5 B. YANOOGO, Eglise-Famille au Burkina-Faso, thèse de doctorat en théologie pastorale soutenue à l’Institut Catholique de l’Afrique de l’Ouest, Abidjan, déc. 1991, cité par Efoe J. PENOUKOU, Les évêques d’Afrique parlent, Paris, Centurion, 1992, p.21. in D. NOTHOMB « L’Eglise-famille : concept-clé du Synode des évêques pour l’Afrique », p. 46. 6 Le document Ecclesia in Africa a été bien réceptionné et bien vulgarisé au Congo, à travers les homélies, les conférences et sessions dans les paroisses, à telle enseigne que tous les catholiques au Congo sont bien au courant des exigences de la notion « Eglise Famille de Dieu ». 82 Dieu au Congo, la question qui se pose avec acuité est celle de son fonctionnement interne, précisément, au niveau personnel, du groupe, institutionnel, organisationnel, culturel et au niveau des relations interpersonnelles entre les composantes de l’Eglise Famille de Dieu, à savoir : le clergé, diocésain ou religieux, et le laïcat. Sur cette question d’Eglise Famille à Brazzaville prédominent la déception, la confusion, le « parallélisme fantomatique »7 entre le fonctionnement de la famille biologique au Congo et le fonctionnement de l’Eglise Famille de Dieu, nouvelle Famille de Jésus. Car, pour Jésus, « quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère »8 (Mc 3,33-35). A la même page, l’auteur affirme aussi que « dès les débuts de sa vie itinérante, Jésus appelle des disciples qui le suivent. Bien vite, ce groupe est considéré par Jésus comme sa nouvelle Famille »9. La question du vécu, de la mise en évidence de cette nouvelle Famille de Dieu, au sein de l’Eglise, en lien avec les valeurs familiales congolaises, met en lumière celle de l’adéquation ou 7 Cf. GIUSEPPE DI SALVATORE, « L’Image de l’Eglise Famille dans l’Exhortation apostolique Ecclesia in Africa. Éléments de réflexion sur une application de l’inculturation », in Cahiers de Réflexion n°2, Centre d’études Redemptor hominis, Mbalmayo (Cameroun), Dir. Michèle CHIAPPO, 1996, p. 57. Dorénavant GIUSSEPPE suivi de la page. 8 D. NOTHOMB, P.B, « L’Eglise-famille : concept-clé du Synode des évêques pour l’Afrique », in Nouvelle Revue Théologique. p. 53. Dorénavant NOTHOMB suivi de la page. 9 NOTHOMB, p. 53. 2 9 de l’inadéquation de ces valeurs par rapport à celles de l’Évangile. D’autant plus que le vécu de la communion, de la fraternité et de la solidarité au sein de l’Eglise Famille de Dieu laisse à désirer. Ceci étant, face à la précarité de la vie sociale des chrétiens catholiques, quel est le sens ou la portée de l’ecclésiologie de l’Eglise Famille de Dieu au Congo ? 3. Objectif de ce plaidoyer Nous avons été interpellés, au fil des années, lors de notre action pastorale sur le terrain, en tant que chrétien, religieux puis diacre, sur l’injustice, les inégalités, les frustrations et les exclusions volontaires ou involontaires au sein même de l’Eglise Famille de Dieu à Brazzaville. Notre objectif à travers ce plaidoyer est de sensibiliser, conscientiser et de faire une proposition catéchétique qui pourra tenter de transformer, de réinventer et de redynamiser la pastorale catéchétique menée jusqu’ici. Tout ceci pour l’édification, l’enracinement, de la Famille de Dieu dans les valeurs de solidarité, de fraternité, de communion et d’amour charitable entre frères et sœurs en Christ. Pour cela, nous nous posons en catéchète libre et désirant un fructueux échange, dans une réflexion vraie et sincère, sans faux fuyant, au sein de l’Eglise Famille de Dieu à Brazzaville. Nous n’avons pas l’ambition ici de faire une évaluation globale de la question de l’Eglise Famille de Dieu au Congo, mais uniquement dans l’archidiocèse de 10 2 Brazzaville. Dans cette optique, nous voulons poursuivre et amender, hic et nunc, la compréhension et l’approfondissement du vécu de l’Eglise-famille de Dieu à Brazzaville. À l’instar du Conseil post-synodal qui a sans cesse « encouragé à diverses reprises les évêques d’Afrique à donner une traduction pratique aux conclusions du Synode contenues dans l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa »10. Nous voulons ainsi nous interroger en évaluant les 20 ans de pastorale dans l’archidiocèse de Brazzaville depuis le premier Synode africain et la réception d’Ecclesia in Africa. Nous voulons édifier comme l’affirmait l’Assemblée spéciale pour l’Afrique : Édifier l’Eglise Famille de Dieu, anticipation, bien qu’imparfaite, du Royaume sur terre. Les familles chrétiennes d’Afrique deviendront alors de véritables « Eglises domestiques », contribuant au progrès de la société vers une vie plus fraternelle. Ainsi s’opérera la transformation des sociétés africaines par l’Evangile11. C’est pourquoi, nous voulons évaluer ici l’application des directives d’Ecclesia in Africa et son adéquation à la réalité de la vie au sein de l’Eglise Famille de Brazzaville. Le résultat sur le terrain étant 10 Cf. JEAN-PAUL II, Discours. JEAN-PAUL II, Ecclesia in Africa : Exhortation apostolique postsynodale sur l’Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice, Paris, Médiaspaul, 1995, n°32. Dorénavant E.A suivi de son numéro. 11 2 11 ce qu’il est, nous voulons œuvrer pour une pastorale catéchétique adéquate, dynamique, encourageante, pour la promotion d’une « solidarité pastorale organique »12, particulièrement entre le clergé et le laïcat et, pourquoi pas, avec les autres chrétiens, protestants ou orthodoxes. De même, promouvoir cette solidarité pastorale et organique entre les différents diocèses du Congo-Brazzaville. Notre préoccupation majeure est de tenter de réduire ce fossé grandissant entre foi et vie au sein de l’Eglise Famille de Dieu dans l’archidiocèse de Brazzaville. Tel est l’objectif principal vers lequel nous voulons tendre dans ce travail. Dans cette démarche, à l’instar de BENOIT XVI, nous cherchons à travers cette pastorale catéchétique : « à mettre dans le cœur des Africains disciples du Christ la volonté de s’engager effectivement à vivre l’Evangile dans leur vie et dans la société »13. Il s’agira de pousser le clergé et le laïcat congolais à vivre concrètement la communion par la réconciliation, la justice et la paix afin de grandir dans la foi selon l’esprit de l’Eglise Famille de Dieu. 4. Motivations Notre motivation nous vient de notre compassion, comme le dit Lytta BASSET, du fait 12 E.A, n° 16. BENOIT XVI, Exhortation apostolique post-Synodale Africae Munus, Paris, Bayard/Fleurus-Mame, Cerf, 2011, n°32. Dorénavant A.M suivi de son numéro. 13 12 2 d’« être ému aux entrailles »14 en raison de situations d’injustice et d’inégalité au sein de l’Eglise Famille. Il est loisible de s’interroger, à l’instar de Jean-Paul II, si vingt ans après : Le moment ne serait-il pas venu d’approfondir cette expérience synodale africaine ? Car, les nouveaux défis à relever sur le continent demandent des réponses que seule la poursuite de la mise en œuvre d’Ecclesia in Africa pourrait offrir, redonnant ainsi une vigueur renouvelée et une espérance renforcée à ce continent en difficulté15. Ainsi, notre motivation d’évaluer l’application des directives d’Ecclesia in Africa dans l’archidiocèse de Brazzaville, ne peut que se trouver justifiée. L’orientation de ce travail vient de la réalité frappante, au sein de l’archidiocèse, d’une perte de crédibilité à tous égards. De plus, l’invitation du pape François à renouer avec « ce chemin : l’évêque et le peuple. Un 14 Lytta BASSET a fait le relevé de cette expression dans le Nouveau Testament : Mc 1, 41 ; 6, 34 ; Mt 15, 32 ; 18, 27 ; 20, 33.34 ; 14,14 ; 9,36 ; Lc 7,13 ; 10,33. Elle remarque que, « dans tous les récits évangéliques (sans parler des paraboles), il n’est question strictement que de la compassion de Jésus… jamais de la compassion de quiconque d’autre. Cela ne fait que mettre davantage en lumière l’exhortation de Jésus en conclusion de la parabole du samaritain : « va et toi aussi fais de même ! » (Lc 30,37). La compassion ne relève pas de l’ordre naturel : c’est à Jésus seul que cela arrive spontanément. Mais il en croit les humains capables, et Luc témoigne de cette foi de Jésus dans la capacité humaine d’être « pris aux entrailles ». (cf. Lytta BASSET, La joie imprenable, Labor et Fides, 1996, p.100). 15 Cf. JEAN-PAUL II, Discours. 2 13 chemin de fraternité, d’amour, de confiance entre nous, »16 n’a fait que confirmer notre préoccupation majeure à réfléchir sur la réalité de l’Eglise Famille à Brazzaville, sous l’angle d’une pastorale catéchétique. En tant que religieux, nous ne pouvons rester insensibles face à la prédominance des antivaleurs et contre-témoignages dans le vécu de l’Eglise-Famille à Brazzaville. Par ailleurs, la déception de plusieurs catholiques de Brazzaville, aura rendu urgente la nécessité de penser autrement la conception de l’Eglise Famille de Dieu au Congo. Cette déception illustre la fragilité de la foi des chrétiens catholiques devant les difficultés ou les conditions de vie précaire. C’est pourquoi, en tant qu’agent pastoral, nous voulons apporter notre contribution, en proposant à travers une pastorale catéchétique, une nouvelle manière de vivre l’idéal Eglise Famille au moyen de la solidarité pastorale organique. Nous agissons ainsi pour plusieurs raisons : Premièrement, notre expérience de dix ans en pastorale nous a permis de constater cette déception ou ce malaise au sein de l’Eglise Famille au Congo. Et notre foi nous motive avec ardeur d’enraciner, dans les cœurs des chrétiens catholiques, la vie apportée par Jésus-Christ. Deuxièmement, notre motivation nous vient de notre sensibilité à tout ce qui touche à la qualité de la vie, la 16 Cf. Première bénédiction Urbi et Orbi du FRANÇOIS, le mercredi 13 mars 2013, in Documentation Catholique, 21 avril 2013, n°2509 – 2510, p.345. 14 2 dignité de l’homme, à l’espérance chrétienne. En tant que le sel de la terre et la lumière du monde (Mt 5, 1316), notre être chrétien ne peut que motiver notre agir dans ce contexte de déception ecclésiale. Troisièmement, notre état de religieux et en tant que jésuite africain, témoin du Christ, ne peut nous laisser indifférents. Quatrièmement, notre motivation nous vient de l’urgence pastorale de maintenir l’homme debout malgré la fragilité de sa nature pour approfondir et accroître sa foi dans la responsabilité face aux défis de la vie. Voilà les raisons qui sont au cœur de notre motivation. Cette réflexion constituera, pour nous, un atout précieux pour redynamiser la pastorale catéchétique dans l’archidiocèse de Brazzaville. 5. Méthodologie et limitation de notre sujet Nous avons opté pour l’évaluation, l’analyse du vécu ou le fonctionnement de l’Eglise Famille de Dieu au Congo Brazzaville. Nous voulons partir de la réalité sociale et poser une question de théologie pastorale à l’Eglise Famille de Dieu. Pour cela, nous allons nous situer au niveau de la pastorale catéchétique par le simple fait qu’elle implique l’action de tout le corps pastoral formant l’Eglise Famille de Dieu : évêque, prêtre, diacre, religieux, religieuse, catéchiste, laïc et laïque. L’évaluation ou l’analyse se focalisera sur le fonctionnement ad intra de l’Eglise-Famille de Dieu à Brazzaville. 2 15 La méthodologie choisie est celle de « Voir-JugerAgir ». En ce sens, elle alliera la méthode déductive et inductive. De cette corrélation entre la méthode déductive et la méthode inductive, notre réflexion sera structurée en trois grandes parties qui vont se succéder pour constituer un tout. La première partie sera évidemment déductive et inductive du fait qu’elle partira de l’application des directives d’Ecclesia in Africa en lien avec notre expérience de dix ans de pastorale catéchétique sur le terrain et analysera, d’une manière descriptive, la situation qui prévaut au sein de l’Eglise Famille de Dieu dans l’archidiocèse de Brazzaville. La deuxième partie, déductive, se penchera davantage sur le fondement théologique de la “déception créatrice” et identifiera les perspectives que nous offrent les Écritures pour la prévention de la déception et de la désertion des fidèles, grâce à une foi adulte et à une responsabilité à assumer au sein de l’Eglise Famille de Dieu. Enfin, la troisième partie, avant de conclure, portera sur une dynamique créatrice à travers une pastorale catéchétique appropriée pour une ecclésiologie de communion à Brazzaville. 16 2 Chap. I Approche pastorale de la déception dans l’archidiocèse de Brazzaville 0. Introduction Il nous faut donner un contenu à notre thématique. Osons décrire cette déception que nous voulons ici créatrice au sein de l’Eglise Famille de Dieu à Brazzaville. Pour ce faire, il sera question, en amont, d’expliciter en faits cette déception ecclésiale, émanant du dysfonctionnement au sein de l’Eglise. Ainsi, il sera question, en aval, de donner les causes et conséquences de la déception. Tout ceci justifiera la promotion de la “déception créatrice” pour redynamiser la pastorale catéchétique, réduire le fossé grandissant entre foi et vie et rebondir, grâce à une vie de foi adulte et responsable dans la liberté des enfants de Dieu, dans le témoignage évangélique. 2 17 I. Présentation contextuelle et conceptuelle de notre thématique clarification Depuis la tenue à Brazzaville de la Conférence Nationale en 1990, on observe plusieurs changements positifs et négatifs au sein de la société et aussi au sein de l’Église congolaise. Avant la conférence, il n’y avait sur le territoire congolais que sept églises et ou mouvements religieux reconnus par l’Etat. Il s’agit, entre autres, de l’Armée du salut, de l’Eglise de JésusChrist sur terre par le prophète Simon Kimbagu (E.J.C.S.K) ou Kimbanguiste, l’Eglise Catholique, Protestante, Lassyste, le Comité Islamique et Tenrikyo (d’origine japonaise). Comme le dit Abel KOUVOUAMA : Il y a vingt-cinq ans, seulement sept Eglises étaient autorisées à la fin du règne du Parti Congolais du Travail (P.C.T.) ex-parti unique, “marxisteléniniste jusqu’en 1987. Cependant, soixante-dixsept avaient demandé leur reconnaissance en 1990 ; plus de trois cent cinquante ont obtenu leur reconnaissance depuis la Conférence Nationale entre 1990 et 1991, dont la moitié à Brazzaville17. Le foisonnement des églises ou des nouveaux mouvements religieux au Congo est le résultat de la libéralisation des cultes, déclarée au sortir de la 17 Abel KOUVOUAMA, « A chacun son prophète », in Politique Africaine n°31 (octobre 1988), p. 62-65, sur le site http://books.google.be/books ? (consulté le 06 avril 2014). 18 2