Saint Sacrement – Dt 8,2…16 ;Ps 147 ; 1 Co 10,16-17 ; Jn 6,51-58 Pendant quarante ans, Israël a cheminé dans le désert. Au fil de cet exode, Israël a connu une pauvreté extrême et a subi la précarité de la vie dans le désert : faim, soif, serpents, scorpions. Mais ces quarante années ont été l’occasion de découvrir que les humains sont habités par une faim bien particulière : celle dont la manne fut alors la nourriture. Nous portons donc deux faims. Celle à laquelle répondent les biens de consommation proposés par l’économie et celle à laquelle seul le Seigneur répond. Ces deux faims sont si imbriquées que bien souvent la première cache la seconde à moins d’une expérience semblable à celle d’Israël durant l’Exode. Le mot « manne » signifie « qu’est-ce que c’est ? ». Ce nom est une question qui porte autant sur la faim que sur l’aliment qui la comble car Israël n’arrive pas à les identifier. En effet, cette faim mystérieuse est toujours mêlée au péché. La manne est donnée alors qu’Israël regrette les marmites et légumes d’Egypte et accuse le Seigneur de l’avoir libéré pour le faire mourir ! Pour nous chrétiens, Jésus Christ lève le voile sur cette faim mystérieuse et l’aliment qui l’assouvit. Les humains ont faim de donner corps à l’amour du Seigneur et c’est lui, Jésus Christ, qui répond à cette faim. Quand il nous invite à manger sa chair et à boire son sang, il ne nous invite pas à le cannibaliser, même symboliquement. Il nous invite plus simplement à entendre le Verbe de Dieu à l’œuvre depuis le commencement, à l’accueillir et à le laisser nous transformer au point de prendre corps en notre chair. Jésus nous invite là à un consentement. Je désire certes donner corps à l’amour du Seigneur mais à condition que cela soit conforme à mes projets et rêves. Mon désir ne s’accomplira donc que si je consens à ce que le Christ m’associe à son corps et à sa résurrection et m’amène ainsi là où je n’imagine pas aller. Ainsi nous ne cessons pas de nous reconnaître pécheurs d’un bout à l’autre de la liturgie de la messe parce que nous sommes en permanence habités par des rêves, des images, des projets, parfois très pieux, très charitables et très généreux mais qui n’ont rien à voir avec l’œuvre que le Christ accomplit en nous et par nous. N’imaginons pas le corps et le sang du Christ en fonction de ce que nous appelons habituellement le corps et le sang. Le corps et le sang du Christ, c’est ce à quoi nous sommes appelés et ce vers quoi nous allons. La chair et le sang dans lesquels nous sommes pétris sont la base à partir de laquelle nous engageons un chemin qui nous amène à prendre place dans le corps du Christ. Ainsi participer à l’eucharistie et y communier, c’est prendre place en ce corps dès à présent. C’est aussi y associer toutes les composantes de nos existences avec nos résistances et celles du monde. C’est enfin donner corps à la réponse que nos contemporains cherchent car ils font l’expérience de la Manne ! Vous êtes le corps du Christ, vous êtes donc la réponse vivante aux femmes et aux hommes qui se demandent quelle est cette faim que rien n’arrive à combler si ce n’est une mystérieuse nourriture qui leur tombe du ciel de manière inattendue ! Amen.