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1422 BOOK DES ECN
Un délai de cinq à trente ans entre l’apparition de la première cellule cancéreuse et l’émergence clinique du cancer est
souvent nécessaire.
Plusieurs altérations moléculaires ont été décrites et sont schématiquement classées en 6 grandes familles d’anomalies
moléculaires :
– activation des voies de transduction du signal permettant une prolifération cellulaire ;
– indépendance par rapport aux signaux d’inhibition de croissance ;
– potentiel invasif et métastatique ;
– résistance à la « mort cellulaire », dite apoptose ;
– potentiel de néoangiogenèse ;
– potentiel d’immortalisation avec activation de la télomérase.
Ainsi, la néoangiogenèse est indispensable lorsqu’une tumeur dépasse 2 à 3 mm3, et ainsi inhiber l’angiogenèse est une
nouvelle voie thérapeutique (bévacizumab, sorafénib, sunitinib).
– Les cellules tumorales ont la capacité de former des néovaisseaux à partir de cellules endothéliales normales, permet-
tant le développement d’une tumeur ;
– principaux facteurs angiogéniques : le VEGF (facteur de croissance vasculaire épithélial), le FGF (facteur de croissance
des fibroblastes) ou le PDGF (facteur de croissance dérivé des plaquettes).
Deux concepts permettent d’expliquer la carcinogenèse :
– le concept de cancérogenèse de champs : tout l’épithélium soumis à un même toxique (le tabac par exemple) est à
risque de se cancériser expliquant la possibilité de cancers multiples synchrones ou métachrones ;
– le concept de carcinogenèse multiétape : plusieurs anomalies moléculaires sont nécessaires pour la formation du
cancer.
Une révolution conceptuelle a commencé à la fin des années 1990 et a permis de mettre en évidence que les cancers
sont des maladies dues à l’accumulation d’altérations moléculaires, qui peuvent être inhibées par de nouvelles thérapies
appelées thérapies moléculaires ciblées.
La prise en charge des patients atteints de cancer a été complètement bouleversée à la fin du siècle dernier par la mise à
disposition de nouveaux traitements appelés thérapies ciblées ou plus exactement thérapies moléculaires ciblées (TMC).
La terminologie « thérapies moléculaires ciblées » fait référence à des stratégies thérapeutiques dirigées contre des ano-
malies moléculaires supposées impliquées dans le processus de transformation néoplasique. Le développement de ces
nouveaux médicaments est en fait parallèle au développement d’une vision moléculaire et non plus seulement clinique
et morphologique de la maladie cancéreuse. Les progrès de la biologie permettent aujourd’hui de commencer à classer
les cancers en fonction de l’organe (cancer du poumon, de la peau) mais surtout en fonction des altérations moléculai-
res impliquées dans la progression du cancer et donc d’espérer proposer une thérapeutique spécifique à chaque patient.
Ces TMC se distinguent des médicaments cytotoxiques anciens (alkylants, antimétabolites…) ou récents (inhibiteurs
de topo-isomérase et taxanes), même si ces agents inhibent aussi une cible (microtubules, ADN). En effet, les cibles
des chimiothérapies classiques sont classiquement en rapport avec les propriétés de prolifération accélérée des cellules
tumorales et ne sont le plus souvent pas directement impliquées dans le processus de transformation néoplasique. Il ne
s’agit cependant pas d’un concept tout à fait nouveau en cancérologie, car les modulations hormonales, réalisées pour
le traitement des phases métastatique ou adjuvante du cancer du sein, de la prostate ou de la thyroïde, ont démontré de
longue date leur bénéfice thérapeutique. Ces traitements peuvent être considérés comme les ancêtres des TMC, car ils
agissent sur des anomalies moléculaires de cancers hormonodépendants, et ces récepteurs hormonaux (aux estrogènes
pour le cancer du sein, récepteurs aux androgènes pour le cancer de la prostate) sont bien directement impliqués dans
le processus néoplasique. À ce jour, plus d’une dizaine de thérapies ciblées ont l’AMM pour le traitement de patients
atteints de cancer avancé ou en situation adjuvante (Tableau 1).
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