dossier
Dresse CLAUDIA MAZZOCATO *
4 Courrier du MédeCin Vaudois nuMéro 8 déCeMbre 2013
Des directives anticipées à la
planification anticipée du pro-
jet thérapeutique: un change-
ment de paradigme.
Les directives anticipées (DA) sont
l’expression écrite par avance de
la volonté d’une personne sur le
type de soins qu’elle souhaite recevoir ou
non en cas de perte de discernement.
Elles encouragent l’autodétermination,
en reconnaissant au patient le droit à
l’autonomie et au respect de sa dignité.
Elles permettent également la désigna-
tion d’un représentant thérapeutique ou
personne de confiance qui aura compé-
tence de consentir en son nom à un trai-
tement médical dans pareilles circons-
tances.
L’entrée en vigueur le 1er janvier 2013 du
nouveau droit sur la protection des
adultes place les DA au premier plan
dans l’accompagnement du médecin de
son patient dans des situations médi-
cales critiques ou en fin de vie.1 Celui-ci
est tenu de vérifier si le patient incapable
de discernement a élaboré des DA et/ou
a désigné une personne de confiance.
En l’absence de ces dernières, le pouvoir
de représentation prévu par la loi permet
aux proches de prendre certaines déci-
sions de manière facilitée.
Pas toujours la panacée
Si les DA matérialisent l’espoir d’une
meilleure prise en compte des volontés
de l’individu, leur pratique outre-Atlan-
tique met en évidence un constat mitigé.
Malgré les nombreuses stratégies visant
Planification anticipée du projet thérapeutique
Au premier plan
de l’accompagnement
du patient
à favoriser leur réalisation, peu de
patients les remplissent en raison de leur
méconnaissance de ces documents, des
dimensions médicales perçues comme
trop techniques et d’une confrontation
parfois trop brutale à la mort. Des
constats similaires s’appliquent aux
médecins. Ils sont peu familiarisés à
cette démarche et craignent d’angoisser
leurs patients en abordant ce sujet. De
plus les DA, lorsqu’elles sont présentes,
ne sont pas forcément stables, les préfé-
rences de traitements évoluant en fonc-
tion de l’état de santé de la personne.
Enfin lorsqu’elles existent, elles ne sont
pas toujours appliquées. La non-prise en
compte ou l’absence de DA peut entraî-
ner un risque de réponses thérapeu-
tiques inappropriées de l’ordre de la sur-
ou sous-médicalisation.2
Des DA à la planification anticipée
du projet thérapeutique (PAPT)
Avec le recul, il ressort que trop souvent
la question des choix thérapeutiques a
été abordée dans la perspective d’une
allocation de ressources, avec une sélec-
tion de traitements à envisager en fonc-
tion de l’état de santé, au détriment
d’une approche centrée sur les objectifs
et finalités des soins, selon les valeurs et
priorités du patient. Devant ce constat,
les DA ont progressivement évolué vers
la planification anticipée du projet théra-
peutique (PAPT). Les PAPT privilégient
l’expérience du patient. Elles explorent
ce qu’il connaît de son état de santé et
ce qu’il souhaite en connaître, ses
craintes, ses valeurs, la signification qu’il
donne à sa vie et les soins qu’il désire.3 Il
s’agit d’un processus dynamique s’ins-
crivant dans le temps, auquel les
proches sont associés chaque fois que
possible. Cela requiert du médecin trai-
tant de renforcer l’accompagnement
dans une démarche de réflexion et de
décision et de mettre l’accent sur le par-
tage des options de soins jugées priori-
taires par le patient, en favorisant la com-
munication et le dialogue avec lui, sa
famille et l’équipe soignante lorsqu’elle
est présente.
Trente-six cartes pour un «bilan de vie»
Un tel processus peut être soutenu et
guidé par des outils tels que le «Go
Wish», un jeu de 36 cartes qui formulent
des souhaits que les gens disent être très
importants quand ils sont malades ou en
fin de vie. Elles décrivent comment les
gens aimeraient être traités, les per-
sonnes qu’ils aimeraient avoir autour
d’eux et ce qui a du sens pour eux.4 Le
patient répartit en trois colonnes les
cartes identifiées comme très prioritaires,
moyennement prioritaires et nullement
prioritaires. Le tri une fois fait, le méde-
cin, le patient, le proche ou le représen-
tant thérapeutique discutent du sens
que le malade donne aux cartes choisies
comme très prioritaires et nullement
prioritaires. Cette démarche permet de
définir les objectifs de soins privilégiés
dans un contexte moins confrontant que
le formulaire standard des DA. Elle est
l’occasion d’une réflexion commune
Courrier du MédeCin Vaudois nuMéro 8 déCeMbre 2013 5
approfondie, pouvant parfois même
aboutir, comme le montre l’exemple ci-
dessous, à un bilan de vie.
Une fois la PAPT réalisée, cette dernière
sera glissée dans le formulaire des DA.
Celles-ci peuvent alors être remplies,
pour autant que le patient le désire. La
présence du médecin est essentielle
pour expliquer les aspects médico-tech-
niques soulevés par le formulaire. Ce
dernier est ensuite daté et signé et des
photocopies remises au patient, au
médecin traitant et au(x) représentant(s)
thérapeutique(s). Il est conseillé au
patient d’insérer dans son portefeuille
une notice disant qu’il a fait sa PAPT et
ses DA. Celles-ci doivent être rediscutées
à chaque changement significatif de son
état de santé. n
RÉFÉRENCES
1. HTTP://WWW.EJPD.ADMIN.CH/CONTENT/EJPD/FR/
HOME/DOKUMENTATION/MI/2011/2011-01-12.HTML
2. WILKINSON A, WENGER N, SHUGARMAN L. LITERA-
TURE REVIEW ON ADVANCE DIRECTIVES. U.S.
DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES,
ASSISTANT SECRETARY FOR PLANNING AND EVALUA-
TION, OFFICE OF DIABILITY, AGING AND LONG-TERM
CARE POLICY, 2007.
3. MESSINGER-RAPPORT BJ, BAUM EE, SMITH ML.
ADVANCE CARE PLANNING: BEYOND THE LIVING WILL.
CLEVE CLIN J MED 2009; 76: 276-285
4. MENKIN ES. GO WISH: A TOOL FOR END-OF-LIFE CARE
CONVERSATIONS. J PALLIAT MED 2007; 10: 297-303.
« Il s’agit
d’un processus
dynamique
s’inscrivant dans
le temps, auquel
les proches sont
associés. »
Yoan est un jeune homme de 33 ans,
dont le père est décédé deux ans plus
tôt. C’est en famille qu’ils avaient décidé
d’interrompre les soins médicaux le
maintenant en vie, ce que Yoan revit
comme un cauchemar.
Aujourd’hui,Yoan est atteint d’un cancer
terminal. Désireux d’épargner à ses
proches les souffrances endurées il y a
deux ans, il souhaite rédiger ses direc-
tives anticipées. Avec le jeu de cartes, il
identifie ses valeurs prioritaires; ses yeux
s’embuent juste lorsqu’il lit la carte «Faire
le bilan de ma vie»...
Yoan est toujours entouré de ses proches
et de nombreux amis à chacune des
consultations. Il parle très librement de la
mort à venir. Il y a dans son dialogue une
incroyable et émouvante authenticité,
une grande tendresse, une joie de vivre.
Nous lui proposons de discuter de cette
carte avec ses proches et ses amis.
Qu’en pensent-ils? Le temps est court. La
suite du dialogue se fera par téléphone.
Un soir, il appelle. Il explique qu’il a dis-
cuté de la carte «Faire le bilan de ma vie»
avec son entourage. Leurs réactions l’ont
touché. Ils lui ont dit à quel point sa per-
sonnalité, sa capacité d’aimer et de tra-
verser tous les défis de la maladie les ont
bouleversés, ont modifié profondément
leur manière d’appréhender la vie. Par
ces témoignages, Yoan réalise tout ce
qu’il a apporté aux gens qui l’entourent
par sa manière d’être. Il est ému, apaisé,
reconnaissant.
Trois jours plus tard, il est hospitalisé
semi-comateux. Ses directives sont
claires et guident tout autant les soi-
gnants que les proches. Ses deux repré-
sentants thérapeutiques sont présents.
Sa chambre est envahie par ses amis
comme il l’a souhaité. Seul le traitement
antalgique est poursuivi. Il meurt
quelques heures plus tard, paisiblement.
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Courrier du MédeCin Vaudois nuMéro 8 déCeMbre 2013 7
PIERRE-ANDRÉ REPOND
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
Voici un excellent dossier destiné à
nourrir et sans doute élever notre
réflexion en cette fin d’année. Il est
dû à l’inaltérable engagement du
duo formé par les Drs Claudia
Mazzocato et Stephane David. Nous
leur devons déjà le lancement du
Guide des soins palliatifs auquel ils
apportent ici avec les auteurs qu’ils
ont sélectionnés un prolongement
naturel mais aussi renouvelé. Les
ateliers annoncés pour l’an prochain
en constitueront la traduction
concrète.
Question de digni
31 août 2013 à Azur, petite localité
des Landes à une centaine de kilo-
mètres de Biarritz. Nous sommes en
vacances mon mari et moi, et un
couple d’amis… Je reste seule au
camping. Je finalise mes directives
anticipées. Faire ça en vacances?
Pour moi c’est OK.
En août 2010, on m’a découvert un
cancer du sein avec des métastases
hépatiques et osseuses. Les vertèbres
ont été très atteintes. De fortes dou-
leurs nécessitent la prise quotidienne
d’opiacés. J’ai eu des séances de
chimiothérapie, de radiothérapie sur
les os, de la cimentoplastie. J’ai la
chance qu’il y ait un anticorps qui
réponde très bien; il me permet de
vivre presque normalement, bien que
j’aie dû arrêter mon travail. Cela a été
très difficile de ne plus faire partie de
la vie active… Actuellement, je suis
suivie au CHUV par le Centre d’onco-
logie pour le suivi médical et l’anti-
corps, par le Service de radio-oncolo-
gie pour des métastases dans la tête et
par le Service des soins palliatifs pour
les douleurs.
C’est mon médecin qui m’a proposé
de faire des directives anticipées. J’y
pensais sans trop y penser, cela m’ef-
frayait un peu. Elle m’a aidé à identi-
fier ce qui était le plus important pour
moi à l’aide d’un jeu de cartes énon-
çant diverses valeurs. Par exemple, la
carte «Ne pas avoir mal» est prioritaire
car j’ai beaucoup souffert et je ne vou-
drais pas que ça recommence. Nous
avons ensuite fait une synthèse des
points qui me paraissaient les plus
importants sur une feuille «Valeurs»
que nous avons placée dans le formu-
laire des directives anticipées de la
Ligue suisse contre le cancer. C’est
seulement après que nous avons lu
ensemble ce formulaire. Mon mari
était présent à cet entretien, puisque
je l’ai désigné comme mon premier
représentant thérapeutique. Je pense
que c’est important que le médecin
prépare les directives anticipées avec
le patient et le conjoint (ou une autre
personne de confiance). Seule je n’au-
rais pas compris toutes les requêtes,
et si nous avions été seuls, mon mari
et moi, il y aurait eu trop de tristesse.
Voilà, c’est terminé… Je suis soulagée
d’avoir fini et de pouvoir me prélasser
au soleil, l’esprit tranquille, en sachant
que quoi qu’il arrive, le corps médical
suivra au plus près mes demandes.
Pour mon mari ce sera également plus
simple le jour où il devra prendre une
décision. Mon médecin, que j’ai dési-
gné comme deuxième personne de
confiance, pourra le conseiller et l’ai-
der pour tout ce qui est médical. J’ai
une totale confiance en eux. Ils feront
au plus près de mes souhaits et de
leur conscience. Il n’y a aucune tris-
tesse parce qu’on en a beaucoup
parlé, avec mon mari et avec mon
médecin.
ANNE D. (NOM CONNU DE LA RÉDACTION)
… et un témoignage
Guide
des
soins
palliatifs
du médecin vaudois
no112009
Sommaire
Fondation
Pallium
En bref
Quelques principes et thématiques éthiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Quelques conseils pratiques
Lorsde questionnement éthique ................................... 5
Boîte à outils
Questionnaire deSilberfeld ....................................... 6
Extraits de la Loi sur la santé publique du canton de Vaud . . . . . . . . . . . . . . . . 7
En savoir plus sur l’éthique en soins palliatifs
Introduction ................................................... 8
Quelques principes et concepts dans le contexte des soins palliatifs . . . . . . . . 9
Discernement ................................................. 11
Consentement libreeclairé ..................................... 11
Directives anticipées et représentant thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Principesdudoubleeffet ......................................... 13
Dilemmes éthiques avec les proches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Sédationpalliative .............................................. 15
Dénition .................................................. 15
Controverses éthiques ......................................... 16
Dimensions cliniques et éthiques de la sédation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Sédation palliative et soins à domicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Communication avec le patient et les proches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Soutien des équipes . . ........................................ 17
Demandedassistanceausuicide ................................... 18
Dénition .................................................. 18
Fréquencedesdemandes ...................................... 18
Motifsdesdemandes ......................................... 18
Explorer une demande de suicide assisté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19-20
Placedusoignant ............................................ 20
Dignitédelapersonne ........................................ 21
Quelques références utiles ........................................ 22
Supplément gratuit du Courrier du médecin vaudois no6-2009 Ne peut être vendu séparément.
Léthique dans
le contexte des
soins palliatifs
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