13 juillet 2005 C O M M U N I Q U E D E P R E S S E Comment le système immunitaire « isole » partiellement son ennemi pour mieux le détruire ? « Sentinelles » de l’organisme, les cellules dendritiques reconnaissent les pathogènes et les dégradent jusqu’à en isoler un fragment caractéristique. C’est ce fragment qui est reconnu par le système immunitaire et qui déclenche les réponses ciblées. A l’Institut Curie, des chercheurs du CNRS et de l’Inserm viennent de découvrir comment les cellules dendritiques « fabriquent » ces fragments, indispensables au déclenchement des réponses immunitaires. Ils montrent le rôle essentiel, et jusqu’à présent totalement inconnu, de l’oxydase NOX2 dans la reconnaissance immunitaire. Comprendre le système immunitaire est indispensable pour apprendre à l’apprivoiser et à le manipuler. Cette découverte, publiée dans la revue Cell du 14 juillet 2006, pourrait permettre d’intensifier, voire de mieux cibler la réponse immunitaire dans le traitement de certaines pathologies comme le cancer. Souvent confronté aux attaques extérieures (infection virale ou bactérienne), et parfois à la déficience de ses propres cellules (cancer), l’organisme se défend en activant son système immunitaire. Deux types de défense existent. La première est l’immunité innée : dépourvue de mémoire, elle veille en permanence afin de détecter les agents infectieux et les détruire. La deuxième, plus longue à se mettre en place, est l’immunité adaptative, spécifiquement dirigée contre un pathogène. Elle nécessite une phase « d’apprentissage » au cours de laquelle les cellules dendritiques jouent un rôle primordial : elles décomposent les agents pathogènes en fragments caractéristiques, les épitopes, puis les présentent aux lymphocytes T et B, initiant ainsi les réponses immunitaires. Grâce à cet apprentissage, le profil de l’ « ennemi » est gardé en mémoire, et l’organisme est prompt à réagir lors d’une seconde rencontre. NOX2, agent double de l’immunité A l’Institut Curie, Ariel Savina dans l’équipe Inserm de Sebastian Amigorena1, étudie la façon dont les cellules dendritiques, ces « sentinelles » de l’organisme, contrôlent la décomposition des pathogènes en épitopes, puis les présentent aux lymphocytes T. Si au cours des réponses immunitaires innées, la destruction de l’ennemi doit être totale, lors des réponses immunitaires adaptatives, cette destruction doit être partielle : les cellules dendritiques ne doivent pas dégrader totalement le pathogène mais en conserver des fragments suffisamment représentatifs pour être présentés aux lymphocytes et déclencher leurs réactions. C’est un défi pour les cellules dendritiques. L’oxydase NOX2 est connue pour son rôle essentiel lors des réactions immunitaires innées. Dans les neutrophiles, les cellules au cœur des réponses innées, NOX2 assure la destruction totale des pathogènes ingérés afin qu’ils ne soient plus dangereux pour l’organisme. 1 Sebastian Amigorena est directeur de recherche CNRS et directeur de l’unité 653 Inserm/Institut Curie « Immunité et cancer ». Les chercheurs de l’Institut Curie montrent que NOX2 est aussi l’un des chefs d’orchestre des réponses immunitaires adaptatives. Le rôle de NOX2 dans ce cas est à l’opposé de son rôle dans les neutrophiles. NOX2 régule le pH dans les compartiments des cellules dendritiques (le phagosome) où sont décomposés les fragments : il évite que l’acidité soit trop forte. Cette régulation du pH ralentit la dégradation des pathogènes évitant ainsi leur destruction complète, ce qui permet aux cellules dendritiques de déclencher une réponse immunitaire adaptative, spécifique et efficace. Cette meilleure compréhension du fonctionnement du système immunitaire devrait aboutir à l’optimisation de l’une des voies les plus prometteuses du traitement du cancer : l’immunothérapie. Elle consiste à utiliser le système immunitaire pour détruire les cellules tumorales. Depuis de nombreuses années, l'Institut Curie participe activement au développement de stratégies innovantes dans ce domaine. A l’heure actuelle, deux essais cliniques sont en cours à l’Institut Curie : l’un avec des patients atteints de mélanome de la choroïde et l’autre dans le cancer du col de l’utérus. Les résultats sont attendus courant 2007. Comment NOX 2 fait le siège de ses ennemis ? Le marquage rouge ou vert permet de localiser l’oxydase NOX2. Dans les cellules dendritiques « au repos » (à gauche), NOX2 est présente dans l’ensemble de la cellule (en rouge). Au contraire, lors de l’absorption d’un pathogène (à droite), NOX2 se concentre (en vert) autour du phagosome (région noire de l’image) où a lieu la dégradation du pathogène en fragments, en vue de l’activation de la réponse immunitaire adaptative. © Ariel Savina/Institut Curie Références « NOX2 controls phagosomal pH to regulate antigen processing during cross presentation by dendritic cells » 1 1 1 1 1 1 Ariel Savina , Carolina Jancic , Stephanie Hugues , Pierre Guermonprez , Pablo Vargas , Ivan Cruz Moura , Ana1 2 4 1 Maria Lennon-Duménil , Miguel C. Seabra , Graça Raposo and Sebastian Amigorena 1 2 U653 Inserm/Institut Curie, Cell and Molecular Biology, Division of Biomedical Sciences, Imperial College London, Londres, UMR144 CNRS/Institut Curie 4 Contacts presse : Institut Curie Catherine Goupillon/Céline Giustranti Tél. 01 44 32 40 63/64 CNRS Inserm Martine Hasler Anne Mignot Tél. 01 44 96 46 35 Tél. 01 44 23 60 73 Fax 01 44 32 41 67 [email protected] [email protected] [email protected]