article d`André Merlin à l`occasion de la clôture de la 40ème

LE FIGARO – DEBATS ET OPINIONS - Vendredi 3 Septembre 2004
ÉLECTRICITÉ - Fin de la 40ème conférence du Cigre à Paris
Lignes de vie
Par André Merlin, Directeur de RTE, Président d’ETSO1 et Président du Comité National
Français du Conseil International des Grands Réseaux Electriques
1 ETSO : Association européenne des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité
La conférence du Conseil international des grands réseaux électriques (Cigre), qui s’achève
aujourd’hui à Paris, a réuni plus de 2 000 ingénieurs, chercheurs et experts représentants 80
nationalités différentes. La pérennité des activités du Cigre nous rappelle que, à côté de la
concurrence dans un marché ouvert, la coopération entre acteurs industriels et chercheurs est
aussi un puissant facteur de progrès.
Des réseaux électriques, le grand public n’a le plus souvent que la vision de pylônes dans son
paysage. Les réseaux jouent pourtant un rôle central dans l’évolution du marché de
l’électricité, la sécurité des systèmes électriques, mais aussi de manière plus générale dans le
développement économique et social des nations.
L’électricité est en effet un bien essentiel, je dirais même vital, car certains de ses usages ne
sont pas substituables. Or ce produit immatériel ne se stocke pas, ce qui exige à tout instant un
parfait équilibre entre la production et la consommation.
La libéralisation des marchés de l’électricité a multiplié le nombre d’acteurs intervenant sur
cet équilibre : producteurs, revendeurs, distributeurs, consommateurs et transporteurs sont
désormais liés par de nouvelles relations contractuelles, plus complexes qu’avant.
L’apparition de nouvelles techniques de production d’électricité a été concomitante à cette
évolution. A côté des grandes centrales classiques se raccordent désormais au réseau des
unités à gaz, ainsi que des éoliennes de plus faible puissance.
Les gestionnaires des réseaux sont les seuls dans ce nouveau paysage électrique à avoir une
vision d’ensemble. Ce sont eux qui sont en première ligne pour gérer la complexité de ces
systèmes et garantir leur sûreté de fonctionnement. A eux de relever ces nouveaux défis
techniques. A eux de fournir à tous les acteurs un libre accès au réseau, simple et non
discriminatoire, d’apporter l’indispensable garantie technique aux mouvements d’énergie qui
résultent des transactions commerciales et de faire appel en toute équité et transparence aux
grands acteurs du marché pour l’équilibre du réseau.
Ce réseau, autour duquel gravitent tous les acteurs du marché, est ainsi placé au centre de
chaque système électrique. Ce monopole naturel, qui relève du service public, s’avère dès lors
le levier indispensable de l’ouverture des marchés de l’électricité à la concurrence, tant au
niveau national qu’international. D’où le nécessaire développement des échanges
transfrontaliers par les interconnexions entre les réseaux des Etats membres de l’Union
européenne, mais aussi avec ceux des pays autour de la Méditerranée.
Le réseau continental européen alimente en électricité 400 millions de personnes, une
consommation annuelle de plus de 2 500 milliards de kWh. S’étendant jusqu’à la Pologne, il
est relié par des liaisons sous-marines avec des îles et des péninsules comme le Royaume-Uni,
la Suède, la Norvège et la Finlande. La connexion avec la Bulgarie et la Roumanie sera
effective en 2005. Depuis 1997, l’Europe est connectée au sens électrique du terme via
l’Espagne avec les trois pays du Maghreb. Le réseau, qui unit déjà la Libye, l’Egypte, la
Jordanie, la Syrie et le Liban, devrait pouvoir s’y raccorder par la Tunisie. Le réseau turc le
rejoindra via la Bulgarie et la Grèce sans doute avant la fin de cette décennie. Ainsi, de proche
en proche se constitue un « grand anneau électrique » autour de la Méditerranée.
Dans le monde, l’électricité est le principal facteur énergétique du développement. En 2020,
notre planète comptera 2 milliards d’habitants supplémentaires qui vivront principalement
dans des pays en développement (PED), où la consommation d’énergie par habitant n’atteint
pas le dixième de celle d’un citoyen américain. Cette forte croissance démographique se
situera principalement en zone urbaine : chaque jour, on compte 150 000 nouveaux citadins
dans les PED. Pour répondre aux besoins de cette population, la consommation d’électricité
de ces pays devrait passer de 4 000 à 13 000 milliards de kWh entre 2000 et 2020.
Indispensable pour conserver denrées et médicaments, alimenter les foyers, les
télécommunications, l’industrie et les transports sans pollution sur le lieu d’utilisation,
l’électricité est l’énergie du progrès économique et social.
Par ailleurs, la prévention de l’effet de serre conduit à un appel croissant à des sources
renouvelables notamment l’hydraulique et l’énergie éolienne, qui s’exploitent souvent loin
des zones de concentrations humaines. Le développement de nouveaux équipements de
production nécessitera, là aussi, l’extension des réseaux de transport d’électricité. Même si la
proportion d’installations décentralisées s’accroît, le développement durable et le recours à
des sources d’énergie propres pour la population urbaine passeront essentiellement par des
centrales électriques reliées à des lignes de transport d’électricité. Ces lignes sont souvent
perçues comme une gêne visuelle. N’oublions jamais qu’elles constituent aussi les vecteurs du
développement durable et l’un des tissus de la coopération entre les peuples. Plus que jamais,
les réseaux électriques deviennent des lignes de vie.
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