La qualité de l’armée romaine venait aussi de sa polyvalence et de sa capacité d’adaptation à
toutes les situations. A l’aise dans toutes les formes de combat, elle n’a jamais hésité à
emprunter aux autres peuples ce qui pouvait parfaire son efficacité. L’héritage grec fut ici aussi
fondamental, notamment en ce qui concerne la poliorcétique (l’art du siège). Par ailleurs,
l’armée romaine se caractérisait par une tactique de combat où rien n’était laissé au hasard.
La logistique, les services, le génie, le renseignement, la santé et les transmissions avaient été
développés comme dans aucune autre armée de l’antiquité. La stratégie, à savoir la mise en
œuvre des divers moyens de gagner, était très étudiée et les conflits étaient préparés par des
actions politiques ou diplomatiques et s’appuyaient sur une économie prospère.
Bien loin d’être le peuple belliqueux que certains ont pu décrire, les Romains considéraient la
guerre comme un mal nécessaire et non une fin en soi. L’auteur démontre d’ailleurs que,
contrairement à une idée tenace, Rome n’a jamais eu de projet impérialiste à proprement
parler. Elle a mené des guerres tant défensives qu’offensives au gré des circonstances et sans
réelle préméditation ou plan d’ensemble. Pourquoi alors faisait-on la guerre ? Les raisons
étaient multiples (politiques, sociales, économiques, militaires) mais souvent liées à la
psychologie collective : la peur de l’ennemi ; la protection de Rome (patriotisme) ou d’alliés de
Rome ; le goût de la domination ou du butin… Une certaine passion immodérée de la guerre a
bien sûr toujours existé et des personnages comme César ou Trajan en sont les plus
emblématiques. Les Romains ont certes pu déclencher des guerres d’agression sous des
prétextes fallacieux mais de nombreux exemples démontrent leur volonté de limiter et de
réguler les conflits. Ils considéraient d’ailleurs la guerre civile comme l’horreur absolue…
Idéalement, la guerre devait être juste (Cicéron) et limitée (les Stoïciens) mais, une fois
commencée, elle devait être victorieuse coûte que coûte, quel qu’en soit le prix. En effet, la
victoire amenait la paix et donc la prospérité, la felicitas, sur le peuple romain. N’oublions pas
que la victoire, dans les premiers temps de Rome, avait été divinisée… La religion était
indissociable de la guerre. Les soldats étaient très pieux et participaient, au sein des garnisons,
à de nombreuses cérémonies religieuses. La religion était omniprésente, qu’on pense aux
présages des dieux avant le combat (les auspices) ou à toutes ces cérémonies qui bornaient le
temps militaire et lui donnaient un réel « rythme sacral ». La fin des campagnes, en octobre,
était ainsi l’occasion de trois cérémonies de première importance : l’equus october (course de
char), l’armilustrium (purification des armes) et la fermeture des portes du temple de Janus afin
de retenir la paix, vue par les Romains comme l’état le plus positif qui soit.
La grande qualité de l’ouvrage de Yann Le Bohec réside non seulement dans l’exhaustivité de
son propos (vous apprendrez tout sur la vie quotidienne des soldats, leurs équipements, le
détail des différentes unités ainsi que sur l’histoire de l’armée en tant que telle) mais aussi
dans la réflexion qu’il mène sur la guerre à partir de multiples exemples historiques ou
philosophiques. Objectif, il montre bien que cette armée puissante et organisée avait également
ses faiblesses. A partir du 3ème siècle, la conjoncture défavorable pour l’empire accompagnée
de l’oubli progressif des préceptes qui avaient fait son efficacité dans le passé sonneront peu à
peu le glas de la grande armée romaine.
Auteur : Rüdiger / Source : Cercle Non Conforme
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