QUAND DES PERSONNAGES MYTHIQUES NOUS HANTENT ENCORE !
Pierre-Gervais Majeau, prêtre
C’est étonnant de constater comment certains personnages mythiques
nous hantent encore car ils sont tellement chargés de symboles et d’une
puissante force d’évocation. Pensons en premier lieu à Tantale, roi de
Phrygie, qui reçut un jour une terrible punition pour avoir offensé les dieux
plus portés sur la corde que sur la miséricorde. Tantale fut donc précipité
dans le monde désespéré des Enfers et condamné à la faim et à la soif
éternelles. Il était presque immergé dans l’eau mais dès qu’il tentait de
boire, l’eau se retirait. Lorsqu’il tendait la main pour saisir un fruit à sa
portée, les branches porteuses se repliaient en le privant de toute
nourriture. C’est ainsi que les dieux le punissaient de son arrogance car
Tantale avait osé divulguer des secrets divins aux mortels et avait volé
l’ambroisie aux dieux pour la donner aux mortels et une autre source
affirme même qu’il avait sacrifié son propre fils et l’aurait servi comme
repas aux dieux pour leur faire plaisir. Ce Tantale avait donc avec les dieux
un rapport ambigu, oscillant entre ombres et lumières.
Dans la mythologie grecque, on réalise que les rapports entre les dieux et
les humains étaient chargés de toute une symbolique nébuleuse. Les dieux
sont jaloux et mesquins envers les humains et cette pensée complexe a
même contaminé notre foi chrétienne. Il n’est pas rare en effet de
constater comment, dans cette théologie de la satisfaction, le visage de
Dieu-Père pouvait ressembler à certains visages de dieux olympiens. Mais il
faut redécouvrir sans cesse, par l’Évangile, ce Dieu tout-autre, non pas
jaloux mais en alliance et en amour, porté sur la miséricorde et plein de
tendresse pour cette Humanité qui ressemble à Tantale, projeté dans les
Enfers de la désespérance.
Pensons maintenant à Prométhée qui déroba la sagesse à Athéna pour la
donner à l’homme et par la suite s’empara du feu dans l’atelier
d’Héphaïstos pour le donner à l’homme également. C’est ainsi que
l’homme commença à se chauffer, à cuisiner et à créer grâce au feu.
Prométhée révéla à l’humanité tout son savoir divin et ainsi l’homme
commença de plus en plus à ressembler aux Dieux ce qui provoqua une
terrible colère chez Zeus qu’il exprima par des éclairs et des coups de
foudre terrifiants. De plus, Zeus, maître de l’Olympe, punit Prométhée en
l’enchaînant au sommet du Caucase et tous les jours, un aigle venait
dévorer son foie. C’est au bout de trente ans, qu’Héraclès vint le libérer de
son martyre. D’après ce mythe grec, le maître de l’Olympe apparaît comme
vengeur et menaçant pour l’Humanité désireuse d’acquérir la plénitude
divine. Ce Prométhée qui apporte la révélation libératrice est sévèrement
puni car Zeus préfère que l’Humanité demeure dans les obscurs
cauchemars de sa précarité et ne veut pas lui partager ses prérogatives
divines. Le Dieu-Père de l’Évangile nous apparait désireux de nous partager
sa plénitude et c’est dans la tendresse et dans la miséricorde qu’il nous
porte vers la plénitude de la vie divine.
Pensons maintenant à Pandore, l’épouse que Zeus donna à Épiméthée.
Cette belle femme avait vu le jour dans l’atelier d’Héphaïstos, le dieu du
feu. Ce dernier avait fait une statue de fer si belle que Zeus lui donna la vie.
Tous les dieux olympiens vinrent vers elle pour lui offrir des cadeaux
somptueux. Quand Zeus l’offrit comme épouse à Épiméthée, il lui offrit un
coffret fermé à clef que Pandore ne devait jamais ouvrir. Comme Pandore
s’ennuyait après un certain temps, elle ouvrit ce fameux coffret et c’est
alors que s’échappèrent de cette boîte tous les malheurs de ce monde
mais, à la fin seulement, sortit l’espoir, ce cadeau qui permit à l’Humanité
de survivre jusqu’à maintenant. Et dans ce mythe grec, on se rend compte
une fois de plus comment les dieux de la mythologie grecque sont jaloux,
mesquins, ténébreux et portés sur la vengeance, sur la corde plus que sur la
miséricorde. C’est en trainant dans notre culture ces images que nous en
sommes venus à relire ces textes bibliques avec ces lunettes laissées dans
nos bagages culturels hérités de la civilisation gréco-latine. Par ces mythes,
nous réalisons comment ont pu surgir toutes ces tentatives athées venues
du siècle de la Raison. Maintenant, nous réalisons davantage comment
nous est venue cette lecture biaisée si chère à la théologie de la satisfaction
dont nous sortons à peine encore aujourd’hui. Maintenant nous
découvrons un Dieu tout autre, désireux de nous partager sa plénitude de
vie. « Je suis venu pour que vous ayez la vie en abondance. » (Jn 10,10)
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