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✚ Christine Cauquelin, Directrice des chaines thématiques découverte, Canal +
✚ Mathias Girel, Professeur de Philosophie, ENS Ulm
✚ James Painter, Professeur de relations internationales et journalisme, Oxford
University - Reuters Institute
Le sujet du climat attire peu les grands médias non spécialisés en particulier les télévisions
qui s’adressent au plus grand nombre. Il se retrouve alors le plus souvent traité sous un
angle négatif, fataliste voire angoissant. Et c’est surtout à l’occasion de grandes
catastrophes naturelles comme des inondations, des sécheresses ou des cyclones ou de
grands évènements internationaux qu’il apparaît. La complexité du sujet, son approche
interdisciplinaire et l’existence d’incertitudes cadrent sans doute mal avec les modalités
actuelles de production de l’information. En outre, il y a sans doute également une carence
de formation à ce sujet des journalistes non spécialisés en sciences ou en environnement.
Dans le même temps, une forte médiatisation de la question à l’occasion de catastrophes
ou de certains grands évènements politiques peut conduire à une saturation du public à ce
moment précis et à rendre paradoxalement peu visibles les messages. Certes une culture
de masse sur le sujet est souhaitable. Force est en effet de constater que la majorité de
l’opinion ne comprend pas l’origine des problèmes liés au climat, la nécessité d’agir et
l’urgence de changer certaines habitudes, et par conséquent accueille mal les politiques
publiques liées aux enjeux du climat. Mais doit-on / peut-on attendre des médias qu’ils
forment les citoyens et qu’ils aient un impact sur leur comportement ? Le rôle des médias
est bien d’informer ? Ne risque-t-on pas alors de confondre communication et
information ? Comment alors et à quel rythme les médias et en particulier la grande presse
quotidienne peut-elle aujourd’hui traiter le changement climatique ? Ces questions ont été
au cœur de l'atelier Climat du LHFORUM / Positive Economy Forum, qui a rassemblé au
Havre, des chercheurs, des responsables de rédactions de grands quotidiens nationaux de
plusieurs pays, des responsables associatifs, l’envoyé spécial de la présidence pour la
protection de la planète, Nicolas Hulot, ainsi que trois climatologues de renom, dont le
Vice-Président du GIEC, Jean Jouzel.
Deux interventions préalables à l’atelier proprement dit ont permis de lancer les débats.
James Painter, directeur du Reuter Institute pour les études de journalisme, a fait une
rapide synthèse d’une récente étude sur la façon dont les télévisions de six pays dans le
monde (Australie, Brésil, Chine, Allemagne, Inde et Royaume-Uni) ont couvert en 2009 la
publication du rapport de l’IPCC. Mathias Girel, maitre de conférence à l’Ecole Normale
Supérieure, a présenté, lui, ses recherches sur l’agnotologie, l’étude de la production de
l’ignorance. Il a expliqué pourquoi il est plus stratégique et efficace pour les
climatosceptiques d’instiller le doute sur la véracité du changement climatique et son
origine anthropique plutôt que de nier le phénomène.
JAMES PAINTER, DIRECTEUR DU REUTERS INSTITUTE POUR LES ETUDES DE
JOURNALISME
A l’occasion de la publication du rapport du GIEC en 2009, les télévisions des 6 pays
couverts par l’étude ont tous parlé du changement climatique en terme de crise et ont mis
l’accent sur les catastrophes telles que les sécheresses et les inondations. En revanche,
elles ont peu parlé des solutions pour lutter contre le changement climatique. Rien
d’étonnant : les télévisions ont besoin d’images fortes et de raconter des histoires dans un
temps très court ; les approches de type catastrophe sont donc plus attrayantes.
L’étude a permis de montrer que toutes les télévisions n’ont pas donné la même
importance au traitement des climatosceptiques et de la « pause » climatique (la faible
montée de la température mondiale depuis 1998). Ainsi, la BBC au Royaume-Uni et ABC en
Australie ont été les deux seules chaînes parmi les six à traiter de cette « pause »
climatique. Dans les quatre autres pays, il n’y en a eu qu’une brève mention dans le
Jornal