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JUNGE Traudl (1920 - 2002)
Dans la Tanière du Loup
Sur la terrasse du Berghof en 1943. 󳋡Assis de gauche à droite : Gerhard Engel,
Heinrich Hoffmann (derrière lui, Traudl Junge), Walter Hewel, Gerda Bormann (de dos).
Mémoires d’une secrétaire à l’épicentre d’un État criminel
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Une personne bien banale...
Traudl Junge, est née le 16 mars 1920 à Munich. Elle décède le 10 février 2002 dans la même
ville alors âgée de 82 ans. Mariée une première fois au printemps 1943 avec lObersturmführer1
Hans Junge mais celui-ci meurt à Dreux en 1944.󳋡 Traudl grandit dans une petite famille
classique Allemande. La mère est au foyer, le père travaille, trompe sa femme... Elle a une sœur,
Inge. Son père, Max Humps soutient en 1923 le putsch de Munich, comme de nombreux
Allemands désœuvrés à cette même époque. Il incorpore les rangs des nationaux-socialistes de la
première heure, puis de la SS2 elle même après la prise de pouvoir et la mise en place de
l’Allemagne nazie. Peut-on se demander si son père s’engage auprès d’Hitler par conviction ou
bien par simple opportunisme ou encore par inactivité ? Mais la n’est pas la question.󳋡La petite
Traudl Humps, nommée Gertraud grandit ainsi dans une famille sans grande histoire. Dans le
cadre religieux, il semble que la tradition catholique prend une place importante surtout après le
divorce de sa mère et l’établissement de cette dernière avec ses deux filles- chez son père, le
vieux général à la retraite, Maximilian Zottmann, un vieillard à relents « Bismarckiens »3.󳋡
Cependant, comment en venir au sein même du pouvoir, dans l’entourage, dans la sphère du
Führer ? Par hasard.󳋡Cette jeune fille, évolue dans cette nouvelle Allemagne. Comme de
nombreux Allemandes et Allemands, elle est bercée par la vague. Ce nouveau système politique
très en vogue en ce début de siècle qu’est le fascisme n’entre guère dans les convictions
personnelles de la petite Traudl. Bien qu’incorporée dans les jeunesses hitlériennes, Trauld rêve
de danse. Elle aime son uniforme, marcher au pas ; cadencée par les belles mélodies du peloton
du Bund Deutscher Mädel
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. Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle défile devant ces gens qu’on
traite de « sale rouge » mais ça lui plait. Sociologiquement parlant Traudl n’est certainement pas
1 Dans ce cadre, c’est un commandant de peloton à la Waffen-SS.
2 Schutzstaffel : escadron de protection.
3 Nombreux étaient les Allemands qui, lors de la montée du nazisme soutenaient encore le vieux maréchal
Hindenburg et étaient nostalgiques de la période passée, anéantie, de la glorieuse unité allemande, du Reich de
Bismarck.
4 Union des jeunes filles allemandes.
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fasciste ou encore xénophobe. Elle ne se soucis guère de cet Hitler, de la guerre. Son but, gagner
de l’argent pour danser... Toutefois, son destin -semblerait-il- va prendre une toute autre forme.
Entrant dans l’entourage du Führer, Traudl, comme nous le verrons par la suite, traverse de
nombreuses situations. Entre les longs diners, les moments d’ennui, les différentes rencontres
avec les hauts dignitaires nazis, comme Himmler, Hoffmann, Bormann, Linge... Traudl ne
cessera de les observer et de faire son travail de simple secrétaire, jusqu’à rédiger, notamment, le
testament de Goebbels -juste après celui de Hitler- avant son suicide. Elle devint l’incarnation de
ce qu’Hannah Arendt nommait la « banalité du mal ».
... Un récit original...
Le titre de l’œuvre de Junge est à analyser dans un premier temps. En effet, le titre originel n’est
absolument pas Dans la Tanière du Loup. Les confessions de la secrétaire d’Hitler. Il s’agit
d’une traduction de l’allemand par Janine Bourlois. L’édition originelle donne Bis Zur Letzten
Stunde. Hitlers Sekretärin erzählt ihr Leben. Quant aux mots la Tanière du Loup, en allemand,
l’on traduira cela par In die Wolfsschanze. Or la traduction du titre originel donne Jusqu’à la
dernière heure. La secrétaire d’Hitler raconte sa vie. Toutefois, cette traduction n’en reste pas
moins mauvaise et, est le choix du traducteur bien entendu respecté. Notons, tout de même, que
ce récit est (comme de nombreux textes traduits) plus intéressant à lire en allemand. Pour l’étude
présente, les deux versions furent misent en parallèles.
Junge consigne ses souvenirs qu’elle écrit entre 1947 et 1948 après sa libération des camps
soviétiques. Ce sont : « les souvenirs encore vif de ma vie à proximité immédiate d’Adolph Hitler
». Est-ce un discours sur la culpabilité ? Elle consent à les ressortir en 2001 et suite à un travail en
collaboration avec Melissa Müller (journaliste Australienne notable. Elle travailla notamment sur
une biographie d’Anne Frank), son témoignage sort une première fois en Allemagne en février
2002 au moment de sa mort... Ainsi publiée pour la première fois par Claassen Verlag, du groupe
Econ Ullstein List Verlag Gmbh & Co. KG, München, les éditions Jean-Claude Lattès pour la
traduction française publient en 2005 jusqu’en octobre 2007 pour les derniers tirages.
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Auprès du Loup...
Traudl présente un vision encore aujourd’hui qui peut porter à controverse de ce que fut Adolph
Hitler. Dès les premières pages, le lecteur ressent l’angoisse dans les mots. Elle fut secrétaire du
chef du Troisième Reich de 1942 à 1945, jusqu’à la dernière heure, d’où le titre originel. Le récit
se comporte en deux temps. Plongée au cœur de la « société » en orbite autour de son centre
culminant, le Führer, vivante mais obéissante à ses moindres faits, gestes et ambitions. Jusqu’à la
vieille de son suicide, ce dernier les poussa à croire en la Victoire finale, à l’utilisation « de
nouvelles armes », de la contre attaque... Toutefois, le château de carte est rapidement soufflé par
les « orgues de Staline »1. Traudl, elle même, malg son esprit candide finie par s’éveiller et
constate. Le 30 avril 1945, il semble que chacun renait, que chacun se rend compte de la finalité
de cette guerre ; « toute le société des survivants [du Führersbunker] y est rassemblée. D’un seul
coup, ils sont redevenus des individus qui agissent et pensent par eux mêmes »2...
1. Une vision candide
Le rapport avec la guerre et la violence semble loin de Junge. Elle nous présente certainement la
vision la plus décomplexée de l’Allemagne national-socialiste. On comprend rapidement son
rapport avec Hitler. Ce n’est pour elle pas plus qu’un patron, une personne sympathique,
paternelle même à certains instants. On retrouve les mêmes similitudes dans le récit de Rochus
Misch, J’étais garde du corps d’Hitler. Au travers de Traudl on semble être loin de la guerre, loin
de ce qu’elle peut entendre sur les bombardements soviétiques, loin des crises de colère, de rage
du Führer. On est au sein d’une grande famille, autour de son père fondateur. Loin de l’idéologie
violente et criminelle proliférée par Hitler, Himmler ou d’autre. Elle, elle écrit, dactylographie
des encouragements aux hommes à l’Est, envoie des récompenses pour faits d’armes etc. Jamais
vraiment rien de confidentiel.󳋡Notamment, elle est encore loin de se douter des déportations et
autres atrocités. Elle est auprès du Grand Patron qui ne cesse de l’appeler « mon enfant » en lui
serrant la main gentiment, lui demandant comme elle va, s’il elle n’a « pas trop froid3 ». Les
premières pages nous offre une figure candide du Führer. Elle le décrit comme un « monsieur
1 p. 247.
2 p. 259.
3 p. 65.
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souriant et délicat, à la voix douce et modulée »... qu’elle désapprouvera, bien tard en disant : « la
jeunesse n’est pas une excuse, on aurait du s’enquérir de certaines choses »... Et même quand les
doutes surgissent, quand elle en vient à réfléchir sur cet Himmler : « Je n’avais jamais côtoyé
[Himmler] d’aussi près cet homme puissant et redouté. Il m’était extrêmement antipathique et
hypocrite et non pas parce qu’il donnait l’impression d’être brutal [...] Il raconta combien les
camps de concentration étaient merveilleusement aménagés. « J’ai réparti mes gens tout à fais
individuellement pour le travail et avec cette méthode, je n’ai pas seulement une sécurité totale,
mais également de bonne performance, le calme et l’ordre... »1. C’est certainement la seule fois
elle entendit parler des camps de concentration. Quand la situation commença à se dégrader,
elle refusa de se poser plus de questions. Pourquoi ? Autant pour la loyauté immuable que
pouvaient avoir certains proches de Hitler ? Ou encore par simple confort pratique ? Il est bon par
cet écrit de voir le cœur de cette « société » comme elle le répète souvent. L’analyse de
l’évolution comportementale du Führer, celle des généraux - qu’il semble tant détester -, ou
encore celle du témoin lui même qui viendra à entendre les bombardements de l’Armée Rouge
aux porte de Berlin. L’évolution de cette « société » au cœur de la violence et de la sur-violence
est nette. Nous allons donc voir cela ; de la paisible Prusse-Orientale se trouve le
Wolfsschanze, en passant par les « magnifiques » montagnes bavaroises du Obersalzberg que
surplombe le Berghof, jusqu’aux tragiques instants du Führersbunker.
2. Vers la « Victoire Finale » ?
Les journées passent, défilent. Le printemps 1943 au Berghof semble apparaître comme un
tournant dans la vie de Traudl. Elle apprend, notamment la chute de Stalingrad2 et les nombreuses
défaites de la Luftwaffe en Europe de l’est. De plus, elle nous témoigne de plus en plus de la
paranoïa et de la mégalomanie montante mais pas encore à son zénith de Hitler3. La guerre reste
encore loin, bien que le bruit des sirènes antiaériennes peut se faire -de façon de plus en plus
récurrente- entendre. L’agitation atteint son paroxysme en 1944. « Le soleil brillait [au Berghof]
sur le paysage passible, on buvait, on riait, on aimait, et malgré tout, la nervosité augmentait de
1 p. 131.
2 Cela nous apprend la lourde défaite de la Wehrmacht et la reprise en main des armées soviétiques.
3 Elle fera bien plus référence de cela, surtout après l’attentat du 20 juillet 1944.
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