Échinococcose alvéolaire L’échinococcose alvéolaire est une anthropozoonose due à l’infection par la forme larvaire d’un cestode : Echinococcus multilocularis. Agent causal Ce ver adulte est un petit tænia de 1,2 à 4 mm, très semblable morphologiquement à Echinococcus granulosus. Le développement de ce cestode nécessite le passage chez deux hôtes successifs. Une seule et même espèce est responsable de la maladie. Épidémiologie Cette parasitose sévit dans les régions froides de l’hémisphère nord. Des foyers ont été identifiés en Alaska, au Japon, en Chine, dans la plupart de la Russie et de l’Asie centrale. En Europe, les principales zones sont situées au centre : Allemagne, Suisse, Autriche. En France, certaines régions sont plus particulièrement touchées : Alsace, Lorraine, Alpes et Auvergne. L’incidence annuelle dans les pays d’Europe atteint au maximum 0,74 pour 100 000 habitants. Un élargissement de la zone d’endémie a été observé en France avec le signalement de cas dans le Morvan, les Ardennes, l’Aveyron et la Bourgogne. Elle reste majoritairement une maladie du monde rural. L’homme peut s’infester indirectement en ingérant des œufs, par consommation de baies sauvages ou de crudités souillées par les déjections de renard, ou directement, par contact avec le pelage de l’animal souillé ou encore en manipulant des fourrures ou en dépeçant des renards. La transmission au nouveau-né n’est pas connue. Cycle évolutif L’hôte définitif, généralement un Canidae (le renard et le chien) ou un Felidae, héberge le cestode adulte dans son intestin grêle et élimine les œufs dans ses excréments. Les hôtes intermédiaires, habituellement des rongeurs (campagnols), se contaminent en ingérant les œufs et hébergent la forme larvaire du parasite dans le foie. Le renard se contamine en ingérant les viscères parasités de l’hôte intermédiaire. L’homme est un hôte intermédiaire accidentel et une impasse parasitaire : il ne joue aucun rôle dans la propagation du parasite et dans la contamination. L’hydatide chez l’homme est principalement localisée dans le foie. L’homme est assez peu réceptif. La larve d’Echino- coccus multilocularis, comme tout cestode, se développe selon un mode vésiculeux. Elle est composée de trois éléments : une enveloppe externe double (cuticule et membrane proligère), un contenu liquidien et des éléments germinatifs ; contrairement à Echinococcus granulosus, la larve n’a pas une cuticule continue, ce qui favorise un bourgeonnement périphérique et un envahissement de proche en proche de l’organe parasité. L’ensemble de la larve est donc très ramifié, avec un aspect polyvésiculaire. Le liquide hydatique est souvent en contact avec le parenchyme hépatique, qu’il nécrose. La réaction de défense au niveau du foie provoque une fibrose disséminée enserrant de façon discontinue les multiples vésicules. L’échinococcose alvéolaire est une maladie caractérisée par une évolution lente (5 à 10 ans, voire 15 ans après la contamination). Clinique Durant cette période d’invasion, les malades souffrent tout au plus de vagues douleurs épigastriques. Parasitose avant tout hépatique, d’allure pseudo-tumorale, le foie est gros, douloureux et irrégulier. L’ictère cholestatique est souvent le premier signe d’appel et s’accompagne de prurit. Une fièvre modérée, des douleurs abdominales et une altération de l’état général peuvent s’observer. Les complications majeures sont : métastases parasitaires des tissus voisins (poumons ou encéphale), rupture accidentelle du kyste, hypertension portale avec risque hémorragique. Diagnostic biologique Le diagnostic est maintenant plus aisé ; il associe les aspects en imagerie médicale (échographie, tomodensitométrie), qui révèlent des kystes très évocateurs, et les données biologiques. — Signes non spécifiques Ils montrent une élévation des transaminases, des gamma glutamyl transférases, des phosphatases alcalines et éventuellement de la bilirubine totale et conjuguée de manière inconstante. Dans 50 % des cas, il existe une hypergammaglobulinémie et une augmentation des IgE. L’hyperéosinophilie est très inconstante. — Sérologie Le diagnostic sérologique devra mettre en évidence les anticorps spécifiques et permettre un diagnostic différentiel entre échinococcose alvéolaire et échinococcose kystique. L’antigène d’ Echinococcus granulosus (liquide de kyste hydatique) a longtemps été utilisé pour effectuer le sérodiagnostic de l’échinococcose alvéolaire, en raison de nombreuses communautés antigéniques entre ces deux parasites. La tendance actuelle s’oriente vers l’utilisation de l’antigène homologue d’ Echinococcus multilocularis, qui permet un diagnostic plus sensible et plus spécifique. De nombreuses techniques sont proposées. Chacune étudie des types d’anticorps différents. Il est donc conseillé d’associer deux méthodes de dépistage différentes et de confirmer les réactions positives ou discordantes. • Techniques de dépistage – L’immunofluorescence utilise des antigènes figurés : coupes de foie de gerbille infectée par Echinococcus multilocularis ou coupes de scolex d’ Echinococcus granulosus obtenus à partir de sable hydatique provenant de kyste de chameau : le seuil de positivité est le 1/40. – L’hémagglutination passive utilise des hématies sensibilisées avec des antigènes solubles préparés à partir de liquides hydatiques d’Echinococcus granulosus. Elle n’est positive que dans 75 % des cas. Des réactions croisées sont observées avec les helminthiases provoquées par les vers plats (échinococcose kystique, distomatose, bilharzioses). Un titre égal ou supérieur à 1/320 est significatif. – L’électrosynérèse s’effectue sur membrane d’acétate de cellulose, en faisant migrer dans un champ électrique le sérum du patient et l’extrait soluble d’un antigène provenant d’un lyophilisat de sable hydatique de chameau. Cette technique ne permet pas la différenciation des deux espèces. Elles ne se positivent que dans 30 % des échinococcoses alvéolaires. – Des progrès considérables ont été obtenus avec l’Elisa utilisant différents types d’antigènes : extrait de liquide hydatique d’Echinococcus granulosus ou, mieux, antigène fractionné d’Echinococcus multilocularis : l’antigène Em2, qui a permis la réalisation d’un test spécifique et sensible. Cet antigène Em2 permet de diagnostiquer 95 à 100 % des échinococcoses alvéolaires. • Techniques de confirmation – L’immunoélectrophorèse permet la mise en évidence d’anticorps dirigés contre la fraction antigénique 5 spécifique du genre Echinococcus, confirmant le diagnostic. Mais cet arc 5 se retrouve seulement dans 30 % des patients porteurs d’Echinococcus multilocularis. De plus, cette technique est longue, de lecture délicate et sa sensibilité est inférieure à celle de l’immunoempreinte. – La technique de l’immunoempreinte a été appliquée à l’échinococcose alvéolaire. Les protéines des larves d’Echinococcus multilocularis sont séparées par électrophorèse sur gel de polyacrylamide et transférées sur membrane de nitrocellulose. Les sérums sont incubés avec les bandes de nitrocellulose et les anticorps spécifiques révélés par un conjugué anti-IgG humaines lié à la phosphatase alcaline. Les bandes spécifiques sont : 7, 16, 18, 26–28 kDa. La présence des bandes 7 kDa et/ou 26–28 kDa est spécifique du genre Echinococcus ; des profils spécifiques sont observés avec Echinococcus granulosus et Echinococcus multilocularis. Cette technique présente une sensibilité de 97 % pour le genre Echinococcus, de 98 % pour Echinococcus granulosus et de 96 % pour Echinococcus multilocularis. Son pouvoir discriminatif entre les deux espèces est de 70 %. Traitement Le pronostic s’est amélioré grâce à un diagnostic plus précoce. Le traitement de choix reste chirurgical. L’exérèse des formes larvaires par hépatectomie partielle n’est possible que lorsque le parasite n’occupe qu’une partie limitée du foie. La greffe de foie est le seul geste possible si le stade est trop avancé, mais elle reste exceptionnelle. Les traitements semblent stabiliser les lésions. L’albendazole (Eskazole®) est prescrit lorsque le patient est inopérable ou en cas de résections partielles, mais aussi après un traitement radical. Ce médicament ne doit pas être administré pendant la grossesse, car il est potentiellement tératogène et embryotoxique. La prévention individuelle consiste à éviter les contacts avec des hôtes définitifs : sauvages (renards, loups) ou domestiques (chien, chat). Le traitement des animaux domestiques par praziquantel peut être efficace. ☞ ( Échinococcose kystique Bronstein JA, Klotz F. Cestodoses larvaires. EMC – Maladies infectieuses 2005 ; 8-511-A-12, 18 p. Piarroux M, Bresson-Hadni S, Capek I, Knapp J, Watelet J, Dumortier J, Abergel A, Minello A, Gérard A, Beytout J, Piarroux R, Kantelip B, Delabrousse E, Vaillant V, Vuitton DA. Surveillance de l’échinococcose alvéolaire en France : bilan de cinq années d’enregistrement, 2001-2005. BEH – Bulletin épidémiologique hebdomadaire 2006 ; No 27-28 : 206-207.