STRATÉGIE NATIONALE POUR LA BIODIVERSITÉ
12 ONCFS - Rapport scientifi que 2007
1995, la proportion de femelles reproductrices
a été estimée en divisant le nombre de cabris
par le nombre de femelles vues lors de circuits
pédestres. Cet indice ne permet pas de prendre
en compte la structuration en âge du succès
de reproduction, et ne sera pas utilisé ici.
Comme chez la plupart des ongulés, du fait de
la difficulté majeure de capturer des cabris, il
reste une inconnue dans les paramètres démo-
graphiques : la survie juvénile. Ce paramètre a
été estimé par construction de modèles matri-
ciels de Leslie, en cherchant à caler le taux de
multiplication fourni par ces modèles avec celui
estimé à partir de la cinétique de la population.
Du biais des comptages…
Pour les espèces vivant en zone de montagne,
on considère généralement que les comptages
peuvent être fiables du fait de l’ouverture du
milieu qui rend les animaux facilement obser-
vables (contrairement à ce qui est maintenant
largement admis pour les espèces vivant en
milieu forestier, comme le cerf ou le chevreuil,
pour lesquelles des méthodes alternatives ont
été développées). Les comptages réalisés dans
notre zone d’étude montrent qu’il faut être
plus réservé. En effet, la proportion d’individus
marqués et vivants, qui a été observée lors de
chaque comptage est plutôt faible (jamais plus
de 60 %), et surtout très variable d’une année à
l’autre (elle a varié entre 3 et 60 %, tableau 1).
Ces résultats appellent donc à la prudence
quant à la fiabilité des comptages, même en
zone de montagne, et même sur une espèce
peu farouche et facilement observable.
Une stabilisation numérique
La population a montré une croissance expo-
nentielle après son introduction : elle est
passée de 20 animaux en 1983 à près de
400 en 1994, avec un taux de multiplication
annuel (λ) de l’ordre de 1,28, un des plus forts
connus pour une population d’ongulé mono-
toque (1) vivant en milieu naturel. En 2006 et
2007, la population a été estimée respec-
tivement à 1 030 et 1 070 individus. Nous
n’avons malheureusement pas d’information
sur la cinétique de la population entre 1994
et 2006. Si la croissance de la population a
été linéaire entre 1994 et 2007 alors le taux
de multiplication sur ces 13 années a été de
(1 070/400)1/13 = 1,08. Il est fort probable
que la diminution de λ ait été progressive.
Les performances biométriques des mâles
ont chuté à partir de 1997. Si la croissance
exponentielle de la population s’est poursuivie
jusqu’en 1997, le taux de multiplication entre
1997 et 2007 serait alors égal à 1,03. Quoi-
qu’il en soit, comme attendu, la croissance de
la population a fortement diminué, après une
phase de forte croissance (figure 1).
Notre étude vise à comprendre quels sont les
paramètres démographiques responsables de
cette stabilisation de la population, en estimant
la survie et la fécondité, et en analysant des
modèles matriciels de Leslie. Comme c’est
encore classique dans ce type d’études matri-
cielles, nous nous focaliserons par la suite sur
la partie « femelle » de la population.
(1) qui produit en moyenne un seul jeune par an.
Une survie adulte stable
La survie des femelles présente un patron à
4 classes d’âge, classique pour les ongulés,
et est restée constante sur toute la période
de l’étude, indépendamment de l’âge. Elle
est remarquablement élevée entre 1 et 7 ans
(S1 an = 1, S2-7 ans = 0,99, S8-12 ans = 0,87 et
Figure 1 : Cinétique de la population de bouquetin des Alpes de Belledonne, établie à partir de
l’estimateur de Petersen-Lincoln calculé sur les données des comptages printaniers.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1 000
1 100
83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 06 07
année
N
= 1,28
λ
= 1,08
λ
99
Tableau 1 : Nombre d’animaux marqués vus
(m) et vivants (M) lors du comptage annuel de
bouquetin des Alpes dans la réserve de Belle-
donne, et % (m/M*100).
année m M %
1984 6 10 60
1985 5 10 50
1986 3 12 25
1987 5 21 24
1988 11 28 39
1989 9 34 26
1990 20 43 47
1991 23 50 46
1992 8 51 16
1993 2 72 3
1994 22 88 25
2006 102 281 36
2007 93 319 29