— 02 — Une nouvelle plante fourragère Le Trèfle jaune Notre flore agricole vient de s'enrichir d'une plante appelée à rendre de signalés services dans les pays d'élevage, et sur laquelle il est utile d'attirer l'attention des intéressés : c'est le Trèfle jaune. Ce nom vulgaire lui vient de la couleur de ses fleurs, par opposition aux trèfles rouge, blanc, violet, car s'il appartient comme ces derniers à la famille des Légumineuses ou Papilionacées, il ne rentre pas dans le même genre. La forme du calice, la disposition des étamines et surtout les feuilles non trifoliées l'éloignent des véritables trèfles. Les botanistes, à la suite de Linné, l'appellent Anthyllis vulneraria. Le nom générique Anthyllis dérive de deux mots grecs: anthos, fleur, et ionlos, poil, allusion a lapubescenceducalice; l'épithète de vulneraria qui a pour racine le mot latin vulnus, blessure, plaie, vient de ce que la plante fut autrefois employée en cataplasme comme résolutive. Ai-je besoin de dire que ce médicament est aujourd'hui complètement tombé en désuétude? Le Trèfle jaune est une espèce vivace présentant des • tiges en touffes étalées ou ascendantes plus ou moins pubescentes, longues de 2 à 4 décimètres ; des feuilles pennées, les radicales à foliole impaire très grande; des fleurs jaunes réunies en têtes globuleuses, entourées à la base de bractées (petites feuilles) digitées ; un calice d'un blanc jaunâtre, velu, à dents très inégales ; une gousse noirâtre, pédicellée, aplatie, contenant une seule graine. — 63 — Cette plante, spontanée chez nous et disséminée sur les sols arides et calcaires des environs d'Alençon, d'Argentan, du Perche et du Pays d'Auge, manque complètement sur Jes schistes et les grès du Bocage, par suite de l'absence de carbonate de chaux. On la considère comme un assez bon fourrage dans les prairies, mais sa culture est de date très récente. Il y a une dizaine d'années, un marchand de grains fit distribuer aux cultivateurs un prospectus pour recommander cette plante comme une nouveauté, dont il exagérait d'ailleurs les qualités; il adressa en même temps une lettre aux gardes champêtres pour les charger de vendre la graine avec de fortes remises. Le résultat fut heureux, et c'est de cette époque que date la culture de l'Anthyllide dans le Perche, le Pays d'Auge et la plaine de Séez. Je ne l'ai pas encore vue dans nos campagnes d'Alençon, On ne doit la cultiver que dans les terres sèches et de médiocre qualité, où la Luzerne et le Sainfoin ne réussiraient pas.. Quand les tiges sont élevées, on la fauche pour la donner en vert ou la convertir en foin, un peu gros mais d'assez bonne qualité. Les tiges presque pleines peuvent se conserver très longtemps à l'état de fourrage vert et sans perdre leurs feuilles même après la floraison. Les chevaux mangent le Trèfle jaune avec plaisir., mais il paraît surtout convenir aux moutons, et aux vaches chez lesquelles il augmente la production du lait. Semer au printemps comme la Luzerne et le Sainfoin; 15 à 20 kil. à l'hectare, du prix d'environ 2 fr. 50. L'Anthyllide est donc une ressource très précieuse pour les cultivateurs, quand le sol est de médiocre qualité, et - 6 4 - elle mérite d'être de plus en plus connue. Seulement il j lui faut toujours un peu de calcaire; elle prospère, il est vrai, sur les argiles à silex et les sables du Perche et du pays d'Auge, mais ces terrains, formés lors des modifications de la craie de Rouen, conservent toujours une certaine quantité de carbonate de chaux. Sur les formations siliceuses de la région Domfrontaise, mais seulement dans les endroits secs, car les sols humides lui sont absolument contraires, le Trèfle jaune n'aurait chance de réussir que si la terre était chaulée. On le fait avec succès sur les schistes du Pont d'Ouilly pour le Sainfoin et la Luzerne, pourquoi ne l'essaieraiton pas pour le Trèfle jaune? C'est une expérience facile et peu coûteuse sur un sujet des plus utiles. A.-L. LETACQ. Se figure-t-on ce que deviendrait l'homme, les hommes, l'âme humaine et les sociétés humaines, si la religion y était effectivement abolie, si la foi religieuse en disparaissait réellement? Je ne veux pas me répandre en complaintes morales et en pressentiments sinistres ; mais je n'hésite pas à affirmer qu'il n'y a point d'imagination qui puisse se représenter, avec une vérité suffisante, ce qui arriverait en nous et autour de nous, si la place qu'y tiennent les croyances chrétiennes se trouvait tout à coup vide, et leur empire anéanti. Personne ne saurait dire à quel degré d'abaissement et de dérèglement tomberait l'humanité. GUIZOT.