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1Même si l’on prenait au sérieux l’hypothèse controversée d’un déplacement des Solutréens vers
l’Amérique du Nord il y a quelque vingt mille ans, il n’aurait pu se produire que le long de la
banquise qui recouvrait l’Atlantique nord
CHAPITRE 1
L’OCÉAN MONDIAL
« La grenouille au fond de son puits
ne connaît pas l’océan »
Proverbe japonais
Habitués que nous sommes à une information omnidirectionnelle envahis-
sante, nous n’avons pas souvent une vision réaliste du peu de temps depuis lequel
l’humanité prend réellement en compte l’existence de l’Océan et ses interactions
dans la vie de tous les jours. Alors que l’humain marche sur le sol ferme depuis
quelque huit à dix millions d’années, il n’y a guère que cinq cents ans que nous
commençons à mesurer que, contrairement à ce que nous pensions et vivions
depuis toujours, nous ne sommes pas des terriens mais des îliens. De grands esprits
avaient certes perçu depuis des siècles que notre terre était une sphère mais, faute
de moyens de le prouver, on n’en tirait aucune leçon pratique et il est encore de
nombreux endroits où l’affirmation que la terre est plate ne troublerait pas grand
monde. Si tout un chacun quand il mettait le nez à la margelle de son puits ne
pouvait empêcher son imagination de s’envoler et parfois ses rêves de prendre
corps, ce fut très longtemps dans des mers fermées où seuls s’aventuraient, le long
des côtes le plus souvent, des marins audacieux ou inconscients 1tandis que la
majorité des populations répugnaient à affronter cet élément liquide qui faisait
peur et où elles plaçaient de multiples monstres et bien des horreurs de l’au-delà.
Cinq cents ans ! Ce n’est rien dans notre Histoire. Aussi n’en sommes-nous
qu’aux balbutiements en fait de connaissances, et par suite d’applications multi-
domaines à partir de cette immensité fluide qui nous entoure de toutes parts. Pour
les approcher, il faut successivement rappeler, sans y insister, ses caractéristiques
générales, et d’autre part, celles de « l’activité maritime » globale qu’il génère, car
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Figure 1 : L’Océan mondial
L’Océan mondial : 361 300 000 km2
Les océans
Atlantique 91 600 000 km2
Arctique 14 800 000 km2
Indien 76 100 000 km2
Pacifique 178 700 000 km2
Surface habitable par les hommes : 133 620 000 km2
(à laquelle il faut retrancher les montagnes et les déserts).
Principales mers
Arabo-persique 23 000 km2
Baltique 420 000 km2
Bengale 2 172 000 km2
Béring 2 300 000 km2
Caraïbes 2 750 000 km2
Chine méridionale 2 200 000 km2
Chine septentrionale 750 000 km2
Corail 4 007 000 km2
Japon 970 000 km2
Malaisie 8 142 000 km2
Méditerranée 2 500 000 km2
Noire 420 000 km2
Okhost 1 600 000 km2
Oman 3 680 000 km2
Philippines 5 720 000 km2
c’est en s’appuyant sur l’ensemble que l’on peut aborder ce que l’Océan apporte à
la formation, à la pensée et à la conduite des personnes comme des sociétés.
CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES 2
Les géographes aimant les classifications, les subdivisions, les exceptions… ont
l’habitude de désigner cinq ou six océans et de multiples mers, épicontinentales,
méditerranéennes, voire intérieures, n’ayant que peu ou pas de contact avec le
large. Cela est bon pour la facilité des études et des exposés, mais pour le marin et
de plus en plus pour le terrien, il n’est qu’un seul océan, l’Océan mondial. Il
entoure tout, il est la source et la fin de tout. Sans cet Océan, il n’y a pas de vie sur
Terre, car c’est lui qui donne cette température unique dans l’espace faisant, à
notre connaissance, la seule planète à être habitée.
PENSER L’OCÉAN AVEC MIDWAY
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Avec une surface de 361 millions de km2, soit 70,3 % de la surface du globe,
il représente un volume de 1,4 milliard de km3. Sa température varie de -1,7° à 30°
en surface et de -1° à 30° en profondeur suivant les lieux, contre une température
moyenne de 25° pour les terres émergées, avec une profondeur moyenne de 3 800
mètres contre 800 mètres d’altitude moyenne pour les terres.
L’Océan mondial est unique, très varié dans ses grands bassins – Pacifique,
Atlantique, Indien, calotte Arctique (cf. annexe 1 : Les grands bassins océa-
niques) –, et les cartes actuelles permettent de mieux voir quelle faible part phy-
sique il réserve aux hommes que nous sommes. Elles sont à l’opposé de celles qui
ont eu cours pendant longtemps où l’on se plaçait toujours au centre, générant de
considérables erreurs d’appréciation avec de désastreuses conséquences. L’Europe
fut particulièrement concernée par deux de ces grandes théories, celle de Mac
Kinder, le Britannique, opposant la terre et la mer dans un bipolarisme simplifica-
teur, et surtout celle de Haushoffer, l’Allemand, partageant le monde en quatre
zones verticales, dont l’influence ne fut pas négligeable dans les décisions condui-
sant à la deuxième guerre mondiale européenne. Nous sommes la Planète bleue,
sur laquelle une monade de plus de six milliards d’humains en augmentation pour
encore quarante à cinquante ans vit environnée par 70,3 % d’eaux marines répar-
ties entre cinq grandes îles 3et une myriade d’îles et d’îlots de toutes formes et
tailles, tandis qu’un continent « invivable », l’Antarctique, reste pour le moment
l’objet des seules observations et expérimentations scientifiques. Mais le plus sur-
prenant de l’Océan mondial, bien que l’on y pense rarement, ce sont ses eaux.
Nous n’avons pas encore véritablement percé le secret de sa présence formidable sur
la Terre, car aucune hypothèse sur son origine n’est vraiment satisfaisante. Il en est
de même de sa composition car elle comprend, en quantités infinitésimales, la tota-
lité des minéraux terrestres, en même temps qu’elle est un incroyable et immense
foyer de vie sous-marine, végétale et animale. Elle revêt aussi de nombreux aspects
négatifs : corrosion, stérilité, opacité, hostilité, humidité, dangers, humeurs… Mais
au-delà de ces définitions et de sa dimension horizontale largement développées
dans de multiples études, il est d’autres caractéristiques dont on se soucie relative-
ment peu et qui sont pourtant essentielles. Les poètes, y compris Saint-John Perse,
à l’exception de Jules Verne, ce magnifique poète de l’Aventure, sont rarement allés
en dessous de la surface de la mer à laquelle ils ont consacré l’essentiel de leur
talent ; mais l’Océan est bien plus complexe que cette seule dimension horizontale
quand bien même elle s’anime sous l’effet du vent et des marées.
CHAPITRE 1 : L’OCÉAN MONDIAL
13
2Ce paragraphe est un simple rappel, l’ouvrage Planète océane (ed. Choiseul, 2007) présentant de
nombreuses expertises sur toutes les questions posées par la mer aux hommes de notre temps.
3Sur près de deux cents pays représentés à l’ONU, seuls vingt-huit ne sont pas riverains de l’océan.
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Il est en effet, en premier lieu :
• Le plus vaste espace offert à la réflexion et à l’action des Terriens jusqu’à
l’irruption encore très limitée de l’Espace. C’est un espace à cinq dimensions, qui,
aux trois dimensions classiques – latitude, longitude, temps – ajoute profondeur
et altitude car il serait stupide de séparer air et mer et leurs formidables interac-
tions, ne serait-ce que pour les prédictions météorologiques qui en dépendent
directement. Si travailler en cinq dimensions est source de difficultés et parfois
d’impossibilités apparentes nécessitant une formation particulière, c’est aussi une
possibilité d’enrichissement considérable, exigeant des hommes de synthèse capa-
bles de saisir rapidement, parfois dans l’instant, ce qui est peut-être la caractéris-
tique la plus spectaculaire de l’Océan : son hétérogénéité qui touche toutes ses
composantes.
– Les masses d’eau de salinité et de température différentes mises à profit pour
la pêche comme pour les opérations sous-marines civiles et militaires.
Les courants eux-mêmes très divers, partagés entre les courants de surface qui
peuvent atteindre jusqu’à 15 nœuds et les courants de profondeur extrême-
ment lents plongeant jusqu’à 4 000 mètres en renouvelant l’ensemble des
eaux de l’océan.
Les marées, fluctuant au gré des vents, de la Lune, de la taille des bassins
océaniques, des fonds, etc., recouvrant ou découvrant des étendues parfois
considérables comme au Bangladesh, dévoilant ou cachant des récifs redou-
tables, de toutes formes et de toutes tailles, et posant de complexes questions
pour l’établissement de ports sur bien des côtes.
– Les planchers très divers dans leur composition comme dans leurs immer-
sions et dont la nature permet ou interdit des travaux de toutes sortes où
les limites sont très vite atteintes, quels que soient les progrès technolo-
giques. Ces planchers se renouvellent à partir des 65 000 kilomètres de
dorsales, qui les fabriquent en continu à des vitesses de l’ordre de quelques
centimètres par an allant vers les grandes fosses océaniques, et sont diffé-
rents suivant les lieux et les profondeurs.
Indépendamment des mouvements classiques des marées et des courants, il
est le siège de multiples phénomènes depuis la ou les mers du vent, les houles
de fond, les tsunamis, les seiches, les tourbillons, les raz-de-marée et tous ces
mouvements curieux, mal expliqués, baptisés de noms différents suivant les
pays au large desquels ils se produisent, avec des conséquences heureuses
(Gulf Stream) ou redoutables (El Nino) pas toujours bien comprises.
– Hétérogénéité des vitesses sur, sous et au-dessus de la surface, avec de multi-
ples applications et des difficultés non moins grandes pour en tirer le meil-
leur parti, ce que l’on fait aussi bien ici encore pour la pêche, les opérations
militaires, les études scientifiques…
PENSER L’OCÉAN AVEC MIDWAY
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Conditions acoustiques, magnétiques, électromagnétiques, très diverses sui-
vant les lieux, la météo, la nature des fonds, la profondeur, les courants…
– Hétérogénéité des côtes qui présentent tous les paysages nautiques imagina-
bles et dont les dessins ont été la source de la richesse ou de la pauvreté des
pays qui les portent, en facilitant ou non leur commerce aussi bien que leurs
frontières naturelles initialement et bien plus désormais, etc.
Tout est hétérogène dans les espaces océaniques et ces hétérogénéités se rebou-
clent en permanence, exigeant pour les traiter par la pensée et dans l’action, un
mouvement permanent dans l’information, son intelligence, la pensée et l’action.
Elles nécessitent une réponse globale évolutive au point que l’on peut dire que le
véritable « maître de la mer » sera celui capable de maîtriser et de dominer cette
hétérogénéité et non pas seulement celui qui en aura les moyens navals comme on
le concevait jusqu’à la fin du XXesiècle. Cette maîtrise des hétérogénéités habi-
tuelle au marin est désormais aussi indispensable à terre où elles ne cessent de se
multiplier pour de nombreuses raisons et nécessite les mêmes qualités chez ceux
qui ambitionnent d’y agir.
• Un espace constellé d’îles de toutes tailles isolées ou regroupées en archipels
au hasard des mouvements des plaques et des effets volcaniques. Sous toutes les
latitudes, elles offrent à celui qui les possède un quadruple avantage géostratégique,
géopolitique, géoéconomique et géoculturel. Elles peuvent être les points
d’accrochage d’un « filet » éventuel, permettant de multiples combinaisons dans
ces domaines, spécialement dans celui de la géostratégie et de la géoéconomie, les
paradis fiscaux l’ont compris depuis longtemps.
• Un considérable domaine d’inconnues de toute nature, les connaissances
étant limitées pratiquement à cinq cents mètres aujourd’hui avec de rares incur-
sions en profondeur à l’aide d’engins très sophistiqués. Cela permet d’imaginer les
multiples aventures que réserve l’Océan mondial, bien au-delà de tout ce que
l’Espace peut offrir pour le moment pour des raisons évidentes. Aventures com-
plexes et difficiles, que ce soit dans l’aquaculture de demain, l’exploitation des
fonds des bassins océaniques, bien que seule une partie du Pacifique soit pour le
moment favorisée de ce point de vue, la médecine et les diverses applications du
thermalisme marin, et d’une façon générale tous les domaines connus et à décou-
vrir. Cette connaissance à venir touche en particulier toutes les données de la vie
depuis son origine, avec la découverte récente de la chimiosynthèse, l’ensemble du
monde animal et végétal sous-marin d’une richesse encore largement inexplorée,
jusqu’aux sources futures éventuelles d’énergie.
• Un terrain à dangers multiples dus, d’abord aux éléments et à une hostilité de
nature à l’homme. Dangers visibles et invisibles, dangers découvrants, dangers des
courants, des marées et des tempêtes… Ces dangers sont exacerbés par le fait
qu’une fois en mer, il ne peut être question, sauf pour les navires côtiers, de ren-
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