influence de l`environnement sur la structure des communautes

Introduction
Le Laboratoire d'Ecologie Alpine
(LECA) de Grenoble est constitué de trois
équipes de recherche : l'équipe GPB (Génomique
des Populations et Biodiversité), l'équipe PEX
(Perturbations Environnementales et
Xénobiotiques) et l'équipe TDE (Traits
fonctionnels végétaux et Dynamique des
Écosystèmes alpins) j'ai travaillé. J'ai fondé
mon étude sur la relation entre biodiversité et
environnement. La biodiversité totale d'une
région (gamma) peut-être divisée en deux
composantes (Whittaker et al, 1972) : la diversité
α et la β. La diversité α est une mesure de
diversité intra communauté tandis que l'indice β
reflète une différence de diversité entre
communautés. Une communauté végétale est
une zone de composition homogène d'espèce. La
diversité utilisée dans les deux indices α et β peut
être de différentes natures : elle peut être définie
en terme de nombre d'espèces ou en termes de
fonctions. Ainsi on défini une biodiversité
spécifique ainsi qu'une fonctionnelle. La
biodiversité α spécifique est simplement le
nombre d'espèce et la β spécifique le turn-over
d'espèces entre communautés. Pour définir la
biodiversité en termes de fonctions on utilise les
traits fonctionnels. Un trait fonctionnel est une
caractéristique morphologique, physiologique ou
phénologique ayant un impact indirect sur la
fitness de la plante via ses effets sur sa
croissance, sa reproduction et sa survie (Violle et
al. 2007). Leur utilisation pourrait permettre de
mieux comprendre la structuration des
communautés végétales et en particulier leur lien
avec l'environnement (McGill et al, 2006). Dans
cette étude nous nous concentrerons sur deux
traits importants : la hauteur végétative maximale
qui reflète le pouvoir de développement de la
plante et le SLA (Specific Leave Area, qui vaut
la surface foliaire sur le poids sec foliaire) qui
quantifie l'allocation de surface à la
photosynthèse. Ce dernier trait différencie les
espèces dîtes « consommatrices d'énergie » et
les espèces plutôt « conservatrices ».
Quelle est la relation entre biodiversité et
environnement? En quoi cela peut il nous aider à
comprendre la structure des communautés?
Afin de répondre à ces questions , nous testons
la corrélation entre la diversité α spécifique
(=nombre d'espèces par communautés) /
fonctionnelle et l'environnement. Pour tester
l'effet de l'environnement sur la diversité β nous
testons la corrélation entre la dissimilarité
environnementale et spécifique des
communautés.
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INFLUENCE DE L'ENVIRONNEMENT SUR LA STRUCTURE DES
COMMUNAUTES VEGETALES EN MILIEU ALPIN
Le concept de biodiversité connait depuis quelques décennies un essor remarquable. De
nombreuses décompositions de ce concept sont venues enrichir notre compréhension de la
structure des communaustales. Ainsi on divise la biodiversité totale d'une région
(biodiversité gamma) en biodiversité inter communaus (béta) et intra communaus (alpha).
Ces indices peuvent s'exprimer en termes d'espèces ou en termes de fonctions biologiques.
Pour définir ces indices de biodiversi fonctionnelle, le concept de traits fonctionnels
(caractéristique morphologique, physiologique ou phénologique de la plante) est utilisé. Ici
nous testons si les divers types de biodiversité de la vallée de la Guisane (Alpes Françaises)
sont expliqués par les gradients environnementaux. Nous montrons effectivement que les
paramètres climatiques, topographiques et édaphiques jouent un rôle significatif sur ces
diversis. Par ailleurs il semble que la structuration à l'inrieur d'une communau dépende
des ressources limitantes du milieu (appartenant au gradient local) tandis que les différences
de richesse et de composition entre communaus sont expliqués par les gradients régionaux.
Mazel Florent
Matériels & Méthodes
Site d'étude et données de communautés
Notre site de recherche est localisé dans la vallée
de la Guisane qui relie Briançon au col du
Lautaret. Elle est orientée Sud-Est/Nord-Ouest et
s'étend sur près de 20 km. Les espèces végétales
présentent dans 107 communautés végétales
couvrant un fort gradient de milieu
(1296-2947m) ont été déterminées et leur
couverture au sol mesurée lors de l'été 2007 par
le botaniste Gilles Pellet (position latitude : entre
44°55 et 45°04, longitude : entre 6°22 et 6°38,
Figure 1). Ces communautés sont définies
comme une surface d'habitat homogène (i.e aire
maximale au delà de laquelle la diversité en
terme d'espèces n'augmente plus).
La couverture au sol suit une l'échelle à cinq
niveau (Braun-Blanquet et al, 1952) : 1: <10%;
2: 10-25%; 3: 25-50%; 4: 50-75%; 5: >75%. La
couverture représente la surface occupée une
hauteur donnée) par l'espèce dans la
communauté. La somme de toutes les
couvertures peut donc être supérieure à 100%
étant donné que toutes les espèces ne vivent pas
à la même hauteur. Au total 442 espèces ont été
répertoriées.
Choix des espèces à échantillonner
Dans cette étude nous avons utilisé la base de
données ANDROSACE du LECA qui regroupe
les traits fonctionnels d'une partie des espèces
répertoriées dans nos sites d'étude. Cependant
dans un souci de représentativité, une campagne
d'échantillonnage a été effectuée. En effet la
diversité fonctionnelle peut être estimée
convenablement si les traits fonctionnels sont
connus pour 80% de la biomasse de chaque
communautés (Garnier, E. et al. 2004, Grime, J.
P. 1998). Nous avons cherché les espèces pour
lesquelles les traits fonctionnels étaient inconnus
mais occupaient une part non négligeable de la
biomasse totale de chaque communauté. Ceci
nous a conduit à choisir et échantillonner en
juin-juillet 2008, 100 espèces végétales allant de
l'arbre à l'herbacée.
Relevés d'espèces
12 (pour les mesures de traits) et 20 individus
(pour les hauteurs) de chaque espèces ont été
échantillonnés le matin (entre 8h et 11h30) afin
de les préserver de la dessiccation. Les individus
sont conservés dans milieu frais, humide et
obscur jusqu'à leur étude. Par ailleurs, les
individus recueillis ou mesurés sont relativement
éloignés les uns des autres (afin d'éviter
d'échantillonner deux fois le même individu =
biais d'auto corrélation).
Mesure des traits
Différents traits fonctionnels ont été mesurés : le
SLA ('Spécific Leaf Area', surface spécifique des
feuilles) qui vaut le rapport de la surface foliaire
sur le poids sec de la feuille, le LDMC ('Leaf
dry matter content') qui représente la teneur en
matière sèche et la hauteur végétative et
d'inflorescence. La surface foliaire est calculée
grâce au logiciel MideBMP, les pourcentages
d'erreurs des mesures sont compris entre 0 et 5%.
La masse sèche est mesurée après 3 jours à 60°C.
Pour le détail de la mesure des traits, se reporter
à Cornelisen et al (2003). Nous n'utiliserons que
le SLA et la hauteur végétative dans
l'exploitation des données.
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Figure 1 : Orthophotographie de la vallée de
la Guisane et position des communautés
étudiées.
Les différentes communautés sont représentées
en couleur, les flèches indiquent l'orientation de
l'orthophotographie.
Vers
Briançon
Col du
Lautaret
Vers
Grenoble
Variables environnementales
Les variables environnementales proviennent de
différentes sources. Les données topographiques
sont extraites d'un modèle numérique de terrain
(MNT) de l'IGN à 50m de résolution. Les
données climatiques sont extraites du modèle
Aurhely de Météo France (1km*1km), désagrégé
à une résolution de 50m l'aide d'un modèle qui
utilise les paramètres topographiques pour
préciser les variations dans le carré de
1km*1km). Pour chaque cellule de 50m x 50m
on dispose donc d'une mesure de température, de
radiation, de pluviométrie, d'aridité (index
« Demartone »), de pente, de continentalité
(« Gams »), de positions topographiques
(« Positopo », grande catégories de positions
topographiques vues sous l'angle du
ruissellement : caractérisation des zones de
départ et d'arrivée d'eau), d'altitude, de pente et
d'orientation. On dispose également de variables
édaphiques : teneur en matière organique, pH,
teneur en limon, sable et argile, disponibilité en
eau pour la plante, saturation en eau (capacité du
terrain, quanti d'eau au delà de laquelle elle
n'est plus retenue par les sols), point de
flétrissement ( teneur en eau en deçà de laquelle
la plante flétrit).
Analyse statistique
L'analyse statistique est effectuée sur le logiciel
R (R Development Core Team (2008)).
(1)Réduction de la dimension des variables
environnementales:
Pour éviter tout problèmes de multi-colinéarité et
d'avoir trop de variables à expliquer, nous avons
tout d'abord utiliser une analyse en composante
principale (ACP, Rao 1964) qui permet de
simplifier un jeu de données environnementales.
Cette analyse extrait des axes simplifiés qui sont
en fait des combinaisons linéaires des variables
environnementales. On réduit ainsi la dimension
de l'espace des variables et on évite toute
colinéarité entre les variables (=les axes ne sont
pas corrélés entre eux = ils sont orthogonaux).
(2)Diversité α
La diversité α spécifique est mesurée par le
nombre d'espèces (richesse spécifique) dans
chaque communauté échantillonnée. La diversité
α fonctionnelle peut quant à elle être exprimée en
trois composantes complémentaires : la richesse,
la régularité et la divergence (Villéger et al.,
2008). Ces trois indices se servent de l'espace
composé par les traits fonctionnels. Chaque
espèce -ayant des valeurs particulières de trait-
est un point de l'espace. La richesse fonctionnelle
correspond au volume qu'occupe une
communauté dans cet espace. L'indice de
régularité mesure la régularité de la distribution
des espèces d'une même communauté (cet indice
diminue si la distance (dans l'hypervolume) entre
les espèces n'est pas régulière). Enfin, la
divergence considère la déviation des traits des
espèces vis à vis de la moyenne non pondérée de
la communauté (une divergence de 1 traduit le
fait que les espèces fortement abondantes sont
éloignées de cette moyenne).
Pour étudier comment les diversités α (spécifique
et fonctionnelle) répondent à l'environnement
(exprimé par les premiers axes de l'ACP), on
utilise une analyse de régression linéaire .
Différents modèles de complexité croissante ont
été testés (termes linéaires et polynomiaux de
degré 2).
Le calcul de ces mesures nécessite d'avoir
l'abondance relative de chaque espèce dans
chaque communauté, tandis que les données que
nous avons sont exprimées sous la forme d'un
indice. L'abondance relative est estimée par la
couverture relative. On calcule donc la part
relative de couverture pour chaque espèce (en
utilisant la moyenne des % que l'indice
regroupe). Pour tester la validité des résultats
découlant de ces mesures, nous avons créé une
fonction permettant d'attribuer à chaque espèce
un pourcentage (et non un indice non linéaire) de
couverture. On tire un pourcentage aléatoire
parmi ceux que l'indice regroupe. Pour chaque
matrice ainsi construite,on calcule les indices de
biodiversité, on teste les corrélations et on répète
l'expérience 250 fois. On évalue ainsi si la
distribution des est centré sur une valeur ou
alors est totalement dépendante du tirage.
La diversité β est estimée grâce à l'indice de
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Jaccard (Jaccard, 1901) qui est calculé entre deux
communautés. Il vaut simplement le rapport du
nombre d'espèces partagées entre les deux
communautés sur le nombre total d'espèces
retrouvées dans les deux communautés. Il ne
tient donc pas compte de l'abondance de chaque
espèces. On obtient donc une matrice de
dissimilarité ou la case (i,j) correspond à l'indice
de Jaccard entre les communautés i et j. On
construit le même type de matrice pour
l'environnement en utilisant la distance de Gower
(Legendre & Legendre 1998) entre les sites. Pour
cela on définit pour un axe une similitude entre
deux communautés A et B :
Sj = 1-( XAj - Xbj )/Rj
XAj est la valeur de la variable
environnementale j pour la parcelle A. Rj est
l'étendue de la variable j (= maximum
minimum). Sj est donc une similitude. On
effectue ensuite la moyenne de cette distance
pour toutes les variables. Il n'y a donc pas de
pondération selon l'importance de la variable.
Dans notre étude, nous utilisons les coordonnées
de l'ACP de chaque communautés comme
variable.
Pour étudier la corrélation entre les matrices de
dissimilarité, le test de Mantel (Legendre &
Legendre 1998) est utilisé. Il compare
simplement les deux matrices et calcule une p-
value en effectuant des randomisations des
matrices et en recalculant le r².
Résultats
ACP de l'environnement
L'analyse en composante principale a été
effectuée avec l'ensemble des variables
environnementales d'une part et l'ensemble des
données topographiques et climatiques d'autre
part. Les deux ACP montrent que trois axes (dans
les deux cas) peuvent refléter l'essentiel de la
variance environnementale (62% pour l'ACP
globale et 77% pour l'autre). Chaque axe possède
une corrélation avec les variables brutes
(données non présentées) : pour l'ACP
topographie/climat le premier axe représente en
fait un axe de température/altitude tandis que le
deuxième relève plutôt de la pente et de la
radiation. Le troisième axe représente quant à lui
un axe de continentalité. La deuxième ACP est
une généralisation de la première puisqu'on
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Figure 2 : Illustration de l'analyse en composantes principales.
A. ACP environnement global. B. ACP topographie/climat. Les graphiques possèdent les axes 1 et 2 de la
ACP (respectivement à l'horizontale et à la verticale). Les différentes données environnementales sont
représentées par des flèches dont l'orientation et la longueur dépendent de la corrélation avec les axes de l'
ACP .
A. B.
introduit les variables édaphiques. L'axe 1 est
principalement un gradient
d'altitude/température/précipitation mais aussi de
teneur en sable/argile. L'axe 2 est relié à la teneur
en matière organique du sol et au point de
flétrissement du terrain. Enfin le troisième axe
est surtout représentatif de la disponibilité en
eau. Dans tous les cas, les axes de la ACP sont
ordonnés par pourcentage de variabilité
expliquée décroissante.
Relation diversité α spécifique/environnement
Il apparaît que les trois gradients jouent un rôle
significatif et similaire sur la diversi α
spécifique (tableau1). La composante linéaire est
la seule significative. D'autre part les me tests
effectués sur les axes de l'ACP
climat/topographie font apparaître des pertes de
significativité (données non représentées). Ceci
permet de dire que les paramètres édaphiques
jouent un rôle déterminant dans la structuration
de la biodiversité α.
Ainsi le nombre d'espèces diminue avec la
température, la teneur en sable du sol et la
disponibilité en eau et surtout augmente avec la
teneur en matière organique du sol et le point de
flétrissement. Au final 27% de la variabilité
spécifique est expliquée par ces facteurs.
Test de la méthode des indices
Nous appliquons ici la répétition de calcul de
(cf. Matériels&Méthodes). A titre d'exemple, on
utilise la corrélation entre divergence
fonctionnelle et gradient température/%sable. Il
apparaît que le suit une loi normale. La
moyenne des a donc une valeur statistique
puisque la dispersion des valeurs de corrélations
n'est pas uniforme. La part explicative du jeu de
données n'est que peu dépendante de la méthode
de passage des indices à l'abondance. La
moyenne de l'intervalle des % de couverture
couvert par les indices a donc été utilisée pour
estimer l'abondance de chaque espèce dans
chaque communauté.
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Tableau 1 : Résultats de la régression linéaire entre le nombre d'espèce par communauté et
leurs coordonnées sur les axes de l'ACP complète.
Les deux modèles sont présentés comme « linéaire » et « polynomial ». Chaque gradient est
testé, la tendance pour le modèle linéaire représente le signe du coefficient directeur de la droite.
Dans le modèle polynomial, la tendance « lin » signifie que la composante linéaire est la seule
significative dans le modèle. Les P-value sont calculée à partir du test des r² par rapport à 0.
tendance r² P-value
Axe1: Temp/%sable (-) 0,06 <0,02
Axe2 : Mat-Orga/Fletrissement (+) 0,09 <0,01
Axe3 : Dispo-H2O (-) 0,070 <0,02
Axe1 : Temp/%sable lin(-) 0,08 <0,05
Axe2 : Mat-Orga/Fletrissement lin(+) 0,11 <0,01
Axe3 : Dispo-H2O lin(-) 0,08 <0,05
Modèle saturé 0,27 <0,01
réponse
linéaire
réponse
polynomiale
1 / 10 100%