s’interpénétrant le plus souvent ; impact de la
mondialisation, des alliances transfrontalières, de
l’intégration européenne, des organismes interna-
tionaux, etc. Tout ceci conduit à complexifier
l’analyse même si les trois séries de variables dites
des trois « I » (*) – les intérêts, les institutions et les
idées – continuent à guider la plupart des travaux
sur l’action publique.
Les auteurs présentent et interrogent les diverses
« écoles » et théories de l’action publique à partir
de deux questions transversales : qu’est-ce qu’une
politique publique ? Comment les politiques
publiques changent-elles ? Le choix qui a prévalu
est de présenter les modèles analytiques et théo-
riques les plus significatifs et de souligner, le cas
échéant, leurs limites. L’ouvrage est divisé en cinq
chapitres. Le premier, « Une sociologie politique
de l’action publique », retrace l’évolution des
approches et des méthodes d’analyses utilisées
depuis les années 1960. Dans les premiers
travaux, plusieurs paradigmes étaient mobilisés :
celui lié à une idéologie politique avec le modèle
de la lutte des classes ; celui utilisant un cadre
des outils économiques avec la théorie du choix
rationnel ; plus classiquement, la sociologie des
organisations, des mouvements sociaux ou encore
la sociohistoire ont été mobilisés. Historiquement,
les travaux sur les politiques publiques ont
cherché l’articulation entre les régulations sociales
et politiques, et questionné la légitimité des
acteurs qui interviennent. Ils ont utilisé des métho-
dologies variées, des traitements statistiques aux
carnets et outils de gestion divers. Ces travaux se
caractérisent ainsi par « une observation précise
des programmes et des bureaucraties en action ;
une approche sectorielle ; une analyse fine des
acteurs et des systèmes d’action ; une approche
en termes de séquence, chacune étant un espace
d’action spécifique […] ;une tension entre des
travaux empiriques et la conceptualisation de
modèles […]. » (p. 12-13) Depuis, les auteurs
identifient trois ruptures dans les analyses :
•l’impact du volontarisme politique, notamment
celui de l’homme politique, a été relativisé ;
•l’unicité et l’impartialité de l’État ont été remises
en cause ;
•la prise de conscience de l’intérêt à considérer
ce qui se passe en amont et en aval d’une
décision.
Le deuxième chapitre s’intéresse plus spécifique-
ment aux analyses de mises en œuvre des poli-
tiques publiques, longtemps dominantes dans la
discipline. Les auteurs souhaitent montrer comment
on est passé d’analyses qui ont eu tendance à se
focaliser sur les échecs des politiques publiques,
leur ineffectivité et leur inefficacité à des analyses
portant sur la compréhension de leur mise en
œuvre. Cette dernière était avant tout une
question politique qui se posait aux gouverne-
ments et très tôt les sciences sociales ont été mobi-
lisées pour tenter d’expliquer ces échecs. Aux
États-Unis, on a fait prévaloir des explications
basées sur la rationalité économique qui sont
reprises aujourd’hui par l’école du Public choice,
encore dominante aux États-Unis ; elle influence
la Banque mondiale et l’OCDE, qui se propose
«d’orienter l’action publique sur la base d’un
"optimum minimum", c’est-à-dire vers des inter-
ventions publiques maximisant leur efficience en
réduisant leurs compétences aux seules correc-
tions des imperfections du marché » (p. 31). En
France prédomine, depuis les années 1960, un
courant de sociologie administrative porté par
Michel Crozier, réalisant des travaux empiriques
qui ont permis de souligner les espaces d’auto-
nomie des différents acteurs. Analyser la mise en
œuvre des politiques publiques ne consiste pas
à mesurer des résultats mais bien à tenter de
comprendre « la production de systèmes d’ordre
locaux d’action publique […] pour composer une
action publique nationale » (p. 34). Ces analyses
ont permis de montrer comment la puissance
publique est confrontée aux stratégies autonomes
de ses agents (administrations et collectivités
locales) qui développent des pouvoirs discrétion-
naires. La principale difficulté est de bien saisir les
systèmes d’acteurs et leurs interrelations alors même
que les niveaux de compétence se sont complexi-
fiés (national, régional, local, européen) et qu’ils
cumulent plusieurs compétences (décideur, finan-
ceur, évaluateur, etc.). Elles ont également permis
de montrer comment l’action des bénéficiaires des
politiques peut devenir structurante. À cet égard,
l’exemple du revenu minimum d’insertion est
éclairant. Destiné à fournir un minimum vital aux
plus pauvres, le dispositif a connu des difficultés
pour atteindre sa cible ; en effet, les « plus pauvres »
avaient bien du mal à répondre à l’ensemble des
exigences administratives tandis que des publics
« non ciblés au départ » répondaient aux critères
(agriculteurs, étudiants…).
Le troisième chapitre déplace l’analyse aux
sommets de l’État et au rôle joué par les élites et
les hommes politiques. Des travaux anglo-saxons
ont proposé d’analyser le résultat d’une politique
publique comme l’agrégation d’interactions de
décisions individuelles. Ainsi, l’école du choix
rationnel utilise des formes de raisonnement des
économistes appliquées aux sciences politiques.
Le postulat de ces microanalyses est de considérer
les politiques publiques comme le résultat de
choix d’individus égoïstes dont les décisions sont
Recherches et Prévisions n° 93 - septembre 2008
126 Comptes rendus de lectures
(*) Hall P., 1997, The role of interests, institutions and ideas in the comparative political economy of the indutrialized nations,
in CCoommppaarraattiivveePPoolliittiiccss,,RRaattiioonnaalliittyy,,CCuullttuurreeaannssSSttrruuccttuurree(sous la dir. de Lichbak M. I. et Zuckerman A. S,), Cambridge,
Cambridge University Press.