Partie 2 . Stratégies d’entreprises et politique de concurrence dans une économie globalisée ________ 1 Chapitre 1. dans quelles circonstances les entreprises exercent-elles un pouvoir de marché ? _____________ 1 A. B. La pluralité des situations de marché_______________________________________________________________ 1 Pouvoir de marché et barrières à l’entrée ___________________________________________________________ 4 B1. L’entreprise sur le marché concurrentiel __________________________________________________________ 4 B2. La stratégie de concentration ___________________________________________________________________ 6 B3. Les barrières à l’entrée ________________________________________________________________________ 9 C. Le monopole discriminant ______________________________________________________________________ 12 PARTIE 2 . STRATEGIES D’ENTREPRISES ET POLITIQU E DE CONCURRENCE DAN S UNE ECONOMIE GLOBALISEE CHAPITRE 1. DANS QUELLES CIRCONSTANCES LES ENTREPRISES E XERCENT-ELLES UN POUVOIR DE MARCHE ? A. LA PLURALITE DES SIT UATIONS DE MARCHE Stackleberg fait une classification des marchés en fonction du nombre d’offreurs et de demandeurs : Demandeur (acheteur) Offreur (vendeur) Un Quelques Nombreux Un Monopole bilatéral Monopsone contrarié Monopsone Quelques Monopole contrarié Oligopole bilatéral Oligopsone Nombreux Monopole Oligopole CPP La définition d'un régime de concurrence pure et parfaite repose sur les cinq hypothèses suivantes : L’atomicité de l’offre et de la demande : le prix de vente d'équilibre et la quantité Jacques Ghiloni 1 totale du produit échangée sur le marché résultant de la rencontre entre un grand nombre d'entreprises de petite taille et un grand nombre de demandeurs. L'offre d'une entreprise ne représente qu'une infime partie de l'offre totale du produit sur le marché et la demande d'un consommateur ne représente qu'une infime partie de la demande totale du produit sur le marché. Une seule entreprise (un seul consommateur) ne peut donc pas modifier l'équilibre du marché en modifiant son offre (sa demande). L'homogénéité du produit échangé sur le marché : toutes les entreprises offrant le même produit, les demandes individuelles s'adressent indifféremment à l'une ou à l'autre des entreprises présentes sur le marché. L'information parfaite des producteurs et des consommateurs sur le prix de vente et les quantités demandées et offertes du produit. La liberté, pour les offreurs et les demandeurs, d'entrer sur le marché et d’en sortir. La libre circulation des facteurs de production entre les entreprises produisant des produits différents. Dans la réalité il est très rare que les 5 conditions soient réalisées : les agents peuvent parfois influencer les prix (ententes, grandes entreprises…), l’homogénéité du produit n’est pas vérifiée (marques, produits différenciés…), l’accès au marché est parfois réservé (à des clients, à des entreprises, lois), les facteurs de production ne sont pas toujours libres de se déplacer, enfin l’information n’est pas toujours parfaite. Jacques Ghiloni 2 On voit que pour l’oligopole et le monopole il y a une capacité forte à influencer le prix. On parle alors de « faiseur de prix ». Précisons l’origine de certains marchés imparfaits. Les conditions techniques de production particulières Ces conditions techniques particulières vont expliquer l’existence durable de monopoles. On parle d'un monopole naturel quand une entreprise seule peut fournir un bien ou service au marché à un coût inférieur à celui auquel plusieurs entreprises pourraient fournir le même bien ou service. Cette situation se rencontre généralement en présence d'économies d'échelle (ou rendements croissants). La distribution d'eau, les voies de chemin de fer, lignes électriques… constituent des exemples classiques de monopoles naturels. Par exemple, pour alimenter en eau courante tous les habitants d'une ville, l'entreprise chargée de la distribution doit construire un réseau de canalisations souterraines qui couvre toute la ville. Si plusieurs entreprises devaient se faire concurrence dans ce service, elles devraient toutes supporter le coût fixe de la construction du réseau nécessaire. Le coût moyen de l'eau distribuée est donc inférieur si une entreprise unique alimente tout le monde. La différenciation des produits La différenciation des produits est une stratégie des entreprises qui leur permet de contourner les inconvénients de la concurrence portant sur les prix tout en répondant aux attentes des consommateurs. Elle consiste à se démarquer des autres firmes en offrant des produits légèrement différents, soit par leurs attributs, soit par leur qualité. La concurrence ne passe dans ce cas plus seulement par le biais des prix, mais prend en compte les préférences des consommateurs et la capacité d’une entreprise à s’y soumettre. La différenciation permet ainsi une concurrence dite hors prix. Il existe deux types de différenciation majeurs : — La différenciation horizontale (ou objective), qui correspond à une concurrence spatiale (concurrence entre hypermarchés avec la zone de chalandise, vendeurs de glace sur la plage…) et joue sur les préférences des consommateurs (dentifrices dents blanches, gencives sensibles, dents sensibles...) — La différenciation verticale (ou subjective), qui correspond à une concurrence de qualité (par exemple Clio et Laguna). Jacques Ghiloni 3 Le monopole légal Le monopole légal procède de l'intervention d'un organe règlementaire (État ou collectivité) qui restreint la concurrence sur un marché donné afin d'atteindre un objectif donné (aménagement du territoire, bien stratégique...). Le monopole légal peut prendre la forme d'une licence d'exploitation exclusive accordée à un agent privé ou celle d'un monopole public, opéré par la collectivité elle-même. Voir par exemple la Française des jeux, et pendant longtemps EDF, SNCF, La Poste… B. POUVOIR DE MARCHE ET BARRIERES A L’ENTREE B1. L’ENTREPRISE SUR LE MARCHE CONCURRENTIEL Ainsi que le résument Mankiw et Taylor (Principes de l’économie, De Boeck, 2011), comme une firme concurrentielle est preneuse de prix, sa recette est proportionnelle à son niveau de production. Le prix du bien est égal à la fois à la recette moyenne et à la recette marginale de la firme. Afin de maximiser son profit, une firme choisit la quantité à produire telle que sa recette marginale est égale à son coût marginal. Comme la recette marginale d’une firme concurrentielle est égale au prix du marché, la firme choisit les quantités telles que le prix est égal au coût marginal. Ainsi la courbe de coût marginal est également la courbe d’offre de la firme. Jacques Ghiloni 4 On voit sur la figure 6 que la quantité des biens produite et mise sur le marché est égale à la somme des quantités offertes par chacune des entreprises individuelles (qui sont dans cet exemple 1000 sur le marché). Dans le court terme, une augmentation de la demande pousse les prix à la hausse et crée des profits, alors qu’une baisse de la demande entraîne une baisse des prix et donc des pertes. Par contre, si les firmes peuvent sortir et entrer librement sur le marché, dans le long terme le nombre de firmes s’ajuste afin de rétablir l’équilibre sur le marché. Jacques Ghiloni 5 B2. LA STRATEGIE DE CONCENTRATION Les entreprises privées cherchent à la fois à augmenter leurs profits et à accroître leur taille. Pour augmenter leurs profits, les entreprises essaient de diminuer leurs coûts. Elles peuvent baisser ces coûts par des économies d’échelle, en augmentant la taille de l’entreprise, et/ou bien en abaissant le montant des coûts fixes. Les entreprises sont soumises à de nombreuses contraintes et incertitudes. Par conséquent elles ont intérêt à augmenter leur taille pour plusieurs raisons : • Une entreprise de taille importante possède des moyens financiers et matériels qui lui permettent d'améliorer la qualité de son travail par des investissements divers (recherche, marketing, formation...). • Pour pénétrer un marché, s'y imposer ou s'y maintenir, une entreprise doit avoir une taille minimale suffisante, appelée « taille critique », ou « masse critique ». Ainsi, il lui faut franchir certains seuils (financiers, techniques, commerciaux, humains), afin d'exister sur le marché considéré. • La nécessité de réduire les coûts des produits est déterminante dans la croissance des entreprises. Les économies d'échelle qu'elles peuvent mettre en œuvre rendent leurs produits plus compétitifs et leur permettent de faire des bénéfices qui peuvent assurer le financement des investissements productifs. • Enfin, d'un point de vue plus général, la taille conséquente d'une entreprise facilite ses rapports professionnels, tant avec les banquiers qu'avec les fournisseurs, les pouvoirs publics, ou encore les clients, car elle bénéficie d'un pouvoir de négociation plus important. Jacques Ghiloni 6 Les entreprises ont 2 modalités de croissance : - La croissance interne : la croissance interne se réalise par l'adjonction de moyens complémentaires obtenus grâce aux ressources propres de la firme, par la formation brute de capital fixe (bâtiments, ateliers, bureaux, machines supplémentaires). - La croissance externe : la croissance externe est un processus discontinu et exogène de regroupement des ressources et activités de deux ou plusieurs firmes : regroupements d'entreprises concurrentes augmentent leur pouvoir de marché et permettent d'abaisser les couts unitaires, association de firmes complémentaires est motivée par la recherche d'effets de synergie en matière d'approvisionnement, de production ou de distribution, union d'entreprises appartenant à une même filière. C’est l’augmentation de la taille de l’entreprise obtenue par la prise de contrôle d’une entreprise déjà existante (fusion, absorption, filialisation). La croissance externe conduit à la concentration économique. Il existe 3 types de concentration : Jacques Ghiloni 7 l'intégration horizontale (ou concentration horizontale) consiste pour une entreprise à étendre son réseau, en acquérant des activités économiques au même niveau de la chaîne de valeur (filière) que ses produits. Les acquisitions d'activités économiques peuvent être : des entreprises concurrentes, avec pour conséquence de diminuer la concurrence ; des activités commercialisant des produits similaires, avec l'objectif de se diversifier ; des activités commercialisant des produits de substitution, ce qui diminue la menace des produits de substitution. Le but de la concentration horizontale est de répartir les coûts sur une plus grande quantité de produits. Il peut aussi y avoir un objectif moins avouable qui est de réduire la concurrence. Exemples : Mittal/Arcelor, Renault/Nissan. En janvier 2008, le groupe français Vivendi (SFR, Vivendi Game…) a finalisé le rachat de deux concurrents de ses filiales : Activision dans les jeux vidéo et Neuf Cegetel dans la téléphonie. En 2005 Pernod Ricard n° 3 mondial rachète Allied Domecq numéro n° 2 (whisky Ballantine's, le gin Beefeater, la liqueur Kahlua et le rhum Malibu, champagnes (Mumm et Perrier Jouët), 2010 : Volvo par le chinois Geely, la prise de contrôle d’Areva par Alsthom, Société Marseillaise de Crédit par le Crédit du Nord… la concentration verticale : La concentration verticale : regroupe des entreprises qui sont complémentaires et clientes : l’une fournit à l’autre les matières premières ou produits semi-finis dont elle a besoin. Avantages économiques : maîtrise d’un cycle de production, possibilité d’accumuler les profits tout au long de la production en se vendant à soi-même les biens intermédiaires (prix de cession interne). On distingue la concentration verticale amont : l’entreprise prend le contrôle de ses fournisseurs. Maîtrise des approvisionnements, possibilité de contrôler ses coûts de production, ses livraisons, la nature exacte des composants entrant dans son activité. Verticale aval : l’entreprise prend le contrôle d’une entreprise cliente. Avantages économiques : maîtrise de sa distribution, possibilité d’améliorer la promotion de ses produits, cumul des valeurs ajoutées, élargissement de ses débouchés en contrôlant la distribution des concurrents. Exemples : Google qui achète DoubleClick en 2007. Hachette Livre (Lagardère) : le groupe possède près de 40 % de l'édition française (ses « marques » littéraires sont Fayard, Grasset, Calmann-Lévy, JC Lattès, Stock, Le Livre de poche…). Il dispose du principal réseau de diffusion et distribution de l'édition en France, et de 3 800 magasins de loisirs culturels dans le monde (deuxième libraire de France avec les enseignes Virgin, Payot, Le Furet du Nord…) il a le monopole de la diffusion en gare (Relay) et depuis fin 2005 des 350 kiosques parisiens... Jacques Ghiloni 8 La concentration conglomérale : une série d’entreprises sont regroupées sans liens économiques apparents. Avantages économiques : la diversification des risques, la recherche d’un ensemble formé d’entreprises à taux de profit élevé, qui diversifient les risques encourus en assurant une rentabilité moyenne élevée chaque année. À l’époque où la surface financière et la capacité de financement sont décisives, et surtout les reconversions indispensables, le conglomérat présente des avantages. Exemples Bouygues, Vivendi (Universal Music Group, Groupe Canal+, SFR, Vivendi Games). B3. LES BARRIERES A L’ENTREE Le pouvoir de marché d’une entreprise n’est pas seulement contraint par la concurrence des entreprises présentes sur le marché, mais aussi par la concurrence potentielle d’entreprises qui peuvent entrer sur le marché. Les possibilités d’entrée sur un marché renvoient à l’importance des barrières à l’entrée, c'est-à-dire aux coûts que doit supporter une entreprise pour s’installer sur un marché. Plus ces coûts sont élevés et moins les entreprises en place sont menacées par l’entrée de nouveaux concurrents. Ces coûts d’entrée constituent aussi des coûts de sortie, car ils correspondent généralement à des coûts irrécupérables (sunk costs), c'est-à-dire qu’ils sont perdus si l’entreprise décide de sortir du marché. Les conditions constitutives des barrières à l’entrée peuvent être de nature structurelle ou stratégique. Les barrières structurelles ont plus à voir avec la situation de base d’un secteur comme les coûts et la demande, qu’avec la tactique menée par des entreprises en place. Des facteurs tels que les économies d’échelle et les effets de réseau peuvent expliquer l’existence de telles barrières. Il est parfois possible de quantifier les barrières de ce type, car on sait d’avance combien coûtera la construction d’une installation efficiente ou l’achat des facteurs de production nécessaires. En revanche, les barrières stratégiques sont créées ou renforcées délibérément par les entreprises en place sur le marché, éventuellement dans une optique de dissuasion. Les entreprises en place peuvent ainsi accroitre de manière artificielle les barrières à l’entrée par exemple : • une multiplication des variétés ou des marques afin de couvrir tout le marché et de ne laisser aucune niche profitable pour les entrants. • un surinvestissement en publicité pour accroître les dépenses publicitaires que devront consentir les entrants. • une multiplication des dépôts de brevets pour pouvoir ensuite réclamer des redevances aux entrants qui utiliseront les technologies brevetés ou pour les empêcher d’accéder à ces technologies. Jacques Ghiloni 9 • un contrôle des fournisseurs ou des sources d’approvisionnement et des clients, soit en les intégrant, soit en signant avec eux des contrats exclusifs. Il s’agit d’une stratégie de forclusion dont l’objectif est d’augmenter le coût des concurrents existants ou potentiels. Les brevets, les droits d’auteur. Lorsque Microsoft a conçu Windows, elle a déposé des droits d’auteurs aux États-Unis et dans de nombreux pays dans le monde. Ces droits exclusifs permettent à Microsoft d’éditer et de vendre des copies de Windows. Le système de Microsoft étant utilisé dans plus de 90 % des PC dans le monde, on peut dire que Microsoft dispose d’un quasi-monopole sur le marché. Elle n’est plus alors dans une situation de price taker (preneuse de prix), mais plutôt dans celle de price maker (faiseuse de prix). Ainsi le prix de marché de Windows dépasse de nombreuses fois son coût marginal. L'innovation, la découverte de nouveaux procédés technologiques créent pour l'entreprise qui en est l'auteur une situation provisoire de monopole, justifiée par la prise de risque et les dépenses engagées. Cette situation de monopole va disparaître au fur et à mesure que l'innovation ou la découverte seront imitées par d'autres entreprises. Les brevets et les droits d’auteurs montrent comment les gouvernements créent un monopole afin de servir l’intérêt public. Quand une firme pharmaceutique découvre un nouveau médicament, elle dépose un brevet qui est accepté par l’État si celui-ci reconnaît sa nouveauté. Jacques Ghiloni 10 La différenciation des produits La présence de rendements croissants ne permet pas à la petite entreprise d'être rentable. Si les coûts fixes sont élevés, le niveau de production pour lequel le coût moyen augmente est très élevé. Le coût marginal est alors inférieur au coût moyen. Si le prix de vente est égal au coût marginal, l'entreprise fait une perte. Dans certains secteurs d'activité, le coût moyen peut être toujours décroissant. C'est notamment le cas dans la production de logiciels. Les coûts de recherche et de mise au point du logiciel sont très élevés, mais le coût marginal est quasi nul. Le monopole peut dégager un profit même si le coût marginal est inférieur au coût moyen puisque le prix de vente est supérieur au coût marginal (à condition que le coût moyen ne soit pas supérieur au prix auquel les consommateurs sont prêts à acheter le bien). On parle de monopole naturel lorsqu’une firme unique est capable de fournir sur le marché un bien ou service à un coût inférieur à 2 ou plusieurs firmes. Ainsi des entrants potentiels savent qu’ils ne peuvent pas espérer atteindre des niveaux de coûts inférieurs au monopole. L'État peut créer des monopoles publics s'il estime que certains biens ou services (par exemple l'eau potable, l'électricité, le gaz...) doivent être fournis à la collectivité à des prix inférieurs à ceux pratiqués par un monopole privé. Dans ce cas, l'État dispose d'une marge de manœuvre pour fixer le prix de vente et le monopole public ne maximise pas son profit. Jacques Ghiloni 11 C. LE MONOPOLE DISCRIMINANT C1. CAS DU MONOPOLE SIMPLE Le monopole a la possibilité de fixer le prix de vente de son produit. Le monopole est price maker. Il ne peut cependant pas vendre à n'importe quel prix. S'il vend trop cher, il risque de ne trouver aucun acheteur. Le monopole est contraint par la demande. Le monopole est seul sur le marché et doit satisfaire la totalité de la demande. Comme la demande est une fonction décroissante du prix, plus le monopole produit, plus il doit baisser son prix de vente. Le monopole doit donc déterminer le niveau de production qui maximise son profit. C'est ce niveau de production qui va lui permettre de fixer le prix. Le monopoleur fixe simultanément les prix et les quantités pour « maximiser son profit ». Il le fera au point où sa recette marginale (Rm) égale son coût marginal (Cm). Mais la courbe de recette marginale ne s’identifie plus à la droite horizontale des prix comme dans le cas de la concurrence. C’est une courbe décroissante au-dessous de la courbe de demande (Recette moyenne). Pourquoi ? Parce qu’en concurrence pure et parfaite, la recette marginale pour une unité supplémentaire du bien était le prix du bien. Là elle est inférieure, car en produisant une unité de plus, le monopoleur fait baisser son prix. Les consommateurs perdent doublement : avec le monopoleur ils paient un prix supérieur et doivent se contenter d’une quantité inférieure. Le monopole produit moins à un prix plus élevé. Jacques Ghiloni 12 C2. LE CAS DU MONOPOLE DISCRIMINANT Le monopole peut aussi décider de vendre à des prix différents selon les caractéristiques de ses clients et ainsi pratiquer une discrimination par les prix. Cette stratégie de fixation des prix répond sans aucun doute à la volonté d'augmenter le profit. La discrimination des prix consiste à faire payer à deux consommateurs (ou plus) des prix différents pour des biens ou des services identiques. Seul un monopoleur peut discriminer, car, en concurrence, les autres offreurs contraindraient le prix du marché à s'égaliser avec le coût marginal. La discrimination, stratégie très courante aujourd'hui, doit être pratiquée pour des raisons autres que celles associées à des différences de coût. Pour que la discrimination soit possible, il faut deux conditions : • Le produit ne doit pas pouvoir être acheté sur le marché où le prix est le plus bas et être revendu sur celui où le prix est le plus élevé (ce que l’on appelle l’arbitrage); dans le cas contraire, le monopoleur ne pourrait plus vendre sur le marché où le prix est le plus élevé. Les marchés doivent donc être cloisonnés. On notera qu’avec le développement d’Internet il est parfois plus difficile pour le monopole de cloisonner, ainsi l’activité d’Amazon permet de dépasser les politiques de prix nationales en matière de CD, DVD, MP3… par les éditeurs. • Les clientèles (marchés) doivent avoir des élasticités prix différentes. Ces deux conditions expliquent pourquoi la discrimination est plus fréquente dans les services individualisables (médecine, cinémas, voyages, etc.) et dans les secteurs où le produit est très difficilement revendable (gaz, électricité, etc.). Le monopole discriminant peut aussi utiliser la technique des bons de réduction (journaux, magazines, logiciels) ainsi que les remises sur les quantités achetées Jacques Ghiloni 13 La discrimination parfaite (appelée discrimination du 1er degré) est réalisée lorsque, pour un même bien, le monopoleur fixe un prix différent pour chaque unité. Cette pratique concerne aussi bien la fixation de prix distincts pour différents consommateurs que la détermination de prix différents pour diverses unités vendues à un même consommateur. La courbe de demande D étant celle du marché d'un produit quelconque, le monopoleur fixe pour chaque client le prix maximum que celuici est prêt à payer, ce prix est appelé prix de réservation. De ce fait, la fonction de demande (RM) à la firme devient la recette marginale Rm puisque, dans ce cas, la recette tirée d'une unité supplémentaire est égale au prix. La production ou vente optimale est donnée au point E : elle est identique à celle de concurrence parfaite. La recette totale de la firme est OAEQ, le coût total est OGFQ et le profit total est la surface AEFG. Le monopoleur qui pratique une discrimination parfaite ne laisse subsister aucun surplus du consommateur. Celui-ci, qui est APE au prix d'équilibre concurrentiel, est entièrement approprié par le monopoleur. Lequel réalise un profit supplémentaire de PEFG. Le monopole peut segmenter son marché en fonction de profils différents d’acheteurs (âge, sexe, statut : étudiant/personne âgée/..., localisation, circuit de distribution : grande surface/petit commerce/distributeur automatique). Il connaît Jacques Ghiloni 14 les demandes totales (ou moyennes) des segments, mais il ne connaît pas les demandes des individus. Le monopole maximise son profit en fixant un prix adapté à chaque segment. C’est la forme la plus répandue de discrimination par les prix, celle du 3e degré (la discrimination du 2e degré correspondant aux réductions accordées pour les achats en grand nombre, le monopole fixant alors un barème pour les demandeurs). Supposons que le marché soit segmenté en 2 groupes de demandeurs en fonction de l’élasticité prix de leur demande. Le monopole va essayer de vendre ses produits en maximisant son revenu total, il va donc égaler le revenu marginal pour les 2 segments. La quantité totale vendue par le monopole = Q1 + Q2. Le revenu marginal pour chacun des segments = C. Le revenu total n’augmentera pas si une unité supplémentaire de bien est vendue dans un des 2 segments tandis qu’une unité de moins est vendue dans l’autre segment. On voit ici que le prix d’offre sur le segment 2 est supérieur à celui du segment 1. Le prix est donc d’autant plus élevé sur un segment de marché que l’élasticité prix de la demande est élevée. Ainsi, on justifie les tarifs réduits pour les étudiants dans les salles de sport, les cinémas… par la forte élasticité prix des loisirs pour les étudiants. Jacques Ghiloni 15