L’ARMÉE D’ITALIE
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acteurs des événements). Elle connut après 1945 une période d’éclipse, ponctuée,
il est vrai, de travaux qui font autorité. L’histoire de l’armée d’Italie de 1792 à
1797, objet de cette thèse, pro ta de ce regain d’intérêt.
À partir des années 1960, les travaux savants sur la société militaire à l’époque
moderne furent marqués par un important renouvellement, grâce à l’œuvre
d’André Corvisier sur l’armée royale au e siècle 5 . D’autres recherches portè-
rent sur le con it né de la déclaration de guerre au roi de Bohême et de Hongrie
(20 avril 1792). Par son ampleur et par les moyens jusque-là inédits mis en œuvre
par la France révolutionnaire, il pouvait être considéré par certains spécialistes
comme une guerre absolue 6 voire une guerre totale 7 . La monarchie triomphante
de Richelieu
8 au Roi Soleil 9 avait fondé sa puissance sur le développement d’une
machine de guerre considérable qui n’atteignit jamais le degré de mobilisation
obtenu plus tard par le gouvernement révolutionnaire 10. En 1978, la thèse de
La première édition traduite en français date de 1899 à un moment où de nombreux travaux sur la campagne
de Bonaparte paraissent en France : Carl C, La campagne de 1796 en Italie, L. Boudoin,
1899. La réédition la plus récente date de 1999. Carl C, La campagne de 1796 en Italie,
trad. de l’allemand par Jean Colin (un général français, spécialiste de la stratégie napoléonienne), Der Feldzug
von 1796 in Italien, Paris, Pocket, 1999, XIV-307 p.
5. André C , L’Armée française : de la n du XVIIIe siècle au ministère de Choiseul . Le soldat, Paris , PUF,
1964, 2 vol., XVIII-1086 p.
6. Sur le concept de Guerre absolue emprunté à Clausewitz , on peut lire l’article de David B , « Les origines
culturelles de la guerre absolue », La Révolution à l’œuvre : perspectives actuelles dans l’histoire de la Révolution
française : actes du colloque de Paris , 29, 30 et 31 janvier 2004, Jean-Clément M (dir.), organisé par
l’Institut d’histoire de la Révolution française avec le soutien de l’université de Paris I-Panthéon-Sorbonne
et de la Société des études robespierristes, p. 229-239.
7. L’idée selon laquelle la Révolution française aurait ouvert une boîte de Pandore en rompant avec les guerres
limitées surnommées « guerres en dentelles » est ancienne. Elle a nourri d’intenses débats et des raccourcis
hostiles à la Révolution. Certains auteurs rendent les révolutionnaires responsables des grandes hécatombes
des deux derniers con its mondiaux. On songe notamment aux écrits du colonel J. F. C. Fuller , l’un des
plus importants représentants de la pensée militaire britannique de l’entre-deux-guerres (major-général
John-Frederick-Charles F, La conduite de la guerre, 1789-1961, étude des répercussions de la Révolution
française, de la révolution industrielle et de la Révolution russe sur la guerre et la conduite de la guerre, tiré de
« e Conduct of war, 1789-1961, a study of the impact of the french, industrial, and russian revolutions on war
and its conduct », traduit de l’anglais par Robert Lartigau, Paris , Payot, 1963, 321 p.). On peut consulter aussi
l’article de Brian H R , « Colonel J. F. C. F and the Revival of Classical Military inking
in Britain, 1918-1926 », Military A airs, vol. 49, n° 4 (oct. 1985), p. 192-197. Plus récemment, l’ouvrage
de Jean-Yves G a repris cette thématique de la guerre totale : L’invention de la guerre totale : XVIIIe-
XXe siècles, Paris, Le Félin, 2004, 330 p.
8. On lira les analyses de David P , Richelieu ’s army, war, government and society in France , 1624-1642,
Cambridge , Cambridge University Press, 2001, XXIV-599 p.
9. John A. L , Giant of the Grand siècle : the French Army, 1610-1715, Cambridge ; New York ; Melbourne ,
Cambridge University Press, 1998, XX-651 p.
10. On peut objecter que si la guerre limitée semble avoir dominé le e siècle (de 1713 à 1792) en Europe
occidentale, des con its bien plus destructeurs se développèrent en Europe centrale et orientale où l’emploi
massif de troupes irrégulières montées (pandours, hussards, cosaques) était prisé. L’évocation de la brutalité
et du fumet de ces guerres est parvenue jusqu’à Voltaire . Le combat en ligne et la guerre de siège (guerre
d’ingénieurs par excellence) avec ses rituels liés à la capitulation du vaincu ne concernèrent (hormis les
opérations dans les colonies et quelques autres cas exceptionnels) qu’un espace géographique restreint (soit
l’ancien noyau carolingien). Cela ne signi e pas que les o ciers ne s’intéressaient pas à ces con its lointains.
On peut citer l’exemple du marquis de Silva , un o cier piémontais admirateur de Guibert , qui publia des
Considérations sur la guerre présente entre les Russes et les Turcs (voir marquis S, Considérations sur la
guerre présente entre les Russes et les Turcs, écrites partie au mois d’octobre et partie au mois de décembre de l’année
1769, Turin , les frères Reycends, 1773, II-85 p.).
[« L’armée d’Italie », Gilles Candela]
[ISBN 978-2-7535-1284-9 Presses universitaires de Rennes, 2011, www.pur-editions.fr]