POLITIQUE ET ECONOMIE CHEZ SAINT THOMAS 85
co-métaphysiques ou logico-théologiques, ils furent aussi des
penseurs qui, une fois formulés les principes premiers et les fins
dernières organisant et dirigeant la communauté des hommes,
ont aussi observés le monde dans lequel ils vivaient pour, chacun
en sa guise, essayer de formuler, mais aussi de formaliser des
modèles d’action afin de construire le futur tel qu’ils pensaient en
avoir trouvé la forme, le contenu et le sens ultime dans une
herméneutique des desseins divins. Afin de prévenir les crises ou
tenter de les résoudre, c’est-à-dire, afin d’obvier aux dysfonctions
socio-politiques d’une ampleur telle qu’elles eussent pu, à tout
moment, entraîner la papauté, des royaumes, des principautés,
les duchés à leur ruine, ils proposaient des solutions pratiques en
harmonie avec les principes premiers et les fins dernières d’une
pensée éclairant le devenir dans la seule guise de la révélation
chrétienne.
C’est cette dimension politique, économique et sociale qui est
pour le moment largement abandonnée de nos jeunes collègues
roumains, car la richesse exubérante de la pensée médiévale est
telle qu’elle ne peut être exploitées simultanément par quelques
uns et ce d’autant plus qu’ils n’ont pas, en Roumanie, le soutient
d’une puissante école d’histoire du Moyen-âge occidental. Car en
toute chose entreprise avec sérieux, il convient de se garder de la
précipitation, des raccourcis faciles, des énoncés spectaculaires,
mais creux qui, un peu partout, malheureusement fleurissent
sans vergogne en ses temps de transition. Cependant, ici, en
Roumanie, et pour la première fois avec cette ampleur, le
développement des études de philosophie médiévale (je ne parle
pas de théologie que je laisse aux facultés du même nom1)
permet, une fois encore, de mettre à jour l’idéologie que la
Renaissance, dès Pétrarque, a léguée à la métaphysique moderne,
aux Lumières, et au-delà, à ses développements modernes et
postmodernes, celle qui renvoie le Moyen-Âge aux ténèbres de la
barbarie !2 Toutefois, pour ne pas tomber dans l’anachronisme
1 Je suis de ceux qui, suivant la leçon de Leo Strauss, repousse toute idée
de philosophie de la ou des religions, surtout lorsqu’il s’agit des religions
révélées. Dans un texte célèbre, Athènes ou Jérusalem, Leo Strauss a mis, sans
contestation possible, les choses au point : soit l’on parle du point de vue de
Jérusalem et l’on se tient dans la théologie soit l’on parle du point de vue
d’Athènes et l’on se tient dans la philosophie.
2 N’oublions pas que la Renaissance commence en Italie un demi-siècle