CONGRES INTERNATIONAL DE GENEVE QUELLES COMPETENCES POUR L’INFIRMIERE AFRICAINE A L’AUBE DU TROISIEME MILLENAIRE ? COMMUNICATION DU Dr JEROME MBA BITOME Maître en sciences et techniques sanitaires et sociales Dr en sociologie et sciences sociales Enseignant chercheur à l’université Omar Bongo et l’université des sciences de la santé Chargé du cours de santé publique et de management des services de santé à l’Ecole Nationale d’Administration et à l’institut national de formation d’action sanitaire et sociale Libreville-GABON RESUME • Les compétences évoluent au fur et à mesure que le monde change. Mémoriser les connaissances et les mettre en application constitue, aujourd’hui un socle minimal pour tout soignant. • Pour répondre avec efficacité aux exigences de sa profession, l’infirmière africaine doit développer, simultanément connaissances, habiletés intellectuelles et techniques, comportements et attitudes, relations humaines et recherche • MOTS CLES : macroscope Soin, Compétence infirmière, INTRODUCTION • Quels critères peut on faire usage aujourd’hui pour juger la compétence de l’infirmière africaine ? est la question, à la base de la présente communication qui, de prime abord peut sembler paradoxale si l’on considère que soigner demeure fondamentalement un acte de la vie quotidienne . • La présente conférence internationale qui réunit toutes les sommités de la profession infirmière de l’espace francophone, m’est apparue comme un cadre idéal pour poser ce problème. • Afin d’aborder cette question, j’ai, outre le constat fait sur le terrain, articulé mon exposé sur quatre axes essentiels qui justifient le choix de ce thème à savoir : • Les sources de l’exercice de la profession infirmière en Afrique et son application actuelle • Les conséquences actuelles du développement des sciences et des techniques • La remise en cause apportée par les sciences sociales et la nouvelle vision introduite par le « macroscope » • Les nouveaux besoins imposés par l’évolution des technologies et le changement des mentalités Mais je voudrais tout d’abord clarifier le sens et la vision que j’ai du concept « compétence infirmière » et de « soin » avant d’esquisser lz constat sur le terrain DEFINITIONS DES PRINCIPAUX CONCEPTS COMPETENCE INFIRMIERE • Il me semble nécessaire de préciser ici ce que j’entends par compétence. Le mot compétence vient du latin « competens » qui signifie « ce qui va avec, ce qui est adapté à » la compétence peut donc se comprendre comme une imbrication de divers produits sélectionnés en fonction du but à atteindre. • Ce n’est pas une simple addition de savoirs partiels comme l’a si bien dit, en 1995, Guy Le Boterf , elle est définie par Patrick Gilbert et Michel Parlier comme « un ensemble de connaissances, de capacités d’action et de comportements structurés en fonction d’un but et dans un type de situations données ». • La compétence est donc liée à une activité et elle revêt un caractère opératoire qui s’exprime dans des conditions spécifiques de mise en œuvre, telle que la capacité d’analyse et de résolution de problèmes dans un milieu particulier. • C’est en considérant le cadre global où se réalisent les soins infirmiers, que je m’associe à Catherine Mordacq pour dire que la compétence infirmière « se situe justement entre le général et le particulier, entre la vision que chaque malade a de sa situation et les ressources qu’offrent les soins, les techniques et les supports éducatifs ». • Mais la vision que chaque malade a de sa maladie renvoie à tout un ensemble de connaissances liées à sa culture, à sa conception du monde, à sa conception de la santé, de la vie de la guérison et de la mort. Il convient donc ainsi, pour une meilleure compréhension des faits, de s’inspirer du regard pluriel situé dans la longue durée de Fernand Braudel afin de mieux s’interroger sur les pratiques de soins • C’est précisément au travers d’une prise en charge globale du patient dans le respect des normes sociales spécifiques et dans la conformité des normes de qualité et de pertinence que pourrait se manifester la compétence infirmière • Toutefois, il ne peut y avoir de compétence infirmière que lorsqu’il y a approfondissement dans les domaines spécifiques des soins, approfondissement dans les connaissances actuelles ainsi que dans l’aide à apporter au patient. • C’est dire que la compétence est le fruit de l’exploration à partir de sa pratique quotidienne, elle est non seulement le fruit des nouvelles connaissances mais aussi le résultat des recherches individuelles. • Car l’infirmière formée à la recherche apporte ses découvertes à la communauté, elle l’enrichit et lui communique ses ouvertures. Dans cette optique on peut dire que la compétence est loin d’être « un état », c’est un processus que l’on déclenche à partir de la formation initiale et que l’on doit constamment renouveler par les formations continues et ou universitaires pour mieux adapter le personnel à faire face avec pertinence aux nouvelles exigences imposés par le développement des sciences et des techniques SOIN • Mais il s’agit ici de bien saisir le sens et le concept de soins en replaçant ce concept dans une vision large et retrouver ses dimensions originelles en « osant interroger ce qui fait vivre et ce qui fait mourir au quotidien » . • En effet, comme le souligne M.F. Collière, « soigner signifie au sens plénier du mot, stimuler les capacités d’être, contribuer à développer le pouvoir d’exister, ce pouvoir d’être reconnu et d’affirmer sa vie jusqu’au seuil de la mort, soigner se situe donc au carrefour de l’affrontement de ce qui fait vivre et de ce qui fait mourir au quotidien, dans la diversité et la complexité des dimensions biologiques, culturelles, sociales, économiques et politiques. » • Cette complexité du soin implique une connaissance diversifiée aussi bien au plan intellectuel que pratique (sciences sociales et humaines, management, informatique…) toutefois, c’est dans la relation avec la personne soignée, dans les soins qui prennent en compte l’être humain dans sa totalité et dans ses dimensions psychosociales que doit se dégager la compétence infirmière. Constat • Le constat peut être appréhendé à travers deux aspects. Le premier aspect est donné par les résultats d’une étude que je viens de réaliser au centre hospitalier de Libreville, hôpital de référence nationale. • En effet, dans cette étude , les médecins, les infirmiers eux-mêmes et les usagers des services de soins dénoncent avec force le caractère déshumanisant des soins en ces termes : mauvaise qualité des soins, mauvais accueil, mauvaise relation soignant soigné, non prise en charge globale des patients, manque de communication thérapeutique et éducative… • Les résultats de cette étude confortent avec ceux des divers travaux réalisés dans les hôpitaux de l’intérieur du pays par nos étudiants. • Le deuxième aspect s’inscrit dans la logique de l’évolution de la fonction infirmière en Afrique. LES CONSEQUENCES ACTUELLES DU DEVELOPPEMENT DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES • En effet l’ordre ancien des choses se trouve actuellement bouleversé par le rapide développement des sciences et des technologies qui transforment à vue d’œil toutes les activités humaines. • A force de se perfectionner, les disciplines, jadis loin les unes des autres arrivent à converger vers des « carrefours », se rencontrent et s’améliorent mutuellement. L’on est progressivement passé de l’isolement des métiers à l’application de la notion d’interdisciplinarité qui évoque la complémentarité. • Aujourd’hui, cette notion tend sur le plan pratique à être remplacée par celle d’inter métier qui renvoie à l’imbrication des différentes disciplines ou métiers . • Mais il n’y a pas que les métiers, les procédures et les événements qui changent. Les hommes ont eux aussi rapidement évolué. • Les échanges d’ordre culturel qui se sont progressivement instaurés dé puis la fin de la période coloniale entre les différents groupes ethniques à l’intérieur d’une nation d’une part et, entre ceux-ci et les populations des cultures différentes venues des horizons divers à travers le monde d’autre part, ont fortement contribué à accélérer cette mutation de la pensée humaine. • A cela, il faut ajouter l’augmentation notoire de la population aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale dans les pays en développement • Concrètement le contexte professionnel de l’infirmière s’est complexifié : Le petit centre de santé où elle passait paisiblement ses journées à attendre quelques rares patients s’est étoffé en équipement et en personnel : il dispose généralement maintenant d’une trentaine de lits d’hospitalisation, d’un service de maternité, d’un service d’intervention pour petite chirurgie, d’un service d’alimentation et plus d’une demi-douzaine d’agents. L’augmentation de la population de sa circonscription sanitaire a entraîné une forte demande de soins, celle-ci exige une meilleure prestation des services. La nécessité de la mise en œuvre dans sa localité des programmes imposés par le niveau central (programme des soins de santé primaires, programme paludisme, programme sida, programme nutrition,) l’oblige à adopter d’autres comportements, d’autres pratiques et d’autres connaissances. Sa circonscription sanitaire comprend maintenant des dispensaires qu’elle supervise • C’est dire que, outre son rôle traditionnel qui consistait à soulager le patient en appliquant les traitements simples limités par ses compétences, l’infirmière connaît aujourd’hui, des problèmes qu’il était loin d’imaginer autrefois non seulement au plan des techniques professionnelles mais aussi avec son personnel.. • Appelée à travailler dans une équipe professionnelle dont elle a la charge, elle doit maintenant s’approprier des techniques actuelles de communication, des techniques de gestion des ressources humaines en santé, des techniques de planification, d’organisation du travail, d’administration, de supervision, des techniques d’informatique, des techniques de soins axées sur la promotion, la prévention, la restauration de la santé ainsi que sur la rééducation et la réinsertion de l’individu dans son milieu social. • • Ainsi les nouveaux besoins imposés par l’évolution des groupements humains et le développement des technologies sont venus s’ajouter aux préoccupations de l’infirmière africaine qui devait déjà s’efforcer de maîtriser son rôle propre et éviter de s’agripper à celui de « l’auxiliaire médical ». • L’infirmière atricaine se trouve donc face à une situation, qui l’oblige à répondre aux besoins irréversibles imposés par l’ordre naturel des choses. • Il est évident que l’existence de l’écart entre les capacités d’action de l’infirmière gabonaise d’aujourd’hui et l’évolution rapide des technologies médicales, sanitaires et des mentalités qui s’accompagnent d’un accroissement des responsabilités infirmières exigent une préparation proportionnée • Le développement des sciences, des techniques et des mentalités évoqué ci-dessus impose, un bouleversement progressif mais rapide de l’ordre ancien des choses dans tous les domaines. • Les soins infirmiers n’échappent pas à ce processus irréversible. Aussi doivent-il, sans cesse chercher à s’adapter non seulement au rythme de l’évolution des sciences et des techniques, mais aussi à celui des mentalités individuelles et collectives qui rend de plus en plus complexe la demande actuelle des soins. • En effet, l’hôpital et sa cellule de base, l’unité de soins, lieu de pratique de soins infirmiers par excellence, vit des bouleversements des structures, mais aussi des mentalités individuelles • Ceux-ci engendrent des changements dont le degré d’acceptation est fonction du niveau de préparation des individus, de l’intégration des nouvelles idées, de l’application des acquis antérieurs, des compétences propres de l’infirmière, des normes de travail et des rapports de force en présence au sein de l’équipe de santé. REMISE EN CAUSE DES SCIENCES SOCIALES • Dans le même ordre d’idées, la technique médicale qui influence la pratique des soins infirmiers notamment dé puis l’affermissement de la science, se voit elle-même remise en cause par les sciences sociales et les nouvelles sciences « dites » exactes (physique nucléaire, biologie). • Celles ci insistent sur la relativité de tout phénomène et sur la nécessité de ne pas le dissocier de son ensemble • Cette remise en cause conduit à la nécessité de reconsidérer l’image que chaque société se fait de l’homme afin de lui redonner la place qui doit être la sienne dans le processus de soins. • Cette fin impose que soit réadaptés et renforcés les contenus de la formation, d’une part, et que soit mieux redéfinis le rôle et les activités du personnel infirmier d’autre part. • C’est dans ce même optique que Joël DE ROSNAY, a développé, ce qu’il a appelé « l’émergence d’une nouvelle pensée ». • Celle-ci s’opposait à l’éducation traditionnelle en vigueur en Occident qui est restée désespérément analytique, centrée sur quelques disciplines mais qui concrètement, ne s’imbriquaient pas les unes sur les autres Cette éducation a difficilement préparé l’homme à l’approche globale des problèmes et encore moins au jeu de leurs symboliques. • Pour accéder à cette approche nouvelle, DE ROSNAY a proposé un instrument spécifique, le « macroscope ». • qu’il définit comme un « outil symbolique, fait d’un ensemble de méthodes et des techniques empruntées à des disciplines différentes. » Il devrait permettre à chacun de « s’élever pour mieux voir, de relier pour mieux comprendre et de situer pour mieux agir »(1) • La remise en cause des sciences sociales et le « macroscope » peuvent amener l’infirmière africaine à se ré interroger dans sa pratique quotidienne des soins. • Car il faut comprendre que la complexité des soins se justifie surtout par le fait qu’ils sont adressés à l’homme dans sa globalité . • Celui-ci peut se définir en zone africaine comme « un être bio psychosocial spirituel et lignager, être d’émotions, de préventions et de symboles, inséré dans un environnement plein de Signifiants dont il reste dépendant , sans dissociation possible » • C’est pourquoi l’approche scientifique qui a comme caractéristique d’isoler les éléments d’un phénomène pour mieux les étudier, ne peut pas, à elle seule, rendre compte d’un phénomène aussi complexe que les soins infirmiers notamment en milieu africain. • Ainsi le processus de réadaptation des soins qui n’est possible qu’en ré interrogeant les savoirs structurés par rapport à la connaissance empirique locale, implique une certaine prédisposition des agents à remettre en cause les acquis antérieurs et les pratiques professionnelles quotidiennes. • Cette prédisposition ne peut s’acquérir qu’à partir d’une formation universitaire qui, à la longue, devrait permettre à l’infirmière africaine de définir ou tout au moins, de proposer un cadre conceptuel spécifique de soins pour l’Afrique qui s’appuierait sur un ensemble de valeurs, de croyances et de représentations propres aux peuples de ce continent • C’est là une entreprise difficile, j’en conviens, surtout lorsque l’on analyse la manière dont les soins infirmiers se sont développés et évoluent en Afrique subsaharienne. III/- SOURCES ET EXERCICE DE LA PROFESSION INFIRMIERE EN AFRIQUE • Dans l’ensemble des pays d’Afrique sub-saharienne, les orientations de l’exercice de la profession infirmière ont été déterminées par des conditions historiques dominées par les comportements d’une société dominante face à une société soumise. Les soins organisés sont assurés par les hommes depuis la période coloniale • Pour permettre au colonisateur d’accéder à l’intérieur des terres poursuivre sa mission « civilisatrice », il lui fallait des hommes jeunes et forts pour transporter ses bagages. • C’est ainsi qu’avec l’aide, d’un coté des forces militaires et de l’autre des missionnaires évangélisateurs, les premiers s’imposant par la force militaire et les seconds par la soumission mentale, des jeunes furent arrachés à leurs familles pour accompagner l’homme blanc. • C’est dans le cadre de ces échanges, entre employeur et employé que les porteurs ont été autorisés à imiter les gestes de leurs patrons pour faire les pansements au mercurochrome, donner les médicaments par voie buccale, faire des injections intramusculaires. De l ’activité sociale Informelle à l’activité professionnelle organisée • C’est ainsi naît l’infirmier africain, un homme qui, désormais avait pour objectif de « paraître » aux cotés de l’homme blanc, de parler sa langue, de disposer de quelques signes monétaires et de satisfaire avec soumission à tous les besoins de son « patron ». • De plus, en passant de l’activité sociale informelle qui était le soin traditionnel à l’activité professionnelle organisée, la pratique de soin passe de l’autonomie à la dépendance : les activités de soins inscrites dans un champ social distinct, avec des règles, des normes et des rituels spécifiques, s’opèrent désormais dans une hiérarchie de personnes. • Dans ces conditions le malade reste inexistant. • • Le nouveau contexte détermina une séparation entre celui qui sait et impose sa façon de faire et celui qui, ignorant et soumis, doit exécuter les ordres de l’autre à l’intérieur d’un champ social unique, qui est celui de la pratique médicale. • L’infirmier était tenu de ne rien dire ou faire qui puisse porter atteinte à l’autorité du médecin militaire, son patron Il est un personnel au service du médecin d’où le terme de personnel paramédical pour l’identifier et le nommer • Ainsi, que ce soit en Occident où le débat du malaise infirmier s’est appuyé sur la hiérarchisation des genres, en Afrique où il est plutôt fondé sur la soumission à une culture dominante, l’exercice de la profession infirmière s’est structurée sur les principes de la subordination, en tant que groupe par rapport à celui des médecins et en tant qu’individu par rapport à une règle qui exige obéissance absolue. Il est prédisposé, de ce fait, à assumer le role « d’auxiliaire médical » • C’est pourquoi l’exercice de la profession infirmière se caractérise aujourd’hui par deux aspects essentiels qui ne font pas précisément sa force. • Le premier aspect laisse apparaître que la profession infirmière est anonyme, elle est « paramédicale ». Cela justifie le fait que l’infirmière africaine ait tendance à s’approprier les techniques médicales alors qu’elle est loin de maîtriser non seulement les activités liées à sa propre profession, mais surtout l’approche analytique qui conduit à la connaissance de l’exercice médicale. • Le deuxième aspect relève du fait que l’infirmière est forcée d’osciller entre le fait de privilégier la connaissance technique imposée par le courant de santé axé sur la technicité et celui de l’aide individuelle c’està-dire la relation d’aide ou d’accompagnement de chaque malade, ce dernier étant la raison d’être de l’infirmière. • Le constat actuel montre que l’infirmière qui a opté pour les soins techniques tend à ignorer totalement ou souvent la personne malade qu’elle a pour rôle d’aider à retrouver son autonomie. • A l’inverse lorsqu’une infirmière dispose d’une excellente capacité à entrer en relation avec les patients, elle présente souvent des insuffisances au plan technique. • Où peut se situer la compétence infirmière dans ces deux cas de figure qui caractérisent le travail de l’infirmière africaine ? Essai de réponse à la question posée: • Les divers éléments d’analyse soulevés ci-dessus laissent entrevoir la nécessité pour l’infirmière africaine d’adopter un certain nombre d’attitudes et de comportements et d’acquérir des nouvelles connaissances. • Celles-ci doivent l’amener à une maîtrise parfaite des différentes fonctions qui caractérisent sa profession, à savoir la fonction de planification, la fonction d’organisation ou d’administration la, fonction de soignante , la fonction d’enseignante/encadreuse , la fonction de leadership, la fonction d’évaluation., et la fonction de supervision • Au regard de ces différentes fonctions et des éléments d’analyse évoqués plus haut, l’on peut dire que la compétence infirmière devrait s’exprimer à travers la recherche permanente de la« qualité » et de la « pertinence ». • L’infirmière se doit donc de développer non seulement ses capacités d’analyse et de résolution de nouveaux problèmes mais aussi des attitudes pertinentes dans les relations avec son environnement ; Elle doit donc être, comme le propose Christine Kerdellant ,curieuse, communicante, flexible et réactive. • • Elle sera beaucoup plus une personne intuitive qu’un stratège, un personnel de métier qu’un technocrate universel, une personne d’impulsion qu’une gestionnaire orthodoxe. Ce qui évoque, la nécessité pour l’infirmière de développer : des compétences personnelles (pensée stratégique, introspection) des compétences interpersonnelles (leadership, aptitude à négocier, à communiquer, à dialoguer) des compétences liées à l’information (visuelle, verbale) des compétences liées à l’action (capacité à concevoir et à gérer des projets de santé, capacité à manager une équipe) des compétences dites « transversales »ou de 3ième dimension, selon la terminologie introduite en 1990 par Simone Aubrun et Roselyne Orofiamma qui regroupent: 1- les compétences professionnelles ou sociaux (motiver, prendre des initiatives, faire des propositions.) des capacités créatives (savoir faire face à l’imprévu, oser toujours plus, être capable de créer, d’imaginer: 2des attitudes relationnelles et de communication ; des capacités d’adaptation et de changement 3- des attitudes existentielles et ethniques (se référer à des valeurs, savoir se situer comme un acteur social, avoir une « intelligence des situations » • Si la maîtrise de la dimension technique de ses fonctions est indispensable pour toutes les catégories des agents de l’équipe de santé, il est souhaitable que l’infirmière fasse la différence en faisant preuve de responsabilité, d’autonomie, de capacités relationnelles et de créativité. • De plus, étant donné, qu’il n’est plus possible de chercher à comprendre les causes sociales d’une affection ,le comportement des populations face à un problème de santé ou d’élaborer un programme de santé sans faire appel aux méthodes d’analyse anthropologique et sociologique, l’infirmière doit s’approprier de ces méthodes d’analyse qu’elle est désormais appelée à utiliser dans ses activités quotidiennes. CONCLUSION : • A cet effet il convient que l’infirmière : se démarque progressivement de l’ascendant médical en s’affirmant dans l’exercice de sa profession acquiert l’image de marque de la recherche ainsi qu’un « esprit scientifique » à partir d’une formation universitaire. • C’est, finalement dire que la compétence infirmière est d’abord le fruit d’une exploration à partir de sa propre pratique de soins. • Il appartient à l’infirmière d’élargir cette connaissance à partir d’une formation universitaire. Mais il est tout aussi indispensable que l’État puisse favoriser des formations pertinentes de courtes durées dont les contenus seraient élaborés sur la base des besoins réels à satisfaire au sein des communautés, car il faut dire que si les soins hospitalo -centristes qui continuent à être privilégiés dans nos pays bénéficient aux 20% de la population, les 80% vivant, soit dans les bidonvilles qui ceinturent nos villes capitales, soit dans les coins les plus reculés ont très rarement accès aux soins de santé. • Il y a là un choix politique à envisager qui déterminerait les compétences de l’infirmière africaine. • Au plan technique : La compétence infirmière apparaît comme la nécessité d’un approfondissement des connaissances acquises dans des domaines spécifiques des soins y compris la relation d’aide. Elle doit s’affirmer à partir des recherches personnelles réalisées dans le cadre de sa pratique quotidienne. • Au plan de la relation d’aide : la formation universitaire s’impose comme une priorité à l’infirmière africaine pour qu'elle soit capable de « penser sa pensée » en vue de : contextualiser les pratiques de soins prendre conscience de ses propres modèles culturels et des héritages du passé analyser l’ensemble des déterminants sociaux, culturels et subjectifs des situations. • Mais elle ne saurait être le gage en soi d’une amélioration de la qualité des soins et par voie de conséquence de l’unique source de compétence infirmière si les connaissances acquises ne contribuent pas à réinterroger la connaissance ontologique locale afin de réduire progressivement l’écart entre les savoirs empiriques locaux et les savoirs théorisés et susciter par voie de conséquences des pratiques alternatives pertinentes • Ce ne sont là que quelques pistes pour engager le débat, en fait, je me pose simplement la question suivante : • à partir de quels éléments concrets pourrait-on élaborer, avec pertinence la compétence de l’infirmière africaine d’aujourd’hui ? • Ne pourrait-on pas envisager un cadre conceptuel spécifique de soins infirmiers pour l’Afrique qui s’appuierait sur un ensemble de valeurs, de symboles et de représentations propres à ce continent ? REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES (1) (2) (3) (4) (5) (6) Canguilhem Georges« le normal et le pathologique »Paris, P.U.F., 1966 Collière Marie Françoise « la créativité, un défi au cours de l’histoire de la profession infirmière » Centre Chrétien des professions de santé. Journées de perfectionnement, novembre 1984 pp ; 18-37 Denyse Paul, Lambert Jean et coll., « l’approche holistique, qu’en est-il des infirmières de Québec » ? in Nursing Québec octobre 1985 Mauss Marcel « effet physique de l’idée de mort suggérée par la collectivité » in sociologie et anthropologie .Paris, P.U.F. coll. « Quadrige », 1950 pp.313-332 De Rosnay Joël « Le macroscope, vers une vision globale » Editions du Seuil, Paris, 1975 p.11 Rainville Thérèse « Vers un nursing holiste », in l’infirmière canadienne, mars 1984