Télécharger l`article - Institut de l`entreprise

publicité
4REPÈRES ET TENDANCES
4CONJONCTURES
6LIVRES ET IDÉES
4DOSSIER
The Ancestor's Tale.
A Pilgrimage to the Dawn
of Life
par Richard Dawkins
De quelles espèces
descendons-nous ?
DOMINIQUE GUILLO *
Dans un ouvrage dense, subtil et passionnant, Richard Dawkins propose de
remonter le cours de l’histoire du vivant,
à la rencontre de nos ancêtres successifs.
Au cours de ce pèlerinage dans le temps,
il dévoile la véritable signification de
l’idée d’évolution : une histoire arborescente singulière et sans direction définie.
L’
évolution biologique est souvent présentée comme un
processus linéaire et ascendant orienté vers la production
d’êtres de plus en plus complexes et raffinés. Un être initial simple serait tout d’abord apparu il y a fort longtemps dans quelque profondeur marine. Au fil des générations, il aurait
bourgeonné, puis serait devenu une machine plus élaborée,
mieux armée pour résister à son milieu. Ses descendants
auraient ensuite enfanté peu à peu les plantes, puis les mollusques et les poissons, dont certains se seraient péniblement hissés sur quelque rive déserte pour devenir au fil du temps
reptiles. Après bien des péripéties, certains petits reptiles
se seraient transformés à l’ombre des dinosaures en petits
mammifères dont quelques-uns des descendants seraient devenus, bien plus tard, des singes. Prolongeant alors le mouvement
qui porterait le vivant à se complexifier toujours davantage,
* Chargé de recherche au CNRS GEMAS, Maison des Sciences de
l’Homme.
dans son corps comme dans ses capacités psychiques, certains
de ces singes se seraient lentement relevés et auraient fini par
marcher uniquement sur leurs membres postérieurs. Levant les
yeux vers le ciel des idées, devenant hommes, ils auraient acquis
une intelligence qui les placerait au sommet de l’évolution des
êtres vivants. Telle est l’histoire qui est souvent considérée
comme l’enseignement majeur du darwinisme.
REDÉCOUVRIR DARWIN
P
ourtant, bien qu’elle soit fort répandue, cette représentation de l’évolution biologique est à la vérité fort peu darwinienne. En réalité, l’idée centrale du darwinisme est bien plus
révolutionnaire et corrosive pour le narcissisme humain que
cette peinture de la succession des espèces fortement teintée
d’anthropocentrisme. Quelle est donc cette idée, si déstabilisante qu’elle rencontre de vives résistances et peine à être
comprise ? Et de quels moyens pédagogiques les biologistes
darwiniens peuvent-ils user pour en faire saisir en toute clarté
la substance ?
Le dernier livre de Richard Dawkins1 apporte une réponse
magistrale à ces questions. Dès les premières pages, à travers
une argumentation à la fois limpide, attrayante et profonde qui
a fait le succès de ses précédents ouvrages, Dawkins explique
que pour comprendre l’évolution, il faut avant tout résister à la
tentation d’interpréter les faits évolutifs comme s’ils devaient
1. Richard Dawkins, The Ancestor’s Tale. A Pilgrimage to the Dawn of Life, Londres,
Weidenfeld & Nicholson, 2004, 528 p.
Sociétal N° 50
g
4e trimestre 2005
131
4REPÈRES ET TENDANCES
4CONJONCTURES
4DOSSIER
6LIVRES ET IDÉES
conduire de toute nécessité à l’homme. Le singe n’est pas une
Tout ceci implique, ajoute Dawkins, que deux êtres vivants ont
esquisse grossière d’être humain, pas plus que les poissons ne
toujours plusieurs ancêtres communs. Par exemple, deux
préfigurent les reptiles. Plus généralement, l’évolution biologihumains pris au hasard ont pour ancêtres communs les indivique ne doit pas être comprise comme un développement
dus qui ont engendré toute l’humanité – et seulement l’humaascendant orienté dans une direction particulière, comme par
nité –, mais également les individus, beaucoup plus anciens, qui
exemple la complexification croissante des organismes. En réasont les ancêtres communs aux mammifères et aux reptiles, ou
lité, souligne Dawkins, elle n’est rien d’autre qu’un processus
encore ceux, plus anciens encore, qui sont communs aux aniaveugle de descendance avec modification, qui desmaux et aux champignons. Or, poursuit Dawkins,
sine un immense arbre généalogique contingent
l’un des ancêtres communs à deux vivants est
Un être humain
dont nous ne sommes qu’un des innombrables
nécessairement plus récent que les autres : il est
rameaux terminaux. De ce point de vue, nous n’aleur aïeul commun le plus proche. Dawkins nomme
partage ainsi
vons donc aucune prééminence particulière. Les
cet individu le « concêtre » (concestor) de ces deux
des ancêtres
espèces actuelles ont une égale dignité : toutes ont
êtres vivants. Deux individus de la même espèce
communs avec
su résister au fil des générations à la sélection natuont donc toujours un concêtre. Et le principe vaut
relle, juge de paix de l’histoire des êtres vivants.
également pour plusieurs êtres vivants de la même
son chien, avec
espèce
ou d’espèces différentes : il a existé un être
le tyrannosaure
vivant,
qui
se trouve être le concêtre de tous les
L’UNITÉ INITIALE DU VIVANT
dont il regarde
êtres humains actuels ; un autre, plus ancien, est le
our retracer cette histoire singulière et pour
concêtre de tous les mammifères actuels. Et ainsi de
le squelette
faire comprendre les principes qui la commansuite.
dans un muséum
dent, Dawkins propose de remonter pas à pas le
d’histoire
cours du fleuve de la vie en partant du présent. Ce
Ces réflexions permettent de comprendre en
parcours chronologique à rebours a l’avantage, ditquels termes le problème de l’évolution se pose au
naturelle, avec
il, de faire saisir l’unité du vivant. Surtout, il permet
biologiste
aujourd’hui. Dans un tel cadre, toute la
la mouche qui
de faire ressortir avec acuité l’une des implications
question est en effet de reconstituer les embranl’indispose, avec
étonnantes de l’idée d’évolution, telle qu’elle est
chements de cet immense arbre, de dater les
aujourd’hui comprise dans le cadre du darwinisme.
points de convergence des rameaux et de mettre
la plante qu’il
Les êtres vivants, a-t-on dit, dessinent un immense
ainsi au jour le degré de proximité entre les espèarrose tous les
arbre généalogique. Or ils ont un ancêtre unique :
ces actuelles. En un mot, il s’agit de déterminer la
jours ou avec
le code génétique des différentes espèces est, en
nature et l’ancienneté des concêtres. Dans le dareffet, dit Dawkins, « trop détaillé dans les aspects
winisme bien compris, l’objectif n’est donc plus de
chacune des
arbitraires de sa complexité pour avoir été inventé
mettre bout à bout sur une ligne ascendante les
bactéries qui
deux fois ». De là cette conséquence capitale : tout
chaînons qui mèneraient de la bactérie originelle
colonisent son
être vivant, actuel ou passé, a au moins un ancêtre
jusqu’à l’homme, mais de reconstituer le schéma
commun avec n’importe quel autre être vivant,
buissonnant des cousinages et des parentés en
estomac.
d’hier ou d’aujourd’hui. Prenons deux êtres humains
ligne directe dessiné par un arbre généalogique
appartenant à des sociétés éloignées, par exemple
touffu. À propos de notre espèce, la véritable quesun aborigène australien et un pygmée. Si l’on pouvait reconstition n’est donc pas de savoir si nous descendons des singes
tuer avec précision leurs arbres généalogiques respectifs, on
actuels – car nous n’en descendons pas – mais de déterminer
parviendrait nécessairement tôt ou tard à un individu dont ils
à quel degré nous sommes leurs cousins, à quelle date s’est
sont tous deux les descendants en ligne directe. Ce principe
scindée la lignée dont nous descendons conjointement et à
vaut également pour n’importe quel animal. Un être humain
quoi ressemblait le concêtre que nous partageons avec eux.
partage ainsi des ancêtres communs avec son chien, avec le
tyrannosaure dont il regarde le squelette dans un muséum
Pour présenter les connaissances accumulées par la biologie
d’histoire naturelle, avec la mouche qui l’indispose, avec la
contemporaine sur ces questions et pour faire ressortir en
plante qu’il arrose tous les jours ou avec chacune des bactéries
toute clarté le sens réel de la théorie de l’évolution, Dawkins
qui colonisent son estomac. Il suffit de remonter suffisamment
formule sa lecture à rebours de l’histoire de la vie à travers une
loin dans le temps pour trouver ces aïeux partagés.
métaphore à la fois suggestive et émouvante qui constitue la
Réciproquement, cela signifie que le premier être vivant est l’antrame de l’ouvrage. S’inspirant des Canterbury Tales de Geoffrey
cêtre en ligne directe de tous les vivants actuels ; que certains
Chaucer (1340-1400), il compare ainsi le cheminement chronoêtres vivants fort anciens ont engendré toutes les plantes qui
logique qu’il propose à un pèlerinage dans le passé, dont le but
existent ; que quelques individus du genre Homo ayant vécu il y
est l’« aube de la vie », le concêtre de tous les vivants. Les prea quelques dizaines de milliers d’années sont, autant l’un que
miers pèlerins avec lesquels nous partons sont les hommes
l’autre, les aïeux de l’ensemble des êtres humains actuels ; ou
d’aujourd’hui. À chaque date marchent ensemble les êtres
que certains vivants, beaucoup plus anciens, sont les ancêtres à
vivants dont les ancêtres sont, à cette date, les mêmes que les
la fois de toutes les plantes actuelles et de tous les humains
nôtres. Ainsi le pèlerinage est-il jalonné par des points de renactuels.
contre avec d’autres groupes de vivants actuels, d’autres pèle-
P
132
Sociétal N° 50
g
4e trimestre 2005
DE QUELLES ESPÈCES DESCENDONS-NOUS ?
rins partis au même moment, mais à partir d’autres rameaux
terminaux, d’autres espèces actuelles de l’arbre de la vie. Ces
points de rencontre, que Dawkins nomme des « rendez-vous »,
correspondent aux dates auxquelles vivait le concêtre que nous
partageons avec les espèces qui nous rejoignent.
lorsqu’une lignée se scinde en deux espèces distinctes, il peut
arriver que l’une évolue très vite, tandis que l’autre se transforme peu. Dans de tels cas, ces deux espèces peuvent présenter rapidement davantage de différences, au moins dans leur
aspect extérieur, que n’en présente l’espèce stagnante avec des espèces cousines généalogiqueLes crocodiles
ment plus éloignées – des espèces issues de
sont plus
scissions plus anciennes – mais qui se sont peu
transformées elles aussi. Ainsi apprend-on que les
proches des
hippopotames sont en réalité plus proches des
oiseaux que des
baleines que des cochons ; ce qui signifie que les
lézards. Et les
hippopotames et les baleines sont issus d’êtres
vivants qui sont eux-mêmes des descendants des
lézards sont
ancêtres communs aux hippopotames, aux baleines
plus étroitement
et aux cochons. De même, les crocodiles sont plus
apparentés aux
proches des oiseaux que des lézards. Et les lézards
sont plus étroitement apparentés aux poules qu’aux
poules qu’aux
salamandres. Plus étonnant peut-être encore, le
salamandres.
hérisson est plus proche de l’ours polaire, de la
Plus étonnant
baleine, du phoque, du rhinocéros ou du chien que
du porc-épic, du rat ou du cochon d’Inde. Le concêpeut-être encore,
tre que le hérisson partage avec les premiers vivait
le hérisson est
en effet il y a 80 millions d’années... Soit environ 5
plus proche de
millions d’années après que la lignée dont il provient
se fut séparée de celle qui donnera naissance au
l’ours polaire, de
porc-épic, au rat et au cochon d’Inde. Les poissons,
la baleine, du
quant à eux, ne constituent pas véritablement un
phoque, du
groupe : la truite est généalogiquement plus proche
de l’homme, du tyrannosaure ou de l’aigle que du
rhinocéros ou du
requin. Au fil des rendez-vous, le lecteur va ainsi de
chien que du
surprise en surprise, à mesure qu’il découvre les
porc-épic, du rat
résultats récents établis au moyen de la biologie
moléculaire.
ou du cochon
L’ouvrage est ainsi divisé en quarante rendez-vous
successifs. Le premier – le rendez-vous 0 – est celui
de l’humanité actuelle, dont le concêtre – le concêtre 0 – vivait il y a quelques dizaines de milliers d’années. Au rendez-vous 1 les chimpanzés et les
bonobos nous rejoignent simultanément : notre
concêtre vivait il y a environ 6 millions d’années. Au
rendez-vous 6, tous les singes sont avec nous. Au
rendez-vous 15, la troupe comprend l’ensemble des
mammifères, dont le concêtre vivait il y a à peu près
180 millions d’années. Nous rejoignent ensuite les
reptiles, groupe à l’intérieur duquel Dawkins range
les oiseaux – rendez-vous 16, concêtre semblable à
un lézard, vivant il y a 310 millions d’années –, puis
les amphibiens – rendez-vous 17. Ensuite, jusqu’au
rendez-vous 23, nous croisons la route des différentes sortes de poissons : le concêtre que nous partageons avec eux, une sorte de lancelet, poisson effilé
au corps très simple, vivait il y a plus de 500 millions
d’années. Puis viennent, au rendez-vous 26 les vers,
les mollusques et les insectes, qui sont aussi proches de nous les uns que les autres : notre concêtre, probablement une sorte de ver marin, vivait,
semble-t-il, il y a près de 600 millions d’années.
Notre route rejoint ensuite celle de différents animaux aquatiques très simples, comme les éponges
ou les cnidaires – rendez-vous 28. Au rendez-vous
33, tous les animaux sont rassemblés. Les deux autd’Inde.
res grands groupes de pèlerins qui composent le
Mais Dawkins ne se contente pas de retracer cet
règne vivant se joignent alors à nous : les champiétonnant arbre généalogique. À chaque « rendezgnons – rendez-vous 34 – puis les plantes – rendez-vous 36.
vous », il propose également des « histoires », associées au nom
Enfin, après avoir croisé la route de quelques créatures à l’orgad’un des nouveaux pèlerins qui viennent de se joindre à la
nisation sommaire, nous arrivons au terme du pèlerinage, le
troupe. Ces histoires sont autant de courts essais passionnants,
rendez-vous 39, point auquel les eubactéries nous rejoignent. Le
dans lesquels Dawkins aborde certains points essentiels débatconcêtre que nous trouvons ici est un ancêtre commun à tous
tus dans le cadre de la biologie de l’évolution contemporaine.
les vivants actuels : une bactérie procaryote sans noyau identiAinsi la question de la sélection sexuelle est-elle traitée dans
fiable, qui a vécu il y a plus de 3 milliards d’années.
l’« histoire du paon » au rendez-vous 16. Dans l’« histoire de la
sauterelle », Dawkins se livre à une subtile analyse à propos des
races et du racisme chez l’homme2. Et dans l’« histoire du singe
CROCODILES, OISEAUX, LÉZARDS…
hurleur », il développe une étonnante explication de la manière
e pèlerinage ne renseigne pas seulement sur la nature et
dont la perception des couleurs a évolué chez les primates : elle
aurait permis à nos lointains ancêtres nocturnes de mieux voir
l’âge de nos ancêtres. Il réserve également des surprises
les fruits la nuit.
de taille au sujet de la parenté entre les espèces actuelles. En
effet, la métaphore développée par Dawkins permet de comprendre que le critère qui sous-tend la classification des êtres
vivants dans la biologie de l’évolution contemporaine est celui
de la proximité généalogique, établie grâce à la paléontologie et,
surtout, à la biologie moléculaire. Or on se rend compte au fil
2. Une adaptation de ce texte a été traduite en français et est parue dans
Courrier international, n° 733, 18-24 novembre 2004, pp. 51-54.
des « rendez-vous » que ce critère conduit à des regroupe3. Richard Dawkins, The Selfish Gene, Oxford, Oxford University Press,
ments allant dans certains cas à l’encontre de l’idée intuitive
1976.
que nous nous faisons de la proximité des êtres vivants. En effet,
C
Sociétal N° 50
g
4e trimestre 2005
133
4REPÈRES ET TENDANCES
4CONJONCTURES
Certaines de ces « histoires » permettent également à Dawkins
de rattacher le propos de l’ouvrage aux idées qu’il a défendues
dans ses précédents livres. Dans The Selfish Gene3, Dawkins soutenait, en effet, que la cible de la sélection naturelle, autrement
dit le niveau auquel se joue l’évolution du vivant, n’est ni
l’espèce, ni la population localisée géographiquement, ni l’individu, mais le gène. Or dans The Ancestor’s Tale, l’argumentation
est centrée non pas sur les gènes mais, précisément, sur les
liens généalogiques qui unissent les individus et les groupes taxinomiques d’êtres vivants. Dawkins doit donc expliquer en quoi
la logique qui commande ces liens s’articule avec celle des
gènes. Il développe cette question, essentielle dans la perspective qui est la sienne, dès le début de l’ouvrage dans l’« histoire
du tasmanien » et l’« histoire d’Ève ».
GÉNÉALOGIE DES GÈNES
O
n peut montrer, souligne-t-il tout d’abord dans ces deux
« histoires », qu’en réalité 80 % des individus d’une
population sont appelés à devenir des « ancêtres universels »,
autrement dit des ancêtres communs à tous les individus des
générations ultérieures issues de cette population. Or cet étonnant résultat, fait-il remarquer, est incompatible avec l’hypothèse
d’une sélection opérant au niveau des individus. En effet, un tel
taux implique que dans la plupart des populations vivantes une
assez faible fraction d’individus est finalement éliminée de la
compétition pour la postérité. En revanche, dit Dawkins, ce
résultat s’explique sans difficultés si l’on admet que les véritables cibles de la sélection sont les gènes. Pour le comprendre,
souligne-t-il, il faut remarquer que l’arbre des gènes ne recoupe
pas celui des individus. En effet, comme chaque individu, un gène
a un arbre généalogique : un gène est issu d’un gène parent – un
seul, à la différence des individus des espèces sexuées – et il a
éventuellement lui-même des descendants, s’il réussit à se répliquer. Dans cet arbre généalogique, comme dans celui qui unit
les individus les uns aux autres, on peut, en remontant dans le
temps, trouver des points de convergence, des gènes ancestraux communs, plus ou moins éloignés selon les gènes étudiés.
Or, ajoute Dawkins, si l’on se place du point de vue d’un seul de
nos gènes, nous pouvons fort bien être proches d’un individu
134
Sociétal N° 50
g
4e trimestre 2005
4DOSSIER
6LIVRES ET IDÉES
dont nous sommes généalogiquement très éloignés et, réciproquement, très éloignés d’un de nos proches parents. L’exemple
des groupes sanguins est à cet égard frappant. Les gènes qui
codent le système A, B et O sont probablement apparus chez
un des ancêtres que nous partageons avec les chimpanzés, qui
possèdent les mêmes groupes sanguins que nous. Aussi, dit
Dawkins, « pour ce gène particulier, chacun de nous est généalogiquement plus proche de certains chimpanzés que de certains humains ». La généalogie des gènes n’est donc pas
superposable à celle des individus. Voilà pourquoi une sélection
naturelle peut s’opérer dans une population au fil du temps sans
que de nombreuses lignées d’individus s’éteignent à chaque
génération.
Les exemples de ce type pourraient être multipliés. Ce livre, qui
associe avec bonheur la synthèse et l’essai, la présentation des
résultats les plus récents et la formulation d’hypothèses aussi
originales qu’audacieuses, fourmille de faits et d’arguments passionnants et instructifs. Dawkins défend sans doute parfois des
positions qui ne font pas l’unanimité dans la communauté scientifique, en particulier à propos des gènes. Mais ce beau livre,
orné de magnifiques et instructives illustrations, est d’une
richesse et d’une ingéniosité telles qu’on ne saurait le lire sans
en tirer de grands bénéfices. g
Téléchargement