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AV1 AT R014/E01
Auguste Ritter
M. Auguste Ritter est né en 1923 dans le Haut-Rhin.
ENREGISTREMENT RÉALISÉ LE 28/03/2012 PAR MADAME MYRIAM FELLOUS-SIGRIST.
STATUT DU TÉMOIN
Cheminot pendant la Deuxième Guerre mondiale
FONCTION À LA SNCF
Employé de bureau
DATE D’ENTRÉE ET
DE DEPART DE LA SNCF
1940 - 1981
AXE DE L’ETUDE
Vie et travail au quotidien pendant la
Deuxième Guerre mondiale : mémoire et
récits de cheminots
SUJET PRINCIPAL
Cheminot alsacien devenu « malgré-nous »
THÈMES ABORDÉS
Présentation et situation professionnelle
au début de la guerre
Incorporation dans le « service du travail »
du Reich puis dans la Wehrmacht
Les mines soviétiques
Retour après guerre et réintégration à la
SNCF
Motivations pour répondre à l’Appel à
témoins
OUTIL DE CONSULTATION
CD audio
MATÉRIEL D’ENREGISTREMENT
TASCAM DR-40
DURÉE DE L’ENREGISTREMENT
2 heures 16 minutes 43 secondes
DURÉE APRÈS TRAITEMENT DU SON
2 heures 6 minutes 22 secondes
Communication
Le témoin autorise, à partir du 28 mars 2012, la copie, la consultation, l’exploitation pour des travaux à
caractère historique ou scientifique, la diffusion sonore et la publication de la transcription et de
l’enregistrement avec mention de son nom, par contrat passé avec l’AHICF à laquelle toute demande
d’utilisation à d’autres fins de l’enregistrement et de la présente analyse doit être adressée.
Fiche chronothématique réalisée par Sylvère AÏT AMOUR
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Documents fournis par le témoin et consultable auprès du SARDO
-Les mémoires d’Auguste Ritter, 40 pages.
Compte rendu analytique
I – Présentation et situation professionnelle au début de la guerre
(Plage 02) La famille d’Auguste Ritter était domiciliée à Colmar [Haut-Rhin]. Au sortir de l’école, il dit à son
père vouloir travailler dans un bureau ou devenir serrurier d’art. Son père lui trouva une place chez un avocat
en 1938 [à l’âge de 15 ans]. Lorsque le conflit éclata, son patron fut mobilisé et Auguste Ritter dut gérer seul le
cabinet pendant un mois avant de le fermer. (5mn:31s)
(Plage 03) Le père d’Auguste Ritter était cheminot, « roulant dans les locomotives à vapeur ». Il put le faire
entrer comme auxiliaire manœuvre à la SNCF. Il prit ses fonctions le 3 février 1940 [à l’âge de 16 ans] et le 15
juin 1940 les Allemands arrivèrent et il perdit son travail. Recruté comme auxiliaire manœuvre, à son arrivée il
dut pendant une journée charger des scories, mais dès le second jour il intégra les bureaux. N’occupant pas
son véritable poste, il devait se cacher lorsqu’il y avait des contrôles. Il établissait notamment des bulletins de
traction. (6mn:36s)
(Plage 04) N’ayant pas été conservé dans les effectifs de la SNCF, Auguste Ritter travailla par intermittence
notamment dans le domaine du transport. Il se rendit à la « Maison du travail » où il fut informé qu’il y avait du
travail, mais en Allemagne. Il accepta donc de partir pour Fribourg [ville allemande du Land de BadeWurtemberg] où il travailla dans une laiterie centrale. Il travaillait 10 heures par jour de 1940 à avril 1941. Ils
avaient droit à un jour de congé hebdomadaire. Lui travaillait trois semaines consécutives pour cumuler trois
jours de repos et ainsi pouvoir rentrer chez ses parents. (4mn:45s)
(Plage 05) Au cours de l’un de ses congés, son père lui apprit qu’il avait fait une demande pour qu’il puisse
réintégrer la SNCF. Son père était resté cheminot car il était commissionné, Auguste Ritter n’étant qu’auxiliaire
avait été renvoyé de ses fonctions au début de la guerre. Auguste Ritter resta en poste jusqu’au moment où il
partit « au service de travail » du Reich [le Reichsarbeitsdienst, entre 1941 et 1944 les Alsaciens et Mosellans
y sont incorporés]. Il partit en octobre 1942 ; dans ce service il portait un uniforme allemand. Lors de sa
seconde embauche à la SNCF, il remarqua un changement d’ambiance, avec une méfiance accrue de chacun,
« il fallait mesurer ses paroles ». Les employés étaient toujours les mêmes, il n’y avait pas de cheminots
allemands. Le chef était un Alsacien qui fut condamné plus tard comme passeur. (4mn:50s)
(Plage 06) « Toutes les familles sont pratiquement restées » en Alsace. Avant que la guerre ne soit déclarée,
sa mère est partie avec ses enfants. Il y avait des affiches disant que tous les jeunes devaient partir avant
l’arrivée des Allemands. Avec son frère ils ont donc décidé de partir vers Belfort [Territoire de Belfort]. Mais ils
sont rentrés par la suite. Auguste Ritter chercha d’autres solutions pour partir, mais il « fallait de l’argent » pour
payer les passeurs. (4mn:19s)
II – Incorporation dans le « service du travail » du Reich puis dans la Wehrmacht
(Plage 07) En octobre 1942 il partit pour le « service de travail » du Reich [le Reichsarbeitsdienst, entre 1941
et 1944 les Alsaciens et Mosellans y sont incorporés]. Il y apprenait le « maniement d’armes mais c’était avec
une pelle ». Ils étaient dans des baraquements de bois dans une sorte de carrière désaffectée, à 70 km de
Leipzig [ville allemande du Land de Saxe]. Il a vu passer « une délégation de SS » venue observer ces jeunes.
Étant blond aux yeux bleus, il attira leur attention mais ils n’apprécièrent pas qu’il leur révèle qu’il était alsacien.
(4mn:29s)
(Plage 08) Pour intégrer ce « service de travail » du Reich [le Reichsarbeitsdienst, entre 1941 et 1944 les
Alsaciens et Mosellans y sont incorporés], il avait reçu une convocation. Il s’y rendit car « est sortie une loi »
qui affirmait qu’en cas de défaut des enfants, les parents seraient « mis dans un camp de concentration ». Il
aurait du partir en avril mais eut trois mois de sursis de par son statut de cheminot. (3mn:09s)
Fiche chronothématique réalisée par Sylvère AÏT AMOUR
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(Plage 09) Après la guerre, il du passer un concours pour entrer au dépôt, sinon il aurait été versé à nouveau
dans une gare où les grades étaient moins élevés. Ils étaient cinq à passer ce concours, trois furent reçus et
commencèrent ainsi à l’échelon cinq alors que les deux autres débutèrent à l’échelon deux. Il passa ce
concours en mars 1946, alors qu’il était rentré depuis novembre 1945. Dans le « service de travail » du Reich
[le Reichsarbeitsdienst, entre 1941 et 1944 les Alsaciens et Mosellans y sont incorporés] en Allemagne, il était
avec un camarade cheminot. Pendant la guerre, le père d’Auguste Ritter continua de travailler à la SNCF, il lui
arriva de conduire des trains jusqu’en Pologne. (5mn:36s)
(Plage 10) En janvier 1943 il fut incorporé de force dans l’armée puis participa au conflit par intermittence, se
retrouvant plusieurs fois en prison et blessé. Il se retrouva dans un régiment disciplinaire. Il avait des origines
familiales américaines et allemandes et parlait donc parfaitement l’allemand. (4mn:41s).
(Plage 11) Il parvint à s’échapper en mai 1945, quelques jours avant la fin du conflit. Il était alors « en
Tchécoslovaquie ». Là il s’est « fait avoir par des maquisards » « les résistants tchécoslovaques » qui les ont
livrés aux Russes. Il a alors entendu parler d’Auschwitz pour la première fois et y fut cantonné. Avec lui,
incorporé de force dans l’armée, il se souvient avoir été entouré d’Alsaciens, de Lorrains et de
Luxembourgeois notamment. (4mn:04s)
(Plage 12) En Allemagne, il n’eut pas de nouvelles de la SNCF mais ses parents touchèrent « un petit pécule »
« un dédommagement » en raison de son départ. Un chef d’atelier alsacien proche des Allemands voulait
absolument qu’il « rentre dans sa partie », lui ne le souhaitant pas lui mentit plusieurs semaines durant,
prétextant déjà appartenir à une autre association allemande NSKK [le Nationalsozialistische Kraftfahrkorps,
une organisation paramilitaire du parti nazi qui exista entre 1931 et 1945, pendant la guerre le NSKK accepta
des volontaires étrangers] auquel son frère appartenait. Après son retour à la SNCF en 1946, on lui demanda
de témoigner contre ce chef d’atelier devant la cour d’assises. Mais il eut la désagréable surprise de voir que
finalement les questions portèrent presque exclusivement sur son parcours à lui pendant le conflit. Ce chef fut
condamné, « il a eu interdiction de séjour, il a dû quitter le chemin de fer ». (9mn:56s)
III – Les mines soviétiques
(Plage 13) Après son cantonnement à Auschwitz, il partit pour la Russie en train, la gare était en dehors de la
gare de voyageurs. Chaque jour les wagons étaient arrêtés et ouverts pour être aérés, il y avait également une
distribution d’eau et de pain dur. Dans le wagon il se fabriqua un « hamac » pour être mieux installé. Il quitta la
Tchécoslovaquie pour Auschwitz avec « des marches à pieds très dures », puis partit en train vers la frontière
de la Sibérie en passant par Kiev [Ukraine], Kharkov [Ukraine], Samara [Russie], Tcheliabinsk [Russie].
(9mn:20s)
(Plage 14) Il travailla dans une mine, mais pas comme mineur de fond, « en surface ». Il trouva un gardien
russe qui parlait un peu allemand, se rapprocha de lui et lui fit le récit de son histoire. Celui-ci le prit en amitié
et lui laissa davantage de liberté. Comme ce gardien était également en charge de la répartition des tâches,
Auguste Ritter se retrouva à une place moins difficile, le tri du charbon sur des tapis roulants. Il travaillait de 8h
à 16h, parfois davantage. Ayant la confiance du gardien puis du contremaître il fut également chargé de la
surveillance du déchargement des trains, ce qui lui valu des jalousies parmi les prisonniers allemands. Il était
le seul alsacien de son groupe. (7mn:38s)
IV – Retour après guerre et réintégration à la SNCF
(Plage 15) Il est revenu en France en novembre 1945 et arriva à Strasbourg [Bas-Rhin]. Après avoir
difficilement rempli les formalités administratives d’usage et reçu d’une petite somme d’argent il put rentrer
chez lui. (3mn:49s)
(Plage 16) À son retour, il s’est « présenté au chemin de fer » et on lui a laissé un peu de temps pour se
reposer. Il reprit son travail dans les bureaux en janvier [1946]. Le travail évoluant, après quelques années il fut
muté à Strasbourg [Bas-Rhin]. (3mn:51s)
Fiche chronothématique réalisée par Sylvère AÏT AMOUR
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(Plage 17) Entre la fin de la guerre et sa mutation en 1953-1954 il resta en poste à Colmar [Haut-Rhin]. Il
faisait des bulletins de traction. Il fut muté temporairement dans une petite gare où il ne souhaita pas rester.
Devant les difficultés à réintégrer son poste il se tourna vers les syndicats et notamment la CFTC
[Confédération française des travailleurs chrétiens] qui lui permit de revenir à Colmar. Il resta toute sa carrière
employé de bureau. (9mn:55s)
(Plage 18) Auguste Ritter était sportif et appartenait à des clubs de sport cheminots. Dès son entrée au chemin
de fer il fit du sport (football, natation, tennis de table). (4mn:52s)
(Plage 19) Après la guerre, il parlait peu de ces événements en dehors de la famille. Au sortir de la guerre son
père eut des ennuis car il avait travaillé en binôme avec un agent qui s’était compromis avec les occupants. Il
fut finalement innocenté. (3mn:04s)
(Plage 20) Auguste Ritter se remémore la vie dans le camp de prisonniers de guerre allemands. Près du camp
et de la mine, il y avait un village fondé par les « Russes » [le témoin emploie le terme de russe pour qualifier
les soviétiques], composé d’anciens prisonniers politiques. (2mn:20s)
(Plage 21) À son retour en France il ne parla pas de son vécu avec ses collègues. Il n’avait pas le temps avec
des journées de 10 h de travail. Il a « beaucoup aimé le travail » qu’il faisait. A son arrivée à Strasbourg [BasRhin], il n’a pas tout de suite travaillé à la comptabilité, mais a commencé par être affecté au trafic militaire. Il
s’occupait de l’armée américaine, de l’armée anglaise en Allemagne, de l’armée française. Il a tenté de passer
l’examen de chef de groupe à plusieurs reprises et il explique comment le système des examens a évolué.
Selon Auguste Ritter dans l’après-guerre le trafic ferroviaire fonctionnait bien. Mais « c’est aussi De Gaulle qui
a foutu tout en l’air parce qu’il n’a pas accepté le plan Marshall et tous les transports américains sont foutus le
camp, ils sont partis vers la Belgique et la Hollande ». Le trafic militaire a alors complètement disparu hormis
celui des forces françaises. L’activité n’étant plus rentable il dut changer de poste. Parlant couramment
allemand il était en contact fréquent avec ses homologues Allemands, peu avec les Américains. (5mn:12s)
(Plage 22) Auguste Ritter évoque les grèves. Il était syndiqué à la CFDT [Confédération française
démocratique du travail] et au moment de la création des indices, il eut des difficultés à évoluer et fit donc
appel au syndicat. (4mn:42s)
(Plage 23) Il évoque l’évolution du travail à la SNCF. Pour lui la SNCF a « fait beaucoup de choses » pendant
la guerre avec « des sabotages », des « déraillements de train ». (4mn:08s)
(Plage 24) En Russie [le témoin emploi le terme de Russie pour évoquer l’URSS] il a côtoyé des « partisans »
qui harcelaient les Allemands à l’arrière du front. Dans l’armée allemande, il était surtout avec des Autrichiens,
seuls les gradés étaient allemands. Pendant ses « classes », il travailla chez les paysans et les vignerons
locaux (6mn:52s).
V – Motivation pour répondre à l’Appel à témoins
(Plage 25) Il participe à cet Appel à témoins, car à chaque fois qu’il raconta son histoire, les auditeurs lui dirent
qu’il devrait écrire ses souvenirs. Il commença à les rédiger et c’est dans ce contexte qu’il prit connaissance du
projet. (2mn:12s)
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