ENTRETIEN avec Jean

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ENTRETIEN avec Jean-Yves AUTHIER
Sociologue au Centre Max Weber (UMR 5283 du CNRS)
Professeur des Universités à la Faculté d'Anthropologie et de Sociologie – Université Lumière
Lyon 2
Jean-Yves Authier définit la sociologie urbaine comme l’étude sociologique
des phénomènes urbains. Il évoque tour à tour les évolutions récentes de la discipline,
ses liens avec d'autres champs disciplinaires, les singularités françaises, ainsi que
l'intérêt croissant qu'elle suscite de la part de la sphère politique et des médias. Sans nier
les difficultés à collaborer avec les collectivités locales et les organismes sociaux, il montre, à l'aide de
nombreux exemples puisés dans sa pratique professionnelle, les apports possibles du sociologue urbain. Il
est le co-auteur de nombreux ouvrage dont « Sociologie de Lyon » et « Élire domicile. La construction
sociale des choix résidentiels », parus en 2010.
Propos recueillis par Caroline Januel le 9 mai 2011
distance) ou de bi-résidence (comme par
Comment définir la sociologie urbaine ?
exemple les personnes travaillant sur Paris et
La sociologie urbaine est un domaine de la
vivant à Lyon), liés aux réorganisations du
sociologie,
centré
sur
la
dimension
marché du travail. Depuis une vingtaine
proprement urbaine des divers aspects de la
d'années, les sujets en lien avec les
vie sociale. Elle s'intéresse à la fois à la vie
banlieues
et
les
urbaine et à la ville en
ségrégations urbaines sont
général. À l’intérieur de
« Il faut trouver des personnes aussi très présents dans le
ce
champ
de
la
capables
d'assurer
ces champ de la sociologie
sociologie, on peut
passerelles entre le monde de la urbaine.
Enfin,
la
distinguer
principalement
trois
recherche
et
celui
des gentrification,
grands axes : l'étude de
collectivités
et
de
faciliter
phénomènes
de
l'appropriation des résultats de c'est-à-dire l'installation de
classes
moyennes
ou
peuplement,
de
recherche »
aisées dans des quartiers
mobilité, de répartition,
de centre-ville autrefois
de ségrégation des
populaires,
et
les
phénomènes
de
populations dans l'espace, l'étude des
périurbanisation, c'est-à-dire l'installation des
manières d'habiter et des modes de vie
citadins dans des zones rurales proches des
urbains et l'étude des acteurs et des
villes, sont deux phénomènes très étudiés
politiques urbaines. Comme vous le voyez,
également.
les objets d'études de la sociologie urbaine
sont très nombreux.
Quels sont les sujets les plus traités à
l'heure actuelle dans le champ de la
sociologie urbaine ?
On trouve aujourd’hui de nombreuses
recherches sur les mobilités résidentielles,
les mobilités quotidiennes, ou sur les formes
nouvelles de mobilité, à l’exemple des
phénomènes de pendularité (impliquant des
déplacements domicile-travail de longue
Quelles
sont
les
principales
méthodologies utilisées en sociologie
urbaine ?
La sociologie urbaine utilise les mêmes
méthodologies que la sociologie. La
démarche sociologique commence par
construire un objet d'étude et pour définir un
ensemble de questionnements. Cela suppose
de s'affranchir des prénotions, c'est-à-dire
des notions construites par la pratique, avant
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toute étude scientifique, et d'avoir pris
connaissance
de
l'ensemble
de
la
bibliographie en lien avec le sujet traité. Puis
l'enquête peut commencer : les entretiens et
les questionnaires sont les outils de base du
sociologue. Il dispose aussi dans sa « boîte à
outils » des méthodes d'observation. Vient
ensuite l'analyse des données quantitatives
et
qualitatives.
Certaines
données
qualitatives pouvant d’ailleurs donner lieu à
des exploitations quantitatives, par exemple
lorsqu'il est possible de définir à partir d’un
corpus d’entretien des variables, qui seront
ensuite traitées statistiquement. La restitution
de ces analyses peut prendre des formes
variées : via des rapports de recherche, des
ouvrages, des articles, des communications à
des colloques...
Quelles ont été les principales ruptures
conceptuelles en sociologie urbaine ?
Je ne pense pas qu'on puisse réellement
parler de ruptures dans le sens où, à la
différence peut-être des sciences dites
« dures », les connaissances produites à un
moment donné ne rendent jamais totalement
caduques des connaissances établies
préalablement. En sociologie urbaine, il y a
des controverses et des continuités, des
périodes de prééminence de thèses et de
méthodes selon les contextes sociohistoriques et selon ce qui se joue dans le
champ des sciences humaines et sociales en
général. Par exemple, la sociologie urbaine
des années 1970 a été marquée par la
planification urbaine, les politiques de
rénovation urbaine et la prégnance forte du
marxisme du point de vue scientifique.
Aujourd'hui, l'analyse de ces politiques est
plus éclatée du fait de l'éclairage de différents
courants.
Pouvez-vous
nous
expliquer
les
principales évolutions de la sociologie
urbaine ces dernières années ?
Aujourd'hui, on a sans doute une plus grande
diversité d'approches et d'objets. Mais je
perçois une évolution plus forte. La sociologie
urbaine
s'est
toujours
intéressée
à
l'articulation du spatial et du social, mais de
plus en plus, les passerelles entre la
sociologie urbaine, la sociologie en général et
les autres sciences humaines et sociales se
multiplient. Cela va dans les deux sens : les
acquis de la sociologie urbaine sont
davantage pris en compte par les autres
champs de la sociologie et les sciences
humaines et sociales, et la sociologie urbaine
s'appuie également sur les connaissances
d'autres disciplines. Par exemple, les travaux
sur la stratification sociale mobilisent des
approches de la sociologie urbaine pour
savoir comment l’espace intervient dans le
devenir des classes moyennes, leur déclin,
leur recomposition. L'ouvrage « La France
des petits moyens » (2008), qui est une
analyse sociologique d'une fraction des
classes
moyennes
des
banlieues
parisiennes, analyse ainsi ces « petits
moyens » à travers leur mode d'inscription
dans
les
espaces
pavillonnaires
périphériques. On peut citer aussi les travaux
de François de Singly, dans le champ de la
sociologie de la famille, qui prennent de plus
en plus en compte l'importance de l'espace
du logement dans les recompositions
familiales, les phénomènes de mobilité, de
circulation des enfants entre les différents
foyers, etc. Au-delà de la sociologie, la
sociologie urbaine a également des
articulations avec l'histoire, la géographie...
Cette
interdisciplinarité
va-t-elle
s'accentuer encore dans les années à
venir ?
Il s'agit presque d'une injonction à l'heure
actuelle, or c'est très compliqué. Mais bien
avant cette injonction « institutionnelle »,
lorsque des raisons scientifiques le
justifiaient, des expériences de travail
interdisciplinaire ont existé et ont très bien
« fonctionné ». Par exemple, en 1977, un
programme lancé par le CNRS réunissait
sociologues, géographes, démographes,
historiens, etc. afin d'observer le changement
social sur une soixantaine de localités en
France.
Aujourd'hui, l'interdisciplinarité devient une
norme, mais pensée institutionnellement. Il
« faut » allier le plus grand nombre de
disciplines, et s'il s'agit de sciences humaines
et sociales et de sciences « dures », c'est
encore mieux, etc. Mais en pratique, ce n'est
pas simple et cela exige du temps. Nous
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n'avons pas le même langage par exemple.
Envisagez-vous d'autres évolutions pour
la sociologie urbaine ?
La recherche en sociologie urbaine en
France est assez liée aux financements
publics. Elle est donc en partie orientée par
les enjeux des acteurs publics. Parmi ces
enjeux, on peut citer actuellement le
développement durable en général, les écoquartiers en particulier, le lien social en ville,
les mobilités, la question du logement...
Toutes
ces
questions
seront
vraisemblablement à l'agenda pour encore
quelques années. Mais les sociologues
arrivent toujours à se décaler un peu de ces
demandes...
Sur le plan méthodologique, le recours à
d'autres outils, comme le film et la
photographie, a tendance à s'amplifier.
L'usage de la photographie dans les
recherches urbaines va d'ailleurs faire l'objet
d'un colloque à Paris en décembre 2011
(http://photographierlaville.hypotheses.org/).
Voyez-vous
d'autres
singularités
françaises ?
Quand on s'intéresse à la structuration du
champ, la sociologie urbaine française est
très singulière par rapport à la sociologie
urbaine nord-américaine. Tout d'abord, la
sociologie urbaine s'est développée en
France bien plus tard, dans les années 1950.
Ensuite, on observe depuis ses débuts
l'importance forte de l'État français en tant
que pilote des politiques urbaines et
financeur de le recherche. La sociologie
urbaine américaine s'est développée bien
avant : l'école de Chicago s'est fait connaitre
dès les années 1915-1920. Elle n'est pas du
tout liée aux politiques étatiques mais plus
aux questions de travail social. Elle est
financée directement par les universités et/ou
des organismes sociaux. Son approche est
aussi plus empirique, plus ethnographique.
Aujourd'hui, il y a beaucoup de circulation
d'idées et de concepts. De nombreux
phénomènes urbains sont observables dans
différents pays et, même s'ils n'en prennent
pas exactement les mêmes formes, leurs
logiques sont proches. Par exemple, la
gentrification s'observe à Paris et à Lyon,
mais aussi à New-York, San Francisco et Los
Angeles. Après, il y a bien sûr des
singularités liées au contexte sociohistorique.
Pouvez-vous nous donner un exemple
d'étude internationale ?
Je travaille actuellement en collaboration
avec deux collègues parisiens, Sonia
Lehman-Frisch et Frédéric Dufaux, sur trois
terrains distincts : Paris, Londres et San
Francisco. L'étude vise à analyser les
rapports de cohabitation entre des familles
des classes moyennes et supérieures et des
familles populaires dans des quartiers
« gentrifiés ». Notre approche se concentre
sur les enfants : comment interviennent-ils
dans les rapports de cohabitation en-dehors
de l'école ? Comment influencent-ils les
relations de leurs parents, et inversement ?
Comment pratiquent-ils le quartier ?
Comment cohabitent-ils avec les autres
enfants ? Pour répondre à ces questions,
nous demandons aux enfants de dessiner
leurs quartiers, ils discutent ensuite
collectivement de leurs dessins, puis nous les
interrogeons dans le cadre d'entretiens sur
leurs usages, leurs pratiques, leurs relations
et nous les faisons réagir également à des
photos de leur quartier. Nous conduisons
aussi des entretiens avec leurs parents. Sur
Paris, nous avons approché des enfants de
CM1 et CM2, d'une école privée et d'une
école publique du quartier des Batignolles ; à
Londres, des enfants du quartier de Stoke
Newington et à San Francisco des enfants du
quartier de Noe Valley.
Percevez-vous une demande médiatique
croissante vis-à-vis de la sociologie
urbaine ?
La demande médiatique est très nette en
effet. Elle est liée soit à un sujet d'actualité
très précis (par exemple, suite à des émeutes
urbaines, au moment de la fête des voisins,
etc.), soit à des travaux de recherche dont
l'intérêt dépasse largement le public de la
sociologie urbaine (comme cela a été le cas
lors de la parution de notre ouvrage
« Sociologie de Lyon » en 2010).
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avec Isabelle Mallon, sur les usages du
temps libre des habitants du Grand Lyon.
Considérez-vous que cela fait partie de
votre métier de sociologue ?
Oui mais sous certaines conditions. Le
sociologue est tout à fait à même de
s'exprimer sur un sujet qu'il a étudié, mais s'il
s'agit de réagir à chaud à un événement,
sans avoir travaillé spécifiquement sur le
sujet, cela me parait plus litigieux. C'est pour
ces raisons que j'ai refusé de m'exprimer
suite aux émeutes urbaines de l'automne
2010. En outre, le discours sociologique peut
difficilement se résumer en 40 secondes,
comme on nous le demande parfois pour
« coller » au format médiatique.
Percevez-vous une demande de la part
des acteurs économiques ?
Dans le champ de la sociologie urbaine, les
acteurs économiques le font indirectement
par l'intermédiaire de leurs fondations,
comme l'observatoire Véolia des modes de
vie urbains. Il y a sans doute beaucoup plus
de liens avec d'autres champs de la
sociologie, comme la sociologie du travail,
par exemple par l’intermédiaire de bourses
Cifre (conventions industrielles de formation
par la recherche) pour des travaux de
doctorat.
Qu'en est-il de la demande sociale et
politique ?
La sociologie urbaine reçoit beaucoup de
demandes émanant d'organismes sociaux et
de collectivités territoriales pour des
interventions très précises et ponctuelles ou
pour des collaborations plus durables. Cela a
été le cas avec la Région Rhône-Alpes dans
le cadre des clusters 2007-2010. Ceux-ci
avaient notamment pour objectif de faire
dialoguer le monde de la recherche et le
monde politique local. Avec le Grand Lyon,
j'ai également travaillé pendant plusieurs
années avec le bureau de l'Espace des
temps de la Direction de la prospective en
tant que membre du comité scientifique et
aussi dans le cadre d'une étude, réalisée
Avec le recul, quel bilan dressez-vous de
vos collaborations avec les collectivités
locales ?
Ma collaboration avec l'Espace des temps a
été une très bonne expérience. En tant que
membre du comité scientifique, j'ai participé
régulièrement à des réunions pendant 3-4
ans. Elles ont permis de nombreux échanges
entre le savoir universitaire et le savoir des
collectivités, davantage pratique. Et j’ai donc
réalisé avec Isabelle Mallon cette recherche
sur les usages du temps libre des habitants
du Grand Lyon, qui avait aussi un aspect
pédagogique, puisque cette recherche a
mobilisé une soixantaine d'étudiants pour le
travail de terrain. Les étudiants étaient
d'ailleurs très satisfaits d'assurer ces
enquêtes à la manière de sociologues
professionnels. Je regrette par contre que,
pour des raisons qui dépassent le cadre de la
collaboration, les résultats n'aient pu être
publiés.
De surcroît, les temporalités des uns ne sont
pas forcément celles des autres, cela peut
être aussi une difficulté. La question du
budget en est une autre : on peut rarement
lancer des études de grande ampleur pour
des raisons budgétaires. Actuellement, les
ARC
(Communautés
de
Recherche
Académique) prenant la suite des clusters,
rendent possibles les séminaires de
recherche, les journées de rencontres, etc.
mais il est beaucoup plus compliqué
d’engager dans ces cadres de véritables
opérations de recherche.
Outre les questions de temporalité et de
budget, voyez-vous d'autres freins aux
collaborations avec les collectivités
locales ?
Oui et cela peut paraître paradoxal : la
demande des collectivités est forte, mais la
méconnaissance de travaux déjà réalisés et
le manque d'appropriation sont bien réelles.
Localement, une masse de travaux de
recherche est produite, mais elle est sousexploitée par les collectivités. Il faut trouver
des personnes capables d'assurer ces
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passerelles entre le monde de la recherche et
celui des collectivités et de faciliter
l'appropriation des résultats de recherche.
Les sociologues, comme les professionnels
des collectivités, manquent de temps pour le
faire... Dans le cadre du Grand Emprunt,
l'obtention récente de la labellisation
d'excellence « Intelligence des Mondes
Urbains » pour l'ensemble de la recherche
urbaine du PRES de Lyon-Saint Etienne
pourra peut-être contribuer à réunir et
archiver les résultats de la recherche urbaine
régionale.
Je pense aussi à la question des données
publiques. Les collectivités disposent d'un
grand nombre de données qui pourraient être
très utiles aux sociologues. Il est à l'heure
actuelle très difficile de les obtenir. Par
exemple, pour le sujet des parcours
résidentiels qui m'intéresse particulièrement,
j'ai cherché à obtenir -sans succès- les
données concernant des familles de la
Duchère
relogées
dans
le
6ème
arrondissement, et qui ont choisi de retourner
à la Duchère. Ce fait là est pourtant très
intéressant en termes de choix résidentiels,
d'analyse de politiques de relogement, de
formes de socialisation, etc. Ceci n'est qu'un
exemple,
les
étudiants
se
heurtent
régulièrement à ces difficultés lors de leurs
stages de master.
Pensez-vous qu'un service comme la
Direction de la prospective du Grand
Lyon, qui travaille depuis plusieurs
années avec un réseau de veille, puisse
jouer ce rôle de médiateur entre les
mondes de la recherche et des
collectivités ?
Peut-être, mais je ne peux pas répondre pour
ce service !
Comment la sociologie urbaine approchet-elle les notions d'usage et de
comportement ?
Les usages représentent des objets d'étude
très ordinaires, très courants, pour la
sociologie urbaine. Nous prenons en compte
les usages à différentes échelles : usages (ou
pratiques) du logement, des espaces publics,
du quartier, etc.
La notion de comportement est moins
familière aux sociologues urbains, me
semble-t-il. Les termes « habitude » ou
« pratique » sont davantage utilisés. Le terme
« comportement » se retrouve en revanche
dans d'autres champs de la sociologie,
comme la sociologie de la consommation.
Mais pour moi, il a une connotation
davantage psychologique que sociologique.
La
sociologie
urbaine
peut-elle
décoder/modifier l'acceptabilité sociale ?
Si oui, de quelle manière ?
Si vous posez la question de l'acceptabilité à
un sociologue urbain, il vous demandera
automatiquement « pour qui ? ». Cela sonne
plus « marketing » que « sociologie ». Nous
raisonnons
davantage
en
termes
d'accessibilité, de cohabitation ou encore
d'appropriation.
Quelles sont les principales thématiques
de recherche du Centre Max Weber, créé
au 1er janvier 2011, suite à la fusion du
laboratoire
Modys
(Mondes
et
Dynamiques
des
Sociétés)
et
du
laboratoire GRS (Groupe de Recherche
sur la Socialisation) ?
Le Centre Max Weber se compose de six
équipes de recherche, dont l'équipe MEPS
« Modes, espaces et processus de
socialisation » à laquelle j'appartiens et qui
est installée à Lyon 2 (Campus de Bron).
Cette équipe travaille dans la continuité
directe des activités de recherche du GRS
centrées sur la problématique de la
socialisation, et notamment sur des objets de
recherche à l’articulation de la sociologie
urbaine et de la sociologie de la socialisation.
Une autre équipe, issue du GRS également,
dirigée par Bernard Lahire à l'ENS, travaille
sur les questions de culture, disposition,
pouvoir, etc.. Les autres équipes, issues du
Modys, abordent les questions du travail, de
la famille, etc. Le Centre Max Weber
rassemble au total une dizaine de chercheurs
du CNRS, un peu plus de 60 enseignantschercheurs des Universités de Lyon et de
Saint-Etienne, ainsi que de l'ENS de Lyon,
environ 120 doctorants et une douzaine
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d'ingénieurs
et
de
personnels
d'administration.
L'équipe Meps travaille par exemple sur les
processus de gentrification urbaine. Outre la
recherche que j’évoquais tout à l’heure, deux
thèses ont été soutenues récemment : l'une
abordait la question de la gentrification à
travers l’analyse du rôle et de la place des
populations gays, l'autre à travers une
comparaison des « gentrifieurs » d’hier (des
années 1970) et d’aujourd’hui (à partir du
quartier des pentes de la Croix-Rousse à
Lyon et du quartier du Bas-Montreuil à
proximité de Paris)..
D’autres collègues travaillent sur les
démolitions et les rénovations urbaines.
Sylvia Faure travaille sur Saint-Etienne, un
doctorant sur le quartier des Minguettes
(Vénissieux). Vous trouverez aussi des
études sur la Duchère, Mermoz, etc.
Le péri-urbain est également un sujet de
recherche.
Josette
Debroux
travaille
notamment sur les mobilités « à contresens », c'est-à-dire les citadins qui vont
s'installer en zones péri-urbaines.
Isabelle Mallon mène une recherche sur le
phénomène du vieillissement en milieu rural.
D’autres collègues ou les mêmes, je ne
pourrai pas tous les citer ici, travaillent sur les
choix résidentiels (comment les gens
choisissent leur habitation, leur quartier, leur
ville ?), sur les milieux populaires (Daniel
Thin s'intéresse par exemple à l'articulation
entre l'école et le quartier), sur les agents
immobiliers, sur les mémoires urbaines...
Comme vous le voyez, le spectre est très
large et beaucoup de ces études touchent
des territoires du Grand Lyon.
Quelles types de collaborations sont
envisageables avec les collectivités
locales ?
Je dirais que cela dépend beaucoup du
temps que les chercheurs peuvent avoir.
Même des sollicitations pour des études très
ponctuelles, et elles sont nombreuses, sont
parfois difficiles à organiser. Nous sommes
bien occupés par nos obligations de
recherche
et/ou
d'enseignements,
d'encadrement, de tâches administratives...
Nous devons avant tout produire des
résultats de recherche.
S'il s'agit d'une intervention ponctuelle, la
présentation de résultats de recherche par
exemple, cela se fait très couramment. Mais
construire de réels partenariats exige plus
d'organisation, de temps et d'argent. Cela fait
pourtant partie de la reconfiguration des
financements de la recherche : les
financements ANR incitent beaucoup à
développer des partenariats avec des acteurs
économiques ou des collectivités.
Comment votre équipe aborde-t-elle par
exemple le champ de la mobilité ?
Dans le champ de la mobilité, on peut
distinguer différents domaines. La mobilité
résidentielle correspond au changement de
logement, de quartier. Nous avons abordé les
raisons et les contraintes (économiques,
sociales, contextuelles) qui influencent ou
pèsent sur les choix résidentiels des individus
et des ménages (voir l'ouvrage « Elire
domicile. La construction sociale des choix
résidentiels », 2010).
Les mobilités quotidiennes prennent en
compte toutes les mobilités dans la ville.
Nous avons étudié, avec Yves Grafmeyer,
Jean-Pierre Lévy, Claire Lévy-Vroelant et
Bernard Benssoussan, certains aspects de
ces mobilités urbaines dans notre ouvrage
« Du domicile à la ville » (2001). Nous
sommes aussi (avec Sonia Lehman Frisch et
Frédéric Dufaux) en train de réaliser une
étude auprès d'enfants pour comprendre ce
qui se joue dans les déplacements entre
l'école et le domicile : comment le trajet se
passe, qu'est-ce qui s'y passe, comment ce
trajet construit son rapport avec le quartier,
etc.
Au côté de ces mobilités, il y a aussi les
mobilités liées aux voyages, aux vacances,
etc. Enfin, les migrations représentent encore
une autre dimension : les migrations de
travailleurs, les migrations inter-régionales,
etc. Mais il ne faut pas oublier les nouvelles
formes de mobilité qui se développent
actuellement : les mobilités pendulaires, qui
concernent les personnes qui se déplacent
loin, quotidiennement pour leur travail, les birésidents et les « over-nighters » (c'est-à-dire
des personnes passant plus de 60 nuits par
an en-dehors de chez eux pour des raisons
professionnelles). Je suis justement en train
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de rédiger la préface d'un ouvrage à paraître
sur le sujet. Un aspect peu étudié m'intéresse
en particulier : ce qui se construit socialement
dans la 2e résidence, les répercussions de
cette vie sociale dans cet autre résidence sur
les pratiques et sociabilités dans l'espace
quotidien et, aussi, ce qui se joue dans
l'espace de déplacement... Il semblerait que
ces grands déplacements s'accompagnent de
petites mobilités au sens social du terme : il y
aurait peu de changement social en termes
de rôle, de statut, de pratiques, etc. mais cela
reste à étudier.
Comment votre équipe pourrait-elle
aborder le champ de l'espace public et de
ses usages ?
Ce thème est très classique pour la
sociologie urbaine comme je vous le disais.
Dans l'étude sur les enfants des quartiers
gentrifiés de Paris, Londres et San Francisco,
que j’ai évoqué, nous avons traité cette
question par l'intermédiaire des parcs
fréquentés ou non par les enfants, et des
usages qui y sont développés. Par exemple,
le parc qui jouxte à la fois le quartier des
Batignolles et le quartier des Epinettes, plus
populaire (Paris, 17ème) est fréquenté
davantage par les enfants des Epinettes. Les
parents jouent un rôle important sur ce qui se
joue dans ce parc. Nous avons prévu
d'approfondir les modes d'appropriation des
parcs avec l'étude des enfants des quartiers
bourgeois et populaires de Paris et de San
Francisco qui débute prochainement.
L'espace public intéresse aussi beaucoup les
étudiants. Lorsqu'on leur demande les sujets
sur lesquels ils aimeraient travailler, ils sont
très nombreux à citer l'espace public, ses
différents usages (la danse Place de l'Opéra,
le skate sur les berges du Rhône...) mais
aussi tout ce qui concerne la « fermeture »
des espaces publics (la vidéosurveillance, les
aménagements conçus pour empêcher les
gens de s'asseoir, etc.).
Pourriez-vous nous donner un exemple
d'une étude dans le champ de la mobilité
?
Dans le prolongement de l'étude que
j'évoquais tout à l'heure, je vais débuter
prochainement une nouvelle étude financée
par la Ville de Paris sur le territoire de la vie
urbaine et donc aussi sur la mobilité urbaine
des enfants. Il s'agit d'une étude comparative
entre Paris et San Francisco, impliquant des
enfants vivant dans des quartiers bourgeois
et des quartiers populaires, donc dans des
contextes familiaux et urbains différents.
L'idée est aussi de voir comment se
reconfigure au cours du temps le territoire de
la vie urbaine des enfants lorsqu'ils
grandissent. Nous envisageons donc de
suivre les mêmes enfants, rencontrés
lorsqu'ils étaient en CM1, CM2, jusqu'au
collège.
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