La vipère péliade

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Faune et flore
Fauna e flora
Fauna und Flora
Une vie rude en haute montagne
La vipère péliade
Les reptiles ne peuvent pas maintenir eux-mêmes leur température corporelle. Ils sont tributaires du soleil
comme source vitale d’énergie. Néan­
moins, ils survivent jusque dans les
Alpes, par des conditions climatiques difficiles. La vipère péliade en
est un exemple. Pour pouvoir observer cet animal très farouche, il faut
avoir un peu de chance – et les conditions climatiques adaptées.
Aucun serpent au monde n’a une aire de
répartition aussi vaste que la vipère péliade. Elle occupe un immense territoire,
de l’Europe septentrionale et occidentale
à la Sibérie, la Chine et la côte pacifique
russe. On trouve même des populations
sur le cercle polaire. Les Alpes marquent
au sud-ouest la limite du territoire qu’elle
occupe ; ici, comme dans les Balkans, elle
vit en populations isolées, dans les zones
Venimeuses, mais farouches
La vipère péliade et la vipère aspic sont
les deux seules espèces de serpent
­venimeux présentes en Suisse. Toutes
deux sont farouches et il est rare qu’el­
les mordent quelqu’un. Une morsure de
péliade nécessite cependant un traite­
ment médical approprié. Une fois trai­
tée, elle n’a presque jamais de consé­
quences fatales. Vous trouverez des
informations utiles concernant les ser­
pents et leurs morsures sur la feuille
d’information Serpents – comment réagir ? du Centre de coordination pour la
protection des amphibiens et des repti­
les de Suisse (KARCH), publiée avec le
concours du Centre suisse d’informa­
tion toxicologique à Zurich. Cette feuille
d’information est disponible gratuite­
ment auprès du KARCH :
www.karch.ch, [email protected]
ou tél. 032 725 72 07.
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LE S ALPE S 6/2007
d’altitude élevée. Si on la trouve jusqu’à
2700 m en Engadine, la majorité des
populations des Alpes suisses vit entre
1600 et 2000 m. Les vallées, où il fait plus
chaud, sont occupées par d’autres espèces.
Les versants sud herbeux,
entrecoupés de gravats et de
rochers, attirent souvent les
vipères péliades. Photo prise
dans le Tessin
Eloge de la fraîcheur
Dans le Jura, la vipère péliade a perdu du
terrain suite à la disparition de grandes
surfaces de tourbières et de marécages au
cours des dernières décennies. En dehors
des tourbières, elle est présente dans
quelques rares pâturages rocailleux, ainsi
que dans certaines forêts claires et karstiques du Jura vaudois et neuchâtelois.
Dans les Alpes, elle affectionne surtout
les landes buissonnantes, entrecoupées
d’affleurements rocheux et d’éboulis. On
la trouve également dans les forêts claires, les couloirs à avalanches, et les pâturages ou abondent les murs et les tas de
pierres.
Les populations, isolées et restreintes
dans l’ouest de la Suisse, deviennent plus
nombreuses plus on progresse vers l’est.
Plutôt rare dans les Alpes vaudoises, fribourgeoises et bernoises, la vipère péliade
est plus répandue en Suisse centrale et
dans les Grisons. Mais la région où on en
trouve le plus est l’Engadine. Quant au
Valais, elle l’évite et au sud du Rhône, on
n’en a jamais trouvé : le seul serpent venimeux est ici la vipère aspic.
La fréquence de la péliade au Tessin
peut dès lors sembler surprenante : c’est
depuis la Mesolcina qu’elle parvient dans
la région du Camoghè. Dans l’ouest du
Tessin, néanmoins, elle brille par son
absence même si le val Maggia et le val
Verzasca présenteraient des conditions
de vie adaptées.
L’art de se réchauffer
Il est plus aisé d’observer des vipères péliades par temps frais et humide que
lorsqu’il fait beau et chaud. Dès que le so­
leil brille, il faut peu de temps pour que
leur corps, qui mesure 65 cm au plus,
atteigne la température idéale de 30° C.
Elles restent donc cachées la plupart du
temps. Lorsqu’il fait frais, par contre, ou
que le soleil est voilé par des nuages, les
vipères sont obligées de s’exposer plus
longtemps. On a donc davantage de
chances d’en apercevoir. Si l’on en trouve
une, on pourra observer une autre particularité de l’espèce : pour augmenter la
surface de captage du rayonnement solaire, la péliade aplatit son corps en écartant ses côtes et se place à un angle opti-
Vipère péliade femelle
dans le val Poschiavo :
la pupille verticale est
­typique des deux espèces
de serpents venimeux présentes en Suisse, mais
­elle est difficile à repérer
sur le terrain
Photos : A. Meyer
Vipère péliade femelle
dans le Tessin
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FAUNE ET FLORE
mal par rapport au rayonnement du soleil.
Le mélanisme : utile mais dangereux
Pour absorber plus efficacement le rayon­
nement solaire, beaucoup de vipères péliades, dites mélaniques, changent de
couleur au cours de leur première année
d’existence. Grisâtres ou brunâtres au
départ, elles deviennent plus foncées et
le zigzag dorsal qui les caractérise disparaît peu à peu. Leur coloration finale, entièrement noire, leur permet de stocker
plus rapidement la chaleur dont elles ont
besoin. Mais le mélanisme ne touche pas
tous les individus d’une population. Des
études ont montré que les vipères noires
sont plus visibles que les vipères brunes
ou grises, ce qui les rend plus vulnérables
aux prédateurs, les rapaces diurnes en
particulier. Dès lors, le taux de mélanisme
d’une population varie, d’une région à
l’autre, entre 0 et 90 %.
Un longue pause après chaque mise
bas
Les conditions de vie difficiles qu’elles
rencontrent dans les Alpes déterminent
aussi le cycle de reproduction des vipères
péliades. Après la mise bas, les femelles
sont si amaigries qu’il leur faut jusqu’à
trois ans pour reconstituer leurs réserves
de graisse. Les mâles, plus petits, peuvent
se reproduire chaque année. Ils émergent
des abris d’hiver un peu avant les femelles. Au printemps, pendant la fonte des
neiges, on trouve souvent des mâles pé-
Photo : Ch. Berney
Photos : A. Meyer
Habitat naturel de la vipère
péliade dans l’Oberland bernois
Vipère péliade femel­le
en période de ­gestation,
Oberland bernois
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LE S ALPE S 6/2007
Les vipères péliades noires
absorbent mieux les rayons de
soleil que les individus bruns
ou gris. Elles naissent cependant toutes avec le même motif
en zigzag
liades qui prennent le soleil sur les premières taches de terre apparentes. L’accouplement a lieu en mai ou en juin et la
mise bas, à la fin de l’été ou en automne.
Les vipères péliades sont ovovivipares, ce
qui signifie que les œufs éclosent à l’intérieur de la femelle, qui donne naissance à
des petits entièrement formés. Chaque
femelle met au monde quatre à dix petits
en moyenne, dans une enveloppe transparente. Peu après leur naissance, les
vipereaux, longs de 17 cm en moyenne
pour un poids de 3,5 g, brisent cette enveloppe. Ils se nourrissent de jeunes lézards et vers l’âge de quatre ou cinq ans,
ils atteignent leur maturité sexuelle.
Femelles fidèles à leur habitat
Ce n’est pas que par le cycle des grossesses que la femelle péliade s’est adaptée au
climat alpin. Les œufs sont couvés à l’intérieur de son corps, si bien qu’elle peut
influencer leur devenir en recherchant le
plus possible la chaleur. Pendant qu’elle
couve, elle ne chasse pratiquement pas et
demeure parfois plusieurs semaines d’affilée au même endroit, qu’elle choisit
bien ensoleillé. Pour la gestation, les femelles s’installent très souvent dans les
mêmes sites, si bien qu’on les retrouve,
à quelques années d’intervalle, sur le
même mètre carré de terrain.
Pour assurer l’avenir de leurs petits,
les femelles peuvent remettre leur naissance à plus tard : si l’été est froid et pluvieux, ou si la neige arrive tôt, elles ont la
possibilité de passer l’hiver avec leurs
embryons dans le ventre et de mettre au
monde leurs jeunes au printemps suivant. a
Cherche témoignages
On connaît, dans ses grandes lignes, la
répartition des vipères péliades en
Suisse. Cependant, pour le KARCH, toute
information sur des lieux où ces reptiles
ont été observés est d’un grand intérêt.
Nous vous prions dès lors de signaler
toute observation de péliade ou d’au­
tres espèces de reptiles au KARCH. Sur
la base d’une photo, le KARCH vous aide
volontiers à identifier avec certitude
tout reptile indigène observé en Suisse.
Contact : www.karch.ch,
[email protected]
ou 032 725 72 07
Andreas Meyer, Berne (trad.)
Les vipères péliades ont besoin
de beaucoup de chaleur ; on
les voit souvent exposées
à la lumière – et aux regards
Vipère péliade mâle dans
l’Engadine : le zigzag dorsal
est typique de ces serpents
de petite taille
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