
judaïsme et le christianisme, le voile sert, du point de vue de l’islam, à exprimer la vocation
religieuse, jusque dans l’habit. Alors pourquoi tant de bruit autour du voile islamique ?
Peut-être parce que l’on s’arrête trop souvent aux apparences, que ce soit celles des vêtements ou
celles des mots. En effet, il n’est pas souhaitable que le voile devienne une question de mode,
l’énième stéréotype, au point que l’on débatte pour évaluer s’il vaut mieux mettre la burqa ou la
minijupe. Il s’agit ici d’une double erreur parce que la burqa est le résultat, que certaines femmes
doivent subir, de l’interprétation erronée d’une prescription coranique. Le fait d’en parler, en
donnant la parole à des femmes qui, elles au contraire, en font un étendard idéologique leur
couvrant entièrement la face, fournit une subtile légitimation aux fondamentalistes eux-mêmes.
Quand on parle du voile en l’islam, hijâb, on entend ce foulard, de couleur et de grandeur
variables, qui couvre la tête en cachant les cheveux. L’obligation de porter le voile est liée aux
moments rituels et à l’accès aux lieux sacrés. La décision d’étendre cette obligation à tous les
moments de la journée est un choix personnel qui regarde la femme avec éventuellement l’avis de
son mari.
L’acte symbolique de se voiler, comme pour l’homme celui de porter l’habit traditionnel,
représente la volonté d’exprimer extérieurement sa propre vocation religieuse, ainsi que cette
crainte de Dieu qui devrait nous accompagner dans chaque action de la journée. Le vêtement est
un symbole qui a sa propre correspondance avec l’intériorité, de la même façon que l’on
reconnaît un lien indissociable d’analogie entre microcosme et macrocosme, immanence et
transcendance. Toutefois, il est bien connu que « l’habit ne fait pas le moine », ainsi, la religiosité
de chacun s’exprime-t-elle bien au-delà des apparences extérieures.
C’est la raison pour laquelle on ne saurait continuer à partager les femmes en deux catégories
opposées : celles qui portent le voile, et celles qui ne le mettent pas, en expliquant leur choix et
leur attitude par des motivations personnelles, par la condition sociale ou par le niveau
d’instruction. Il peut y avoir de bonnes musulmanes sans voile, et de mauvaises femmes voilées,
et inversement.
Le voile ne doit pas servir à cacher ou à établir une ségrégation, mais plutôt à distinguer. Il
fournit alors à celle qui le porte une protection en vertu de la consécration visible de sa personne
à Dieu. En vérité, le Coran dit : « Ô Prophète ! Dis à tes femmes, à tes filles et aux femmes des
croyants de se couvrir de leurs voiles ; c’est pour elles le meilleur moyen d’être reconnues et de
ne pas être offensées. »4 D’ailleurs, le prophète Muhammad est lui-même représenté, dans l’art
islamique, avec un voile ou une flamme sur son visage, afin qu’aucune caractéristique
individuelle ne soit associée à celui qui représente par excellence le symbole de la transparence
devant la Volonté divine.
Il semble, paradoxalement, qu’il soit demandé à la femme musulmane d’apprendre précisément à
porter ce même voile, le voile de la lumière prophétique, qui manifeste avant tout la transparence
divine. On peut alors comprendre, dans un certain sens, que la finalité du voile est de cacher les
apparences visibles des caractéristiques individuelles pour permettre de manifester, au-delà du
voile, l’invisibilité du mystère divin. C’est la raison pour laquelle, parmi les vertus attribuées à la
femme musulmane, celle de la discrétion est des plus fondamentales. L’art de la discrétion
correspond en fait à l’expression de cette sensibilité innée, présente en chaque femme, qui
consiste à savoir préserver les qualités que Dieu lui a données.
Le Prophète a dit : « Dieu est Beau et Il aime la beauté. »5 Les femmes ont reçu de Dieu un reflet
de cette beauté qui doit être gérée avec sagesse, et dévoilée dans l’intimité avec leur aimé. La
préservation de ce don précieux est à la fois active et passive, exigeant des hommes qu’ils
contrôlent une attraction excessive afin de pouvoir reconnaître dans la femme d’autres qualités
qui la caractérisent. Il s’agit, ici, de voiler une partie de soi pour savoir dévoiler d’autres
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