Réflexions à propos du changement de mode de stimulation chez

Réflexions à propos du changement de mode de stimulation
chez deux enfants munis d'un implant cochléaire
Auteurs : Ch. Ligny, A.-L. Mansbach, F. Schepers, Th. Renglet
Centre Comprendre et Parler Bruxelles
Institut d'Implant Cochléaire de l'ULB
Au travers de la présentation de deux situations cliniques, nous allons montrer les différents
résultats obtenus chez deux enfants âgés de six ans lors du changement de mode de stimulation de
l'implant cochléaire.
La première enfant, Fl. D, est née en mai 1994. L'étiologie de la déficience auditive est une
séroconversion pour le cytomégalovirus à la fin du premier trimestre de la grossesse.
L'amniocentèse avait montré une contamination foetale de plus de 10.000 virus par ml. de
liquide amniotique. La croissance intra-utérine était normale et l'enfant est née à terme. Dès la
naissance, la présence de CMV dans les urines a été détectée ainsi qu'une sérologie positive pour les
IgG et faiblement positive pour les IgM.
Les potentiels évoqués ont été réalisés dès la naissance avec un résultat normal pour l'oreille
droite et une absence de réponse à 100 dB à l'oreille gauche. Un contrôle a été réalisé à six mois de
vie montrant un abaissement du seuil avec des réponses à 70 dB à l'oreille droite. L'enfant a été
prise en charge à cette époque et le premier appareillage stéréophonique avec des Phonak PPCLP2
a été réalisé dès l'âge de 7 mois.
Entre 13 et 16 mois, Fl. a présenté une nouvelle chute d'audition à droite menant à une
cophose bilatérale. Vu la présence toujours importante de CMV dans les urines, un traitement
antiviral par Gancyclovir durant trois semaines a été tenté, avec une diminution temporaire de
l'excrétion virale, mais sans répercussion à long terme.
La mise au point réalisée a permis d'objectiver une IRM cérébrale normale, un examen
ophtalmologique normal et un développement psychomoteur harmonieux mais montrant un retard
de motricité globale de plus ou moins six mois. Cette enfant a eu en outre des drains
transtympaniques à deux reprises.
Suite à la cophose bilatérale, un implant cochléaire Nucleus CI24 a été mis en place à
l'oreille gauche en mai 97, alors que Fl. avait trois ans. L'implant a été activé trois semaines plus
tard. Dans un premier temps, la stratégie choisie était SPEAK et le mode de stimulation C.G. avec
une largeur de pulse de 100 µsec. Devant l'absence de réactions auditives, un essai en MP1 a été
tenté mais ne s'est pas avéré plus efficace. Malgré un retour au C.G., Fl. ne veut plus porter son
implant temporairement. En mars 98, neuf mois après l'activation, Fl. collabore à nouveau aux
réglages et porte très régulièrement son implant. La stratégie est toujours SPEAK avec un mode de
stimulation C.G. ( largeur de pulse 200 µsec ) et une dynamique de 45 unités machine.
En mars 2 000 ( près de trois ans après l'activation de l'implant ), Florence est dans
l'enseignement spécial de type 7 pour enfants sourds.
Au KHOMSI ( épreuve d'évaluation des stratégies de compréhension, en situation orale + LPC ),
elle a un âge développemental de langage de 4 ans et 6 mois pour un âge chronologique de 5 ans et
10 mois.
Depuis plusieurs mois ( octobre 1999 ), les parents sont demandeurs du processeur vocal de
type contour d'oreille ( ESPRIT ). Ce dernier permet de garder la stratégie SPEAK mais un mode de
stimulation de type Monopolaire est nécessaire.
L'équipe de prise en charge souhaite postposer le passage en Monopolaire pour ne pas perturber les
apprentissages de Fl. qui aborde la lecture et est en constante évolution au niveau de la
discrimination phonémique. Après concertation avec les parents et l'équipe de prise en charge, nous
décidons de changer de mode de stimulation début juillet 2 000, lors d'une période de vacances et
Fl. passe du mode de stimulation C.G. au Monopolaire 1 + 2.
Les réactions ne se font pas attendre. L'enfant dit rapidement qu'elle n'entend plus rien et
porte son processeur ( SPRINT ) sans enthousiasme. Elle ne répond plus à l'appel de son prénom et
ne réagit plus aux bruits familiers. La famille réinvestit les moyens visuo-manuels de
communication, comme auparavant (Les parents avouent d'ailleurs avoir failli demander de stopper
l'essai après un mois).
Après un mois et demi, l'enfant comprend à nouveau la parole d'une pièce à l'autre, intègre de
nouveaux mots et son articulation s'améliore. Elle développe une parole plus intelligible.
Le tableau ci-dessus objective cette amélioration avec une progression constante au niveau
du TEPP tant au niveau de la compréhension des phrases complexes que de la répétition du nombre
de mots. Le MAÏS, réalisé par les parents permet d'évaluer les performances lors du port de
l'appareil. On note la chute significative encore perceptible début septembre. Depuis, Fl. continue à
progresser, tant au niveau de la compréhension que de l'expression.
Le deuxième enfant, J. W., né en 93, présente une déficience auditive moyenne bilatérale du
IIème degré diagnostiquée à 3 ans suite à un retard du développement du langage. Cet enfant
2 000
87% 81% 95%
50% 65% 87%
33 / 40 13 / 40 35 / 40
Juin
(C.G.)
Septembre
( MP1 + 2 )
Novembre
(MP1 + 2)
TEPP
Phrases complexes
TEPP
Répétition nombre de mots
MAÏS
( parents )
présente une chute progressive de l'audition à l'oreille gauche ayant justifié une mise au point en
juin 1999. La mise au point a permis d'objectiver une dilatation bilatérale de l'aqueduc du vestibule.
Evolution des audiogrammes
Oreille droite Oreille gauche
J. présente une chute progressive de l'audition à gauche et une chute brutale à l'oreille droite
en février 2000. Entre décembre 1999 et avril 2000, l'enfant poursuit sa scolarité dans
l'enseignement ordinaire. Il présente rapidement une dégradation de l'articulation et sa parole
devient incompréhensible, même pour ses proches. Par ailleurs il développe une attention accrue à
la lecture labiale et un accrochage au code écrit lui permet de lever certaines ambiguïtés. Il présente
également des troubles du comportement avec un isolement social et de l'agressivité.
En mars 2000, alors qu'il a 6 ans et 6 mois, un implant cochléaire Nucleus CI24 est mis en
place à l'oreille gauche. Après trois semaines, les réglages débutent par un essai en Monopolaire
1+2 avec une largeur de pulse de 25 µsec. Vingt électrodes sont activées mais l'enfant est peu précis
dans ses réponses. Lors du deuxième réglage, un passage en C.G., avec une largeur de pulse de 200
µsec, est tenté avec une rapide amélioration.
Dès l'activation de l'implant cochléaire avec ce mode de stimulation, l'enfant perçoit et
reconnaît les bruits environnementaux. La récupération articulatoire est quasi immédiate et la
compréhension est d'emblée très bonne (même d'une pièce à l'autre).
Juin 2000
KHOMSI Âge chronologique : 6 ans 8 mois
(oral ) Âge développemental : 4 ans 9 mois
TCG ( Test de Closure Grammaticale )
( expression ) Âge développemental : 5 ans
Les tests de langage montrent un âge développemental satisfaisant bien que inférieur aux
possibilités réelles de l'enfant qui collabore peu en situation de test. Un changement de mode
stimulation est réalisé à cette époque et un passage de C.G. vers Monopolaire 1 + 2 avec une
largeur de pulse de 25 µsec et une activation de 20 électrodes est tentée.
Dans un premier temps, l'enfant manifeste peu de réaction aux signaux d'alerte et montre des
difficultés de compréhension des messages simples. Il demande très souvent à son interlocuteur de
répéter. Ses performances auditives sont en nette régression à la maison et la lecture labiale est de
nouveau un support indispensable. Son articulation se dégrade rapidement ainsi que ses interactions
sociales.
En situation de logopédie, la répétition est nécessaire à la compréhension de mots isolés et la
différenciation de paires minimales ( bouton / mouton, bateau / bâton ) n'est plus possible comme
auparavant. L'enfant lui-même demande les anciens réglages.
Un retour en mode de stimulation C.G. est réalisé début septembre,. L'enfant apparaît
immédiatement soulagé. En une séance, on retrouve les niveaux utilisés antérieurement et en 15
jours les performances sont semblables au niveau atteint précédemment en juin. Depuis cette
époque, l'enfant est en progrès constant, tant du point de vue de la perception que de la
compréhension et de l'articulation. Les difficultés persistent cependant dans le bruit.
Comme l'objective le tableau ci-dessus, les performances sont en régression en septembre 2000 et
dès le retour en CG, l'enfant évolue positivement.
Ces deux situations amènent quelques réflexions par rapport au changement de stratégie ou
de mode de stimulation. Pourquoi réaliser ce changement ? Les parents peuvent être moteurs et
souhaiter passer au contour d'oreille, particulièrement pendant les périodes de vacances. Nous
pouvons aussi espérer améliorer les performances et / ou le confort de l'enfant.
À quel moment changer de stratégie ou de mode de stimulation ? Bien évidemment, dans un
moment de disponibilité de l'enfant et de sa famille. Les changements importants, particulièrement
du mode de stimulation, sont à éviter dans les périodes critiques d'apprentissage ( la lecture ) et
dans des moments de mise en place de repères phonémiques.
Dans l'avenir, l'étiologie pourra peut-être nous guider dans le choix de la stratégie et du
mode de stimulation, de même que l'audition résiduelle et/ ou le caractère évolutif de la déficience
auditive avant l'implant cochléaire.
2 000
92% 76% 98%
33 / 40 15 / 40 37 / 40
Juin
(C.G.)
Septembre
( MP1 + 2 )
Novembre
(C.G.)
Vocale
liste intelligibilité de Lafon
(IC seul)
MAÏS
( parents )
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